TourMaG.com, le média spécialiste du tourisme francophone

logo TourMaG  




OT, CRT, ADT... il est temps d'ouvrir le débat du financement ! (Jean Pinard) [ABO]

L'humeur de Jean Pinard


Et si la fermeture du point d’accueil de l’office de tourisme de Paris servait de (bon) prétexte à ouvrir le débat du financement des Organismes de Gestion de Destination ? Retrouvez la nouvelle chronique de Jean Pinard.


Rédigé par le Vendredi 24 Janvier 2025

Il est temps d'ouvrir le débat sur le financement des Organismes de Gestion de Destination : OT, CRT, ADT... Depositphotos.com Auteur chrisdorney
Il est temps d'ouvrir le débat sur le financement des Organismes de Gestion de Destination : OT, CRT, ADT... Depositphotos.com Auteur chrisdorney
Vous pouvez acheter cet article à l'unité pour le prix de 3,99 € en cliquant ICI ou vous abonner pour 83€ TTC par an.


Ben dis donc, ça fait causer cette décision de fermer l’office de tourisme de Paris, et c’est assez instructif d’observer comment les débats et les commentaires sur ce sujet évolue.

Dans un premier temps, les commentaires portaient exclusivement sur le bien-fondé de cette décision qui opposait les tenants de l’humain d’abord aux tenants des outils digitaux qu’il s’agit d’exploiter au mieux. Notons qu’il n’y a pas eu un seul post, un seul commentaire sur les conséquences de cette décision qui fait perdre leur boulot à 9 salariés. Pour la solidarité de la profession, on repassera.

Puis, en deuxième, le débat se réoriente un peu plus sur le sujet des missions des offices de tourisme, et, par conséquent, sur leur utilité pour fort logiquement poser la question du coût de ces missions. Les remarques sont logiques, mais, comme d’habitude, on ne va pas au bout du raisonnement, et donc on ne pose pas la question plus essentielle du financement des organismes de gestion de destination (OGD), que sont les OT, agences départementales du tourisme (ADT) et comités régionaux du tourisme (CRT).

Dans le cas de Paris, je rappelle que c’est une baisse de la subvention de la Ville de Paris qui est à l’origine de cette décision. Mais globalement, la grande majorité des collectivités baissent leurs subventions, et cette année 2025, je pense que cette baisse consolidée sera de l’ordre de 50M€, ce qui n’est pas rien.

Lire aussi : Office de tourisme Paris : l’accueil physique des touristes, un modèle à réinventer ! (Jean Pinard)


Financement des OGD : il est temps d'ouvrir le débat

Sur ce sujet du financement des OGD, il y a 3 questions qui se posent corolairement :

1- Quelles sont les missions attendues des OGD ?
2- Ces missions sont-elles d’intérêt général ?
3- Et si oui, qui doit les financer ?

Pour des raisons que je ne m’explique pas, et bien ces questions, on ne se les pose jamais, on a l’impression que le sujet est tabou. Alors, quand je lis Jean Viard, que je ne considère pas comme le plus libéral des grands noms du tourisme dire « En France, nous avons créé beaucoup trop de structures, qui nous coûtent extrêmement cher de manière générale.

Donc, nous sommes dans une phase où nous allons supprimer des tas de services. En soi, je trouve que c’est plutôt positif
» je me dis qu’il est tant d’ouvrir le débat, et d’arrêter de tourner autour du pot.

Tourner autour du pot, c’est ne jamais admettre que la filière tourisme est du point de vue de son organisation, un OVNI, une anomalie, si on la compare à toutes les autres filières de l’économie française.

Dans toutes les autres filières, nous avons des organisations professionnelles, en responsabilité de la formation des salariés, du marketing et de la communication de la filière, mais en tourisme, pas d’organisme professionnel, mais des organismes institutionnels.

On a donc considéré que le marketing des destinations françaises, que les missions d’informations destinées aux visiteurs devaient être financées par les collectivités, donc par de l’argent public. Reconnaissons que ça se discute quand même !

"Imposer que les OGD collent aux périmètres des collectivités, c’est une erreur"

Pourquoi, si ces actions servent les intérêts de la filière, ne seraient-elles pas financées directement par les acteurs de la filière ?

Posons juste un regard sur d’autres acteurs pas très loin de la filière tourisme qui contribuent eux aussi à construire de l’identité territoriale, l’agriculture. Pour financer le marketing des produits agricoles, l’État a inventé les CVO : la contribution volontaire obligatoire qui est « une cotisation décidée et perçue par une interprofession pour financer des actions de l'interprofession d'intérêt collectif pour la filière ».

Cette définition pourrait s’appliquer sans sourciller pour la filière tourisme, histoire d’en finir avec cette confusion que nous maintenons entre le territoire (entité administrative, donc politique) et la destination (entité touristique).

Imposer que les OGD collent aux périmètres des collectivités, c’est une erreur, une aberration marketing qui coute très cher. Je vais reprendre l’exemple de la destination Aubrac, qui est une marque forte du tourisme. L’Aubrac c’est un Parc Naturel et sur ce parc il y a …. 9 offices de tourisme, dont 4 portent le nom Aubrac.

À un moment, ces offices vont vouloir améliorer leur référencement, donc financer par de l’argent public leur référencement, dont l’objet sera de « passer devant » dans les requêtes des internautes. Google et Ryanair même combat, ils jouent sur du velours en organisant la concurrence des destinations entre elles… et ça marche ! Utiliser de l’argent public pour dire qu’ici que c’est mieux que là, quand le "là", est à 10 km ce n’est pas sérieux.

Trop de structures : "Des situations qui ne sont pas tenables"

Je ne dis pas que, si nous étions organisés en organismes professionnels, il n’y aurait pas ce type de d’abus, cependant j’assume d’écrire que c’est parce que nous sommes financés par de l’argent public que nous nous permettons ce genre de pratiques qui démontrent un manque total de déontologie. Si l’Aubrac est une marque, et elle l'est, alors l’organisation qui prévaut c’est de créer un seul office de tourisme en faisant fi des périmètres des EPCI (Établissement public de coopération intercommunale) du territoire et de faire coller ce périmètre à celui du parc.

Mais je vais aller plus loin sur la démonstration : aux 9 offices de tourisme qui parlent de l’Aubrac, s’ajoutent 3 CDT, et 2 CRT, mais aussi le parc naturel régional. Et comme la duplication de contenu est bannie par Google ; on a donc pas moins de 15 structures qui présentent l’Aubrac dans leur site internet.

Si personne n’a le courage de dire que cette situation n’est plus tenable, alors comme on donne raison à tous ceux qui rêvent du Musk en France avec ou sans tronçonneuse.

Dans ces conditions, on n’est bien obligé de considérer que, même si c’est un peu brutal, Jean Viard a raison de mettre les pieds dans le plat, et il n’est pas le seul, et on la sent bien la petite musique qui consiste à dire que tout ça coute très cher.

Faire payer les bénéficiaires de l’économie touristique nationale à la place des collectivités

Moi, je crois à une mission d’intérêt général et je défends l’expertise des offices de tourisme pour accompagner et guider les visiteurs, mais, depuis 20 ans maintenant, je n’ai pas changé d’avis sur l’intérêt de faire évoluer nos organisations institutionnelles en organismes professionnels, et donc de faire payer les bénéficiaires de l’économie touristique nationale à la place des collectivités.

Je crois à un mix, taxe de séjour à condition que le trésor public la reverse à 100% à la future organisation professionnelle qui validera des critères justes de péréquation pour un partage entre les destinations, auquel s’ajouterait le produit des CVO qui permettra d’aller chercher le juste financement de ceux qui profitent du tourisme sans jamais le financer, j’ai nommé Total et Vinci (les pétroliers et les concessionnaires autoroutiers), les gestionnaires d’aéroport et la SNCF.

Soit on pose la question du financement des missions des OGD sur la base d’un nouveau cadre de gouvernance de ces structures dans une perspective de dépolitiser l’organisation des OGD, soit on accepte de prendre le risque de leur disparition pure et simple, et comme toujours, ce sont les salariés qui paieront la note.

Jean Pinard - Mini Bio

Jean Pinard - DR
Jean Pinard - DR
Président de la société de conseils Futourism :

Forestier et géographe de formation, Jean Pinard a toujours travaillé dans le secteur des sports et du tourisme.
Moniteur de kayak, chauffeur de bus, guide, gestionnaire de sites touristiques, directeur de CDT et de CRT (Auvergne et Occitanie), Jean Pinard est redevenu consultant, son premier métier à la SCET, à la fin de ses études.


Lu 413 fois

Tags : jean pinard
Notez

Nouveau commentaire :

Tous les commentaires discourtois, injurieux ou diffamatoires seront aussitôt supprimés par le modérateur.
Signaler un abus









































TourMaG.com
  • Instagram
  • Twitter
  • Facebook
  • YouTube
  • LinkedIn
  • GooglePlay
  • appstore
  • Google News
  • Bing Actus
  • Actus sur WhatsApp
 
Site certifié ACPM, le tiers de confiance - la valeur des médias