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Le Voyage doit passer du statut de commerce à celui de bien culturel

la chronique de Christian Orofino


Depuis des années les acteurs du tourisme se retrouvent émiettés et ne parviennent pas à produire une synergie dynamisante. Comment résoudre l'équation ? Christian Orofino revient sur le sujet, et propose de requalifier le concept de tourisme et de classer le voyage dans la catégorie « culture ».


Rédigé par le Mercredi 17 Mars 2021

Les agences de voyages, les tour-opérateurs sont des émulseurs de territoires qui savent faire vibrer les émotions comme le feraient des poètes ou des musiciens. - Depositphotos.com gustavofrazao
Les agences de voyages, les tour-opérateurs sont des émulseurs de territoires qui savent faire vibrer les émotions comme le feraient des poètes ou des musiciens. - Depositphotos.com gustavofrazao
Le tourisme est une activité économique dans laquelle sont recensées plusieurs catégories professionnelles qui n’ont parfois rien à voir entre elles.

Ainsi, sont classées dans ce secteur aussi bien les professions qui vivent du tourisme que les entreprises qui créent le tourisme.

Cette crise sanitaire a médiatisé les difficultés du tourisme sur le plan économique et pour illustrer cette situation, les reportages et articles se sont surtout focalisés sur les bars et restaurants, donnant l’impression que le tourisme se limitait à ces deux professions qui sont répertoriées dans la catégorie des commerces acteurs indispensables, participant à la cohérence sociale et territoriale.

Le tourisme est une industrie qui n’en est pas une

On sait définir les activités telles que l’agroalimentaire, l’automobile, le bâtiment, l’agriculture etc. On sait en recenser les acteurs, on connait les résultats de ces activités dans les balances commerciales.

On a su organiser ces filières en coordonnant tous les maillons, les instances représentatives sont respectées et consultées et des autorités de tutelle encadrent ces secteurs qui représentant les indicateurs fondamentaux de l’économie nationale.

Mais sait-on définir le tourisme et ses acteurs et surtout peut-on indiquer les visions stratégiques de ce secteur participant à hauteur de 8% au PIB National ?

Quel est le point commun entre une agence de voyages et un bistrot parisien, entre une agence réceptive de Thaïlande et le marchand de glaces d’une station balnéaire ?

Bien que n’ayant aucune relation de filière, comme d’ailleurs aucune similitude de pratique, toutes ces professions se retrouvent au sein d’un même encadré économique : le tourisme.

A cause de cette carence structurelle du secteur imputable encore une fois aux autorités de tutelle, qui ne considèrent pas le tourisme depuis des années comme une activité à part entière, les acteurs du tourisme se retrouvent émiettés, ne parvenant pas à produire une synergie dynamisante.

Dans le bâtiment par exemple, il existe une relation entre l’architecte et les corps de métier.

Cette relation est régie tout d’abord par l’obligation légale définissant les compétences, les diplômes et les savoir-faire de chacun et ensuite par des règles économiques permettant une cohérence, notamment en matière de reversement de commissions.

Il n’est pas question, bien entendu, de hiérarchiser les métiers mais de les rendre complémentaires, afin de protéger chaque corporation et de créer une dynamique de qualité et de sécurité pour les clients potentiels de ces professions.

il faut reclasser les catégories

Pour permettre une clarification du concept de tourisme, il faut reclasser les catégories.

Ainsi, le voyage devrait-il être reclassée dans la catégorie « culture », et celles ou ceux qui le créent ou qui le vendent dans les entreprises culturelles.

Un livre est un moyen de transport entre le quotidien du lecteur et le monde imaginaire ou réel de l’auteur. Ainsi le livre est-il considéré comme un outil culturel stimulant la réflexion.

Le voyage est un déplacement entre l’environnement quotidien du voyageur et un environnement social et écologique différent permettant ainsi l’apprentissage de la différence, synonyme d’ouverture d’esprit et de curiosité intellectuelle. Le voyage est donc aussi un outil culturel.

Stendhal a mis son art de l’écriture au service du voyage, en parcourant la France pour rédiger un ouvrage intitulé "Mémoires d’un touriste".

Les agences de voyages, les tour-opérateurs sont des émulseurs de territoires qui savent faire vibrer les émotions comme le feraient des poètes ou des musiciens.

Cette classification permettrait une meilleure coordination entre les instances culturelles comme l’UNESCO, qui crée des clusters touristiques avec l’attribution du label « Patrimoine de l’humanité » sans concertation avec les professionnels du voyage.

Cette classification éviterait aussi les accusations de prédateurs environnementaux dont font l’objet les professionnels du tourisme. Car, si le voyage est consacré « acte culturel » on sortirait de ce débat stérile car la protection de la nature ferait alors partie de l’ ADN des professionnels et aucun ne pourrait s’en exonérer.

Devrait-on interdire la littérature sous prétexte que le livre utilise du papier provenant de l’abattage des forêts ?

Christian OROFINO
Président de TOURCONSEIL
Co-président d'OBGET
Ex PDG et DG du TO VISIT FRANCE
Ex-Président de la commission Tourisme responsable du SNAV

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Tags : orofino
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Commentaires

1.Posté par Paul Van Halteren le 17/03/2021 17:59 | Alerter
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Monsieur Orofino,
Quelle belle initiative. Votre article decrit si bien la situation en France qui est egalement valide dans de nombreux autres pays (je suis installe a Chicago, IL). Merci pour cette "mise a plat" de notre secteur d'activite.
Cordialement
Paul M. Van Halteren

2.Posté par Christophe Sentuc le 18/03/2021 10:12 | Alerter
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Excellente mise en lumière des problématiques de cette "industrie qui n'en est pas une" ! Merci Christian Orofino pour ce beau coup de plume.
Alors que le voyage est au tourisme ce que la culture est au divertissement, le voilà réduit aujourd'hui à sa seule raison de loisir, à un mot issu du latin "licet" (qui est permis) devenu illicite ! ...
Que serions-nous sans l'étonnement du voyage qui permet de mieux se connaître, et de mieux comprendre l'autre ? Quelle paix espérer dans le monde sans cette ouverture aux échanges culturels que le voyage procure ? S'alimenter n'était pas la seule raison de sortir de la grotte pour "M. Neandertal", il avait aussi besoin d'exercer ses sens pour vivre et grandir.
C'est pour la santé mentale de tous qu'il faut défendre la liberté de voyager comme une nécessité d'utilité publique.

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