TourMaG.com - Parlez-nous d'abord de Déserts ?
Hervé Saliou : "Nous avons démarré il y a 20 ans et nous faisons voyager aujourd'hui environ 4000 personnes. Nous nous sommes positionnés dès le début sur le Sahara, et petit à petit nous nous sommes rendus compte que les gens étaient vraiment séduits la balade à dos de chameau.
Nous nous sommes donc spécialisés assez naturellement, et aujourd'hui un client sur deux choisit un voyage à dos de chameau. Du coup, nous avons importé la formule en Asie Centrale, où il s'agissait plutôt de monter à cheval, et inversement, les gens qui aiment les chevaux les ont demandés sur le Sahara, où nous avons du coup relancé une certaine culture du cheval, notamment en Tunisie et au Maroc.
Notre production s'est ainsi liée aux éleveurs et aux nomades qui sont généralement en marge de leur société. À titre personnel, c'est une fierté. Notre activité fait vivre des gens à l'écart des circuits touristiques classiques.
Quand l'Algérie s'est fermée en 93, nous nous sommes retournés vers la Tunisie, et ça a été là-bas le début d'un renouveau de l'élevage du chameau qui était en cours d'abandon, et qui fleurit aujourd'hui dans les catalogues des autres TO comme prestation annexe au séjour.
Voilà comment nous en sommes venus au tourisme responsable, poussés par la rencontre entre les clients et les chameliers."
T.M.com - Vous tenez au mot « responsable » plutôt qu'équitable ou solidaire ?
H. S. : "Oui, je m'insurge contre l'utilisation de tous ces mots. Un TO intelligent fait du tourisme responsable comme monsieur Jourdain fait de la prose. Il est inutile d'en faire des tonnes dans les médias. C'est le profil même de nos produits qui nous y oblige, c'est plus que de la solidarité.
Mais il y a aujourd'hui beaucoup d'angélisme et même d'hypocrisie dans certaines déclarations. Les flux sont déjà en faveur des pays recevant. Je suis monté dernièrement sur le Kilimandjaro avec des guides professeurs d'université, qui gagnaient beaucoup plus à nous accompagner qu'à donner des cours à leurs étudiants. Ce qui crée évidemment de gros dysfonctionnements dans les sociétés locales.
Mais, pour être un peu iconoclaste, j'aimerais bien pouvoir payer mes vendeurs ici plus cher qu'un prof. En France, les travailleurs du tourisme sont payés au lance-pierres et nos marges sont très réduites. L'équitable serait peut-être, aussi, de remonter les marges du côté des exportateurs !"
T.M.com - Qu'est-ce qui vous agace dans les déclarations de vos concurrents ?
H. S. : "La confusion dans la présentation des chiffres. Quand on lit dans leurs brochures que 15 à 20% des sommes demandées au client sont consacrés à des frais de fonctionnement, moi j'appelle ça de la marge brute. Et j'aimerais bien avoir ce genre de marge de temps en temps. Dire qu'on a 25% et qu'on distribue, ça me semble un peu « tartuffe », sans vouloir être violent."
T.M.com - Comment en êtes-vous donc arrivé à la création de cette structure de tourisme responsable, l'ATR ?
H. S. : "Il y a environ 4 ans, nous avons fait le constat que le Sahara était devenu « dégueulasse » et y compris à cause de gens qui se disaient solidaires mais faisaient un peu n'importe quoi. C'est comme ça que l'idée de « responsable » s'est imposée. Nous avons voulu travailler sur un label qui prouverait qu’il ne suffit pas de dire qu'on est blanc, il faut aussi le prouver, comme dans le marché bio.
Hervé Saliou : "Nous avons démarré il y a 20 ans et nous faisons voyager aujourd'hui environ 4000 personnes. Nous nous sommes positionnés dès le début sur le Sahara, et petit à petit nous nous sommes rendus compte que les gens étaient vraiment séduits la balade à dos de chameau.
Nous nous sommes donc spécialisés assez naturellement, et aujourd'hui un client sur deux choisit un voyage à dos de chameau. Du coup, nous avons importé la formule en Asie Centrale, où il s'agissait plutôt de monter à cheval, et inversement, les gens qui aiment les chevaux les ont demandés sur le Sahara, où nous avons du coup relancé une certaine culture du cheval, notamment en Tunisie et au Maroc.
Notre production s'est ainsi liée aux éleveurs et aux nomades qui sont généralement en marge de leur société. À titre personnel, c'est une fierté. Notre activité fait vivre des gens à l'écart des circuits touristiques classiques.
Quand l'Algérie s'est fermée en 93, nous nous sommes retournés vers la Tunisie, et ça a été là-bas le début d'un renouveau de l'élevage du chameau qui était en cours d'abandon, et qui fleurit aujourd'hui dans les catalogues des autres TO comme prestation annexe au séjour.
Voilà comment nous en sommes venus au tourisme responsable, poussés par la rencontre entre les clients et les chameliers."
T.M.com - Vous tenez au mot « responsable » plutôt qu'équitable ou solidaire ?
H. S. : "Oui, je m'insurge contre l'utilisation de tous ces mots. Un TO intelligent fait du tourisme responsable comme monsieur Jourdain fait de la prose. Il est inutile d'en faire des tonnes dans les médias. C'est le profil même de nos produits qui nous y oblige, c'est plus que de la solidarité.
Mais il y a aujourd'hui beaucoup d'angélisme et même d'hypocrisie dans certaines déclarations. Les flux sont déjà en faveur des pays recevant. Je suis monté dernièrement sur le Kilimandjaro avec des guides professeurs d'université, qui gagnaient beaucoup plus à nous accompagner qu'à donner des cours à leurs étudiants. Ce qui crée évidemment de gros dysfonctionnements dans les sociétés locales.
Mais, pour être un peu iconoclaste, j'aimerais bien pouvoir payer mes vendeurs ici plus cher qu'un prof. En France, les travailleurs du tourisme sont payés au lance-pierres et nos marges sont très réduites. L'équitable serait peut-être, aussi, de remonter les marges du côté des exportateurs !"
T.M.com - Qu'est-ce qui vous agace dans les déclarations de vos concurrents ?
H. S. : "La confusion dans la présentation des chiffres. Quand on lit dans leurs brochures que 15 à 20% des sommes demandées au client sont consacrés à des frais de fonctionnement, moi j'appelle ça de la marge brute. Et j'aimerais bien avoir ce genre de marge de temps en temps. Dire qu'on a 25% et qu'on distribue, ça me semble un peu « tartuffe », sans vouloir être violent."
T.M.com - Comment en êtes-vous donc arrivé à la création de cette structure de tourisme responsable, l'ATR ?
H. S. : "Il y a environ 4 ans, nous avons fait le constat que le Sahara était devenu « dégueulasse » et y compris à cause de gens qui se disaient solidaires mais faisaient un peu n'importe quoi. C'est comme ça que l'idée de « responsable » s'est imposée. Nous avons voulu travailler sur un label qui prouverait qu’il ne suffit pas de dire qu'on est blanc, il faut aussi le prouver, comme dans le marché bio.
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Cela nous a menés à travailler avec un organisme extérieur, l'AFNOR, pour mettre en place les critères et les conditions de contrôle de ces critères sur le terrain, depuis nos propres entreprises jusqu'aux prestataires réceptifs. Nous voulons que le label soit porté par la marque, pas par un produit.
Par exemple en ce moment, NF postule pour entrer à l'ATR, mais il s'agira de la marque NF Aventures. Chez Comptoirs, autre exemple, aujourd'hui seul Déserts est dans l'ATR, mais tout Déserts. Parce que nous voulons que le label porte sur le respect des employés, la fiabilité de la communication, la rapidité de règlement des prestations, etc.
Il est clair que, à ce jour, aucun des 14 membres n'est dans les clous sur tous les critères. Dans nos statuts, nous avons deux ans maximum pour être acceptés par l'AFNOR, mais nous espérons l'être tous dès la fin de cette année.
Un détail : en dehors de ses contrôles classiques, l'AFNOR recevra aussi directement les questionnaires des clients, qui ne passeront pas par nous, et porteront sur le respect de ces prestations annoncées."
T.M.com - Quelle est la place du volet « solidarité » dans ces critères ?
H. S. : "Pour le moment, nous cherchons un dénominateur commun. Quand nous aurons tous atteint un même niveau, nous pourrons monter la barre. Le volet solidarité ne consistera pas juste à donner de l'argent. Par exemple, nous travaillons en ce moment à déterminer les minima sociaux de chaque pays, et tout le monde s'engage à s'y conformer pour payer ses guides, chameliers et intervenants locaux.
Ceux qui agissent au Népal, autre exemple, doivent respecter un poids de bagages à ne pas dépasser pour les sherpas. Mais il y a autre chose qui m'agace : dernièrement, des associations se sont mises en avant pour avoir aidé à nettoyer le Sahara. Mais quel est l'impact de ça sur les Algériens ?
Les autorités ont été très choquées que des étrangers viennent faire le ménage chez eux. Ça a été considéré comme du néocolonialisme. Pour moi, il y a souvent dans la notion de solidarité une sorte de complexe de supériorité.
Ma vision du « responsable » est au contraire d'avoir avec les gens des relations commerciales normales, avec la compagnie aérienne comme avec les loueurs de chameaux. Nous avons affaire à des gens responsables, et il n'est pas forcément utile de les aider à creuser un puits à côté.
Ceci dit, nous avons participé à la création d'un campement en Mauritanie, plutôt positionné qualité de service, qui a initié un début de sédentarisation à la fois du personnel et des clients qui commencent à envisager le séjour comme alternative à la randonnée en boucle. Nous ressentons chez les autorités une nouvelle conscience de l'intérêt de ce genre de démarche.
Par ailleurs, nous sommes sans doute les premiers à avoir initié la formation de guides locaux. Hors quelques conférenciers très ponctuellement, nous n'envoyons plus d'accompagnateurs de France. Décision clairement économique au départ, c'est devenu une vraie demande du client."
T.M.com - Vous êtes donc plutôt confiant sur l'avenir de ce genre de tourisme ?
H. S. : "Il nous faudra communiquer sur le respect des critères, sur la garantie d'un produit en adéquation avec nos engagements. C'est le respect de règles acceptées par tous sur l'ensemble du processus qui fera la différence pour le client."
Déserts : deserts@deserts.fr
ATR : www.tourisme-responsable.org
VI - lundi : l’interview de Philippe Marais, partisan d’un label unique
Par exemple en ce moment, NF postule pour entrer à l'ATR, mais il s'agira de la marque NF Aventures. Chez Comptoirs, autre exemple, aujourd'hui seul Déserts est dans l'ATR, mais tout Déserts. Parce que nous voulons que le label porte sur le respect des employés, la fiabilité de la communication, la rapidité de règlement des prestations, etc.
Il est clair que, à ce jour, aucun des 14 membres n'est dans les clous sur tous les critères. Dans nos statuts, nous avons deux ans maximum pour être acceptés par l'AFNOR, mais nous espérons l'être tous dès la fin de cette année.
Un détail : en dehors de ses contrôles classiques, l'AFNOR recevra aussi directement les questionnaires des clients, qui ne passeront pas par nous, et porteront sur le respect de ces prestations annoncées."
T.M.com - Quelle est la place du volet « solidarité » dans ces critères ?
H. S. : "Pour le moment, nous cherchons un dénominateur commun. Quand nous aurons tous atteint un même niveau, nous pourrons monter la barre. Le volet solidarité ne consistera pas juste à donner de l'argent. Par exemple, nous travaillons en ce moment à déterminer les minima sociaux de chaque pays, et tout le monde s'engage à s'y conformer pour payer ses guides, chameliers et intervenants locaux.
Ceux qui agissent au Népal, autre exemple, doivent respecter un poids de bagages à ne pas dépasser pour les sherpas. Mais il y a autre chose qui m'agace : dernièrement, des associations se sont mises en avant pour avoir aidé à nettoyer le Sahara. Mais quel est l'impact de ça sur les Algériens ?
Les autorités ont été très choquées que des étrangers viennent faire le ménage chez eux. Ça a été considéré comme du néocolonialisme. Pour moi, il y a souvent dans la notion de solidarité une sorte de complexe de supériorité.
Ma vision du « responsable » est au contraire d'avoir avec les gens des relations commerciales normales, avec la compagnie aérienne comme avec les loueurs de chameaux. Nous avons affaire à des gens responsables, et il n'est pas forcément utile de les aider à creuser un puits à côté.
Ceci dit, nous avons participé à la création d'un campement en Mauritanie, plutôt positionné qualité de service, qui a initié un début de sédentarisation à la fois du personnel et des clients qui commencent à envisager le séjour comme alternative à la randonnée en boucle. Nous ressentons chez les autorités une nouvelle conscience de l'intérêt de ce genre de démarche.
Par ailleurs, nous sommes sans doute les premiers à avoir initié la formation de guides locaux. Hors quelques conférenciers très ponctuellement, nous n'envoyons plus d'accompagnateurs de France. Décision clairement économique au départ, c'est devenu une vraie demande du client."
T.M.com - Vous êtes donc plutôt confiant sur l'avenir de ce genre de tourisme ?
H. S. : "Il nous faudra communiquer sur le respect des critères, sur la garantie d'un produit en adéquation avec nos engagements. C'est le respect de règles acceptées par tous sur l'ensemble du processus qui fera la différence pour le client."
Déserts : deserts@deserts.fr
ATR : www.tourisme-responsable.org
VI - lundi : l’interview de Philippe Marais, partisan d’un label unique