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Comment l'aéroport de Bordeaux va-t-il gérer le départ de Ryanair ? 🔑

L’interview de Simon Dreschel, Président du Directoire de l’aéroport de Bordeaux


Le chantier pour améliorer l’expérience de voyage au départ et à l’arrivée à l’aéroport de Bordeaux commencera début 2026 pour une mise en service du projet début du second semestre 2028. Un projet stratégique à 250 millions d’euros qui devra être financé par une activité soutenue et la reconstruction d’un trafic solide après la disparition de la navette Air France vers Paris Orly. TourMaG.com a rencontré Simon Dreschel, Président du Directoire de l’aéroport de Bordeaux pour faire le point.


Rédigé par le Mardi 16 Juillet 2024

Simon Dreschel, Président du Directoire de l’aéroport de Bordeaux. Crédit : Aéroport de Bordeaux
Simon Dreschel, Président du Directoire de l’aéroport de Bordeaux. Crédit : Aéroport de Bordeaux
L’Aéroport de Bordeaux a récemment dévoilé son futur visage pour accueillir néo-aquitains et touristes "dans le confort et la sérénité tout en partageant l’esprit de Bordeaux et du Sud-Ouest", selon les concepteurs du projet de la société aéroportuaire.

Le projet prévoit de créer une infrastructure centrale et flexible entre les deux aérogares historiques (halls A et B) à l’horizon 2028, visant les meilleurs standards européens en matière d’expérience passager.

Du départ jusqu’à l’arrivée et la livraison des bagages, l’objectif est d’optimiser l’expérience du voyageur avec de nouveaux concepts de commerces et services mais aussi des équipements dernier cri facilitant et fluidifiant les contrôle d’identité et de bagages.

En zone d’attente avant l’embarquement , les passagers profiteront d’une grande place centrale baignée de lumière naturelle grâce à son imposante verrière, aussi large que l’atrium du Palais de la Bourse de Bordeaux.

L’offre de restauration se développera autour de 4 points de vente dont un food market s’inspirant des halles de marché bien connues et appréciées à Bordeaux et dans la région Nouvelle-Aquitaine.

A l’arrivée, les salles de livraison bagages, aujourd’hui distinctes dans les halls A et B, seront réunies et la livraison des bagages facilitée.

Le projet veut répondre également aux enjeux de décarbonation du secteur, notamment à travers le choix de matériaux à faible empreinte carbone (bois pour les menuiseries, béton bas carbone, réemploi, ou encore verre ORAÉ® à l'empreinte carbone la plus faible au monde).


Aéroport de Bordeaux : entre moins 10 et moins 15% par rapport à 2019

TourMaG - Avant d’évoquer les projets d’aménagement sur lesquels vous avez communiqué récemment, un point sur le trafic de l’aéroport de Bordeaux. Après l’arrêt des vols d'Air France vers Paris Orly avez-vous comblé ce "vide", ce déficit de passagers ?

Simon Dreschel : Cette navette passagers représentait 600 000 passagers par an en 2019. Il est donc certain qu’en terme de volume, cela a représenté une perte absolument considérable de passagers.

Cependant, après le Covid, nous avons vécu une reconstruction de notre trafic qui est quand même dynamique.

Si l’on se compare à d’autres plateformes aéroportuaires régionales en France, on voit que nous sommes sur les tendances régionales des autres aéroports. Pour être concret, nous sommes entre moins 10% et moins 15% par rapport à 2019 et c’est à quelques exceptions près la tendance chez les autres aéroports.

Nous n’avons donc pas à ce sujet d’inquiétude majeure, cependant en termes de développement économique et d’impact pour le territoire il y’aurait beaucoup à dire.

Il ne se passe pas une semaine sans que les entreprises ne nous parlent de cette navette vers Orly et le déficit que cela représente dans leur travail.


TourMaG - En 2019, vous traitiez environ 8 millions de passagers. Quelles sont les prévisions pour 2024 ?

Simon Dreschel : Nous serons en dessous avec environ 6,5 millions de passagers. La tendance est à la reconstruction et l’on prévoit un retour à 2019 aux alentours de 2027, c’est-à-dire à la fin de notre plan stratégique.

Une base Transavia à Bordeaux

TourMaG - Ryanair a décidé de se retirer de Bordeaux après avoir sans succès négocié avec vous des baisses de tarifs. Ce divorce est-il véritablement consommé ou avez-vous l’espoir que la compagnie gardera des vols au départ de Bordeaux ?

Simon Dreschel : A l’heure où nous nous parlons, Ryanair opère toujours et ce jusqu'à la fin octobre selon leur communiqué. Nous nous en tenons à leur communiqué qui indique leur départ.

Bien sûr, nous n’avons rien contre Ryanair et si la compagnie souhiate, poursuivre ils seront les bienvenus.

Ils ont fait leur choix qui leur appartient. De notre côté en tant qu’aéroport, nous menons un projet stratégique avec près de 250 millions d’euros à investir sur cinq ans et il nous faut des partenaires et compagnies aériennes qui sont prêts à payer les tarifs publics.


TourMaG - Au sujet de vos tarifs, d’autres opérateurs low-cost comme Volotea, EasyJet et Transavia exploitent des vols au départ de Bordeaux. C’est un peu la démonstration qu’une compagnie low-cost peut s’accommoder de vos tarifs ?

Simon Dreschel : L’aéroport de Bordeaux en termes de redevances est l’aéroport régional le moins cher de France. Les compagnies qui veulent venir trouveront des tarifs qui défient toute concurrence et c’est donc effectivement la réponse à cette question.

Nous sommes très compétitifs et les compagnies le voient bien. L’aéroport de Bordeaux c’est une marque aussi. Transavia a fait de très belles annonces et va considérablement renforcer son offre avec un avion basé à Bordeaux.


TourMaG - Cependant au vu des investissements que vous prévoyez les redevances ne risquent-elles pas d’augmenter ?

Simon Dreschel : La tendance dans l’aérien est à l’augmentation des redevances et des prix. Les billets d’avions ont connu une augmentation de 30% en deux ans.

Nous aussi nous aurons des augmentations, cependant elles seront très mesurées. La régulation aéroportuaire étant ce qu’elle est, nous ne pourrons augmenter nos tarifs considérablement. Elles seront très modérées et c’est nécessaire au vu de nos investissements.


TourMaG - Il y a comme vous l’avez souligné de bonnes nouvelles concernant les opérateurs. On a vu qu’EasyJet et Volotea allaient renforcer leur liaisons. Transavia devrait ouvrir une base. C’est une augmentation du trafic significative pour les saisons à venir ?

Simon Dreschel : Oui effectivement. Si on reprend les annonces faites par les operateurs, Transavia, EasyJet et Volotea qui vont renforcer les liaisons et reprendre les lignes que Ryanair annonce quitter.

C’est une très bonne chose notre objectif étant de diversifier les compagnies à l’aéroport de Bordeaux.

Les low-cost majoritaires

TourMaG - Concernant les opérateurs au départ de Bordeaux, quelle est la part des low-cost ?

Simon Dreschel : Aujourd’hui c’est à peu près 70% de notre trafic et donc 30% de compagnies premium. Je précise que c’est le low-cost au sens large, des offres de services très différentes : loisirs mais aussi pour des gens qui travaillent et qui voyagent dans le cadre d’une activité professionnelle.

Les low-cost c’est beaucoup de choses et c’est important pour le territoire et je le répète souvent à nos élus. Elles nous ont permis de relancer les liaisons vers l’Allemagne.

Il y a des liaisons de réseaux de coopération, de centres économiques. C’est bien autre chose que simplement le vol loisirs pour aller faire du golf comme je l’entends souvent.

C’est une offre dont nous avons besoin en revanche nous ne souhaitons pas être un aéroport "tout low-cost" et c’est tout l’objet de notre stratégie.


TourMaG - Concernant les compagnies "premium", y aura-t-il de nouveaux operateurs dans les mois qui viennent ?

Simon Dreschel : Nous n’avons pas d’annonce à faire à ce jour, en revanche nos operateurs historiques "premium" sont solides et se renforceront très probablement.

Turkish Airlines par exemple se développe et offre des vols long courrier via son hub d’Istanbul, mais vous avez aussi KLM vers Amsterdam, Lufthansa et British Airways…

Nous sommes confiants quant à pouvoir disposer d’un réseau "premium" qui s’étoffe.


TourMaG - Ce n’est pas de votre responsabilité mais concernant les emplois qui seraient amenés à disparaitre suite à l’annonce de Ryanair, dans quelles mesures les personnes privées d’emploi pourraient se voir proposer un nouvel emploi ?

Simon Dreschel : Ce n’est effectivement pas de notre responsabilité, mais c’est ce que nous espérons.

Nous sommes des développeurs économiques en tant qu’exploitant économique. Faire venir des compagnies aériennes, développer des nouvelles lignes, entretenir nos pistes pour faire en sorte que l’aéroport soit ouvert en permanence, ce sont des emplois indirects que nous favorisons.

Avec ces reprises de lignes, nous avons bon espoir que cela crée des appels d’air pour développer des emplois. C’est notre mission d’exploitant aéroportuaire.

Améliorer la qualité d’accueil des passagers

"l’objectif est d’optimiser l’expérience du voyageur avec de nouveaux concepts de commerces et services " Crédit : enia architectes
"l’objectif est d’optimiser l’expérience du voyageur avec de nouveaux concepts de commerces et services " Crédit : enia architectes
TourMaG - Votre grand projet d’aménagement va permettre de mieux accueillir les passagers et développer les commerces. Les travaux prévus vont-ils aussi permettre de préparer l’aéroport à une éventuelle augmentation du trafic dans les années à venir ?

Simon Dreschel : Ce n’est pas l’ambition première de ces travaux. Nous souhaitons avant tout améliorer la qualité d’accueil des passagers, moderniser les parcours comme par exemple les inspections filtrages et les rayons X permettant de ne plus sortir ses liquides et ordinateurs.

Si nous nous projetons un peu, cela sera aussi la biométrie qui évite de sortir une multitude de documents pour monter à bord de son avion.

C’est notre priorité avec également la volonté de rationnaliser les moyens avec à terme un seul système de tri bagages, un seul point d’inspection filtrage. Ce n’est donc pas un projet capacitaire en tant que tel.

Nous verrons de quoi sont faites les années à venir et le prochain plan quinquennal stratégique de l’aéroport. Si nous devons envisager l’augmentation des capacités d’accueil, ce projet ne nous empêchera pas de le faire bien au contraire.

Quid des évolutions de la régulation des aéroports ?

TourMaG - Vous allez développer les commerces dans l’aérogare. On se souvient du dernier congrès de l’UAF (Union des Aéroports Français) ou les aéroports plaidaient pour la double caisse* concernant la régulation aéroportuaire. L'ex-ministre Clément Beaune allait plutôt dans ce sens mais au vue de la nouvelle donne politique, avez-vous espoir que cette mesure de changement de régulation aille jusqu’à son terme ?

Simon Dreschel : Nous sommes, comme tout un chacun, attentifs aux mouvements politiques et à ce qui se passe.

Je pense que cette mesure est quand même bien engagée. Des projets de texte sont sortis non sans remarques d’ailleurs de l’UAF avec qui nous travaillons sur le sujet.
Le texte me semble bien engagé.

Je crois que les aéroports en ont besoin et nous sommes bien engagés dans le processus avec les autorités.

Décarbonation et nuisances sonores

TourMaG - Toujours lors de ce congrès de l’UAF en novembre 2023, vous aviez présenté un projet pour mettre en place une filière de carburant d'aviation durable (CAD). Qu’en est il aujourd’hui ?

Simon Dreschel : C’est un point très important dans notre stratégie. Nous y mettons beaucoup d’efforts et je l’avais effectivement présenté au dernier congrès de l’UAF.

Les choses ont avancé puisque nous avons clôturé l’année 2023 en termes de bio-carburant délivré sur l’aéroport de Bordeaux avec un demi-million de litre délivré.
Peu d’aéroports régionaux peuvent se targuer d’un tel chiffre et nous sommes très satisfaits.

Nous abordons la transition écologique sous plusieurs angles avec aussi nos infrastructures. Nous venons de livrer une centrale solaire de 3000 m² qui produit de l’énergie pour l’aéroport. Toutes notre consommation et nos émissions de CO2 sont en train de diminuer.


TourMaG - Outre ce que la loi demande en termes d’emport de carburant d'aviation durable, quels sont les "meilleurs élèves" ? Quels sont les opérateurs qui prennent le plus de bio-carburant que ce que la loi demande ?

Simon Dreschel : Aujourd’hui les compagnies s’y mettent assez peu mais je ne veux pas les montrer du doigt. Ce sont de gros contrats nationaux avec de gros volumes et peut-être que Bordeaux n’est pas encore dans cette équation.

Notre objectif est de faire en sorte que Bordeaux soit sur la carte des achats de bio carburant de ces grandes compagnies qui sollicitent plutôt les gros hubs pour s’approvisionner.

Certaines compagnies d’affaires effectivement sont assez vertueuses et ont fait du bio-carburant une stratégie RSE. Elles s’avitaillent en bio-carburant en payant jusqu’à trois ou quatre fois plus cher.

Des sociétés telles que Dassault nous prend aussi du biocarburant.


TourMaG - Des riverains réclament l’arrêt des vols de nuit à Bordeaux. Vous n’êtes pas contre une certaine régulation. Quels seraient les créneaux horaires acceptables pour vous ?

Simon Dreschel : Tout cela se travaille. Les vols de nuit, nous trouvons cela assez normal d’être capable de les règlementer et d’apporter certaines restrictions notamment en pleine nuit pour les diminuer et augmenter l’acceptabilité de notre plateforme sur le territoire. Cela nous semble du bons sens et il est normal de travailler sur ce sujet.

En revanche, nous avons une ligne rouge c’est que notre activité économique ne soit, pas mise en péril et notamment ce plan stratégique qui nécessite beaucoup d’investissements.

Nous avons déjà perdu la navette vers Orly, nous avons un contexte particulier ou le trafic se reconstruit.

Il ne faut pas nous mettre en danger aves des mesures qui nous priveraient de revenus et d’activités économiques, notamment concernant les avions basés qui reviennent tard le soir à Bordeaux.

On a besoin de voir ces avions revenir parce que les équipages habitent ici, et c’est dans l’équation économiques des compagnies.

Cependant qu’il y ait des mesures sur le cœur de nuit, nous trouvons cela normal.
On acceptera des mesures qui nous permettent toujours de vivre et de déployer notre plan stratégique.


TourMaG - Minuit serait une heure acceptable pour le début d’un couvre feu ?

Simon Dreschel : Encore une fois nous ne sommes pas pour un couvre-feu et nous souhaiterions l’éviter.

Il y a des avions qui parfois reviennent se positionner à Bordeaux après minuit. Cela arrive, ce sont des Bordelais qui reviennent chez eux ainsi que des équipages.

Ses avions doivent être là pour le programme du lendemain matin. Il y a, je crois, beaucoup de possibilités qui permettent d’apporter des restrictions et qui permettent à l’aéroport de travailler.

Nous plaidons pour cela auprès de tous les partenaires et les parties prenantes pour que ce ne soit pas des restrictions trop dures et que et les riverains et l’aéroport y trouvent une certaine sorte de satisfaction.

C’est bien ce qu’on appelle une "approche équilibrée". (comme s’intitule la directive européenne NDLR)


TourMaG - Qu’en est il de la deuxième piste, la piste secondaire dont la fermeture est en discussion ? Vous n’êtes pas contre cette fermeture ?

Simon Dreschel : Non, c’est même un scénario préférentiel de l’aéroport. Techniquement, et j’insiste sur ce terme, cette piste à moins de raison d’être qu'il y a 20 ans et notamment en raison des performances des avions qui se posent désormais avec des conditions de vent de travers plus importantes désormais qu’avant.

Nous estimons donc que l’ont peu travailler avec une seule piste comme le font beaucoup d’aéroports internationaux.

En revanche, il y a un vrai sujet de gestion des nuisances sonores. Celui du report de trafic sur la piste principale.

C’est un sujet politique qui clairement nous échappe. Nous avons un scénario préférentiel mais ce que nous demandons c’est une décision.

Si la décision est de maintenir cette piste nous en prendrons acte et nous continuerons à développer l’aéroport.

Le manque de décision nous pénalise pour avancer, anticiper sur nos investissements, les prévisions de travaux, les mises aux normes. Cette incertitude complique beaucoup les choses.



*Dans le système de la double caisse, souhaitée par les aéroports, les recettes conséquentes générées par les commerces ne sont pas versées dans la même caisse que celles des revenus des activités régulées, moins rentables, telles que les redevances ou l’assistance en escale. La prise en compte de ces seuls revenus, beaucoup plus modestes que les activités commerciales permettent de fixer des montants de redevances plus élevés.

Christophe Hardin Publié par Christophe Hardin Journaliste AirMaG - TourMaG.com
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