Delta Airlines prépare l’avenir et honore le passé 🔑

Comment croire, lorsque l’on se pose sur l’immense aéroport international Hartsfield - Jackson d’Atlanta, avec ses cinq pistes, ses 700 000 mouvements d’avions et plus de 110 millions de passagers annuels, que le voyage en avion serait dans une phase de déclin ?

Welcome dans le fief de Delta Airlines !

90 000 employés, plus de 4 000 vols quotidiens vers plus de 280 destinations sur six continents. Avec American, United et Southwest, la compagnie fait partie des "Big Four" qui règnent en maitre sur le transport aérien américain.

Comme pour ses concurrentes, l’été et l’automne 2023 auront été des périodes fastes, avec d‘excellents résultats.

Que ce soit à Chicago où nous étions il y a quelques semaines avec les équipes de United Airlines ou à Atlanta ces derniers jours au siège social de Delta, on se félicite d’une solide dynamique du voyage qui s’est confirmée en ce troisième trimestre.

Cependant, concurrence et conjoncture obligent, la compagnie d’Atlanta n’a pas le temps de se reposer sur ses lauriers.

Évolutions du produit, développement des liaisons, décarbonation, mais aussi une implication très forte sur le sujet mémoriel... Delta nous a parlé de sa stratégie et de ses projets.

Andrew Storm, le directeur général chargé des relations avec les investisseurs, a présenté quelques chiffres du 3e trimestre faisant apparaitre de solides résultats : revenus en hausse de 20% comparés à 2022, une marge opérationnelle qui devrait s’établir à 11,5%, des bénéfices par action en nette augmentation à 6,25 dollars et un taux de retour sur capitaux investis (ROIC) de 13%.

Des indicateurs qui incitent les dirigeants à parler de 2023 comme "une très bonne année" même si, comme il l’a souligné, l’inflation, la guerre au Moyen Orient et "en Europe" ont contribué à être un peu en dessous des prévisions.

Parmi d’autres motifs de satisfaction, Andrew Storm s’est félicité de ce que Delta soit une référence dans de nombreux domaines.
Elle est reconnue comme la compagnie aérienne "la plus ponctuelle d’Amérique du Nord".

Également, "Delta" s’est véritablement fait un nom aux États-Unis et elle se situe parmi les cinq plus gros vendeurs du commerce électronique, se partageant les premières places avec des marques telles qu’Amazon, Apple, ou encore eBay.

Cette performance s’explique selon Andrew Storm par le fait que "de très nombreux acheteurs sur Internet ne se disent pas "je veux le vol le moins cher, mais plutôt, je veux voler confortable, je veux voler à l’heure alors j’achète Delta" et cette attitude du consommateur génère pour nous beaucoup de trafic."

En termes de notoriété, Delta est aussi classée dans le top 20 des entreprises les plus admirées au monde selon le magazine "Fortune" et est considérée comme l'un des meilleurs employeurs du monde par le magazine "Forbes".

Andrew Storm n’était pas non plus peu fier d’afficher que le volume des dépenses effectuées avec les cartes de crédit Delta / Amex était l’équivalent de 1% du PIB américain.

Dans les priorités stratégiques à long terme, Delta veut donc se maintenir comme l'une des meilleures compagnies aériennes du monde en améliorant encore ses performances opérationnelles et son service accueillant et attentionné.

Elle veut aussi jouer à fond la valeur de sa marque. Andrew Storm insiste sur ce point. "Nous voyons de plus en plus de clients qui veulent payer pour de la qualité" (value for value).

Fort de son nom, Delta va donc étendre ses programmes de fidélité, proposer de nouveaux partenariats stratégiques et vendre aussi sa réputation et son savoir-faire en se développant sur les services de la maintenance (MRO : Maintenance, Repair and Operations), une source de revenus non négligeable dans le secteur.

Dans cette stratégie, le numérique prendra une place toujours plus importante pour mieux exploiter les données permettant de personnaliser l’expérience client et améliorer le NPS (Net Promoter Score) qui permet de mesurer la satisfaction et la fidélité d’un consommateur envers la marque.

En pérennisant ses bénéfices et en améliorant son flux de trésorerie disponible, Delta espère ainsi séduire ses actionnaires sur le long terme.

Améliorer l’expérience grâce à des avions de nouvelle génération fait bien sûr partie de la stratégie de Delta.

Le renouvellement de la flotte est aussi un enjeu quant à la décarbonation du secteur, même si "les Américains ne sont pas autant sensibilisés que les Français sur les émissions carbone et les carburants durables", nous confiait Amélia de Luca, vice-présidente directrice du développement durable.

Le débat est en tous cas moins hystérisé qu’en France, ce qui n’empêche pas Delta d’avoir des objectifs ambitieux pour utiliser du carburant d’aviation durable à hauteur de 10% en 2030, 35% en 2035 et 95% en 2050.

La compagnie a également décidé, comme cela commence à se faire chez d’autres grands opérateurs, d’investir dans un site de production de carburant d’aviation durable.

De 12% en 2019, la compagnie veut pouvoir disposer de 40% d’avions long-courrier de nouvelle génération en 2024. Rappelons qu’en pleine crise du Covid en 2020, Delta avait retiré l’ensemble de ses Boeing 777 pour réduire ses capacités.

Aussi, elle dispose encore dans sa flotte de dizaines de Boeing 767 et d’Airbus A330-200, des avions entre 20 et 30 ans d’âge qui devront quitter la flotte dans les années qui viennent. Pour les remplacer, il semblerait que Delta s’oriente vers le constructeur européen Airbus puisqu’elle a déjà passé commande et mis en service quelques dizaines d’A330-900 neo et A350-900 achetés auprès du constructeur européen.

b[Il reste cependant près d’une centaine d’avions long-courriers à remplacer dans le futur, ce qui pourrait donner lieu à une commande géante pour Airbus.

Évoquant cette possibilité de méga commande, "b[nous n’avons rien à annoncer aujourd’hui"]b nous a répondu en souriant Ed Bastian, le président de Delta venu nous saluer et s’entretenir avec nous durant quelques minutes.

Il a également résumé d’une formule l’état d’esprit de sa compagnie quant à la décarbonation du secteur : "we don't believe that we will have to choose between seeing or saving the world, we need to do both*".

Challengée par ses deux grandes rivales américaines, United et American Airlines sur l’international, et particulièrement les liaisons transatlantiques, Delta se doit également de monter en gamme sur les salons d’aéroport.

Claude Roussel, vice-président Sky Clubs, qui gère les salons, a exposé les projets en la matière.

Actuellement les salons "Sky club" permettent aux passagers business et aux possesseurs de cartes de crédit associés à la compagnie et voyageant sur Delta ou à ceux achetant une carte de membre (droit d’accès pendant un an) d’accéder aux salons, dont les premiers ont été ouverts il y a 10 ans.

Dernièrement, la rénovation progressive de ces salons au départ des États-Unis a été décidée en commençant par ceux des plus grosses escales comme New York, Los Angeles ou Chicago. "On améliore la décoration et également la cuisine avec des produits frais", explique Claude Roussel.

Cependant, et pour atteindre les meilleurs standards pour la clientèle business, Delta se lance dans l’installation de Lounges Premium Delta One réservés uniquement aux passagers de la classe affaires.

Ces premiers salons devraient ouvrir en 2024 d’abord à New York, Los Angeles et Boston. Suivront Atlanta, Salt Lake City et Seattle.

Décoration, confort, espace, restauration... Delta veut mettre "le paquet" pour offrir le meilleur. "Notre salon à New York aura une superficie de 3 800 mètres carrés avec un restaurant de 140 places, ou pour les clients qui préfèrent un espace en self-service, un espace appelé "le marché" avec des chefs qui vous proposeront leurs spécialités", a précisé Claude Roussel.

À l’international, les passagers Business peuvent profiter des salons des compagnies de l’alliance Skyteam, comme par exemple les salons Air France à Paris CDG.

Pariant sur une dynamique désormais installée, Delta va augmenter ses fréquences vers l’Europe et particulièrement vers la France pour l’été 2024.

À ce sujet, Ed Bastian nous a déclaré que "cette augmentation des vols est le fruit de notre alliance avec Air France et KLM. Ensemble et vers la France, nous opérons environ quarante vols par jour depuis les États-Unis. Nous avons une très importante relation avec Air France et pour moi cette relation est l’une des plus importantes de toute l’industrie du transport aérien".

De 26 000 sièges offerts entre les USA et la France en 2019, Delta passera à une offre de 30 000 sièges à l’été 2024.

Boston, Cincinnati, Los Angeles, Minneapolis, Salt Lake City et Seattle seront en vol quotidien, Détroit avec deux vols quotidiens, Atlanta et New York JFK avec trois vols quotidiens. Sur la saison d’été, Nice sera reliée à New York et Atlanta en quotidien.

Anne-Laure Desjonquères, Consul Général de France à Atlanta et Iwan Streichenberger, Conseiller au commerce extérieur, que nous avons rencontrés à Atlanta, confirment un "excellent rebond" des relations économiques entre la France et les Etats-Unis, après la crise du Covid.

"En 2022, nous avons eu une année record pour les échanges de biens et de services. C’est plus de 55% de hausse par rapport à 2021. Les exportations françaises ont augmenté de plus de 30% avec une mention spéciale pour l’aéronautique qui représente 17,6% des exportations vers les États-Unis", précise Anne-Laure Desjonquères.

Delta Airlines se veut être aussi la compagnie mémorielle.

Pour le 80e anniversaire du D-Day en juin 2024, la compagnie comme elle l’a déjà fait précédemment, effectuera un vol direct entre Atlanta et Deauville avec à son bord, une cinquantaine de vétérans, tous centenaires ou presque, en compagnie cette fois du Président de Delta, Ed Bastian.

"Oui, je ferai ce voyage personnellement et c’est pour nous un très grand moment de fierté. Les habitants de Normandie sont extrêmement reconnaissants que de pouvoir revoir ces héros. Voilà une chose formidable que l’on peut faire grâce à l’avion. Qui peut contester cela ?"

Notre voyage à Atlanta aura été marqué par un très grand moment d’émotion, lorsque Virginie Durr, directrice des ventes et en charge de ce projet, nous a présenté Andy Negra, vétéran de la Seconde Guerre mondiale et qui fera le voyage.

Bon pied bon œil à 99 ans, comment ne pas tout d’un coup oublier les chiffres, les taux de remplissage, la stratégie commerciale qui nous étaient présentés et serrer dans ses bras ce jeune homme de 18 ans qui, il y a 80 ans est venu risquer sa vie loin de son pays, la peur au ventre avec dans sa poche la photo d’une jeune femme (sa future épouse) rencontrée avant de partir comme il nous l’a raconté.

Andy et ses compagnons débarqueront à Deauville le 3 juin prochain à l’occasion de ce qui devrait être le dernier vol de la compagnie vers les plages de Normandie.

*"Nous ne croyons pas qu'il faudra choisir entre voir ou sauver le monde. Il faut faire les deux"