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Pandémie de Covid-19 : quand l’incertitude devient une certitude

Le décryptage de Josette Sicsic (Futuroscopie/Touriscopie)


La nouvelle phase de confinement dans laquelle nous sommes rentrés n’aura pas la même teneur que la première. Alors qu’en mars/avril nous avions la naïveté de réfléchir au monde de demain, persuadés qu’après les ténèbres, le soleil allait de nouveau briller, rien n’est sûr. L’avenir est bouché par un rideau d’incertitude d’une opacité particulièrement inédite. L’incertitude s’est transformée en la certitude que demain n’est pas pour demain.


Rédigé par Josette SICSIC le Lundi 2 Novembre 2020

Le sociologue presque centenaire Edgar Morin, n’a pas attendu la crise pour engager une réflexion sur l’impact de l’incertitude sur nos sociétés. Selon lui, l’inattendu est de ce monde et le meilleur moyen d’en triompher est de s’y préparer - DR : DepositPhotos, lightsource
Le sociologue presque centenaire Edgar Morin, n’a pas attendu la crise pour engager une réflexion sur l’impact de l’incertitude sur nos sociétés. Selon lui, l’inattendu est de ce monde et le meilleur moyen d’en triompher est de s’y préparer - DR : DepositPhotos, lightsource
Parmi les nombreux maux que cette pandémie nous a donnés à gérer : le terme d’incertitude revient régulièrement dans les écrits et les discours d’observateurs, penseurs, acteurs de l’économie et de la politique.

Le 20 octobre 2020 au matin, cette notion a également jalonné l’entretien que le PDG du groupe Accor a accordé à France Inter.

Qu’a dit Sébastien Bazin, le responsable d’un groupe durement éprouvé, obligé de naviguer à vue dans la majeure partie du monde où flotte son enseigne ? Obligé aussi de fermer des établissements et de licencier ?

Et surtout, à quels constats pour la société, son discours fait-il écho ?

"Chaque semaine qui passe, les chiffres disent quelque chose de différent"

Tout d’abord, le PDG d’Accor s’est dit "effondré" par les mesures de restriction qui ont fait de nouveau plonger un secteur qui se remettait tant bien que mal sur ses pieds.

"On comprend la décision prise par le gouvernement, on comprend l’existence de cette pandémie et de la deuxième vague, mais c’est compliqué pour nous de réagir", a-t-il expliqué.

Pourquoi ? "Parce que chaque semaine qui passe, les chiffres disent quelque chose de différent. Une fois c’est la faute des bars, puis des restaurateurs, puis des universités, puis des entreprises, puis de la sphère privée… C’est peut-être la bonne raison, mais pour nous, apprendre ça un mercredi par rapport au vendredi soir, c’est terriblement compliqué."

Combatif, soucieux de ne pas baisser les bras et de sauver ce qu’il reste à sauver, le PDG essaie pourtant de penser l’avenir avec optimisme, d’avoir des idées et de trouver des solutions capables, à défaut de générer des recettes conséquentes, de générer de l’espoir.

D’où sa dernière idée : accueillir des restaurateurs, leur prêter des cuisines, leur donner la possibilité de rester ouverts plus longtemps.

L’idée est généreuse et Sébastien Bazin n’a pas manqué de ces offres généreuses pour mettre ses chambres vides à la disposition de ceux qui en avaient besoin durant le confinement : le personnel soignant, les femmes victimes de harcèlement familial.

Mais, in fine, c’est le lamento sur la confusion qui l’emporte car c’est le flou dans lequel nous vivons qui, pour lui, capitaine d’entreprise, ou pour quiconque, est insupportable : "je pense qu’on aura un rebond meilleur qu’attendu, si l’épargne qui n’a pas été dépensée depuis maintenant un an et demi l’est.

C’est une question de confiance : on connaît le risque, on ne veut pas multiplier les incertitudes sur le risque. Dès lors que les incertitudes s’estompent, vous pouvez avoir un rebond plus fort qu’attendu.
"

Les réservations de "dernière seconde" ?

Josette Sicsic - DR
Josette Sicsic - DR
Si la perception de la confusion s’est généralisée, ce n’est pas par hasard.

Elle est bien entendu née à la fois du caractère inédit de la situation pandémique, mais aussi du désordre avec lequel les décisions sont prises, soulignant dramatiquement le manque de concertation entre états d’une même région.

Lesquels, on le sait, sont partis en ordre dispersé et continuent d’agir dans la plus grande disharmonie quant aux mesures de confinement, couvre-feu, ouvertures et fermetures des frontières, réglementations, protocoles sanitaires…

Une telle incohérence ne pouvant que contribuer à clouer sur place le moindre candidat au voyage qui, de nouveau, après un été relativement "ordonné" se retrouve plongé dans une forme de paralysie particulièrement éprouvante pour lui et pour le secteur touristique tout entier.

En effet, dans une interview récente par exemple, les secteurs les plus concernés, c’est-à-dire les stations de montagne, expliquent par la voix du directeur de France Montagnes, Jean Marc Silva, que l’on s’achemine vers une période où les réservations ne se feront pas en "dernière minute" mais en "dernière seconde !"

Un tel constat n’est évidemment pas spécialement rassurant dans une filière qui a besoin d’un peu de distance pour pouvoir se préparer à accueillir, héberger, animer, organiser ses stations !

Edgar Morin : "changeons de voie"

De son côté, le sociologue presque centenaire Edgar Morin, n’a pas attendu la crise pour engager une réflexion sur l’impact de l’incertitude sur nos sociétés.

Convaincu par sa longue vie et le nombre d’événements imprévus qu’il a vécus que nous ne pouvons que "naviguer dans un océan d’incertitudes", il explique dans l’un des articles les plus lus de l’année (Cahiers du CNRS) que "notre civilisation qui nous a inculqué le besoin de certitudes toujours plus nombreuses sur le futur, souvent illusoires, parfois frivoles, se trompe".

Selon lui, l’inattendu est de ce monde et le meilleur moyen d’en triompher est de s’y préparer.

Totalement aguerri à l’usage de la pensée "complexe", il donne comme toujours une note d’espoir à une humanité en proie au désarroi.

Ainsi, dans son dernier ouvrage "Changeons de voie : les leçons du Coronavirus", il explique que le moment que nous vivons est peut-être le moment de se défaire de toute cette culture industrielle dont on connaît les vices.

Ce qui devrait encourager tous ceux qui essaient de réinventer le monde de demain. Comme vous ?

Pessimisme pour le champion de la résilience

Parallèlement, on ne peut que s’attarder sur la réflexion du psychiatre Boris Cyrulnik, qui déclarait il y a quelques années : "l’incertitude est créatrice, la certitude est mortifère".

Sauf que ce champion de la résilience, qui a passé sa vie à tenter de tirer le meilleur parti du pire, a aujourd’hui une vision plus nuancée de l’avenir.

Dans un article du journal L’Opinion, il souligne que "quand il y a incertitude, il y a un risque d’aspiration à la certitude, c’est-à-dire aux régimes totalitaires". L’effet maléfique, c’est la prise de pouvoir par un dictateur élu démocratiquement. Une mise en garde trop grave pour ne pas être prise au sérieux.

En attendant, tous les jours, de nouvelles enquêtes démontrent l’intensité du désarroi de nos contemporains face à un avenir bouché n’autorisant aucune prise de décision : ni pour demain, ni pour Noël, ni pour après.

Car, quand le médical est le seul indicateur capable d’éclairer l’avenir et que le médical est aussi désorienté, comment prévoir ce que sera demain ? A moins qu’il ne soit qu’un simple retour non pas à "l’anormal" mais à la "normale".

Une récente étude indique par exemple que 58% des Français expriment l'envie de revenir au bureau et que 81% des femmes et 75% des hommes ont besoin d'un retour à la normalité. Même si 82% des Français ont peur d'être contaminés par le Covid-19 au travail...

Les décryptages et analyses de FUTUROSCOPIE/TOURISCOPIE sur TourMaG.com

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Contact :
touriscopie@gmail.com

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