L'Etat néerlandais qui souhaitait réduire le nombre de créneaux horaires sur l'aéroport d'Amsterdam Schiphol a perdu une première bataille contre le groupe Air France - KLM - Depositphotos.com Auteur fokkebok
Comme l’évoquait récemment Jean-Louis Barroux, il n’y a pas que la libéralisation du transport aérien qui fait se distendre les liens souvent privilégiés entre les États et les compagnies aériennes nationales.
Les orientations politiques et précisément celles liées à l’environnement commencent, elles aussi, à faire leur œuvre.
Ce qui se passe aux Pays-Bas en est l’exemple. Jeudi dernier, une première bataille a été remportée par KLM qui a fait bloquer par un tribunal la décision du gouvernement de supprimer des dizaines de milliers de mouvements avion au départ d’Amsterdam Schiphol .
À l’origine de cette guerre : le nouveau gouvernement, sorti des urnes après les élections législatives de mars 2021.
Après plusieurs mois de négociations, un gouvernement de coalition avait été nommé en janvier 2011 autour du Premier ministre Mark Rutte, un libéral qui n’hésite pas cependant dès qu’il le peut à rouler en vélo, même lors de déplacements officiels.
Au programme, beaucoup de promesses pour donner durant son mandat une priorité à la lutte sur le réchauffement climatique, avec notamment la construction de d2 centrales nucléaires et la nomination, pour la première fois, d’un ministre pour le climat et l’énergie.
Assez vite, (même trop, peut-être), le gouvernement néerlandais a affiché son intention de limiter les vols au départ de Schiphol à 440 000 par an, soit 11 % de moins qu'en 2019, afin de réduire la pollution sonore.
Les orientations politiques et précisément celles liées à l’environnement commencent, elles aussi, à faire leur œuvre.
Ce qui se passe aux Pays-Bas en est l’exemple. Jeudi dernier, une première bataille a été remportée par KLM qui a fait bloquer par un tribunal la décision du gouvernement de supprimer des dizaines de milliers de mouvements avion au départ d’Amsterdam Schiphol .
À l’origine de cette guerre : le nouveau gouvernement, sorti des urnes après les élections législatives de mars 2021.
Après plusieurs mois de négociations, un gouvernement de coalition avait été nommé en janvier 2011 autour du Premier ministre Mark Rutte, un libéral qui n’hésite pas cependant dès qu’il le peut à rouler en vélo, même lors de déplacements officiels.
Au programme, beaucoup de promesses pour donner durant son mandat une priorité à la lutte sur le réchauffement climatique, avec notamment la construction de d2 centrales nucléaires et la nomination, pour la première fois, d’un ministre pour le climat et l’énergie.
Assez vite, (même trop, peut-être), le gouvernement néerlandais a affiché son intention de limiter les vols au départ de Schiphol à 440 000 par an, soit 11 % de moins qu'en 2019, afin de réduire la pollution sonore.
Tentative de médiation au plus haut niveau
Avant de se retrouver devant les tribunaux, et en réaction à ce qui n’était encore qu’une "intention" de réduire les mouvements d'avions, Air France-KLM a tenté le dialogue avec des arguments solides, et surtout au plus haut niveau de l’Etat.
Selon une indiscrétion du journal néerlandais De Telegraaf, la direction d’Air France – KLM a demandé b[au Président Emmanuel Macron d’intervenir auprès du gouvernement des Pays-Bas ]bpour prévenir que cette décision allait à l’encontre des accords conclus lors du rachat de KLM par Air France en 2003.
Le message a bien été passé. Sans grand succès, visiblement...
Selon une indiscrétion du journal néerlandais De Telegraaf, la direction d’Air France – KLM a demandé b[au Président Emmanuel Macron d’intervenir auprès du gouvernement des Pays-Bas ]bpour prévenir que cette décision allait à l’encontre des accords conclus lors du rachat de KLM par Air France en 2003.
Le message a bien été passé. Sans grand succès, visiblement...
Les créneaux de KLM protégés par un accord
Rappelons-nous que le rachat en 2003 fait l’objet d’un accord très précis avec notamment « différentes assurances quant au statut de KLM, à ses dessertes et à l’importance de ses opérations passage et cargo à l’aéroport de Schiphol ».
Au sein de l’Union européenne, où le droit est encore en mesure d’être dit et respecté, cet accord est déjà un sacré écueil pour mettre en œuvre le projet du gouvernement.
Que disent en résumé ces accords ?
Outre les assurances évoquées, il y a également écrit noir sur blanc, la volonté de « préserver la qualité du réseau de KLM à Schiphol qui, selon l’État néerlandais, est d’intérêt public, tout en prenant en compte les intérêts du groupe Air France – KLM et de ses actionnaires ».
L’Etat néerlandais a accepté de maintenir le portefeuille existant de droits de trafic conférés à KLM. En conséquence, un autre accord appelé « production balance » a été signé et répartit précisément l'activité long-courrier entre Air France et KLM.
Ces accords conclus entre Air France, KLM et l’État néerlandais sont repris dans un « Document d'Enregistrement universel 2021 » dont nous publions un extrait (Cliquez sur l'image pour l'agrandir).
Autre argument de poids contre la mesure : les gros investissements des deux compagnies (plusieurs milliards), pour renouveler leur flotte et mettre ainsi en service des avions plus propres et moins bruyants.
À l’annonce de la volonté du gouvernement de passer à l’acte en préparant « un document expérimental » à appliquer dans les semaines qui viennent, les dirigeants des compagnies ont donné de la voix pour exprimer leur colère .Et ce d’autant qu’au moment de confirmer les achats d’avions, le Groupe se basait sur la capacité prévisible du Hub de KLM.
Certes, la limitation des mouvements prévue ne s’adresse pas uniquement et directement à KLM, cependant c’est bien elle qui subirait la plus grosse contrainte dans son développement.
À elles seules, les compagnies du Groupe, qui comprennent également Martinair et KLM Cityhopper, représentent 60 % du trafic de l'aéroport.
Au sein de l’Union européenne, où le droit est encore en mesure d’être dit et respecté, cet accord est déjà un sacré écueil pour mettre en œuvre le projet du gouvernement.
Que disent en résumé ces accords ?
Outre les assurances évoquées, il y a également écrit noir sur blanc, la volonté de « préserver la qualité du réseau de KLM à Schiphol qui, selon l’État néerlandais, est d’intérêt public, tout en prenant en compte les intérêts du groupe Air France – KLM et de ses actionnaires ».
L’Etat néerlandais a accepté de maintenir le portefeuille existant de droits de trafic conférés à KLM. En conséquence, un autre accord appelé « production balance » a été signé et répartit précisément l'activité long-courrier entre Air France et KLM.
Ces accords conclus entre Air France, KLM et l’État néerlandais sont repris dans un « Document d'Enregistrement universel 2021 » dont nous publions un extrait (Cliquez sur l'image pour l'agrandir).
Autre argument de poids contre la mesure : les gros investissements des deux compagnies (plusieurs milliards), pour renouveler leur flotte et mettre ainsi en service des avions plus propres et moins bruyants.
À l’annonce de la volonté du gouvernement de passer à l’acte en préparant « un document expérimental » à appliquer dans les semaines qui viennent, les dirigeants des compagnies ont donné de la voix pour exprimer leur colère .Et ce d’autant qu’au moment de confirmer les achats d’avions, le Groupe se basait sur la capacité prévisible du Hub de KLM.
Certes, la limitation des mouvements prévue ne s’adresse pas uniquement et directement à KLM, cependant c’est bien elle qui subirait la plus grosse contrainte dans son développement.
À elles seules, les compagnies du Groupe, qui comprennent également Martinair et KLM Cityhopper, représentent 60 % du trafic de l'aéroport.
Marjan Rintel et Ben Smith sur la même longueur d’onde...
Marjan Rintel, directrice générale de KLM a déclaré « Nous disons depuis des mois que nous prenons nos responsabilités, mais cela n'est pas suffisamment écouté.
Nous dépensons des milliards dans de nouveaux avions et investissons massivement dans du kérosène durable. Cela réduit davantage les émissions de carbone et de bruit que les restrictions à Schiphol. »
Ben Smith le Directeur général AF-KLM a renchéri : « Vous savez que nous avons un réseau entier, un plan de flotte entier qui est depuis 25 ans basé sur ces créneaux horaires», a-t-il déclaré.
Et de confirmer : « C'est un gros coup qu'ils nous ont donné là, les efforts du gouvernement pour réduire les émissions seraient mieux orientés s'ils aidaient à augmenter la production de carburant d'aviation durable. »
Et c’est vrai qu’après une commande de 10 milliards d’euros, on a plutôt envie de voir ses avions voler qu’abandonnés sur le tarmac.
Nous dépensons des milliards dans de nouveaux avions et investissons massivement dans du kérosène durable. Cela réduit davantage les émissions de carbone et de bruit que les restrictions à Schiphol. »
Ben Smith le Directeur général AF-KLM a renchéri : « Vous savez que nous avons un réseau entier, un plan de flotte entier qui est depuis 25 ans basé sur ces créneaux horaires», a-t-il déclaré.
Et de confirmer : « C'est un gros coup qu'ils nous ont donné là, les efforts du gouvernement pour réduire les émissions seraient mieux orientés s'ils aidaient à augmenter la production de carburant d'aviation durable. »
Et c’est vrai qu’après une commande de 10 milliards d’euros, on a plutôt envie de voir ses avions voler qu’abandonnés sur le tarmac.
Un verdict attendu
Enfin, Le gouvernement néerlandais devait recueillir l’aval de la Commission européenne pour pouvoir mettre en œuvre ce projet .
Or, dans son obligation de consulter l’ensemble des compagnies sur ce sujet, il n’aurait pas scrupuleusement respecté les procédures à ce sujet, ce que Bruxelles n'a pas du tout apprécié.
Et que dire également de tous les accords binationaux signés avec de très nombreux pays pour les vols à destination d’Amsterdam ?
Avec de tels enjeux et arguments à faire valoir, KLM a logiquement décidé d’attaquer l’État-actionnaire devant les tribunaux, soutenue par sa maison-mère et d’autres compagnies aériennes comme EasyJet et l’Américaine, Delta.
Le verdict ne s’est pas fait attendre : comme prévu, et seulement quelques jours après le dépôt de plainte, la justice néerlandaise a donné raison à la compagnie nationale ainsi qu’aux autres transporteurs et à l'IATA, qui s'opposaient à la décision du gouvernement.
« Cela signifie qu'en conséquence de cette décision, Schiphol ne peut pas réduire le nombre maximum de vols à 460.000 pour la saison à venir », a déclaré le tribunal dans un communiqué.
Soulagement donc du côté des opérateurs qui redoutaient également les risques économiques, les conséquences sur la connectivité, l'attractivité et l'emploi aux Pays-Bas, ainsi que le phénomène de « fuite de carbone » avec un report du trafic vers d'autres pays.
Or, dans son obligation de consulter l’ensemble des compagnies sur ce sujet, il n’aurait pas scrupuleusement respecté les procédures à ce sujet, ce que Bruxelles n'a pas du tout apprécié.
Et que dire également de tous les accords binationaux signés avec de très nombreux pays pour les vols à destination d’Amsterdam ?
Avec de tels enjeux et arguments à faire valoir, KLM a logiquement décidé d’attaquer l’État-actionnaire devant les tribunaux, soutenue par sa maison-mère et d’autres compagnies aériennes comme EasyJet et l’Américaine, Delta.
Le verdict ne s’est pas fait attendre : comme prévu, et seulement quelques jours après le dépôt de plainte, la justice néerlandaise a donné raison à la compagnie nationale ainsi qu’aux autres transporteurs et à l'IATA, qui s'opposaient à la décision du gouvernement.
« Cela signifie qu'en conséquence de cette décision, Schiphol ne peut pas réduire le nombre maximum de vols à 460.000 pour la saison à venir », a déclaré le tribunal dans un communiqué.
Soulagement donc du côté des opérateurs qui redoutaient également les risques économiques, les conséquences sur la connectivité, l'attractivité et l'emploi aux Pays-Bas, ainsi que le phénomène de « fuite de carbone » avec un report du trafic vers d'autres pays.
L’activité cargo en danger
Le groupe AF-KLM avait investi dans 4 A350F cargo , beaucoup moins bruyants et plus économes et qui devaient remplacer les vieux Boeing 747 – 400F basés à Schipol. Crédit : Airbus.
Une première bataille a donc été gagnée par Air France - KLM. Mais la volonté du gouvernement de faire feu de tout bois contre son transport aérien ne faiblit pas, et d’autres combats se préparent.
Quelques heures après le verdict, l’aéroport de Schiphol, dont l’État néerlandais est le principal actionnaire décidait d’interdire d’ici 2025-2026 les vols de nuit et les jets privés, toujours dans le but de réduire les émissions de gaz à effet de serre et les nuisances sonores.
Concernant l’activité des jets privés, on est plus dans le symbole que l’efficacité. Très peu d’avions d’affaires se posent à Schiphol et d’autres petits aéroports proches d’Amsterdam, par exemple celui de Lelystad, pourront les accueillir.
Concernant l’arrêt des vols de nuit, c’est un coup dur pour Air France – KLM dont les activités cargo partent et arrivent souvent pendant la nuit.
Ben Smith est furieux. Lui dont le Groupe vient d’investir dans l’achat de quatre appareils A350F cargo flambant neuf, beaucoup moins bruyants et plus économes et qui devaient remplacer les vieux Boeing 747 – 400F basés à Schipol.
Une commande ferme passée il y a quelques semaines et qui avoisine le milliard de dollars…
Là aussi, la décision pourrait être contestée et attaquée.
Lire aussi : Air France commande 3 nouveaux Airbus A350-900
Quelques heures après le verdict, l’aéroport de Schiphol, dont l’État néerlandais est le principal actionnaire décidait d’interdire d’ici 2025-2026 les vols de nuit et les jets privés, toujours dans le but de réduire les émissions de gaz à effet de serre et les nuisances sonores.
Concernant l’activité des jets privés, on est plus dans le symbole que l’efficacité. Très peu d’avions d’affaires se posent à Schiphol et d’autres petits aéroports proches d’Amsterdam, par exemple celui de Lelystad, pourront les accueillir.
Concernant l’arrêt des vols de nuit, c’est un coup dur pour Air France – KLM dont les activités cargo partent et arrivent souvent pendant la nuit.
Ben Smith est furieux. Lui dont le Groupe vient d’investir dans l’achat de quatre appareils A350F cargo flambant neuf, beaucoup moins bruyants et plus économes et qui devaient remplacer les vieux Boeing 747 – 400F basés à Schipol.
Une commande ferme passée il y a quelques semaines et qui avoisine le milliard de dollars…
Là aussi, la décision pourrait être contestée et attaquée.
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Schipol en difficulté
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Cette précipitation à vouloir amputer Schiphol de son trafic est d’autant plus curieuse que l’aéroport n’a toujours pas réussi à résoudre les gros problèmes de flux des passagers, en raison de très importantes pénuries de personnels.
Le chaos post Covid a fait perdre à la plateforme 77 millions d’euros l’année dernière et la situation ne s’améliore toujours pas.
Avec ou sans « l’aide » de mesures gouvernementales, l’aéroport d’Amsterdam n’est toujours pas en mesure d’opérer à 100% de sa capacité et s’apprête à communiquer sur le volume de restriction des vols qu’il appliquera pour les prochaines vacances du mois de mai.
C’est donc pour l’instant la rupture entre le gouvernement et son transport aérien, dont il est actionnaire à travers ses compagnies aériennes et ses infrastructures aéroportuaires.
Idéologie ? Urgence climatique ? Quoiqu’il en soit la démarche, « à la hussarde » n’a pas réussi. Dans un communiqué, Air France - KLM a fait savoir qu’il désapprouvait cette « approche autoritaire, contraire à l'approche équilibrée prévue par les textes réglementaires européens et internationaux, alors qu'il existe d'autres scénarios pour atteindre le même objectif de réduction de bruit. »
La période « Covid » est terminée. KLM a remboursé sa dette à l’État avec les intérêts. Une autre séquence s’ouvre.
Au revoir l’État protecteur, voici maintenant l’État persécuteur !
Le chaos post Covid a fait perdre à la plateforme 77 millions d’euros l’année dernière et la situation ne s’améliore toujours pas.
Avec ou sans « l’aide » de mesures gouvernementales, l’aéroport d’Amsterdam n’est toujours pas en mesure d’opérer à 100% de sa capacité et s’apprête à communiquer sur le volume de restriction des vols qu’il appliquera pour les prochaines vacances du mois de mai.
C’est donc pour l’instant la rupture entre le gouvernement et son transport aérien, dont il est actionnaire à travers ses compagnies aériennes et ses infrastructures aéroportuaires.
Idéologie ? Urgence climatique ? Quoiqu’il en soit la démarche, « à la hussarde » n’a pas réussi. Dans un communiqué, Air France - KLM a fait savoir qu’il désapprouvait cette « approche autoritaire, contraire à l'approche équilibrée prévue par les textes réglementaires européens et internationaux, alors qu'il existe d'autres scénarios pour atteindre le même objectif de réduction de bruit. »
La période « Covid » est terminée. KLM a remboursé sa dette à l’État avec les intérêts. Une autre séquence s’ouvre.
Au revoir l’État protecteur, voici maintenant l’État persécuteur !
Publié par Christophe Hardin
Journaliste AirMaG - TourMaG.com
Voir tous les articles de Christophe Hardin
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