Un lieu a beau avoir du génie, ou tout au moins une âme, il n’en reste pas moins qu’il court le risque de sombrer dans une inflation touristique destructrice - DR
Entre uniformité et originalité, le lieu a une particularité.
Il est constitué d’un écheveau complexe de signifiants et de signifiés, d’éléments matériels et immatériels, objectifs et subjectifs, humains et minéraux... qu’il convient de démêler pour en comprendre le rôle et l’influence.
Néanmoins, on peut considérer avec le géographe Jean-Baptiste Veber que les lieux résultent de l’empilement de trois composantes essentielles :
• La strate paysagère, la composante de base
C’est la photographie que propose le lieu, cette portion de territoire qui peut nous être ou ne pas être chère. La photographie a des caractéristiques naturelles, physiques, climatiques qui, de plus, varient au fil des saisons. Elle se structure aussi, bien souvent, autour d’un bâti, civil, religieux, militaire...
Elle implique enfin un peuplement d’humains, animaux, insectes ou une absence de peuplement. Objective, facile à déchiffrer, cette image est généralement celle que véhiculent les médias officiels en les embellissant le plus souvent pour en optimiser l’impact.
Il est constitué d’un écheveau complexe de signifiants et de signifiés, d’éléments matériels et immatériels, objectifs et subjectifs, humains et minéraux... qu’il convient de démêler pour en comprendre le rôle et l’influence.
Néanmoins, on peut considérer avec le géographe Jean-Baptiste Veber que les lieux résultent de l’empilement de trois composantes essentielles :
• La strate paysagère, la composante de base
C’est la photographie que propose le lieu, cette portion de territoire qui peut nous être ou ne pas être chère. La photographie a des caractéristiques naturelles, physiques, climatiques qui, de plus, varient au fil des saisons. Elle se structure aussi, bien souvent, autour d’un bâti, civil, religieux, militaire...
Elle implique enfin un peuplement d’humains, animaux, insectes ou une absence de peuplement. Objective, facile à déchiffrer, cette image est généralement celle que véhiculent les médias officiels en les embellissant le plus souvent pour en optimiser l’impact.
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• Les représentations humaines et historiques, l’apport du storytelling
Autre dimension particulièrement importante, la dimension historique, soit ce moment de l’Histoire qui a donné une âme à un lieu et qui, d’un territoire anonyme en a fait un territoire doté d’une histoire.
Ainsi, l’hôtel Lutétia qui vient de rouvrir à Paris, entièrement rénové, évoque l’une des meilleures expressions de l’art décoratif dans la capitale, les personnages illustres qui l’ont fréquenté : Ernest Hemingway ou Samuel Beckett... mais aussi les heures très sombres de l’après-guerre et le retour des déportés.
Incitant au storytelling, cette charge est du pain béni pour les opérateurs touristiques qui peuvent, en la manipulant avec adresse, tout autant que la précédente, l’optimiser. Autre exemple de génie historique, le lieu habité par un écrivain ou un musicien ou n’importe quel artiste dont l’image transcende le lieu et lui confère une aura toute particulière.
• Le souvenir individuel joue le rôle de la « madeleine »
Mais, le génie des lieux provient enfin de son aptitude à réveiller des souvenirs et à fabriquer des associations. Son pouvoir « Madeleine de Proust » lui confère un contenu qui en fait la magie et le moteur de son attraction.
Ce rôle s’accomplit d’autant mieux que les traces des expériences passées se déclinent en fonction de tous les sens : les odeurs, les sons, les couleurs, la chaleur et les émotions liées à des moments de vie. Ce moteur est individuel, secret, impénétrable. Il est donc quasiment impossible de l’activer pour un opérateur extérieur.
... La nature des lieux qui nous rendent heureux est donc complexe. Elle est le résultat d’une alchimie objective sur laquelle les opérateurs touristiques peuvent agir, en les préservant, les valorisant, en en faisant une promotion discrète. Mais, cette alchimie étant également subjective, mieux vaut éviter le télescopage d’images parfois non compatibles.
Autre dimension particulièrement importante, la dimension historique, soit ce moment de l’Histoire qui a donné une âme à un lieu et qui, d’un territoire anonyme en a fait un territoire doté d’une histoire.
Ainsi, l’hôtel Lutétia qui vient de rouvrir à Paris, entièrement rénové, évoque l’une des meilleures expressions de l’art décoratif dans la capitale, les personnages illustres qui l’ont fréquenté : Ernest Hemingway ou Samuel Beckett... mais aussi les heures très sombres de l’après-guerre et le retour des déportés.
Incitant au storytelling, cette charge est du pain béni pour les opérateurs touristiques qui peuvent, en la manipulant avec adresse, tout autant que la précédente, l’optimiser. Autre exemple de génie historique, le lieu habité par un écrivain ou un musicien ou n’importe quel artiste dont l’image transcende le lieu et lui confère une aura toute particulière.
• Le souvenir individuel joue le rôle de la « madeleine »
Mais, le génie des lieux provient enfin de son aptitude à réveiller des souvenirs et à fabriquer des associations. Son pouvoir « Madeleine de Proust » lui confère un contenu qui en fait la magie et le moteur de son attraction.
Ce rôle s’accomplit d’autant mieux que les traces des expériences passées se déclinent en fonction de tous les sens : les odeurs, les sons, les couleurs, la chaleur et les émotions liées à des moments de vie. Ce moteur est individuel, secret, impénétrable. Il est donc quasiment impossible de l’activer pour un opérateur extérieur.
... La nature des lieux qui nous rendent heureux est donc complexe. Elle est le résultat d’une alchimie objective sur laquelle les opérateurs touristiques peuvent agir, en les préservant, les valorisant, en en faisant une promotion discrète. Mais, cette alchimie étant également subjective, mieux vaut éviter le télescopage d’images parfois non compatibles.
Inventaire des petits signes qui menacent le génie des lieux
Un lieu a donc beau avoir du génie, ou tout au moins une âme, il n’en reste pas moins qu’il court le risque de sombrer dans une inflation touristique destructrice.
Comment, année après année, touche par touche, un territoire se « touristise » et perd son génie ?
Nous vous en faisons une relation rapide, loin d’être exhaustive, à propos d’une petite île de la Méditerranée que nous connaissons bien mais dont nous tairons le nom pour lui éviter de perdre un peu plus de son génie :
Comment, année après année, touche par touche, un territoire se « touristise » et perd son génie ?
Nous vous en faisons une relation rapide, loin d’être exhaustive, à propos d’une petite île de la Méditerranée que nous connaissons bien mais dont nous tairons le nom pour lui éviter de perdre un peu plus de son génie :
► L’unique épicerie vend désormais quelques tuniques, robes et foulards importés d’Asie. A des prix toutefois très raisonnables. Mais au détriment des produits alimentaires locaux comme le miel et le fromage.
► Un club de plongée, certes de petite envergure, propose des sorties, des stages, des cours et déverse tous les jours sur le sable ces robots en combinaison de caoutchouc tandis que ses moteurs tournent quelques longues minutes à vide.
► Le petit bateau qui dessert les ports à la ronde, est devenu moins régulier et surtout, il est devenu payant. Quant aux barques de pêcheurs qui, à la nuit tombée, allaient pêcher et vendaient leur poisson au petit matin, elles sont de moins en moins nombreuses. Et l’on se prend à regretter le bruit assourdissant de leurs moteurs ancestraux.
► Les loueurs de voitures ont désormais aussi quelques motos en location. L’un d’entre eux propose, sans trop de succès encore, des quads. Les prix augmentent et les petites arnaques deviennent voyantes.
► Une nouvelle route construite grâce à des fonds européens dessert la côte, sans pour autant être utilisée. Faute de voitures. Mais ses jours de tranquillité sont comptés.
► Une population éclectique d’Européens désireux de financer leurs séjours, proposent des programmes de développement personnel, cuisine, et séances de yoga sur la plage. Ils organisent aussi des « meditation tours », à l’aube et bien d’autres activités collectives et individuelles destinées à se faire du bien.
► Les nuits de la pleine lune sont en passe de devenir des événements spirituels de première importance même s’ils n’ont rien à voir avec la culture locale.
► La seule plage de sable de l’île diffuse une musique techno internationale de piètre qualité aux décibels trop élevés, et propose parasols et matelas à des tarifs de plus en plus élevés.
► Un port de plaisance est en train de se développer et quelques très rares yachts y jettent l’ancre. Mais, pire, les ports secs se multiplient et occupent de plus en plus de terrain.
► Le prix de l’apéritif a légèrement augmenté mais les petits amuse-gueules qui vont avec, sont devenus payants et moins goûteux. On continue cependant de régler ses factures en espèces.
►La coiffeuse de l’île tient un agenda bien rempli et consacre moins de temps à ses clients.
► Les offres de location via Airbnb se sont multipliées par dix et touchent tous les segments de la population, pressée d’héberger des touristes plutôt que leur famille.
► Une équipe de journalistes internationaux est venue faire des photos et des repérages pour venir tourner un film sur les atouts de l’île. Ils ne parlent pas un mot de la langue nationale mais savent déjà « tout sur tout » !
► Une deuxième compagnie aérienne dessert la destination et offre des tarifs concurrentiels tandis que les navettes maritimes se sont transformées en catamarans, dont la rapidité est certes sans appel, mais sans doute inutile à l’heure du slow tourisme.
► Plusieurs projets hôteliers sont annoncés… Leurs investisseurs sont tous des étrangers convaincus de leur supériorité.
►Les joueurs d’échecs ont déménagé dans une autre taverne pour ne pas être dérangés.
►… Aïe ! Mais n’est-ce pas mes voisins parisiens que je vois là-bas, sur la plage, en train de se baigner !
► Un club de plongée, certes de petite envergure, propose des sorties, des stages, des cours et déverse tous les jours sur le sable ces robots en combinaison de caoutchouc tandis que ses moteurs tournent quelques longues minutes à vide.
► Le petit bateau qui dessert les ports à la ronde, est devenu moins régulier et surtout, il est devenu payant. Quant aux barques de pêcheurs qui, à la nuit tombée, allaient pêcher et vendaient leur poisson au petit matin, elles sont de moins en moins nombreuses. Et l’on se prend à regretter le bruit assourdissant de leurs moteurs ancestraux.
► Les loueurs de voitures ont désormais aussi quelques motos en location. L’un d’entre eux propose, sans trop de succès encore, des quads. Les prix augmentent et les petites arnaques deviennent voyantes.
► Une nouvelle route construite grâce à des fonds européens dessert la côte, sans pour autant être utilisée. Faute de voitures. Mais ses jours de tranquillité sont comptés.
► Une population éclectique d’Européens désireux de financer leurs séjours, proposent des programmes de développement personnel, cuisine, et séances de yoga sur la plage. Ils organisent aussi des « meditation tours », à l’aube et bien d’autres activités collectives et individuelles destinées à se faire du bien.
► Les nuits de la pleine lune sont en passe de devenir des événements spirituels de première importance même s’ils n’ont rien à voir avec la culture locale.
► La seule plage de sable de l’île diffuse une musique techno internationale de piètre qualité aux décibels trop élevés, et propose parasols et matelas à des tarifs de plus en plus élevés.
► Un port de plaisance est en train de se développer et quelques très rares yachts y jettent l’ancre. Mais, pire, les ports secs se multiplient et occupent de plus en plus de terrain.
► Le prix de l’apéritif a légèrement augmenté mais les petits amuse-gueules qui vont avec, sont devenus payants et moins goûteux. On continue cependant de régler ses factures en espèces.
►La coiffeuse de l’île tient un agenda bien rempli et consacre moins de temps à ses clients.
► Les offres de location via Airbnb se sont multipliées par dix et touchent tous les segments de la population, pressée d’héberger des touristes plutôt que leur famille.
► Une équipe de journalistes internationaux est venue faire des photos et des repérages pour venir tourner un film sur les atouts de l’île. Ils ne parlent pas un mot de la langue nationale mais savent déjà « tout sur tout » !
► Une deuxième compagnie aérienne dessert la destination et offre des tarifs concurrentiels tandis que les navettes maritimes se sont transformées en catamarans, dont la rapidité est certes sans appel, mais sans doute inutile à l’heure du slow tourisme.
► Plusieurs projets hôteliers sont annoncés… Leurs investisseurs sont tous des étrangers convaincus de leur supériorité.
►Les joueurs d’échecs ont déménagé dans une autre taverne pour ne pas être dérangés.
►… Aïe ! Mais n’est-ce pas mes voisins parisiens que je vois là-bas, sur la plage, en train de se baigner !
Josette Sicsic
Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.
Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.
Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com
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