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Directive voyage à forfait : "Les circonstances exceptionnelles rendent le métier impossible..."

Pour Eric Drésin, (Ectaa) la Commission européenne a fait le minimum syndical


La directive du voyage à forfait, surinterprétée par la France, a causé depuis son instauration quelques nuits blanches aux professionnels du tourisme et des grandes frayeurs, depuis le début de la pandémie mondiale. Après presque trois ans d'application au sein de l'Union européenne, la Commission a rédigé un rapport. L'objectif est de faire un premier bilan et voir ce qui peut être amélioré. Nous avons contacté Eric Drésin, un secrétaire général de l'ECTAA, satisfait... ou presque.


Rédigé par le Mercredi 3 Mars 2021

Pour Eric Drésin, la Commission européenne a fait le minimum syndical avec son rapport - Crédit photo : Depositphotos @Andrey_Kuzmin
Pour Eric Drésin, la Commission européenne a fait le minimum syndical avec son rapport - Crédit photo : Depositphotos @Andrey_Kuzmin
TourMaG.com - Il y a quelques jours, la Commission européenne a publié son rapport sur la directive du voyage à forfait, quel est-ce document ?

Eric Drésin :
Pour établir ce rapport qui était prévu avant même la pandémie et dans le cadre de son instauration, la Commission a consulté un panel d'experts, notamment l'ECTAA et les associations de consommateurs.

A la suite de ces consultations, un rapport préliminaire a été rédigé, en novembre dernier. Ensuite le document a été retravaillé et soumis à la consultation par les différents services de la Commission européenne.

Puis l'équipe en charge a retravaillé le rapport, en fonction des observations.

Le rapport est sorti, donc il n'y a plus d'évolution à attendre et une analyse approfondie de la situation est déjà annoncée pour 2022.

Après, nous sommes dans la crise depuis maintenant une année et je trouve que ce rapport est un peu le minimum syndical. Il y a des bonnes choses dedans, mais il ne prévoit pas d'évolution majeure de la directive du voyage à forfait par rapport à un contexte exceptionnel.

Ce que dit le texte :

"Selon cette étude, il pourrait y avoir, à des degrés divers, des problèmes potentiels de non-conformité dans tous les États membres."

La Commission européenne a nommé différents exemples de problèmes qui ont été remontés : "Les représentants des consommateurs et des entreprises estiment que la définition de la prestation de voyage liée (PVL, une combinaison de deux services de voyage, ndlr) est trop complexe et difficile à appliquer dans la pratique.

Des inquiétudes ont également été exprimées quant au fait que, à l’exception de la protection contre l’insolvabilité et de certaines obligations d’information précontractuelle, la directive ne prévoit pas la responsabilité des professionnels facilitant une PVL quant à l’exécution des services concernés.
"

Vers une répartition plus homogène des responsabilités ?

TourMaG.com - Que pensez-vous du document ?

Eric Drésin :
Il y a une bonne analyse de la situation, les rapporteurs ne se voilent pas la face. Ils relèvent certaines limites et corrections potentielles à apporter.

Nous avons noté que le rapport en lui-même constate des limites sur le champ d'application de la directive, notamment avec les prestations de voyage liées (PVL, une combinaison de deux services de voyage), qu'il faut améliorer.

Nous sommes plutôt contents, car c'est quelque chose que nous relevons depuis un moment.

Il y a une note aussi qui nous semble très intéressante, puisque la Commission révèle qu'il ne faut pas négliger les professionnels, même si le consommateur reste le coeur de la directive.

Cela nous réjouit, mais surtout, la Commission a repris une disposition sur laquelle nous travaillons, en permettant de répartir de façon plus homogène la responsabilité des professionnels vis à vis des consommateurs.

Un prestataire de services aurait certaines garanties à apporter, ce n'est pas seulement le tour-opérateur ou l'agence de voyages de tout supporter.
Elle prend note de la position de l'industrie concernant cette proposition, c'est important.

A nous de capitaliser sur ces observations dans les prochains mois.

Ce que dit le texte :

"L’analyse approfondie à venir, prévue pour 2022, n’aura pas pour objectif de réduire la protection des consommateurs.

Au contraire, la Commission évaluera la manière d’assurer le niveau élevé de protection des consommateurs prévu par la directive et de veiller au respect effectif des droits des consommateurs en tous temps et examinera comment un partage plus équitable de la charge entre les opérateurs économiques tout au long de la chaîne de valeur pourrait contribuer à la réalisation de cet objectif.
"

PVL : "La commission a noté que le système mis en place par la directive n'est pas satisfaisant"

TourMaG.com - Quel est le problème réel au niveau des PVL ?

Eric Drésin :
Par exemple, lorsqu'une personne loue une voiture en passant par le site d'une compagnie aérienne, sauf qu'en cas de problème la compagnie dit au client de se retourner vers le loueur de voitures.

Des opérateurs qui ne sont pas voyagistes donnent l'accès à d'autres prestations, ce qui leur permet de tirer des avantages financiers et commerciaux. En étant un tiers, mettant en relation, ils se dégagent de toutes les contraintes juridiques et financières.

La commission a noté que le système mis en place par la directive n'est pas satisfaisant et qu'il y a des manquements. C'est une évolution.

TourMaG.com - Dans le rapport il est stipulé que "les représentants des consommateurs craignent que les prestataires de services de voyage se présentent de manière trompeuse comme des professionnels facilitant une PVL plutôt que comme des organisateurs afin de contourner les règles plus strictes en matière de responsabilité applicables aux forfaits." Qui sont les prestataires de services visés par les consommateurs ?

Eric Drésin :
C'est l'éternel problème que nous avons, puisque la frontière ente la prestation au voyage lié et "la réservation après clic" est flou.

Il suffit pour certains acteurs de changer une adresse mail ou enlever les coordonnées bancaires, puis la vente se transforme en PVL. Il y a pas mal de moyens, avec les définitions actuelles, de transformer ce qui pourrait passer pour un voyage à forfait en une PVL.

C'est cela, je pense, que voulaient dénoncer les associations de consommateurs.

TourMaG.com - Si je comprends bien, les comparateurs de vols sont ciblés par les associations de consommateurs ?

Eric Drésin :
Certains modèles économiques de plateforme qui font de la comparaison de vols et de différents services de voyages, se situent dans une zone grise où ils pourraient être considérés comme des prestataires de PVL, ce n'est pas à moi d'en juger.

Je ne pense pas qu'ils visent, plus qu'avant, les comparateurs de vols, plutôt que d'autres plateformes. Nous parlons plutôt là des sites de certains transporteurs vendant des prestations de voyages différentes, après cela prête à interprétation.

Ce que dit le texte :

L'obligation d'information était précisément d’attirer l’attention des consommateurs sur le niveau de protection différent offert par les forfaits par rapport aux PVL et de leur permettre ainsi de choisir en connaissance de cause entre les deux modèles.

Sauf que ce n'est pas toujours le cas selon le rapport...

"Les organisations de consommateurs déclarent que la transparence devrait être encore renforcée par la communication, aux voyageurs qui réservent un service de voyage indépendant, d’informations sur le niveau de protection correspondant, qui, dans le cas des services de transport, est garanti par les règlements de l’UE relatifs aux droits des passagers .

Les représentants des entreprises de voyages proposent, compte tenu notamment de la pandémie de COVID-19, d’améliorer l’information et la protection des consommateurs pour tous les services de voyage, y compris les services indépendants.

Ils déclarent que cela pourrait donner plus de liberté aux opérateurs et aux consommateurs au moment de choisir une combinaison de services de voyage.
"

"Elle prévoit de travailler sur la question de l'insolvabilité des compagnies aériennes"

TourMaG.com - La Commission européenne reconnait-elle que la directive met en grande difficulté le secteur du fait de l'épidémie ?

Eric Drésin :
Elle fait mention de l'évolution de la situation suite à la crise et les difficultés du secteur.

Il y a de la part de la Commission, une reconnaissance du fait que cette législation a été mise en difficulté par la crise. Pour preuve, il a fallu mettre en place des dérogations temporaires aux règles générales.

Ce dernier point est inscrit dans le rapport.

TourMaG.com - Il n'y a pas pour autant une remise en question de la lourdeur de la directive et des conséquences pour les acteurs du voyage ?

Eric Drésin :
Non, il est clair que la Commission va continuer à travailler, notamment sur la question de la protection contre l’insolvabilité.

Pour tout vous dire, il est prévu une prochaine étape en 2022, pour une analyse plus profonde de la directive et de la crise. Actuellement, l'instance ne peut pas tirer de conclusions.

Les modifications de la directive, s'il doit y en avoir, seront très longues à être adoptées. Un allègement serait bienvenu, mais ce n'est pas la priorité du moment.

Le secteur est lancé dans une opération survie. Nous ne pouvons pas prendre le luxe de tout miser sur une potentielle réforme de la directive du voyage à forfait qui n'interviendra pas avant 2025.

Ce n'est pas une année donnée en l'air, c'est le laps de temps nécessaire pour réaliser une quelconque refonte. Nous devons avoir des dérogations temporaires qui sont indispensables pour le redémarrage.

TourMaG.com - Que demandez-vous ?

Eric Drésin :
Des notices d'interprétations plus flexibles, tout en en garantissant les consommateurs, pour permettre aux entreprises de s'adapter aux circonstances du marché.

La question des circonstances exceptionnelles doit faire l'objet d'une dérogation. Nous sommes dans une pandémie mondiale de façon prolongée, nous ne sommes plus dans le cadre des circonstances exceptionnelles.

Ainsi, il y a tout un tas de paramètres qui ne doivent plus s'appliquer pour que la législation ne surprotège pas les consommateurs. Actuellement les circonstances exceptionnelles rendent le métier impossible, donc il faut une réinterprétation plus flexible des circonstances exceptionnelles.

Puis il y a des problématiques autres auxquels doit répondre la commission comme : comment garantir l'activité des voyagistes ? Comment assurer la survie des fonds de garantie ? Comment permettre aux assureurs de rester ou renter dans le marché ?

Voici des éléments que la Commission doit aussi prendre en compte, car ses législations impactent l'industrie.

TourMaG.com - Elle prévoit aussi d'aborder le sujet de la garantie des compagnies aériennes...

Eric Drésin :
Elle prévoit en effet de travailler sur la question de l'insolvabilité des compagnies aériennes.

Je fais observer que la même semaine, où la Commission écrit cela dans son rapport, elle émit un nouveau rappel à l'ordre sur le respect du droit des passagers.

La concomitance n'est pas neutre, selon moi. Toutefois, les compagnies aériennes ne sont pas concernées pour le moment par le voyage à forfait.

Dans le cadre de ses travaux approfondit la Commission prévoit :

- Le réexamen du cadre réglementaire relatif aux droits des passagers, notamment pour garantir sa résilience face à des perturbations importantes des déplacements, y compris les possibilités de billets multimodaux

- L’évaluation des possibilités et la proposition, le cas échéant, d’un système de protection financière adéquat pour protéger les passagers contre le risque de crise de liquidités ou d’insolvabilité concernant le remboursement des billets et, le cas échéant, le rapatriement des passagers, d’ici 2022.

À cette fin, la Commission appréciera si les différences entre la directive et les règlements relatifs aux droits des passagers en ce qui concerne la protection contre l’insolvabilité et les droits d’annulation sont justifiées ou si les règles devraient être davantage harmonisées et si des règles spécifiques pour des situations telles que la pandémie de COVID-19 devraient être proposées, dans le but d’améliorer la protection des consommateurs.


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Commentaires

1.Posté par mille sabords le 04/03/2021 09:24 | Alerter
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Encore des emplâtres sur des jambes de bois à l horizon 2025....
Combien de professionnels auront survécu entre temps à cette crise profonde qui met en lumière les manquements et les erreurs des précédentes DIRECTIVES EUROPEENNES..? ( ex: la pleine responsabilité des agences de voyages alors que depuis belle lurette dans l industrie ce n 'est plus le cas)

La commission européenne est gérée par des fonctionnaires absents sur le terrain professionnel, elle n'a pas pris au sérieux l 'ensemble de notre profession en " sur protégeant " le voyageur à partir d'une certain jugement qui a fait jurisprudence en 2013 dont elle s'est emparée pour je le répète , " sur protéger " les consommateur de voyages loisirs sans en mesurer les conséquences sur les professionnels; comme par exemple renforcer la pleine responsabilité des agences de voyages dans le code du tourisme et en leur imposant une " garantie financière illimitée " alors que les autres corporations n'y sont pas assujetties.

Là sont les vraies questions de fonds qui pèsent sur la profession entière et qui appellent des réformes et des réponses rapides, pas à l horizon 2025 !!!
L'ECTAA a fait bouger les choses mais combien de temps a t il fallu attendre pour voir à peine se soulever la première page du dossier? ( 3 ans à minima de discussions acharnées)
Au vu du politiquement correct tout le monde se congratule ....mais rien n'avance assez vite, c'est timidement et à très petits pas que la commission européenne avance , il lui faut tellement de temps pour comprendre !!!.

On marche sur la tête dans cette profession depuis trop d'années.C'est le consommateur final qui aura raison de notre profession in fine .
Encore un problème de lobying ??
Au terme de 2025 les décisions prises seront dépassées car elles répondront partiellement aux problématiques 2016 /2020 .

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