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Provence : comment Ride & More a changé de braquet pour faire face à la crise🔑

Ride & More décline sa vision du slow tourisme en vélo électrique en Provence


Christophe Piérard est une parfaite illustration du concept de rebond puisqu’il a déjà eu plusieurs vies dans sa vie professionnelle. Chaque changement d’orientation a eu pour déclic un besoin et/ou une envie personnelle avec pour fil conducteur la recherche de sens. La création et la diversification de Ride & More méritent de s'y attarder.


Rédigé par le Dimanche 13 Mars 2022

Christophe Piérard, fondateur de Ride & More Travel (©R&M)
Christophe Piérard, fondateur de Ride & More Travel (©R&M)
Chaque revirement est aussi une opportunité de mettre en application l’expérience acquise au fil des ans.

Diplômé de l’Institut Vatel de Nîmes, Christophe Piérard était normalement destiné à prendre la direction d’un établissement ou à entrer dans le giron d’une grande chaîne hôtelière.

Mais l’opportunité s’est présentée de rejoindre le département finance d’un palace genevois.

Progressivement adoubé par l’univers du luxe, il continue dans la finance et le contrôle de gestion mais au sein du groupe français LVMH, puis pour une marque de maillots de bain haut de gamme, Villebrequin.

Mais ce cadre à haut potentiel, promis à un bel avenir dans la finance, n’a pu résister à l’appel du pays de son enfance, La Provence. Le bassin genevois et l’horizontalité de son lac ne pouvaient rivaliser aussi longtemps avec les hauteurs des Alpilles, les senteurs et les couleurs du Luberon.

Et après une vingtaine d’années dans les chiffres et les tableaux Excel, la question du « sens de la vie » s’est imposée et la quête d’un vrai bonheur dans le travail.

Le retour impératif au pays

Biking en Californie du Sud, une pratique très organisée (©Metrolinks)
Biking en Californie du Sud, une pratique très organisée (©Metrolinks)
Revenir en Provence, certes, mais pour quoi faire ? Le hasard, mais est-ce vraiment le hasard, va apporter la réponse.

Accompagnant son épouse dans un voyage professionnel aux États-Unis, près de San Diego, il a voulu y pratiquer son sport favori, le VTT dans les grands espaces. Il découvre alors qu’il y a sur place des agences spécialisées qui prennent tout en main pour faire vivre une expérience sportive et touristique.

« C’est devenu une évidence », explique Christophe Piérard. « C’est exactement ce que j’aime faire et surtout reprendre le contact avec le monde de l’hospitalité, ma première passion professionnelle, le contact avec le client, le sourire de satisfaction quand la prestation s’est bien déroulée ».

De retour de Californie, il lui faut plusieurs mois pour se mettre en ordre de bataille et monter cette fameuse agence qui va prendre en main le séjour de cyclotouristes en Provence, dont une formation accélérée à l’Escaet d’Aix-en-Provence pour avoir la capacité d’ouvrir une agence de voyages immatriculée.

Capitaliser sur les expériences passées

Changer de vie professionnelle, ce n’est surtout pas oublier ce qu’on a appris précédemment. Le passé de directeur financier et de contrôleur de gestion se révèle très précieux pour monter le business plan et s’assurer que « vivre de sa passion » ne sera pas qu’une expression.

En se calquant sur le modèle américain qu’il a apprécié comme client, Christophe Piérard monte ses premiers circuits accompagnés en septembre 2016 sous la marque Ride & More Travel.

Il étudie ses « confrères » Backroads, DuVine, Butterfield & Robinson, et se lance « avec une certaine naïveté » reconnait-il car il fallait développer une notoriété inexistante.

La première année d’exploitation est difficile mais sauvée de justesse par la rencontre avec un petit T-O américain, spécialisé en cyclotourisme et qui lui confie tous ses clients. 2017 se déroule mieux grâce à un premier bouche-à-oreille et une présence sur les réseaux sociaux qui draine une clientèle presqu’exclusivement anglo-saxonne, friande du concept.

C’est une autre « découverte » qui fera franchir le palier suivant.

Réactiver son réseau pour signer un premier partenariat

Le Relais & Château Crillon Le Brave, partenaire de Ride & More (©R&M)
Le Relais & Château Crillon Le Brave, partenaire de Ride & More (©R&M)
La chaîne des Relais & Châteaux met en avant sur son site le concept des « Routes du Bonheur », une suggestion de circuit touristique de Relais en Relais dans une même région.

Ni une, ni deux, le jeune entrepreneur prend contact pour en savoir un peu plus sur ces circuits à vélo. Il découvre qu’en fait rien n’est organisé et que ce n’est qu’une suggestion de ce que les clients peuvent organiser par eux même. Grâce à son réseau, une rencontre s’organise avec le siège qui est séduit par l’idée d’un partenariat.

La promotion de Relais & Châteaux pour ces circuits touristico-gastronomico-sportifs produit un effet très positif et l’affaire est lancée.

« En 2019, on fait un premier exercice qui ressemble à quelque chose », se souvient le fondateur de Ride & More.

« On rentre quelques nouveaux partenaires TO étrangers et le bouche-à-oreille se développe ». A l’aube de 2020, tout s’annonce comme très prometteur pour passer à la vitesse supérieure. Et la crise sanitaire s’impose au monde entier.

« Grâce à Relais & Châteaux et à la première sortie de confinement, on arrive à faire une demi-année 2020 et à poser les jalons d’un futur rebond. C’est la première année, en effet, où les clients français sont venus plus nombreux ».

Ride & More s’adapte à un nouveau contexte

Des circuits dédiés aux couples et aux familles (©R&M)
Des circuits dédiés aux couples et aux familles (©R&M)
Les clients de la région découvrent le prestataire et souhaitent faire des sorties à la journée.

Pour les clients étrangers qui ont réussi à franchir la frontière, il faut proposer des programmes plus courts dans un séjour multi-activités.

La souplesse et la réactivité de l’entreprise est pour beaucoup dans cette adaptation, grâce aussi au matériel et aux remorques qui permettent de proposer des départs ponctuels, comme ces « montées au Ventoux » pour ceux qui veulent s’offrir cet « exploit ».

Après une année 2021 encore chaotique, la micro entreprise voit se dessiner un avenir plus rieur. Le concept est bien installé et les clients étrangers repointent le bout de la roue. « On vient de récupérer un très gros contrat avec un tour-opérateur anglais. Ce sont déjà de nombreux clients garantis pour la prochaine saison ».

De plus, le modèle économique est servi par la conjoncture. Depuis la pandémie, la tendance voyage a pris un virage à 180°. Une majorité de Français expriment leur souhait d’expériences plus rurales et éloignées des sentiers battus pour prendre le temps de renouer avec la nature.

La crise sanitaire m’a fait perdre un an mais gagner de nouveaux clients

La clientèle française s'est prise au jeu de la randonnée organisée (©R&M)
La clientèle française s'est prise au jeu de la randonnée organisée (©R&M)
Seul aux commandes jusqu’il y a quelques semaines, Christophe Piérard vient d’engager son premier CDI, un guide local qui sera autant son bras droit que son employé. Il est surtout la possibilité de s’ouvrir sur de nouvelles activités, car Stuart est un guide de randonnée, très au fait des chemins de Provence.

La première morale de ce début d’aventure est bien qu’un rebond est possible quand on sait l’identifier et le mettre en musique.

« La crise sanitaire m’a fait perdre un an, voire davantage. Ce que je vis aujourd’hui, j’aurai dû le concrétiser en grande partie en 2020 avec mes nouveaux partenaires anglo-saxons. En revanche, je n’aurais sans doute pas eu cet afflux de clientèle française qui permet d’équilibrer l’exploitation et penser à de nouvelles prestations ».

Cette nouvelle clientèle implique aussi de changer sa façon de travailler. « Les Français aiment bien être pris en main mais sans s’en apercevoir. Tout est préparé, organisé sur-mesure en fonction de ce qu’ils ont exprimé au préalable mais ça ne doit pas se voir », constate Christophe Piérard.

« Il est même possible qu’ils ne nous voient jamais pendant le séjour, sauf s’ils ont besoin d’assistance ou de conseil. On est sur une prestation haut de gamme avec de petites structures pour des couples ou quelques amis. Le ticket moyen évolue entre 300 et 400 euros par personne et par jour en fonction de l’hébergement 4* voire le plus souvent 5*».

L’engouement pour le tourisme écoresponsable ne résout pas tout

La montée en puissance du slow tourisme et des pratiques écoresponsables crée un contexte favorable, mais elle ne résout pas tout car il reste de nombreux sujets qui interpellent le « producteur » Ride & More.

« Je me suis beaucoup interrogé et battu en 2020 et 2021 sur l’intermédiation dans notre secteur et sur le fait que notre commercialisation a du mal à prendre auprès de la distribution française.

Cela fait l’objet de pas mal de discussions, notamment initiées avec votre média
TourMaG et j’ai encore du mal à comprendre ce désintérêt des agences françaises qui n’avaient pas grand-chose à proposer à leurs clients.

Je suis capable d’accorder 15 points de marge à un partenaire qui va me distribuer, parce que je suis le producteur de mes offres et pas seulement un assembleur qui ne génère que peu de valeur ajoutée. Pourtant le message a encore du mal à passer auprès des agences
».

La contrainte d’élargir la distribution, quand on est encore en phase de lancement, produit aussi des solutions intelligentes.

« Je crois beaucoup, pour le pratiquer dans ma région, aux partenariats comme j’ai pu en établir avec Relais et Châteaux et même avec des établissements individuels pour lesquels je crée de petits packages personnalisés.

Tout le monde est gagnant, l’établissement apporte une activité avec de la valeur ajoutée pour leurs clients et moi j’effectue la prestation. C’est vraiment le cœur de cette attitude de « Rebondir » en étant plus imaginatif qu’auparavant. Le principe est aussi de se faire confiance sans entrer dans des schémas de commissionnement
».

Chacun des partenaires garde l’intégralité de sa marge en ayant développé son activité.

Les limites de la digitalisation à outrance

Un concept aujourd'hui bien installé (©R&M)
Un concept aujourd'hui bien installé (©R&M)
Christophe Piérard regarde avec intérêt mais aussi circonspection les initiatives qui se développent en France pour constituer des plateformes de distribution du « produit France » qui impliquent un accès à un stock en vente en ligne.

« iJ’ai de nombreuses discussions avec [Vaucluse Provence Attractivité et avec le CRT PACA à ce sujet. Des plateformes sont mises en avant par la région, elles visent à donner accès à des productions « territoriales », via leur fiche APIDAE, et à offrir aux clients la possibilité de booker en ligne des prestations comme les miennes. C’est manquer de réalisme par rapport à nos pratiques et notre modèle ]i».

« Ride & More propose davantage de formules sur mesure que des sorties programmées. J’ai beaucoup de mal à proposer un planning avec des dates à réserver. La digitalisation des petites structures n’est pas la panacée quand elle se heurte à la réalité.

Je suis digitalisé, j’ai conçu une application sophistiquée avec des options GPS qui est mise à la disposition de mes clients pour suivre leur programme, avoir des informations pratiques, mais elle n’est pas conçue pour la réservation que je souhaite pouvoir maîtriser
» poursuit le directeur.

Les petits acteurs touristiques, n’ont pas les stocks et le personnel disponible pour permettre une réservation en ligne à tout moment.

Une vraie interrogation sur la recherche de la taille critique

Le coût de la distribution, qui passe par des commissionnements, des abonnements à des réseaux ou des outils, conduit à une véritable réflexion sur la taille critique qui permet de justifier et d’amortir cette dépense.

« Tout dépend de ce qu’on appelle la taille critique et le modèle que l’on veut construire », constate Christophe Piérard.

« Je fais ce métier par passion, pour la rencontre avec les clients et aussi pour bien gagner ma vie, autant de critères que j’arrive à cumuler à ce jour en ayant diversifié les canaux d’acquisitions pour limiter les risques en cas de nouvelle crise mais aussi pour ne dépendre de personne (Origines géographiques, BtoB, BtoC), et en travaillant aussi avec des prestataires locaux et en étant surtout mon propre producteur.

Grandir pour grandir peut bouleverser cet équilibre
».

Une situation actuelle qui n’empêche pas l’interrogation sur le futur

« Il est vrai que des clients réguliers commencent à m’interroger sur d’autres possibles expériences dans d’autres régions.

Pour autant, avant d’imaginer installer Ride & More sur d’autres territoires, je vais explorer la diversification sur la Provence en direction des randonnées pédestres
».

« Je ne dis pas qu’ensuite je vais voir à m’étendre, mais ce sera encore une fois avec des partenaires locaux, qui adoptent mon concept, mais qui connaissent parfaitement leur territoire, les circuits, les hébergements et les étapes gastronomiques.

Comme je le fais ici en Provence avec des expériences simples mais réellement authentiques
».

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