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"Stop, ça suffit : arrêtons de parler du surtourisme !" 🔑

Interview de Vincent Garel, le président du CRTL Occitanie


Depuis quelques semaines, le tourisme est pointé du doigt. Des titres en rouge barrent les journaux de France. Notre pays étoufferait sous le surtourisme. Alors que les premiers chassés-croisés ont commencé, les professionnels s'inquiètent d'un traitement qu'ils ne jugent pas juste. Vincent Garel, le président du CRTL Occitanie, a décidé de prendre la parole sur TourMaG.com, pour crier haro sur les médias et demande à ce que cesse ce tourisme bashing ! Dans le même temps, il invite tout l'écosystème français à repenser le tourisme, lors des Convergences Touristiques 2023.


Rédigé par le Mardi 18 Juillet 2023

TourMaG - Vous êtes président du Comité Régional du Tourisme et des Loisirs d'Occitanie. Le tourisme n'a pas vraiment bonne presse en ce moment...

Vincent Garel :
Mon sentiment est partagé entre la colère et la lassitude.

Le surtourisme dans les médias est devenu un marronnier. En 2020, c'était la fin du tourisme, puis le renouveau au sortir de la crise sanitaire et maintenant c'est le surtourisme.

Le contexte est que la France n'a toujours pas globalement retrouvé les chiffres de 2019. Ce thème traité à outrance interroge beaucoup sur son fondement même. Pourquoi en 2023 tout le monde ne parle que de ça ?

A lire : Le surtourisme : amplification médiatique, mais enjeux réels

Le traitement médiatique fait presque peur. Je ne nie pas qu'il y ait des problèmes à certains endroits, mais cela ne concerne pas tout le pays, il ne faut pas généraliser. Quand nous lisons que 80% des touristes se concentrent sur 20% des territoires, j'ai des doutes sur la véracité des chiffres.

Cela signifie aussi que 80% de la France est en sous-tourisme. Nous devons arrêter ce ton accusatoire.

Les médias doivent arrêter de faire porter des responsabilités aussi fortes au seul tourisme, car c'est un secteur qui s'est particulièrement bien s'adapter et se transformer, puisqu'il porte des valeurs positives pour ceux ayant la chance de pouvoir voyager.


Tourisme : "Ces campagnes médiatiques font que nous nous tirons une balle dans le pied"

TourMaG - Pouvons-nous parler de surtourisme en Occitanie ?

Vincent Garel :
Comme je vous l'ai dit, je ne nie pas que cela existe dans quelques endroits.

Quand un flux de visiteurs est mal maitrisé, le surtourisme entraine une expérience de visite dégradée et impacte la vie quotidienne des habitants du territoire. Il est possible d'y remédier et des choses sont faites pour lutter contre.

Depuis quelques années, nous sommes passés à la vitesse supérieure sur la répartition des flux, les externalités du tourisme. Nous voyons une véritable recrudescence de l'intérêt pour la campagne, car nous proposons des offres complètes de loisirs.

L'Occitanie possède 220 km de littoral, cela représente 30 à 35% des flux touristiques, contre 45% pour nos campagnes.

Pour rappel, nous avons été la 1ère destination de France en 2022. Et les stations du littoral ont été construites pour accueillir le plus de touristes possible dans les meilleures conditions, comme la Grande Motte, le Cap d'Agde ou Gruissan.

Ce qui me dérange dans l'idée du bashing que connait le tourisme actuellement, c'est que rapidement nous confondons le surtourisme et le tourisme de masse. Dans le tourisme de masse, il y a le tourisme populaire. Voulons-nous que ces classes avec peu de revenus ne partent pas en vacances ?

Et laisser cette activité aux seules catégories aisées de la population française ?


N'oublions pas que près de 40% des Français ne partent pas en vacances. Imaginez que demain tout le monde puisse partir en vacances, comment en parleraient les médias ?

Stop, ça suffit, arrêtons de parler du surtourisme ! Nous devons organiser les flux et les offres pour que le tourisme continue à exister dans notre pays, car il est un pan majeur de notre économie nationale.

Dans une activité économique, où l'image et la notoriété sont indispensables, ces campagnes systématiques contre le tourisme reviennent à se tirer une balle dans le pied.

Convergences Touristiques : "réinventer le tourisme" tous ensemble !

TourMaG - Vous en voulez aux médias de ne pas bien aborder et connaître le sujet ?

Vincent Garel :
Oui en quelque sorte.

Quand je vois les médias grand public parler de la saisonnalité, du moins en Occitanie, nous voyons de moins en moins de grandes différences.

Aujourd'hui, nous avons deux blocs saisonniers : l'un printanier et estival de la mi-février jusqu'à la fin octobre, puis l'autre englobant l'automne et l'hiver, allant de la fin octobre à la mi-mars.

Le traitement des journaux tend à démontrer que les territoires ne font rien pour s'adapter et prennent les touristes pour des c***.

Ceux qui ont le choix de leurs dates de vacances, partent à d'autres moments de l'année pour éviter les pics estivaux, sauf que ce ne sont pas toujours les salariés qui décident de leurs dates de départ. Puis vous avez aussi la question des vacances scolaires.

D'ailleurs le président de la République a émis l'idée d'une réflexion sur le sujet, il serait intéressant d'y inviter toutes les parties prenantes sur la question.


En somme, les Français ont quelques obligations sur les dates des vacances.


TourMaG - Cette notion du surtourisme et son traitement négatif du tourisme ne sont-elles pas accentuées par le développement des inégalités entre ceux qui peuvent partir et les autres ?

Vincent Garel :
Je ne saurais pas vous dire, par contre il y a un sujet clairement.

Dans le premier pays touristique du monde, il est indécent que le taux de non-départ en vacances des Français augmente depuis de nombreuses années. Nous devons tous réfléchir à cette question.

L'enjeu serait d'identifier les idées, les réalisations et travailler ensemble sur comment faire connaitre les dispositifs auprès des populations les plus éloignées du voyage.

Nous devons tous sortir de nos carcans, nous devons parler et innover. Pour travailler sur le surtourisme, la gestion des flux touristique, le tourisme social ou encore le statut des saisonniers, j'invite tout l'écosystème touristique national aux Convergences Touristiques.

Avant crise, avec Jean Pinard, nous avions réfléchi à un grand reset du tourisme. Puis le Covid est arrivé, nous n'avions pas pu lancer l'évènement, sauf que le traitement médiatique des dernières semaines a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase.

J'aimerais que nous croisions tous nos idées, entre les anciens, la nouvelle génération et les acteurs d'Occitanie et d'ailleurs. Nous pourrions sortir de cet évènement avec une feuille de route et/ou des engagements.

Au CRTL Occitanie, nous défendons un tourisme positif, pour le voyageur avec une expérience inoubliable, mais aussi l'économie de la région et l'acceptabilité des territoires au développement de l'activité.

Plutôt que le tourisme durable, nous devrions plutôt parler du développement durable du tourisme.

Nous ne devons pas opposer les aspects environnementaux et l'humain, sinon cela ne fonctionne pas.

La transformation écologique ce n'est pas la dislocation sociale.

"Je ne comprends pas que nous n'ayons pas une politique globale du tourisme"

TourMaG - Les Convergences ont donc vocation à devenir un évènement national sur la réinvention du tourisme ?

Vincent Garel :
Nous sommes prêts à accueillir qui veut venir.

Je vais envoyer une invitation à tous mes homologues présidents de CRT, puis au-delà nous allons inviter toutes les fédérations nationales, les acteurs du tourisme social ou les instances nationales, pour réinventer le tourisme.

Puisque certains ne voient pas que nous travaillons, alors nous allons prendre le taureau par les cornes. Durant les Convergences, les 16 et 17 octobre 2023 nous lançons le travail de réflexion, en élaborant une feuille de route, puis en mars 2024 nous accueillons les Rendez-vous en France 2024.

En marge de ce dernier évènement, nous présentons le résultat de cette réflexion, pour montrer que l'activité touristique est faite pour les territoires et ses habitants.

Je lance l'appel et le rendez-vous, y compris à Madame la Ministre.


TourMaG - Le problème de la France ne réside-t-il pas dans le fait que nous n'avons plus vraiment de politique de développement du tourisme depuis quelques années ?

Vincent Garel :
Je ne veux incriminer personne, mais gouvernement après gouvernement, la deuxième économie du pays n'a pas plus de visibilité que ça.

Nous devrions plus identifier le tourisme, dans l'ordre protocolaire du gouvernement, nous devrions avoir un ministre du Tourisme plus visible.

Certaines problématiques ne se règleront que pas la loi, donc soit nous donnons plus d'autonomie aux Régions, pour qu'elles puissent expérimenter des choses, soit tout se décide au niveau national, mais alors le ministre en charge doit avoir plus de pouvoir.

Je ne comprends pas que nous ne soyons pas plus porteurs d'une politique globale au niveau national depuis des décennies. Ce n'est pas parce que le tourisme fonctionne bien que cela va toujours continuer ainsi : la concurrence est là et nous devons transformer le secteur.

Nous devons aller plus loin.

"Le voyage favorise l'émancipation et l'intégration sociale"

TourMaG - Les médias traitent le tourisme comme un nuisible et les Gouvernements estiment que le secteur est un bandit manchot... Avons-nous peu perdu au fil du temps le sens du voyage ?

Vincent Garel :
C'est parfois le sentiment que nous pouvons avoir.

Nous ne devons pas croire que cela va continuer comme avant. Mais compte tenu des transformations, cela pourrait avoir des conséquences très néfastes sur notre patrimoine. Nous risquons de perdre notre leadership économique, et nous devons nous rappeler aussi que le voyage et les vacances favorisent l'émancipation et l'intégration sociale.

A lire : Unat: "Les vacances sont un levier fort de cohésion sociale"

Nous ne devons pas être angéliques : nous n'allons pas tout régler, mais c'est un facilitateur d'intégration sociale, je n'en démords pas.

Le tourisme ce n'est pas qu'une caisse enregistreuse, il y a de l'humain et des rencontres. Au regard des évènements que nous avons traversés ces dernières semaines, il est indispensable de le rappeler.

L'Occitanie Rail Tour vient d'un échange avec Jean Pinard. Il me proposait de refaire ce que faisaient les aristocrates anglais au XXe siècle, avec le grand tour. La seule condition était de le rendre accessible à tous, sur notre territoire.

Le voyage ne doit pas être réservé à une partie de la population. Nous avons déjà vendu 5 000 voyages de ce type. Je peux vous dire que l'attrait est important de la part des clientèles étrangères. Voici un exemple pour irriguer le territoire de façon décarboné.

Romain Pommier Publié par Romain Pommier Journaliste - TourMaG.com
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