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Aérien : la bataille de l'Océan Indien fait rage 🔑

la chronique de Jean-Louis Baroux


La desserte entre la France et l’Océan Indien promet d’être sérieusement chahutée dans un proche avenir. Voilà un axe qui a, dans le passé, attiré toutes les convoitises y compris celles des compagnies du Golfe. Il faut dire qu’entre la Réunion et l’île Maurice, il y avait une clientèle à la fois nombreuse mais également d’un bon niveau économique. L'analyse de J.-L. Baroux.


Rédigé par Jean-Louis Baroux le Lundi 29 Novembre 2021

Au moment où le trafic semble reprendre, ce qui n’est toujours pas gagné d’ailleurs, les opérateurs montrent de redoutables signes de faiblesse - Depositphotos.com Auteur GoodOlga
Au moment où le trafic semble reprendre, ce qui n’est toujours pas gagné d’ailleurs, les opérateurs montrent de redoutables signes de faiblesse - Depositphotos.com Auteur GoodOlga
Cela avait conduit à une concurrence exacerbée entre les transporteurs français.

Pas moins de quatre d’entre eux voulaient se partager un gâteau qui ne pouvait pourtant pas grossir à l’infini.

Ainsi, Air France, Air Austral, Corsair et French Bee se battaient entre Paris et la Réunion alors qu’Air Mauritius, Air France et Corsair, sans compter Emirates, s’affrontaient sur la desserte de Maurice.



Du coup, à part French Bee qui dispose d’une base de coûts très inférieure à ses concurrents, tous les transporteurs se trouvaient fragilisés.

La COVID est passée par là et les dégâts sont considérables, même si, du côté français tout au moins, les compagnies ont obtenu des soutiens considérables de la part du Gouvernement. Au moment où le trafic semble reprendre, ce qui n’est toujours pas gagné d’ailleurs, les opérateurs montrent de redoutables signes de faiblesse.

Air Mauritius a dû passer par la case du dépôt de bilan et du redressement judiciaire pour sauver sa peau.

Elle en est sortie à la fin du mois d’octobre mais cela n’a pas été sans mal.

D’abord pour le personnel dont une grande partie a dû être licenciée et puis pour les fournisseurs qui ont dû abandonner entre 40% et 65% de leurs créances. L’aide massive de l’Etat mauricien a été indispensable pour réussir l’opération.

Néanmoins le redémarrage est compliqué et le transporteur, même largement soutenu par son gouvernement, et on le comprend très bien, aura du mal à reconquérir ses positions passées.

French Bee risque bien de tirer les marrons du feu. La compagnie est peu endettée, ne dépend pas des aides étatiques pour prendre ses décisions, dispose d’une flotte moderne et efficace et a un seuil d’équilibre bien inférieur à celui des ses confrères.

Au moment où le trafic redémarre, elle sera capable de la souplesse nécessaire pour s’adapter à une demande encore fluctuante et elle pourra toujours proposer des tarifs compétitifs tout en équilibrant ses comptes.

Air France est en convalescence. La compagnie est dépendante des aides gouvernementales et elle devra encore se recapitaliser pour recouvrer des fonds propres positifs.

Elle sera donc dans l’obligation de gérer cet axe de manière prudente. Elle ne peut plus se permettre de perdre de l’argent sur un marché long courrier, sauf que même si ses coûts diminuent, ils restent encore élevés en tous cas supérieurs à ses concurrents.

Par contre la qualité de sa marque devrait lui permettre de vendre à un prix plus élevé que celui des autres transporteurs.

Air Austral, Corsair : la situation devrait s’éclaircir d’ici au printemps

Restent deux opérateurs majeurs : Air Austral et Corsair. L’un et l’autre traversent d’importantes difficultés. Corsair s’est certes donnée un peu d’air en sortant de l’environnement TUI, mais cela a été pour passer sous une capitalisation antillaise dont on peut aisément imaginer qu’elle souhaite privilégier l’axe transatlantique par rapport à l’Océan Indien.

Air Austral est quant à elle en mauvaise posture. Le transporteur réunionnais doit de toute urgence trouver plusieurs centaines de millions d’euros pour poursuivre son exploitation.

Les pouvoirs publics français poussent à un rapprochement avec Corsair, mais ce ne sera pas chose facile. D’abord les habitants et les personnalités politiques de la Réunion voient d’un œil très suspicieux leur compagnie passer sous la coupe de décisionnaires antillais.

Et puis les deux transporteurs ont des cultures très différentes et leur mariage ne semble pas aller de soi. Les flottes sont l’une chez Airbus, c’est le cas de Corsair et l’autre chez Boeing pour Air Austral.

Et les visées stratégiques sont pour le moins éloignées. Mais si le mariage ne se fait pas, que va-t-il advenir d’Air Austral ? A moins que des capitaux réunionnais soient rapidement réunis à hauteur de 300 millions d’euros, au bas mot.

La situation devrait s’éclaircir d’ici au printemps avec une grande inconnue
, comment le marché va-t-il se comporter pendant la période hivernale qui correspond à la haute saison pour ces destinations.

La lutte pour la survie sera féroce, il ne faudrait pas qu’elle débouche sur une course effrénée à la trésorerie à coups de braderies tarifaires qui n’auraient pour conséquence que de fragiliser encore un peu plus tous les acteurs.

Jean-Louis Baroux - DR
Jean-Louis Baroux - DR
Jean-Louis Baroux est l'ancien président d'APG (Air Promotion Group) et le créateur du CAF (Cannes Airlines Forum) devenu le World Air Forum.

Grand spécialiste de l'aérien, il a signé aux éditions L'Archipel ''Compagnies Aériennes : la faillite du modèle'', un ouvrage que tous les professionnels du tourisme devraient avoir lu.

Les droits d'auteur de l'ouvrage seront reversés à une association caritative. On peut l'acquérir à cette adresse : www.editionsarchipel.com.

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