Changement de stratégie spatiale pour la France... avec 15 ans de retard ! Depositphotos.com Auteur tom.griger
Emmanuel Macron a annoncé que l’Etat allait signer des contrats de lancements, attribués par le CNES, en faveur de quatre start-up spatiales françaises : Latitude, HyprSpace, Sirius et MaiaSpace.
C’est un changement total de stratégie de la politique d’aide à l’industrie spatiale.
En effet, plutôt que de subventionner des développements ou des projets de recherches et développement, l’Etat, via le CNES, préfère désormais organiser des appels d’offres pour des services de lancements, et acheter ces lancements aux gagnants de ces compétitions.
Comme le rappelle Bruno Le Maire dans un communiqué de presse : « Ces deux dernières années nous avons mené une politique spatiale ambitieuse : d’une logique institutionnelle nous sommes entrés dans une logique économique et de compétition.
Ce changement de modèle, je l’ai porté en France et au niveau européen avec l’accord de Séville qui a marqué un tournant décisif dans notre histoire spatiale. Ce changement de paradigme était indispensable pour maintenir nos acteurs historiques dans la compétition internationale et faire émerger des jeunes pousses performantes qui répondent présentes. »
A noter que c’est le même Bruno Lemaire, chargé du spatial, qui a l’issue du Conseil de l’ESA réunissant les ministres responsables de l’Espace, qui s’était tenu à Paris les 22 et 23 novembre 2022, déclarait pourtant : « Si nous voulons être indépendants, nous devons mettre de l'argent sur la table et j’appelle donc l'Europe à faire bloc face aux ambitions chinoises et américaines. »
Ce changement d’attitude est en effet une très bonne chose pour l’industrie spatiale. Un seul problème : il a plus d’une quinzaine d’années de retard !
C’est un changement total de stratégie de la politique d’aide à l’industrie spatiale.
En effet, plutôt que de subventionner des développements ou des projets de recherches et développement, l’Etat, via le CNES, préfère désormais organiser des appels d’offres pour des services de lancements, et acheter ces lancements aux gagnants de ces compétitions.
Comme le rappelle Bruno Le Maire dans un communiqué de presse : « Ces deux dernières années nous avons mené une politique spatiale ambitieuse : d’une logique institutionnelle nous sommes entrés dans une logique économique et de compétition.
Ce changement de modèle, je l’ai porté en France et au niveau européen avec l’accord de Séville qui a marqué un tournant décisif dans notre histoire spatiale. Ce changement de paradigme était indispensable pour maintenir nos acteurs historiques dans la compétition internationale et faire émerger des jeunes pousses performantes qui répondent présentes. »
A noter que c’est le même Bruno Lemaire, chargé du spatial, qui a l’issue du Conseil de l’ESA réunissant les ministres responsables de l’Espace, qui s’était tenu à Paris les 22 et 23 novembre 2022, déclarait pourtant : « Si nous voulons être indépendants, nous devons mettre de l'argent sur la table et j’appelle donc l'Europe à faire bloc face aux ambitions chinoises et américaines. »
Ce changement d’attitude est en effet une très bonne chose pour l’industrie spatiale. Un seul problème : il a plus d’une quinzaine d’années de retard !
Spatial : 400 millions d'euros pris sur l’enveloppe du plan France 2030
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C’est en effet le choix qu’avait fait la Nasa depuis 2006 avec le programme COTS (Commercial Orbital Transportation Services) puis décidée de généraliser la méthode dans les années 2010 avec SpaceX, ULA, Boeing et Lockheed Martin, Blue Origin, et Rocket Lab.
C’est ainsi, sur ce système d’appels d’offres et de compétition, qu’a fonctionné le projet de transport d’astronautes américains vers l’ISS (remportée par SpaceX et Boeing), celui pour l’atterrisseur lunaire des missions Artemis (remporté par le Starship de SpaceX et le Blue Moon de Blue Origin) ou les projets de futures stations spatiales commerciales (remportée par Nanoracks, Blue Origin et Northrop Grumman).
La somme dégagée pour ce programme de lancements est de 400 millions d'euros pris sur l’enveloppe du plan France 2030, dont une partie sera versée aux start-ups sélectionnées sous forme d’un acompte par le CNES, le solde à la réalisation de la mission.
Pour être complet sur cette initiative il convient également de préciser que l’Allemagne, tout comme la France, n’a pas attendu l’appel d’offres européen, puisque le DLR, l’agence spatiale allemande, a lui aussi déjà organisé une compétition, remportée par ses champions Isar Aerospace et Rocket Factory.
Ensuite, il faut se poser la question de savoir si le choix du marché des mini et micro-lanceurs est le meilleur, bien que les conseillers de l'Élysée estiment : « qu’il y a une demande pour le lancement. Après, il faut être compétitif et il faut être capable de lancer pour pas cher. C'est tout l'enjeu de ce type de compétition. »
Rappelons que les start-ups françaises et européennes de mini-lanceurs vont devoir s’imposer sur un marché déjà très concurrencé.
C’est ainsi, sur ce système d’appels d’offres et de compétition, qu’a fonctionné le projet de transport d’astronautes américains vers l’ISS (remportée par SpaceX et Boeing), celui pour l’atterrisseur lunaire des missions Artemis (remporté par le Starship de SpaceX et le Blue Moon de Blue Origin) ou les projets de futures stations spatiales commerciales (remportée par Nanoracks, Blue Origin et Northrop Grumman).
La somme dégagée pour ce programme de lancements est de 400 millions d'euros pris sur l’enveloppe du plan France 2030, dont une partie sera versée aux start-ups sélectionnées sous forme d’un acompte par le CNES, le solde à la réalisation de la mission.
Pour être complet sur cette initiative il convient également de préciser que l’Allemagne, tout comme la France, n’a pas attendu l’appel d’offres européen, puisque le DLR, l’agence spatiale allemande, a lui aussi déjà organisé une compétition, remportée par ses champions Isar Aerospace et Rocket Factory.
Ensuite, il faut se poser la question de savoir si le choix du marché des mini et micro-lanceurs est le meilleur, bien que les conseillers de l'Élysée estiment : « qu’il y a une demande pour le lancement. Après, il faut être compétitif et il faut être capable de lancer pour pas cher. C'est tout l'enjeu de ce type de compétition. »
Rappelons que les start-ups françaises et européennes de mini-lanceurs vont devoir s’imposer sur un marché déjà très concurrencé.
Les Allemands ont pris de l’avance sur ce plan
En plus de SpaceX, qui lance les petits satellites par dizaines à un prix imbattable, elles font face à de redoutables rivaux américains Rocket Lab, Relativity Space, Firefly Aerospace…
Concernant l’américain Rocket Lab, qui en 2023 a perdu 182,6 millions de dollars, bien que le chiffre d’affaires ait augmenté (244,6 millions de dollars en 2023, contre 211 millions en 2022), il est signalé dans le rapport annuel :
« Nous prévoyons continuer à subir des pertes nettes au cours des prochaines années et nous pourrions ne pas atteindre ou maintenir la rentabilité à l'avenir. »
Enfin, il faut savoir aussi que les Allemands ont pris de l’avance sur ce plan puisque Isar Aerospace pour ses quatre premiers tirs affiche complet et que l’Allemagne a déjà vendu l’intégralité de ses deux premiers lancements et revendique 600 millions d’euros de contrats en cours…
Ce choix des mini et micro-lanceurs peut donc en effet poser question…
Concernant l’américain Rocket Lab, qui en 2023 a perdu 182,6 millions de dollars, bien que le chiffre d’affaires ait augmenté (244,6 millions de dollars en 2023, contre 211 millions en 2022), il est signalé dans le rapport annuel :
« Nous prévoyons continuer à subir des pertes nettes au cours des prochaines années et nous pourrions ne pas atteindre ou maintenir la rentabilité à l'avenir. »
Enfin, il faut savoir aussi que les Allemands ont pris de l’avance sur ce plan puisque Isar Aerospace pour ses quatre premiers tirs affiche complet et que l’Allemagne a déjà vendu l’intégralité de ses deux premiers lancements et revendique 600 millions d’euros de contrats en cours…
Ce choix des mini et micro-lanceurs peut donc en effet poser question…
Les lauréats de l’appel d’offres « Démonstration d’un service de micro et mini-lancements »
HyprSpace
Start-up fondée en 2019 située en région Nouvelle Aquitaine, agissant comme opérateur de lancement et développant une solution de lanceur à propulsion hybride à base de polyéthylène et oxygène liquide permettant une architecture du véhicule innovante et brevetée. La performance visée pour le marché cible est de 235 kg sur une orbite LEO 400 km. La démonstration de service de lancement en vol est prévue en 2027.
Latitude
Start-up fondée en 2019 et située en région Grand Est. Latitude conçoit, développe et met en œuvre une gamme de service dédiés à la mise en orbite de petits satellites, via son lanceur Zéphyr afin de mettre sur le marché une offre de lancement visant une performance de 100 kg en orbite SSO. Première démonstration en vol dès fin 2026.
Sirius Space Services
Start-up fondée en 2022 développant une gamme de petits lanceurs permettant d’adresser un marché allant de 180 à 1100 kg de charge utile sur une orbite SSO de 500 km. La démonstration en vol proposée sera réalisée avec le lanceur intermédiaire de la gamme, dénommé Sirius 13 avec 2 boosters latéraux, à l’horizon de fin 2027.
MaïaSpace
Fondée en 2021, entreprise filiale d’ArianeGroup et développant un mini lanceur spatial avec premier étage réutilisable dénommé Maïa. La société conçoit et réalise la production de ce produit, dont elle assure également la commercialisation et les opérations de services de lancement. La solution de lancement est construite autour de 2 versions du même lanceur, consommable et réutilisable pour le premier étage, ce qui permet d’adresser un marché étendu. La première démonstration de service en vol est prévue avant fin 2027.
Start-up fondée en 2019 située en région Nouvelle Aquitaine, agissant comme opérateur de lancement et développant une solution de lanceur à propulsion hybride à base de polyéthylène et oxygène liquide permettant une architecture du véhicule innovante et brevetée. La performance visée pour le marché cible est de 235 kg sur une orbite LEO 400 km. La démonstration de service de lancement en vol est prévue en 2027.
Latitude
Start-up fondée en 2019 et située en région Grand Est. Latitude conçoit, développe et met en œuvre une gamme de service dédiés à la mise en orbite de petits satellites, via son lanceur Zéphyr afin de mettre sur le marché une offre de lancement visant une performance de 100 kg en orbite SSO. Première démonstration en vol dès fin 2026.
Sirius Space Services
Start-up fondée en 2022 développant une gamme de petits lanceurs permettant d’adresser un marché allant de 180 à 1100 kg de charge utile sur une orbite SSO de 500 km. La démonstration en vol proposée sera réalisée avec le lanceur intermédiaire de la gamme, dénommé Sirius 13 avec 2 boosters latéraux, à l’horizon de fin 2027.
MaïaSpace
Fondée en 2021, entreprise filiale d’ArianeGroup et développant un mini lanceur spatial avec premier étage réutilisable dénommé Maïa. La société conçoit et réalise la production de ce produit, dont elle assure également la commercialisation et les opérations de services de lancement. La solution de lancement est construite autour de 2 versions du même lanceur, consommable et réutilisable pour le premier étage, ce qui permet d’adresser un marché étendu. La première démonstration de service en vol est prévue avant fin 2027.
Ne boudons pas cependant notre plaisir à cette initiative qui bouscule un peu l’establishment du Cnes et de l’Esa et du regain d’intérêt que porte l’Elysée sur la conquête spatiale.
Un regret et un espoir.
Un regret : qu’il ait fallu attendre si longtemps pour constater que la stratégie de la Nasa était la bonne.
Un espoir : qu’enfin l’Europe et la France accélèrent sur le vol habité qui rappelons-le, selon le plan actuel, prendra encore 5 à 10 ans, compte tenu du temps de développement d’une capsule habitée et de l’adaptation d’Ariane 6 au vol habité. Ce qui veut dire une autonomie de l’Europe en ce domaine qui n’aurait donc lieu, pas avant la prochaine décennie !!!
Pour conclure :
« Est-ce qu’on peut concevoir une Europe du spatial sans cette capacité d’accès de nos astronautes à des capacités de vol habité ? C’est une question de rayonnement européen. Toutes les capacités techniques, nous les avons en Europe. C’est une question de volonté politique » disait encore il y a quelques temps Philippe Baptiste, PDG du CNES au magazine Challenges.
Le même Philippe Baptiste qui lors du séminaire Perspectives spatiales, organisé jeudi 28 mars par le cabinet de conseil Euroconsult et le Gifas a déclaré « Notre industrie ne pivote pas assez vite. Il faut bouger rapidement, réduire les cycles, réduire les coûts, sinon on va tous crever. »
Parole de bon sens et comme nous l’avons exprimé maintes fois : pour exister sur la scène internationale, le vol habité est primordial et sur ce point toujours pas de message fort de la part de la France et de l’Europe !
Un regret et un espoir.
Un regret : qu’il ait fallu attendre si longtemps pour constater que la stratégie de la Nasa était la bonne.
Un espoir : qu’enfin l’Europe et la France accélèrent sur le vol habité qui rappelons-le, selon le plan actuel, prendra encore 5 à 10 ans, compte tenu du temps de développement d’une capsule habitée et de l’adaptation d’Ariane 6 au vol habité. Ce qui veut dire une autonomie de l’Europe en ce domaine qui n’aurait donc lieu, pas avant la prochaine décennie !!!
Pour conclure :
« Est-ce qu’on peut concevoir une Europe du spatial sans cette capacité d’accès de nos astronautes à des capacités de vol habité ? C’est une question de rayonnement européen. Toutes les capacités techniques, nous les avons en Europe. C’est une question de volonté politique » disait encore il y a quelques temps Philippe Baptiste, PDG du CNES au magazine Challenges.
Le même Philippe Baptiste qui lors du séminaire Perspectives spatiales, organisé jeudi 28 mars par le cabinet de conseil Euroconsult et le Gifas a déclaré « Notre industrie ne pivote pas assez vite. Il faut bouger rapidement, réduire les cycles, réduire les coûts, sinon on va tous crever. »
Parole de bon sens et comme nous l’avons exprimé maintes fois : pour exister sur la scène internationale, le vol habité est primordial et sur ce point toujours pas de message fort de la part de la France et de l’Europe !
Michel Messager - DR
Michel MESSAGER est directeur associé de Consul Tours, société de conseil travaillant pour une clientèle privée et institutionnelle dans les secteurs du tourisme.
Il est Membre Fondateur de l’Institut Européen du Tourisme Spatial et de l’AFST (Association Française des Seniors du Tourisme). Il est l’auteur de nombreux articles sur le sujet ainsi que de plusieurs livres : le "Tourisme Spatial" publié en 2009 à la documentation française, "Histoire du Tourisme Spatial de 1950 à 2020" sorti en 2021, "Tourisme Spatial et Ecologie" en 2022 et "Tourisme Spatial de 1950 à 2022" chez Amazon. Il est considéré actuellement comme l’un des spécialistes en la matière.
Il intervient fréquemment sur ce sujet à la radio et à la télévision, ainsi qu’au travers de conférences dans de nombreux pays, notamment au Canada où il réside quelques mois par an. Il conseille notamment des entreprises du "new space" et des fonds d’investissements sur les projets financiers en matière de Tourisme Spatial.
Il est Membre Fondateur de l’Institut Européen du Tourisme Spatial et de l’AFST (Association Française des Seniors du Tourisme). Il est l’auteur de nombreux articles sur le sujet ainsi que de plusieurs livres : le "Tourisme Spatial" publié en 2009 à la documentation française, "Histoire du Tourisme Spatial de 1950 à 2020" sorti en 2021, "Tourisme Spatial et Ecologie" en 2022 et "Tourisme Spatial de 1950 à 2022" chez Amazon. Il est considéré actuellement comme l’un des spécialistes en la matière.
Il intervient fréquemment sur ce sujet à la radio et à la télévision, ainsi qu’au travers de conférences dans de nombreux pays, notamment au Canada où il réside quelques mois par an. Il conseille notamment des entreprises du "new space" et des fonds d’investissements sur les projets financiers en matière de Tourisme Spatial.