Réaliste, drôle, le romancier ne fait pas seulement dans le narcissisme, les aventures sentimentales ratées, les adultères, les couples au bord de la rupture et les crises de mysticisme. Non, David Lodge excelle aussi à l’occasion dans la littérature de voyage version tourisme de masse - Depositphotos.com Auteur 4masik
Séducteurs invétérés souvent maladroits et naïfs, les héros des romans de Lodge défilent et ressemblent non seulement à une grande partie des sujets de Sa Majesté mais aussi à une grande partie de nos quinquagénaires évoluant tant bien que mal dans le même décor : celui d’une Europe déclinante, d’une société mal en point, d’un sexe fort en pleine déconfiture et d’une université de redbricks fort peu conforme des prestigieuses salles de classe d’Oxford et de Cambridge.
Réaliste, drôle, le romancier ne fait pas seulement dans le narcissisme, les aventures sentimentales ratées, les adultères, les couples au bord de la rupture et les crises de mysticisme. Non, David Lodge excelle aussi à l’occasion dans la littérature de voyage version tourisme de masse. A ses débuts. Et le voilà partant lui aussi pour des escapades ratées en vol charter et packages bon marché vers des destinations galvaudées offrant des ersatz de vacances à des touristes fatigués…
Ses semblables. Ceux qui ont inventé le tourisme dans la foulée des chemins de fer, les stations balnéaires et autres voyages organisés et qui, depuis, empoisonnent le monde, à leur façon : subtile mais radicale !
Ainsi, dans l’un de ses plus grands succès : Thérapie, Lodge envoie son héros en quête d’une improbable guérison existentielle, aux Canaries ! Une escapade catastrophe dont il ne craint pas de dénoncer l’inconfort, la laideur, la standardisation et la profusion de ses compatriotes à la peau rosie par le soleil, fort peu avenants en bermuda. En exagérant à peine.
Réaliste, drôle, le romancier ne fait pas seulement dans le narcissisme, les aventures sentimentales ratées, les adultères, les couples au bord de la rupture et les crises de mysticisme. Non, David Lodge excelle aussi à l’occasion dans la littérature de voyage version tourisme de masse. A ses débuts. Et le voilà partant lui aussi pour des escapades ratées en vol charter et packages bon marché vers des destinations galvaudées offrant des ersatz de vacances à des touristes fatigués…
Ses semblables. Ceux qui ont inventé le tourisme dans la foulée des chemins de fer, les stations balnéaires et autres voyages organisés et qui, depuis, empoisonnent le monde, à leur façon : subtile mais radicale !
Ainsi, dans l’un de ses plus grands succès : Thérapie, Lodge envoie son héros en quête d’une improbable guérison existentielle, aux Canaries ! Une escapade catastrophe dont il ne craint pas de dénoncer l’inconfort, la laideur, la standardisation et la profusion de ses compatriotes à la peau rosie par le soleil, fort peu avenants en bermuda. En exagérant à peine.
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Observation acerbe, caustique, impitoyable
« Vous êtes déjà allé à Ténériffe », demande l’une des héroïnes de cette tragi comédie : « Eh bien, à choisir entre les mines de sel en Sibérie et un quatre étoiles à Playa de la Americas, je prends la Sibérie à tous les coups]i » affirme-t-elle avant de se lancer dans un descriptif cauchemardesque de plages carbonisées sur lesquelles s’étalent des touristes tout aussi carbonisés lampant de la sangria sur fond de chantiers en panne, de grues immobiles et de pancartes cherchant obstinément à vendre des ghettos en béton armé ! Pire !
Le présumé quatre étoiles où le couple atterrit aux Canaries, offre des chambres poussiéreuses, bruyantes dont les lits jumeaux sont tous dotés de matelas recouverts de plastique. Ce qui nous donne droit à une réflexion du type « je croyais qu’on réservait les alèses en plastique aux bébés et aux vieillards incontinents. Erreur : les groupes organisés y ont droit aussi ! »
Suivent les clichés sur les piscines minuscules aux chaises longues réquisitionnées par des hordes de vacanciers mesquins avec lesquels il faut jouer des coudes pour s’offrir un instant de soleil, et des brasseries à la décoration approximative offrant un innommable mélange de nourriture locale mixée avec des « beans » et du bacon histoire de démontrer que les Canariens prennent en compte les goûts de leurs clients et s’y adaptent autant que faire se peut.
A Ibiza, même décor, mais dans « L’homme qui ne voulait plus se lever », l’universitaire alias David Lodge décrit avec frénésie le ridicule de ces pauvres jeunes gens venus lorgner sur les belles étrangères et, pourquoi pas, les séduire le temps de courtes vacances combinant vols en vieux Dakota et bateaux poussifs…
… Mais, beaucoup plus loin, de l’autre côté de l’Atlantique, vers ces rivages où l’écrivain a de toute évidence, passé suffisamment de temps, pour en apprécier les bons et les mauvais côtés, il y a pire que ces somme toute modestes îles Canaries vendues au dieu tourisme !
Dans les années quatre vingt dix, David Lodge publie « Nouvelles du paradis ». Un titre moins connu, entièrement consacré à l’épopée à Hawaï de l’un de ses malheureux concitoyens et de son vieux père. De nouveau, les personnages favoris du romancier se trouvent réunis dans une comédie semi tragique, semi mystique, sur fond d’exotisme, de surfers, de vagues, de fleurs blanches et de gentils organisateurs aux poches bourrées de « vouchers » et de bons de réduction invitant leurs clients à toutes sortes de réjouissances : danses folkloriques, cocktails, mini croisières, plongée sous marine…
Nous sommes à la rupture entre les années Thatcher et les années Blair. L’Angleterre ne va pas mal mais ne va pas bien non plus. Devenue libérale, en attendant de renouer avec un peu de social, elle envoie tous les ans plus de 30% de sa population prendre le soleil à l’étranger. Parmi les longs courriers prisés par les Britanniques, Hawaï présente bien des qualités que le vieux père et le jeune fils pourraient apprécier.
Mais David Lodge n’a pas le sens des vacances, ni l’esprit « touriste ». Incommodé par ce nouveau monde, il l’est d’autant plus que durant tout le voyage un jeune étudiant en tourisme ne cesse de formuler des commentaires prétendument avisés sur la faune touristique abondamment présente sur l’île. C’est ainsi que le jeune homme se plaît à décrire…
… Mais en fait, ce jeune homme n’est autre que le double de Nelson Graburn, un anthropologue qui deviendra l’un des grands spécialistes de la sociologie touristique à l’université de Berkeley. Un tout petit monde ! En fait, oui, avec Lodge on est dans « Un tout petit monde » de gens qui sautent d’un continent à l’autre, une sorte de jet set intellectuelle qu’il dépeint sans indulgence mais toujours avec drôlerie et son inimitable réalisme. « Du roman picaresque » disait Umberto Eco au sujet de David Lodge.
Le présumé quatre étoiles où le couple atterrit aux Canaries, offre des chambres poussiéreuses, bruyantes dont les lits jumeaux sont tous dotés de matelas recouverts de plastique. Ce qui nous donne droit à une réflexion du type « je croyais qu’on réservait les alèses en plastique aux bébés et aux vieillards incontinents. Erreur : les groupes organisés y ont droit aussi ! »
Suivent les clichés sur les piscines minuscules aux chaises longues réquisitionnées par des hordes de vacanciers mesquins avec lesquels il faut jouer des coudes pour s’offrir un instant de soleil, et des brasseries à la décoration approximative offrant un innommable mélange de nourriture locale mixée avec des « beans » et du bacon histoire de démontrer que les Canariens prennent en compte les goûts de leurs clients et s’y adaptent autant que faire se peut.
A Ibiza, même décor, mais dans « L’homme qui ne voulait plus se lever », l’universitaire alias David Lodge décrit avec frénésie le ridicule de ces pauvres jeunes gens venus lorgner sur les belles étrangères et, pourquoi pas, les séduire le temps de courtes vacances combinant vols en vieux Dakota et bateaux poussifs…
… Mais, beaucoup plus loin, de l’autre côté de l’Atlantique, vers ces rivages où l’écrivain a de toute évidence, passé suffisamment de temps, pour en apprécier les bons et les mauvais côtés, il y a pire que ces somme toute modestes îles Canaries vendues au dieu tourisme !
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Nous sommes à la rupture entre les années Thatcher et les années Blair. L’Angleterre ne va pas mal mais ne va pas bien non plus. Devenue libérale, en attendant de renouer avec un peu de social, elle envoie tous les ans plus de 30% de sa population prendre le soleil à l’étranger. Parmi les longs courriers prisés par les Britanniques, Hawaï présente bien des qualités que le vieux père et le jeune fils pourraient apprécier.
Mais David Lodge n’a pas le sens des vacances, ni l’esprit « touriste ». Incommodé par ce nouveau monde, il l’est d’autant plus que durant tout le voyage un jeune étudiant en tourisme ne cesse de formuler des commentaires prétendument avisés sur la faune touristique abondamment présente sur l’île. C’est ainsi que le jeune homme se plaît à décrire…
… Mais en fait, ce jeune homme n’est autre que le double de Nelson Graburn, un anthropologue qui deviendra l’un des grands spécialistes de la sociologie touristique à l’université de Berkeley. Un tout petit monde ! En fait, oui, avec Lodge on est dans « Un tout petit monde » de gens qui sautent d’un continent à l’autre, une sorte de jet set intellectuelle qu’il dépeint sans indulgence mais toujours avec drôlerie et son inimitable réalisme. « Du roman picaresque » disait Umberto Eco au sujet de David Lodge.
La route de Saint Jacques : une aventure tragi comique
Et puis, il y a ce chef d’humour : « Thérapie » qui place l’auteur dans la situation d’un quinquagénaire égoïste et bileux, plaqué par sa femme, qui décide de rembobiner le film de sa vie amoureuse et court d’une ville à l’autre, retrouver ses anciennes «girl friends » sans la moindre chance de renouer avec elles, jusqu’à ce qu’il retrouve la trace de l’une d’entre elles sur la Route de Saint Jacques de Compostelle et se glisse dans la peau d’un pèlerin.
Hilarant, Thérapie est un pur chef d’œuvre dans son observation acerbe, caustique, impitoyable de ces malheureux pèlerins qui se trainent d’un gîte à un autre, dans des conditions parfaitement spartiates, en quête de la béatitude promise par les brochures touristico religieuses. Et coup de chance…
David Lodge tombe dans le panneau et rencontre Dieu ou quelqu’un d’approchant, lui qui n’avait rien de très mystique… Ou plus précisément, son personnage le rencontre et nous entraîne dans un formidable et hilarante émotion littéraire, de celles dans lesquelles les humoristes anglais sont passées maîtres.
On rit beaucoup en lisant David Lodge. On rit beaucoup aussi de ces malheureux touristes à qui le tourisme ne réussit pas toujours et qu’il sait si bien débusquer dans leurs manies, leurs travers et parfois leur naïveté.
Hilarant, Thérapie est un pur chef d’œuvre dans son observation acerbe, caustique, impitoyable de ces malheureux pèlerins qui se trainent d’un gîte à un autre, dans des conditions parfaitement spartiates, en quête de la béatitude promise par les brochures touristico religieuses. Et coup de chance…
David Lodge tombe dans le panneau et rencontre Dieu ou quelqu’un d’approchant, lui qui n’avait rien de très mystique… Ou plus précisément, son personnage le rencontre et nous entraîne dans un formidable et hilarante émotion littéraire, de celles dans lesquelles les humoristes anglais sont passées maîtres.
On rit beaucoup en lisant David Lodge. On rit beaucoup aussi de ces malheureux touristes à qui le tourisme ne réussit pas toujours et qu’il sait si bien débusquer dans leurs manies, leurs travers et parfois leur naïveté.
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Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.
Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.
Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com
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