Le 28 septembre 2011, l'Aéroport de Marseille était le décor d'une immense fête mondaine.
Les salons grouillent de personnalités locales et de professionnels du voyage, venus pour l'inauguration de la 1ère base régionale d'Air France.
Pierre-Henri Gourgeon, alors directeur général d'Air France-KLM, évoquait triomphant "l'arrivée d'une nouvelle petite compagnie et d'un nouveau mode d'organisation du transport."
Une décennie et quelques crises plus tard, les caisses de champagne ont été remisées à la cave. L'heure n'est plus à la fête, selon nos confrères de Gomet.
Le 1er février 2021, une visioconférence réunissait des membres du personnel de la compagnie. Le rendez-vous n'a rien de plus inquiétant que les autres, puisqu'il a pour objectif d'informer les salariés sur la situation au sein de la compagnie.
Sauf qu'au détour d'une question posée à Anne Rigail, la directrice générale d'Air France, le couperet tombe.
"Nous avons appris, parmi tout un tas d'autres sujets, sans connaître les conditions ni avoir de justification, que les bases de province allaient fermer,", déplore un personnel navigant commercial marseillais, ayant préféré conserver l'anonymat.
Les salons grouillent de personnalités locales et de professionnels du voyage, venus pour l'inauguration de la 1ère base régionale d'Air France.
Pierre-Henri Gourgeon, alors directeur général d'Air France-KLM, évoquait triomphant "l'arrivée d'une nouvelle petite compagnie et d'un nouveau mode d'organisation du transport."
Une décennie et quelques crises plus tard, les caisses de champagne ont été remisées à la cave. L'heure n'est plus à la fête, selon nos confrères de Gomet.
Le 1er février 2021, une visioconférence réunissait des membres du personnel de la compagnie. Le rendez-vous n'a rien de plus inquiétant que les autres, puisqu'il a pour objectif d'informer les salariés sur la situation au sein de la compagnie.
Sauf qu'au détour d'une question posée à Anne Rigail, la directrice générale d'Air France, le couperet tombe.
"Nous avons appris, parmi tout un tas d'autres sujets, sans connaître les conditions ni avoir de justification, que les bases de province allaient fermer,", déplore un personnel navigant commercial marseillais, ayant préféré conserver l'anonymat.
Pourquoi avoir ouvert des bases régionales en 2011 ?
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En 2021, les bases encore en activités se situent à Nice, Toulouse et Marseille, pour 329 PNC actifs.
Le coup de massue retombe ce lundi 8 mars 2021. Oltion Carkaxhija, le directeur général adjoint de la transformation du groupe Air France-KLM, réaffirme la décision de la directrice générale.
"Nous lui avons posé des questions sur le sujet, dans la visio. Il a répondu qu'il ne savait pas encore ce qu'il allait faire, mais que les bases seront fermées d'ici 2022, avec des mesures d'accompagnement pour le personnel concerné".
Pour celle de Marseille, la fermeture devrait se faire avant la fin de l'année, alors que les deux autres, plus stratégiques et certainement moins revendicatives par le passé, le feront en début d'année 2022.
Si le plan est limpide, il ne le serait pas pour la direction. Nous l'avons interrogé sur le sujet.
"Air France étudie la fermeture des bases province pour ses personnels navigants. Aucune décision n’a été prise à ce jour. En tout état de cause, toute décision de cette nature devrait faire l’objet de discussions et négociations préalables avec les organisations syndicales et l’ensemble des salariés concernés."
Malgré tout, un collectif "SOS bases Provinces" a été constitué pour faire remonter la problématique et rendre visible les 329 familles concernées. Car si la direction ne parle bien sûr pas de licenciements, les PNC provinciaux seront, c'est inévitable moins nombreux à l'avenir.
La fermeture des bases va pousser le personnel concerné à revenir définitivement sur Paris. Pour ceux qui ne le souhaitent pas, les déplacements et l'hébergement, se feront à leurs frais.
"Des collègues le font depuis des années sur le long-courrier, sauf que nous avons fait le choix de répondre à un projet de la Direction à savoir d'ouvrir des bases en province. Nous étions volontaires," recontextualise le PNC marseillais.
Rembobinons un peu la cassette. Air France souhaitait s'attaquer frontalement au business model des transporteurs à bas coût, mais comment faire ?
La solution (?): baser des avions et du personnel dans les principaux aéroports de province et ainsi concurrencer les low-cost qui déjà à l'époque mordaient (déjà) un peu trop les mollets de la major. Après Marseille, Bordeaux, Toulouse et Nice vont suivre.
"Nous considérions qu'il y avait à l'époque suffisamment de provinciaux dans nos rangs, pour créer ces structures en leur offrant des rémunérations moindres.
Au lieu d'avoir un salaire dépendant des heures de vols, la rémunération des PNC de province était fixée au forfait, avec très peu de variables," se remémore un pilote historique d'Air France.
La recette était (sur le papier) gagnante pour la compagnie.
Le coup de massue retombe ce lundi 8 mars 2021. Oltion Carkaxhija, le directeur général adjoint de la transformation du groupe Air France-KLM, réaffirme la décision de la directrice générale.
"Nous lui avons posé des questions sur le sujet, dans la visio. Il a répondu qu'il ne savait pas encore ce qu'il allait faire, mais que les bases seront fermées d'ici 2022, avec des mesures d'accompagnement pour le personnel concerné".
Pour celle de Marseille, la fermeture devrait se faire avant la fin de l'année, alors que les deux autres, plus stratégiques et certainement moins revendicatives par le passé, le feront en début d'année 2022.
Si le plan est limpide, il ne le serait pas pour la direction. Nous l'avons interrogé sur le sujet.
"Air France étudie la fermeture des bases province pour ses personnels navigants. Aucune décision n’a été prise à ce jour. En tout état de cause, toute décision de cette nature devrait faire l’objet de discussions et négociations préalables avec les organisations syndicales et l’ensemble des salariés concernés."
Malgré tout, un collectif "SOS bases Provinces" a été constitué pour faire remonter la problématique et rendre visible les 329 familles concernées. Car si la direction ne parle bien sûr pas de licenciements, les PNC provinciaux seront, c'est inévitable moins nombreux à l'avenir.
La fermeture des bases va pousser le personnel concerné à revenir définitivement sur Paris. Pour ceux qui ne le souhaitent pas, les déplacements et l'hébergement, se feront à leurs frais.
"Des collègues le font depuis des années sur le long-courrier, sauf que nous avons fait le choix de répondre à un projet de la Direction à savoir d'ouvrir des bases en province. Nous étions volontaires," recontextualise le PNC marseillais.
Rembobinons un peu la cassette. Air France souhaitait s'attaquer frontalement au business model des transporteurs à bas coût, mais comment faire ?
La solution (?): baser des avions et du personnel dans les principaux aéroports de province et ainsi concurrencer les low-cost qui déjà à l'époque mordaient (déjà) un peu trop les mollets de la major. Après Marseille, Bordeaux, Toulouse et Nice vont suivre.
"Nous considérions qu'il y avait à l'époque suffisamment de provinciaux dans nos rangs, pour créer ces structures en leur offrant des rémunérations moindres.
Au lieu d'avoir un salaire dépendant des heures de vols, la rémunération des PNC de province était fixée au forfait, avec très peu de variables," se remémore un pilote historique d'Air France.
La recette était (sur le papier) gagnante pour la compagnie.
Et pourquoi les fermer en 2021 ?
Ce n'est pas seulement que les navigants étaient moins payés : les frais annexes (hôtels, voitures de location, etc) ont été réduits, puis les conditions de travail qui "n'ont jamais cessé de se dégrader" au gré des directions, selon le salarié.
De plus, grâce à ce système de forfait, les PNC étaient grandement sollicités, pour permettre de réduire les coûts.
"Ils étaient opérationnellement très bons, avec des supers équipes, des personnes très dynamiques," se souvient un commandant de bord, à l'époque habitué des navettes.
Air France se sent pousser des ailes à l'époque et déploie pléthores de destinations, dont Beyrouth, Istanbul ou encore Moscou.
C'était sans compter sur une commercialisation qui n'a pas toujours été à la hauteur, des attentes et de l'enjeu.
"Il y a eu un gros raté au niveau du marketing. Les moyens n'ont pas été mis pour promouvoir les lignes, donc elles fermaient assez peu de temps après leur ouverture," déplore le Marseillais.
Insuffisamment remplies, ces lignes de front ont rapidement pris des allures de combats d'arrière-garde. Pourtant, le concept semblait tenir la route au départ.
Tombées au champ d'honneur de la bataille contre les low cost, ces liaisons ont rapidement été supprimées des bases de province, fragilisant dans le même temps le modèle économique de ces structures.
"Au lieu d'avoir un trop-plein d'activité, le personnel s'est retrouvé en sous-activité, mais toujours payé au forfait. Ce n'était plus du tout intéressant pour l'entreprise, analyse le pilote, proche de la direction.
Le ver était en quelque sorte dans le fruit. Privés de vols internationaux, peu rentables, la crise aura été fatale à ces bases presque mort-nées.
Si en France, nous n'avons pas de pétrole mais des idées, et parfois des bonnes, elles ne sont pas toujours suffisamment soutenues ou accompagnées. Puis il faut aussi dire, que les directions se sont enchaînées avec plus ou moins de réussite.
"Je pense qu'au final, ils veulent démanteler toutes les escales provinces d'Air France, pour robotiser les enregistrements bagages et que les autres personnels deviennent des prestataires de service.
Comme ils ont fait à Toulon et Montpellier, l'objectif à terme ce sera d'implanter Transavia dans les aéroports de province ," pense savoir le PNC.
De plus, grâce à ce système de forfait, les PNC étaient grandement sollicités, pour permettre de réduire les coûts.
"Ils étaient opérationnellement très bons, avec des supers équipes, des personnes très dynamiques," se souvient un commandant de bord, à l'époque habitué des navettes.
Air France se sent pousser des ailes à l'époque et déploie pléthores de destinations, dont Beyrouth, Istanbul ou encore Moscou.
C'était sans compter sur une commercialisation qui n'a pas toujours été à la hauteur, des attentes et de l'enjeu.
"Il y a eu un gros raté au niveau du marketing. Les moyens n'ont pas été mis pour promouvoir les lignes, donc elles fermaient assez peu de temps après leur ouverture," déplore le Marseillais.
Insuffisamment remplies, ces lignes de front ont rapidement pris des allures de combats d'arrière-garde. Pourtant, le concept semblait tenir la route au départ.
Tombées au champ d'honneur de la bataille contre les low cost, ces liaisons ont rapidement été supprimées des bases de province, fragilisant dans le même temps le modèle économique de ces structures.
"Au lieu d'avoir un trop-plein d'activité, le personnel s'est retrouvé en sous-activité, mais toujours payé au forfait. Ce n'était plus du tout intéressant pour l'entreprise, analyse le pilote, proche de la direction.
Le ver était en quelque sorte dans le fruit. Privés de vols internationaux, peu rentables, la crise aura été fatale à ces bases presque mort-nées.
Si en France, nous n'avons pas de pétrole mais des idées, et parfois des bonnes, elles ne sont pas toujours suffisamment soutenues ou accompagnées. Puis il faut aussi dire, que les directions se sont enchaînées avec plus ou moins de réussite.
"Je pense qu'au final, ils veulent démanteler toutes les escales provinces d'Air France, pour robotiser les enregistrements bagages et que les autres personnels deviennent des prestataires de service.
Comme ils ont fait à Toulon et Montpellier, l'objectif à terme ce sera d'implanter Transavia dans les aéroports de province ," pense savoir le PNC.
Un immense incinérateur à cash
Si pour le moment personne ne sait si la low cost de la famille remplacera la grande soeur, cela fait de moins en moins de doute.
Tout d'abord Transavia est amené à récupérer une partie du réseau national d'Air France, puis en février dernier Nicolas Hénin, son directeur général adjoint ne cachait pas ses intentions d'implantation en dehors des trois bases françaises.
"A très court terme, l’objectif est de consolider nos positions à Orly et sur nos bases existantes ce qui devrait entrainer beaucoup de croissance. La deuxième étape sera effectivement de se développer plus largement en France," nous confiait-il.
Ce n'est pas seulement une ubérisation de l'aérien, mais plutôt une redéfinition, avec le déploiement du modèle à bas prix dans les 4 coins de la France. Alors que les pilotes pourront, via un accord, pouvoir voler sur la low cost, les PNC ne sont pas en mesure de le faire, à l'heure où nous écrivons.
"Nous ne comprenons pas la paupérisation des aéroports régionaux qui sont laissés aux low costs. La direction dit qu'elle va maintenir les navettes Air France, mais c'est une certitude que petit à petit Transavia va arriver," se lamente le salarié.
D'autant que dans Air France, il y a France, "ce n'est pas Air Paris."
En attendant, Air France est engagée dans son opération survie avec à sa tête Benjamin Smith. Si le Canadien jouit toujours d'une bonne cote de popularité, il est tout de même empêtré dans une crise sans fin.
D'ailleurs, l'activité de janvier 2021, s'annonce pire que celle de décembre 2020. Et que dire alors de février, sans les lignes bondées vers les Antilles ?
Alors que la compagnie s'est transformée en un immense incinérateur à cash, avec plus de 10 millions de pertes par jour, la stratégie est quelque peu délaissée ou remise à des jours meilleurs. Air France n'a qu'un objectif : lutter pour assurer sa survie.
Comme ses concurrentes européennes, la Compagnie chercherait des investisseurs privés pour s'offrir une bouffée d'oxygène. Surtout qu'il n'est pas dit que l'Etat remette au pot.
Le Gouvernement fait face à une opinion publique peu favorable aux transporteurs aériens considérés comme des pollueurs.
Si en en France, le gouvernement est coincé, à Bruxelles la situation n'est pas plus reluisante. L'Europe exige que la compagnie se déleste de milliers de précieux slots qu'elle n'est guère disposée à céder à la concurrence.
"Nous avons pas mal de bâtons dans les trains d'atterrissage et allons cramer beaucoup d'argent pendant encore un an.
A un moment donné, si toutes les dettes sont maintenues, je ne sais pas si dans un système capitaliste normal, nous serons en mesure de remonter la pente", s'inquiète le pilote.
Et nous avec lui...
Tout d'abord Transavia est amené à récupérer une partie du réseau national d'Air France, puis en février dernier Nicolas Hénin, son directeur général adjoint ne cachait pas ses intentions d'implantation en dehors des trois bases françaises.
"A très court terme, l’objectif est de consolider nos positions à Orly et sur nos bases existantes ce qui devrait entrainer beaucoup de croissance. La deuxième étape sera effectivement de se développer plus largement en France," nous confiait-il.
Ce n'est pas seulement une ubérisation de l'aérien, mais plutôt une redéfinition, avec le déploiement du modèle à bas prix dans les 4 coins de la France. Alors que les pilotes pourront, via un accord, pouvoir voler sur la low cost, les PNC ne sont pas en mesure de le faire, à l'heure où nous écrivons.
"Nous ne comprenons pas la paupérisation des aéroports régionaux qui sont laissés aux low costs. La direction dit qu'elle va maintenir les navettes Air France, mais c'est une certitude que petit à petit Transavia va arriver," se lamente le salarié.
D'autant que dans Air France, il y a France, "ce n'est pas Air Paris."
En attendant, Air France est engagée dans son opération survie avec à sa tête Benjamin Smith. Si le Canadien jouit toujours d'une bonne cote de popularité, il est tout de même empêtré dans une crise sans fin.
D'ailleurs, l'activité de janvier 2021, s'annonce pire que celle de décembre 2020. Et que dire alors de février, sans les lignes bondées vers les Antilles ?
Alors que la compagnie s'est transformée en un immense incinérateur à cash, avec plus de 10 millions de pertes par jour, la stratégie est quelque peu délaissée ou remise à des jours meilleurs. Air France n'a qu'un objectif : lutter pour assurer sa survie.
Comme ses concurrentes européennes, la Compagnie chercherait des investisseurs privés pour s'offrir une bouffée d'oxygène. Surtout qu'il n'est pas dit que l'Etat remette au pot.
Le Gouvernement fait face à une opinion publique peu favorable aux transporteurs aériens considérés comme des pollueurs.
Si en en France, le gouvernement est coincé, à Bruxelles la situation n'est pas plus reluisante. L'Europe exige que la compagnie se déleste de milliers de précieux slots qu'elle n'est guère disposée à céder à la concurrence.
"Nous avons pas mal de bâtons dans les trains d'atterrissage et allons cramer beaucoup d'argent pendant encore un an.
A un moment donné, si toutes les dettes sont maintenues, je ne sais pas si dans un système capitaliste normal, nous serons en mesure de remonter la pente", s'inquiète le pilote.
Et nous avec lui...