Office de tourisme Paris : l’accueil physique des touristes, un modèle à réinventer ! (Jean Pinard) [ABO]

On ne peut pas dire que la décision de la directrice de l’office de tourisme de Paris de fermer son dernier point d’accueil physique soit passée inaperçue. Bon si on veut commenter ce sujet avec un peu de légèreté, apprécions que cette décision ne soit prise qu’après les Jeux Olympiques

Mais plus sérieusement, on a presque envie de dire que cette décision est presque anecdotique tant le maintien d’un seul point d’information semble incongru pour une ville aussi touristique que Paris.

Soit on considère que renseigner les touristes est une priorité stratégique, et dans ce cas, on multiplie « les points de contacts » dans des lieux identifiés plutôt dans les gares et dans les aéroports, parce que le besoin d’information est certainement le plus fort dans ces espaces dans lesquels on se sent toujours un peu perdus, et la présence d’un espace d’accueil et d’information vient rassurer.

C’est le choix, par exemple de l’Office de tourisme de Genève qui gère le « Visitors Center Aéroport » de Cointrin, 7 jours sur 7 de 7h à… minuit ! Mais bon, là-bas, on y fait du business, de la vente de titre de transport ferroviaire, de navettes pour les hôtels et des réservations pour tous les hôtels de Suisse.

Du coup poser un office de tourisme dans une ville aussi touristique que Paris, encore faut-il trouver le lieu idéal qui évitera aux touristes de faire 30min de métro rien que pour y rentrer chercher une info, et ça, il semblerait qu’on l’ait un peu oublié, considérant que, quel que soit le lieu d’implantation, c’est la fonction qui va générer les flux et donc la fréquentation.

On rentre dans un office parce qu’on passe … devant, et quand Lyon met son OT place Bellecour, on se donne plus de chance de faire rentrer du monde dedans.

Sur cette idée qu’il serait opportun de capter les flux touristiques pour renseigner les touristes, il y a eu dans les années 90 une sorte de frénésie qui a fait pousser des points d’informations touristiques un peu partout, en particulier sur les aires d’autoroutes ! C’était le truc à la mode, il fallait marketer les lieux dans lesquels s’arrêtaient les gens, dont la motivation de l’arrêt était dans 9 cas sur 10 de faire une pause pipi. Donc on a aménagé, des lieux dédiés pour tout connaitre sur les destinations traversées, on a mis des comptoirs d’info, et puis on y a mis des « bienvenuteurs » pour informer des gens qui … ne demandaient rien. Du coup, comme ça coutait bonbon, on les a tous fermés.

Dans la foulée, et dans le même temps, on a fermé la quasi-totalité des Maisons de Région à Paris pour les mêmes raisons. Après avoir fermé celle de l’Auvergne rue de Rivoli, je me souviens m’être rapproché de l’OT de Paris à l’époque, afin d’étudier la possibilité d’avoir dans cet office une sorte de comptoir des régions, ce qui me semblait tellement rationnel ! La réponse a été négative.

Le chemin de la coopération dans le tourisme institutionnel a toujours été parsemé d’embuches.

Cela dit, sur ce que j’ai lu de l’argumentaire de la directrice de l’OT de Paris, Corinne Menegaux, la mission d’informer le touriste peut se poser de manière moins monopolistique, et plus partenariale, et cette fermeture pourrait faire accélérer cette réflexion stratégique.

D’abord en faisant évoluer le cadre de la mission d’accueil des offices de Tourisme. Le comptoir des loisirs d’Évreux a fait longtemps référence, parce qu’au-delà de cette référence aux activités de loisirs, on a fait de l’accueil et de l’information des habitants une priorité.

Mais en Lorraine on va encore plus loin, puisque, depuis le 13 décembre, l’office de tourisme communautaire du Bouzonvillois Trois Frontières, à Sierck-les-Bains, possède, non sans peine, une licence IV. Elle vient du village d’à côté et ouvre la voie à de jolis projets, comme des dégustations ou des moments de convivialité.

En Norvège, on trouve des points d’informations touristiques dans les stations-service, considérant que le lieu prête à partager des infos aux touristes qui veulent visiter le territoire.

L’idée de partager cette mission d’information avec des kiosques à journaux pour, par exemple, distribuer des plans de Paris est une piste qui n’a rien d’incongru.

De plus en plus d’offices de tourisme ont engagé des partenariats avec la Poste, et on se dit qu’à la manière de France Service, il serait opportun de réfléchir, notamment dans les territoires ruraux, à regrouper dans les murs des offices de tourisme plusieurs missions, qui iraient de l’information aux touristes et aux habitants, des services en partenariat avec la Poste, de la mise en valeur de produits locaux, ou encore la vente de billets de train ….

Dans cette approche, pourquoi ne pas envisager, dans les grandes villes, des offices de tourisme qui hébergent des agences de voyages, et d’inventer le concept des offices du tourisme et des voyages.

Pourquoi ne pas imaginer un espace « Destination France » dans tous les OT et faire de ces lieux des agences de voyages à la française ?

Mais la VRAIE question qui se pose en matière d’accueil et d’information touristique, elle est aussi et surtout à chercher dans les partenariats avec les acteurs de la filière qui accueillent du monde, beaucoup de monde.

On a trop abordé le sujet de l’information des touristes sous l’angle d’une « mission de service public », et c’est vrai que cette mission relève de l’intérêt général. Je rappelle qu’on a inventé la taxe de séjour afin de financer cette mission. Aussi, quand je relie la baisse des budgets de l’OT qui est une des raisons de cette fermeture du point d’accueil, au 118M€ de perception de la taxe de séjour encaissée par la ville de Paris, on peut légitimement s’interroger sur l’objet de cette taxe, et donc son usage.

Donc, oui, nous pouvons aussi nous poser la question de partager cette mission d’accueil, avec les grands musées parisiens, les grands magasins, les hôtels, les auberges de jeunesse, et dans cette hypothèse la mission d’information des OT ce n’est pas seulement du BtoC mais du BtoB .. to C !

Après, dans ce débat qui agite le petit monde du tourisme qui commente à souhait cette décision, ça serait peut-être intéressant de prendre l’avis des principaux intéressés que sont les touristes, non ?

Et s’il reste un peu de place pour commenter le sujet, il serait bien aussi de parler du devenir des 9 salariés concernés par cette décision, et de faire commenter cette situation par ceux qui nous jurent que l’IA ne supprimera jamais des postes dans les OT parce que l’humain est indispensable (sic) !

Président de la société de conseils Futourism :

Forestier et géographe de formation, Jean Pinard a toujours travaillé dans le secteur des sports et du tourisme.
Moniteur de kayak, chauffeur de bus, guide, gestionnaire de sites touristiques, directeur de CDT et de CRT (Auvergne et Occitanie), Jean Pinard est redevenu consultant, son premier métier à la SCET, à la fin de ses études.