L’effondrement de la fréquentation des grandes villes pendant les vacances, la fuite des Parisiens au moment du confinement (17% d’entre eux), le mouvement inédit de recherche de maisons de campagnes ou d’installation dans des villes de taille moyenne constituent autant de signaux d’alerte - Photo Vue de Lyon Depositphotos.com ventdusud
Premier point : quels sont les nouveaux maux affectant le tourisme urbain ?
Ils sont connus, néanmoins nous les répétons :
- L’absence des clientèles internationales, empêchées par la fermeture des frontières et l’arrêt des vols internationaux
- La forte réduction des déplacements professionnels et de l’activité MICE
- L’amputation de ce qui faisait jusque-là leur attrait et leur identité : les événements culturels, la foule, l’animation, l’offre nocturne, voire selon les moments et les lieux, les restaurants et les bars…, la crise économique consécutive à la baisse de fréquentation générant par ailleurs des risques élevés de disparition d’une partie de l’offre (hôtels, restaurants, offre culturelle…)
- L’effondrement de leur attractivité auprès de leurs habitants eux-mêmes dont le regard s’est modifié avec le confinement et la crise sanitaire et qui ne rêvent plus que d’un ailleurs
Si les professionnels s’accordent sur le fait que techniquement les trois premiers vecteurs de fréquentation reprendront à terme, même si c’est moins rapidement que souhaité, ce dernier paramètre apparait fondamental et crée un véritable risque pour l’avenir.
Ils sont connus, néanmoins nous les répétons :
- L’absence des clientèles internationales, empêchées par la fermeture des frontières et l’arrêt des vols internationaux
- La forte réduction des déplacements professionnels et de l’activité MICE
- L’amputation de ce qui faisait jusque-là leur attrait et leur identité : les événements culturels, la foule, l’animation, l’offre nocturne, voire selon les moments et les lieux, les restaurants et les bars…, la crise économique consécutive à la baisse de fréquentation générant par ailleurs des risques élevés de disparition d’une partie de l’offre (hôtels, restaurants, offre culturelle…)
- L’effondrement de leur attractivité auprès de leurs habitants eux-mêmes dont le regard s’est modifié avec le confinement et la crise sanitaire et qui ne rêvent plus que d’un ailleurs
Si les professionnels s’accordent sur le fait que techniquement les trois premiers vecteurs de fréquentation reprendront à terme, même si c’est moins rapidement que souhaité, ce dernier paramètre apparait fondamental et crée un véritable risque pour l’avenir.
La mutation urbaine
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Bien que très désirée au siècle passé, par les populations provinciales attirées par les sorties nocturnes, le shopping et parfois la débauche promise, il est intéressant de se rappeler que le tourisme urbain est un phénomène relativement récent à l’époque moderne.
Pendant très longtemps, la ville a été un lieu de travail mais pas un lieu de vacances : la ville (où se trouvaient ateliers et usines) était d’abord un lieu subi, où l’on habitait pour des raisons économiques, mais d’où l’on souhaitait s’échapper pour les vacances que l’on prenait au bord de la mer, à la campagne ou à la montagne.
Dans les années 80, la ville est devenue une destination touristique désirable grâce à plusieurs mouvements concomitants : les programmes d’amélioration de la qualité de vie (rejet vers les périphéries des industries et ateliers, rénovation du patrimoine et des centres anciens, développement des transports en commun, aménagement des espaces publics, développement de l’offre sportive, culturelle, commerciale et des grands événements…), le développement des liaisons ferroviaires à grande vitesse et les vols low-cost, les investissements marketing… La ville était donc devenue jusqu’au début de l’année 2020, et ce, partout dans le monde, à la fois un lieu privilégié de vie, de travail et un lieu de (courtes) vacances tout au long de l’année.
Mais, aujourd’hui (voir article « Fuir la ville ») certains de leurs habitants ne la désirent plus ni comme lieu de vie, ni comme lieu de travail, ni comme lieu de vacances.
L’effondrement de la fréquentation des grandes villes pendant les vacances, la fuite des Parisiens au moment du confinement (17% d’entre eux), le mouvement inédit de recherche de maisons de campagnes ou d’installation dans des villes de taille moyenne constituent autant de signaux d’alerte.
La (grande) ville est vue aujourd’hui quasiment comme une prison ou comme un piège tandis que sont valorisés la nature et l’espace, garants d’une certaine sécurité mais aussi qualité de vie. Parallèlement le télétravail « industrialisé » rend possible une installation « à l’année » dans des lieux différents et moins denses. Si ces signes sont tangibles, ils ne constituent pas naturellement une menace généralisée car ils constituent aussi des effets d’adaptation court terme à une situation inédite, brutale et qui n’est pas terminée, mais doivent alerter sur la désirabilité des villes et amener à repenser leur attractivité au regard de nouvelles attentes et d’un nouveau contexte.
Pour autant, cette alerte est d’autant plus à prendre en considération que ceux qui font le choix de les quitter sont souvent les fameuses « classes créatives » qui constituent bien souvent la cible du marketing territorial et sont souvent des faiseurs d’opinion, des influenceurs.
Une étude de l’ONU mettait en évidence qu’en 2050, 68% des habitants de la planète vivraient dans des villes contre 55% en 2018. Le regard sur l’espace ville des habitants des villes eux-mêmes est donc essentiel pour préserver l’attractivité de cette destination touristique.
Pendant très longtemps, la ville a été un lieu de travail mais pas un lieu de vacances : la ville (où se trouvaient ateliers et usines) était d’abord un lieu subi, où l’on habitait pour des raisons économiques, mais d’où l’on souhaitait s’échapper pour les vacances que l’on prenait au bord de la mer, à la campagne ou à la montagne.
Dans les années 80, la ville est devenue une destination touristique désirable grâce à plusieurs mouvements concomitants : les programmes d’amélioration de la qualité de vie (rejet vers les périphéries des industries et ateliers, rénovation du patrimoine et des centres anciens, développement des transports en commun, aménagement des espaces publics, développement de l’offre sportive, culturelle, commerciale et des grands événements…), le développement des liaisons ferroviaires à grande vitesse et les vols low-cost, les investissements marketing… La ville était donc devenue jusqu’au début de l’année 2020, et ce, partout dans le monde, à la fois un lieu privilégié de vie, de travail et un lieu de (courtes) vacances tout au long de l’année.
Mais, aujourd’hui (voir article « Fuir la ville ») certains de leurs habitants ne la désirent plus ni comme lieu de vie, ni comme lieu de travail, ni comme lieu de vacances.
L’effondrement de la fréquentation des grandes villes pendant les vacances, la fuite des Parisiens au moment du confinement (17% d’entre eux), le mouvement inédit de recherche de maisons de campagnes ou d’installation dans des villes de taille moyenne constituent autant de signaux d’alerte.
La (grande) ville est vue aujourd’hui quasiment comme une prison ou comme un piège tandis que sont valorisés la nature et l’espace, garants d’une certaine sécurité mais aussi qualité de vie. Parallèlement le télétravail « industrialisé » rend possible une installation « à l’année » dans des lieux différents et moins denses. Si ces signes sont tangibles, ils ne constituent pas naturellement une menace généralisée car ils constituent aussi des effets d’adaptation court terme à une situation inédite, brutale et qui n’est pas terminée, mais doivent alerter sur la désirabilité des villes et amener à repenser leur attractivité au regard de nouvelles attentes et d’un nouveau contexte.
Pour autant, cette alerte est d’autant plus à prendre en considération que ceux qui font le choix de les quitter sont souvent les fameuses « classes créatives » qui constituent bien souvent la cible du marketing territorial et sont souvent des faiseurs d’opinion, des influenceurs.
Une étude de l’ONU mettait en évidence qu’en 2050, 68% des habitants de la planète vivraient dans des villes contre 55% en 2018. Le regard sur l’espace ville des habitants des villes eux-mêmes est donc essentiel pour préserver l’attractivité de cette destination touristique.
Repenser le tourisme dans les grandes villes
Alors, dans ce contexte, comment appréhender l’avenir du tourisme urbain ? Là encore il est intéressant de rappeler quels sont les fondamentaux du tourisme en ville.
On peut les résumer en 2 mots : rapidité et intensité. Les produits les plus emblématiques du développement du tourisme en ville sont les citypass, forfaits prépayés qui incitent à faire un maximum de choses en un minimum de temps.
Le fast moving, fast booking, fast visiting…, une combinatoire principalement centrée sur le patrimoine et la culture, les événements, le shopping et les restaurants. Or la crise du COVID a généré une valorisation de tout l’inverse : le naturel, le slow, l’être plutôt que le consommer…
Logiquement, la crise sanitaire a rapidement mis le marketing des villes au diapason des envies des consommateurs. Un petit tour des sites Internet des villes françaises permet de donner le ton, et ce ton est celui d’une ville plus slow, plus humaine, plus nature, moins dense.
- On valorise les activités outdoor (la marche, le vélo…), les parcs, les lieux de nature intramuros comme jamais
- On décloisonne et on ouvre enfin et beaucoup plus qu’avant la ville sur son hinterland. Par exemple l’office de tourisme de la Métropole Nice Côte d’Azur, vient de lancer un blog de voyages visant à valoriser l’offre de l’ensemble de son territoire
- On change l’iconographie : les photos montrent des sites moins bondés, des arbres, des rives de fleuves…
- On change le vocabulaire : on parle de se « mettre au vert », d’écologie urbaine, …
On peut les résumer en 2 mots : rapidité et intensité. Les produits les plus emblématiques du développement du tourisme en ville sont les citypass, forfaits prépayés qui incitent à faire un maximum de choses en un minimum de temps.
Le fast moving, fast booking, fast visiting…, une combinatoire principalement centrée sur le patrimoine et la culture, les événements, le shopping et les restaurants. Or la crise du COVID a généré une valorisation de tout l’inverse : le naturel, le slow, l’être plutôt que le consommer…
Logiquement, la crise sanitaire a rapidement mis le marketing des villes au diapason des envies des consommateurs. Un petit tour des sites Internet des villes françaises permet de donner le ton, et ce ton est celui d’une ville plus slow, plus humaine, plus nature, moins dense.
- On valorise les activités outdoor (la marche, le vélo…), les parcs, les lieux de nature intramuros comme jamais
- On décloisonne et on ouvre enfin et beaucoup plus qu’avant la ville sur son hinterland. Par exemple l’office de tourisme de la Métropole Nice Côte d’Azur, vient de lancer un blog de voyages visant à valoriser l’offre de l’ensemble de son territoire
- On change l’iconographie : les photos montrent des sites moins bondés, des arbres, des rives de fleuves…
- On change le vocabulaire : on parle de se « mettre au vert », d’écologie urbaine, …
Site internet de l’Office de tourisme de Toulouse, 21 septembre 2020
Site internet de l’Office de tourisme de Bordeaux, 21 septembre 2020
Parallèlement les discours alarmistes sur le sur-tourisme qui faisaient la une des medias avant la crise, commencent à disparaitre et laisser place à des discours plus mesurés, le tsunami de la pandémie ayant montré aussi l’impact économique bénéfique de cette activité.
Même les villes qui avant la pandémie étaient les plus conspuées sur leur sur-fréquentation (Venise, Barcelone, Amsterdam …) et avaient engagé des actions fortes pour limiter les impacts négatifs du tourisme, parlent aujourd’hui d’équilibre et souhaitent reconquérir leurs clientèles tout en questionnant leurs modèles.
Il ne s’agit plus de jeter le bébé avec l’eau du bain, le dit bébé assurant clairement des emplois nombreux, directs et indirects, dont la disparition touche les populations locales.
Même les villes qui avant la pandémie étaient les plus conspuées sur leur sur-fréquentation (Venise, Barcelone, Amsterdam …) et avaient engagé des actions fortes pour limiter les impacts négatifs du tourisme, parlent aujourd’hui d’équilibre et souhaitent reconquérir leurs clientèles tout en questionnant leurs modèles.
Il ne s’agit plus de jeter le bébé avec l’eau du bain, le dit bébé assurant clairement des emplois nombreux, directs et indirects, dont la disparition touche les populations locales.
Quatre points apparaissent ainsi essentiels pour l’avenir
- Tout d’abord et à l’évidence, les villes qui profiteront de ce nouveau discours sont celles qui auront véritablement développé une offre tangible et réelle permettant de rassurer les visiteurs mais aussi de compléter leur offre actuelle avec des propositions plus apaisées et conformes aux nouvelles attentes des touristes mais surtout des habitants. La question touristique dépasse très largement le champ du tourisme.
Elle touche à la question de l’urbanisme, de l’habitat, de la sécurité… en un mot à la qualité du vivre en ville.
Tout comme l’urbanisme d’Haussmann avait pour but de répondre aux grandes épidémies de choléra notamment, la réponse à la pandémie de coronavirus est sanitaire mais devra probablement aussi trouver des solutions dans les questions de déplacement, d’habitat, d’urbanisme, d’autonomie alimentaire, de logement, de nature ou encore de sécurité. Les codes de la qualité de vie ont changé. Les promoteurs immobiliers qui le savent bien, valorisent systématiquement les espaces verts, les balcons et les terrasses par exemple dans leurs nouveaux programmes.
- La question touristique doit être pilotée avec des systèmes d’observation qui doivent permettre de définir des seuils d’alerte et de prendre des décisions facilitant les équilibres entre la vie des habitants, le travail, le tourisme et l’environnement car c’est bien cet équilibre qui permet de conserver une attractivité durable.
- Pour que cet équilibre soit garanti, il est nécessaire d’associer les habitants aux projets et prendre régulièrement le pouls de leur ressenti. Cela suppose de systématiser les enquêtes auprès des habitants au sujet des questions touristiques mais aussi d’imaginer de nouvelles gouvernances où ils peuvent être parties prenantes dans les décisions et les projets.
- Les grandes villes doivent créer des partenariats et des porosités avec leurs territoires alentours dans un échange équilibré, ce qui suppose de repenser la question de l’organisation et des périmètres d’action des organismes de gestion des destinations, mais également des réflexions complètes à l’échelle d’un territoire élargi, sur les questions de mobilité, de promotion, …
Une opportunité pour les villes moyennes
Tout comme elles retrouvent aujourd’hui des atouts aux yeux des résidents potentiels, les villes moyennes disposent de beaucoup de « critères de beauté » auprès des visiteurs touristiques : apaisées, à taille humaine, ouvertes sur un environnement de campagne facilement accessible et oxygéné, elles apparaissent plus saines et plus sécurisantes.
Cette image était déjà la leur avant la pandémie (1).
Cette crise de la COVID 19, doit pouvoir constituer pour elles, une opportunité de mieux se valoriser : patrimoine historique de grande qualité, marchés, produits du terroir et restaurants, elles sont la porte de la « vraie France » des régions, celles dont les valeurs sont aujourd’hui valorisées voire fantasmées.
Si ces atouts sont nombreux, nombre d’entre elles doivent encore mieux et plus investir sur leurs offres, leur stratégie et leur marketing.
Cette image était déjà la leur avant la pandémie (1).
Cette crise de la COVID 19, doit pouvoir constituer pour elles, une opportunité de mieux se valoriser : patrimoine historique de grande qualité, marchés, produits du terroir et restaurants, elles sont la porte de la « vraie France » des régions, celles dont les valeurs sont aujourd’hui valorisées voire fantasmées.
Si ces atouts sont nombreux, nombre d’entre elles doivent encore mieux et plus investir sur leurs offres, leur stratégie et leur marketing.
Au final, le rebond du tourisme urbain dépendra bien évidemment de la maîtrise de la pandémie et du redémarrage des différents moteurs de fréquentation mais il dépendra aussi de la capacité des villes à développer une qualité de vie compatible avec les nouvelles attentes de leurs habitants. François de Mazières, maire de Versailles a récemment publié une tribune dans le Monde sur la nécessité d’un nouveau mode de vie en ville en rappelant l’expression d’Alphonse Allais « Les villes devraient être construites à la campagne, l’air y est tellement plus pur ».
C’est bien le défi aujourd’hui posé aux grandes villes pour retrouver de l’attractivité, dont une composante est évidemment l’attractivité touristique.
Rappelons encore une fois qu’historiquement c’est la qualité de vie en ville qui a généré l’envie d’aller vivre des expériences dans d’autres cités. C’est bien cette qualité de vie qu’il faut reconquérir pour réactiver le désir de ville.
C’est bien le défi aujourd’hui posé aux grandes villes pour retrouver de l’attractivité, dont une composante est évidemment l’attractivité touristique.
Rappelons encore une fois qu’historiquement c’est la qualité de vie en ville qui a généré l’envie d’aller vivre des expériences dans d’autres cités. C’est bien cette qualité de vie qu’il faut reconquérir pour réactiver le désir de ville.
(1) Cf Tourisme dans les villes moyennes : réalités et potentiels, Editions Atout France – 2018 – Etude réalisée en partenariat avec Villes de France et le CGET/Agence nationale de cohésion des Territoires
TourMaG.com et Josette Sicsic lancent FUTUROSCOPIE
Josette Sicsic, journaliste et référence française du tourisme prospectif, analyse depuis deux décennies avec justesse, finesse et pertinence les évolutions sociologiques et leurs implications sur l’industrie touristique. Elle a décidé de rejoindre TourMaG.com avec sa lettre spécialisée Touriscopie. pour le lancement de FUTUROSCOPIE avec un abonnement payant qui restera, exceptionnellement, gratuit jusqu'à la fin de l'année 2020.