Le touriste de masse est-il responsable de la descente aux enfers de certains sites touristiques ? Pas forcément - DR : Daniel Ernst Fotolia
Juste avant les attentats dramatiques qui ont touché l’Espagne, le tourisme de masse a constitué le sujet favori des médias.
A la lumière de la vague « anti touriste » que j’ai dénoncée l’an dernier à la même époque, il va de soi que la thématique bien mise en scène est d’autant plus séduisante que tout le monde est aujourd’hui victime de la surpopulation touristique.
Sur fond de plages et de rues bondées, les plateaux de télévision et radio ont cependant trop vite fait de désigner le coupable idéal dans la personne du touriste, alors que nul n’ignore que la culture de la performance statistique est la première responsable d’une situation dont nous ne mesurons pas assez l’ampleur.
Histoire de sortir de cette mise en accusation récurrente et réelle, le touriste m’a paru être un bon sujet. Est-il responsable de la descente aux enfers de certains sites touristiques ? Pas forcément.
A la lumière de la vague « anti touriste » que j’ai dénoncée l’an dernier à la même époque, il va de soi que la thématique bien mise en scène est d’autant plus séduisante que tout le monde est aujourd’hui victime de la surpopulation touristique.
Sur fond de plages et de rues bondées, les plateaux de télévision et radio ont cependant trop vite fait de désigner le coupable idéal dans la personne du touriste, alors que nul n’ignore que la culture de la performance statistique est la première responsable d’une situation dont nous ne mesurons pas assez l’ampleur.
Histoire de sortir de cette mise en accusation récurrente et réelle, le touriste m’a paru être un bon sujet. Est-il responsable de la descente aux enfers de certains sites touristiques ? Pas forcément.
Le touriste de masse n'est pas entièrement fautif
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Les comportements du touriste de masse sont en partie actionnés par des mécanismes de mimétisme auxquels il a du mal à se soustraire… Sans vouloir le dédouaner, voici quelques arguments plaidant en sa faveur.
1. Il est toujours en trop. Premier point sur lequel nous devons insister, il est toujours en surnombre ! D'ailleurs, dès le 19e siècle, Théophile Gautier en voyage à Istanbul déplorait le nombre excessif de visiteurs devant la mosquée bleue alors qu’en ce temps là, une poignée d’aristocrates seulement faisait du tourisme ! Et les décennies qui ont suivi ont répété les mêmes critiques à son endroit : De Paul Morand à Henry Miller ou Georges Simenon.
2. Il est facilement caricatural. Transplanté dans un environnement étranger, le touriste est volontiers mal à l’aise, donc maladroit. Toujours en décalage, il ne porte pas les vêtements qui conviennent au climat et aux usages, ne comprend et ne parle pas la langue du cru, a du mal à trouver son chemin, s’accommode mal de la nourriture locale et tombe facilement malade.
3. Le touriste a une autre originalité, il est surtout mal aimé et rejeté par ses pairs, les autres touristes, plutôt que par les populations qui l’accueillent. Voilà pourquoi, bon nombre d’individus se croient obligés de se démarquer de la masse des touristes en revendiquant un statut de « voyageur » considéré comme bien plus valorisant, d’autant que ce « voyageur » prétend emprunter des chemins de traverse et fréquenter des destinations dont lui seul a le secret !
4. L’alcool au cœur du problème. Autre remarque : l’une des causes du rejet du touriste, notamment en Espagne, se trouve dans son penchant pour l’alcool bon marché qui coule à flots, vendu par des établissements peu regardants sur la loi, pressés de boucler en quelques jours leur budget annuel.
Causant des arrestations, des hospitalisations, des verbalisations et toutes sortes d’autres actions d’urgence, la consommation d’alcool démarre parfois avant le voyage. Voilà pourquoi la compagnie Ryanair, toujours en quête d’un coup de publicité, a exhorté les autorités britanniques à limiter à deux verres la consommation d’alcool dans les aéroports. Une réclamation qui souligne l’ampleur du problème et la nécessité impérieuse d’avoir recours à la législation pour prévenir des conduites excessives qui surviennent de plus en plus souvent à bord et créent des nuisances pour les passagers et le personnel. Consultée, la Commission européenne rejette sur les pays concernés la responsabilité d’élaborer une loi. Mais, d’ores et déjà, en Bulgarie et en Croatie, des mesures ont été prises à l’échelle locale dans des stations dévastées par les incivilités des jeunes touristes. Bien entendu, la drogue n’est jamais loin de l’alcool !
5. La transgression, un comportement anthropologique. Autre responsabilité, sociétale voire anthropologique, la quasi nécessité pour bon nombre de jeunes touristes d’expérimenter la liberté que leur apportent les vacances à travers des pratiques « border line », à la fois transgressives et provocatrices. Loin des parents, tout leur est permis, y compris la possibilité de se donner en spectacle ou celle de se mettre en danger. Mais, tout semble aussi permis à bon nombre d’adultes. En effet, sans aller aussi loin que les jeunes, des touristes d’âge mûr affichent des conduites répréhensibles, vis-à-vis des populations locales et vis-à-vis des autres touristes. Attitudes qui, mystère de la condition de vacancier, ils ne se permettraient pas dans leur vie habituelle.
Le déplacement, la distance, la rupture sont bel et bien de nature à provoquer des changements de personnalité. Souvent étudié, le phénomène n’est pas facile à combattre mais donne lieu quotidiennement à des nuisances : on parle fort, on jette ses canettes de bière dans la rue, on ne soigne pas sa tenue, on s’assied par terre, on conduit n’importe comment et parfois, on s’amuse à dégrader une œuvre artistique historique… En somme, le touriste a l’impression d’avoir des droits. Une attitude également liée à la domination économique et culturelle du tourisme occidental dans le monde et à l’ethnocentrisme qu’elle provoque.
6. Le regard complaisant des médias. Dernier point concourant à déliter le statut de touriste : les médias, dont les unes de la presse télévisée ou papier sont consacrées, et cela depuis trop longtemps, aux conduites irresponsables de vacanciers totalement irrespectueux de leur environnement. Non seulement celles-ci ne sont pas de nature à donner une bonne image du touriste, mais, en fournissant une occasion inespérée de diffuser du spectaculaire ou, mieux, du spectacle, elles encouragent les conduites excessives.
Sous l’œil des caméras, le moindre faible d’esprit qui plonge par la fenêtre d’un hôtel dans la piscine au risque de se tuer, le moindre couple aviné qui tabasse un chauffeur de bus ou qui exhibe ses ébats sexuels sur un balcon… deviennent les stars plus ou moins éphémères des médias et des réseaux sociaux où ils totalisent des millions de vues. Un peu à la façon de certains spectateurs dans certains matches de football, ces individus accèdent à leur quart d’heure de notoriété devant un public choqué, révolté et lucide le plus souvent, mais dont une partie tout de même avoue son amusement. Pire, au vu de spectacles de mauvais goût starifiant ses semblables, certains se sentent pousser des ailes et cherchent à en faire autant dès que l’occasion s’en présente.
1. Il est toujours en trop. Premier point sur lequel nous devons insister, il est toujours en surnombre ! D'ailleurs, dès le 19e siècle, Théophile Gautier en voyage à Istanbul déplorait le nombre excessif de visiteurs devant la mosquée bleue alors qu’en ce temps là, une poignée d’aristocrates seulement faisait du tourisme ! Et les décennies qui ont suivi ont répété les mêmes critiques à son endroit : De Paul Morand à Henry Miller ou Georges Simenon.
2. Il est facilement caricatural. Transplanté dans un environnement étranger, le touriste est volontiers mal à l’aise, donc maladroit. Toujours en décalage, il ne porte pas les vêtements qui conviennent au climat et aux usages, ne comprend et ne parle pas la langue du cru, a du mal à trouver son chemin, s’accommode mal de la nourriture locale et tombe facilement malade.
3. Le touriste a une autre originalité, il est surtout mal aimé et rejeté par ses pairs, les autres touristes, plutôt que par les populations qui l’accueillent. Voilà pourquoi, bon nombre d’individus se croient obligés de se démarquer de la masse des touristes en revendiquant un statut de « voyageur » considéré comme bien plus valorisant, d’autant que ce « voyageur » prétend emprunter des chemins de traverse et fréquenter des destinations dont lui seul a le secret !
4. L’alcool au cœur du problème. Autre remarque : l’une des causes du rejet du touriste, notamment en Espagne, se trouve dans son penchant pour l’alcool bon marché qui coule à flots, vendu par des établissements peu regardants sur la loi, pressés de boucler en quelques jours leur budget annuel.
Causant des arrestations, des hospitalisations, des verbalisations et toutes sortes d’autres actions d’urgence, la consommation d’alcool démarre parfois avant le voyage. Voilà pourquoi la compagnie Ryanair, toujours en quête d’un coup de publicité, a exhorté les autorités britanniques à limiter à deux verres la consommation d’alcool dans les aéroports. Une réclamation qui souligne l’ampleur du problème et la nécessité impérieuse d’avoir recours à la législation pour prévenir des conduites excessives qui surviennent de plus en plus souvent à bord et créent des nuisances pour les passagers et le personnel. Consultée, la Commission européenne rejette sur les pays concernés la responsabilité d’élaborer une loi. Mais, d’ores et déjà, en Bulgarie et en Croatie, des mesures ont été prises à l’échelle locale dans des stations dévastées par les incivilités des jeunes touristes. Bien entendu, la drogue n’est jamais loin de l’alcool !
5. La transgression, un comportement anthropologique. Autre responsabilité, sociétale voire anthropologique, la quasi nécessité pour bon nombre de jeunes touristes d’expérimenter la liberté que leur apportent les vacances à travers des pratiques « border line », à la fois transgressives et provocatrices. Loin des parents, tout leur est permis, y compris la possibilité de se donner en spectacle ou celle de se mettre en danger. Mais, tout semble aussi permis à bon nombre d’adultes. En effet, sans aller aussi loin que les jeunes, des touristes d’âge mûr affichent des conduites répréhensibles, vis-à-vis des populations locales et vis-à-vis des autres touristes. Attitudes qui, mystère de la condition de vacancier, ils ne se permettraient pas dans leur vie habituelle.
Le déplacement, la distance, la rupture sont bel et bien de nature à provoquer des changements de personnalité. Souvent étudié, le phénomène n’est pas facile à combattre mais donne lieu quotidiennement à des nuisances : on parle fort, on jette ses canettes de bière dans la rue, on ne soigne pas sa tenue, on s’assied par terre, on conduit n’importe comment et parfois, on s’amuse à dégrader une œuvre artistique historique… En somme, le touriste a l’impression d’avoir des droits. Une attitude également liée à la domination économique et culturelle du tourisme occidental dans le monde et à l’ethnocentrisme qu’elle provoque.
6. Le regard complaisant des médias. Dernier point concourant à déliter le statut de touriste : les médias, dont les unes de la presse télévisée ou papier sont consacrées, et cela depuis trop longtemps, aux conduites irresponsables de vacanciers totalement irrespectueux de leur environnement. Non seulement celles-ci ne sont pas de nature à donner une bonne image du touriste, mais, en fournissant une occasion inespérée de diffuser du spectaculaire ou, mieux, du spectacle, elles encouragent les conduites excessives.
Sous l’œil des caméras, le moindre faible d’esprit qui plonge par la fenêtre d’un hôtel dans la piscine au risque de se tuer, le moindre couple aviné qui tabasse un chauffeur de bus ou qui exhibe ses ébats sexuels sur un balcon… deviennent les stars plus ou moins éphémères des médias et des réseaux sociaux où ils totalisent des millions de vues. Un peu à la façon de certains spectateurs dans certains matches de football, ces individus accèdent à leur quart d’heure de notoriété devant un public choqué, révolté et lucide le plus souvent, mais dont une partie tout de même avoue son amusement. Pire, au vu de spectacles de mauvais goût starifiant ses semblables, certains se sentent pousser des ailes et cherchent à en faire autant dès que l’occasion s’en présente.
Réprimer, une piste ultra conservatrice ?
Comment lutter contre l’irresponsabilité du touriste et de ses excès ?
La réflexion impose d’explorer en priorité la piste des parents qui devraient être priés de prévenir leurs enfants contre les risques d’une conduite excessive.
La deuxième piste est celle des tour-opérateurs qui devraient étoffer les listes noires et systématiquement exclure les individus à risques.
Les douanes et la police ont également un rôle à jouer à l’arrivée dans une nouvelle destination.
Quant aux commerçants qui écoulent de l’alcool bon marché, ils devraient être surveillés de très près et verbalisés en cas de fraudes.
Mais, cet arsenal répressif, qui n’est pas sans rappeler celui dont disposent des destinations touristiques très autoritaires (ce fut le cas de Singapour par exemple qui surveillait de près la tenue des routards dans les années 80), est-il compatible avec la liberté dont les vacances sont synonymes ? Certainement pas.
La réflexion impose d’explorer en priorité la piste des parents qui devraient être priés de prévenir leurs enfants contre les risques d’une conduite excessive.
La deuxième piste est celle des tour-opérateurs qui devraient étoffer les listes noires et systématiquement exclure les individus à risques.
Les douanes et la police ont également un rôle à jouer à l’arrivée dans une nouvelle destination.
Quant aux commerçants qui écoulent de l’alcool bon marché, ils devraient être surveillés de très près et verbalisés en cas de fraudes.
Mais, cet arsenal répressif, qui n’est pas sans rappeler celui dont disposent des destinations touristiques très autoritaires (ce fut le cas de Singapour par exemple qui surveillait de près la tenue des routards dans les années 80), est-il compatible avec la liberté dont les vacances sont synonymes ? Certainement pas.
Ou éduquer : l’Islande donne l’exemple
Josette Sicsic - DR
L’éducation du touriste et de celui qui le reçoit sont finalement les seules solutions compatibles avec l’esprit et les valeurs des vacances.
La Chine n’a pas hésité à publier des guides de bonne conduite destinés à ses ressortissants partant à l’étranger. Bien d’autres destinations en ont fait autant auprès des professionnels.
Dernier exemple en date, pour sensibiliser ses visiteurs, l’Islande, qui a vu quintupler ses arrivées touristiques en quelques années et les dégradations qui vont de pair, a pris la décision très médiatique de faire prêter serment aux nouveaux arrivants. "The Icelandic Pledge" ("Le serment islandais") est un accord que les visiteurs peuvent signer en ligne, s'engageant à respecter la nature lors de leur séjour sur l'île.
La ministre du tourisme a expliqué le bien-fondé de cette initiative en juin dernier : selon elle, "les personnes qui viennent en Islande veulent être des touristes responsables, c'est juste qu'ils ne savent pas toujours ce que cela implique".
Charte de bonne conduite au ton humoristique qui se décline donc sous la forme de huit principes essentiels, cette première devrait faire des émules.
Est-ce pour autant suffisant ? Non bien sûr, mais c’est un début.
La Chine n’a pas hésité à publier des guides de bonne conduite destinés à ses ressortissants partant à l’étranger. Bien d’autres destinations en ont fait autant auprès des professionnels.
Dernier exemple en date, pour sensibiliser ses visiteurs, l’Islande, qui a vu quintupler ses arrivées touristiques en quelques années et les dégradations qui vont de pair, a pris la décision très médiatique de faire prêter serment aux nouveaux arrivants. "The Icelandic Pledge" ("Le serment islandais") est un accord que les visiteurs peuvent signer en ligne, s'engageant à respecter la nature lors de leur séjour sur l'île.
La ministre du tourisme a expliqué le bien-fondé de cette initiative en juin dernier : selon elle, "les personnes qui viennent en Islande veulent être des touristes responsables, c'est juste qu'ils ne savent pas toujours ce que cela implique".
Charte de bonne conduite au ton humoristique qui se décline donc sous la forme de huit principes essentiels, cette première devrait faire des émules.
Est-ce pour autant suffisant ? Non bien sûr, mais c’est un début.