Tandis que ce que l’Europe compte d’esprits cultivés s’extasie sur les merveilles de l’Italie, de la Grèce ou de l’Espagne, l’inconfort lié aux voyages tels qu’on les effectuait aux siècles derniers en chagrine plus d’un et leur dicte une prose particulièrement virulente.
Parmi ces voyageurs exaspérés, madame de Staël exilée par les bons soins de Napoléon, détestait les voyages et le disait. Avant elle, Charles de Brosses dans ses « Lettres familières écrites d’Italie » compte également parmi les premiers voyageurs les plus décidés à ne pas se laisser berner par les réputations bonnes ou mauvaises entourant une destination.
.Désireux de ne pas succomber à l’illusion, il ose la critique et en 1739, ne lésine pas sur pas sur les remarques du genre de celles-ci : « Il n’y a pas un bon morceau d’architecture, des fontaines mesquines, des rues droites à la vérité, mais étroites et sales, des églises fort vantées et non vantables, ornées sans goût et riches sans agrément… ».
A peu près à la même époque, certains se souviendront du voyage raté de cet indescriptible bougon que fut le personnage d’Humphrey Clinker.
Hypocondriaque et misanthrope, ce triste aristocrate anglais sommé d’aller prendre les eaux, détestait les voyages, et encore plus cette interminable virée sur le continent qui eut l’effet contraire de l’effet escompté : le rendre encore plus malade au retour qu’au départ.
Plus tard, pour d’autres raisons, l’anthropologue Claude Levi Strauss commence la rédaction de Tristes tropiques par cette phrase célèbre : « je hais les voyages ».
Et, encore un peu plus tard, un humoriste comme Pierre Daninos, après avoir longuement peint ses vacances franchouillardes au bord de la mer, n’hésite pas à déclarer son plaisir de rentrer enfin à la maison.
Parmi ces voyageurs exaspérés, madame de Staël exilée par les bons soins de Napoléon, détestait les voyages et le disait. Avant elle, Charles de Brosses dans ses « Lettres familières écrites d’Italie » compte également parmi les premiers voyageurs les plus décidés à ne pas se laisser berner par les réputations bonnes ou mauvaises entourant une destination.
.Désireux de ne pas succomber à l’illusion, il ose la critique et en 1739, ne lésine pas sur pas sur les remarques du genre de celles-ci : « Il n’y a pas un bon morceau d’architecture, des fontaines mesquines, des rues droites à la vérité, mais étroites et sales, des églises fort vantées et non vantables, ornées sans goût et riches sans agrément… ».
A peu près à la même époque, certains se souviendront du voyage raté de cet indescriptible bougon que fut le personnage d’Humphrey Clinker.
Hypocondriaque et misanthrope, ce triste aristocrate anglais sommé d’aller prendre les eaux, détestait les voyages, et encore plus cette interminable virée sur le continent qui eut l’effet contraire de l’effet escompté : le rendre encore plus malade au retour qu’au départ.
Plus tard, pour d’autres raisons, l’anthropologue Claude Levi Strauss commence la rédaction de Tristes tropiques par cette phrase célèbre : « je hais les voyages ».
Et, encore un peu plus tard, un humoriste comme Pierre Daninos, après avoir longuement peint ses vacances franchouillardes au bord de la mer, n’hésite pas à déclarer son plaisir de rentrer enfin à la maison.
Le non voyage
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Anxiogène le voyage l’est d’autant plus qu’il implique un départ, donc un arrachement à un lieu familier.
Une expérience insupportable pour certains individus incapables de rompre avec leur environnement habituel pour affronter un territoire inconnu.
Courante parmi les populations ayant eu à vivre un exil forcé, cette attitude peut figer le voyageur et l’empêcher de prendre le large.
Parmi les plus célèbres exemples de la littérature, le personnage inventé par l’écrivain J.K Huysmans dans son célèbre roman « à rebours », donne la pleine mesure d’un phénomène psychique dans lequel l’imagination joue un rôle tellement démesuré qu’elle parvient à paralyser le voyageur.
Que s’est-il passé exactement ? On est en 1883, Monsieur des Esseintes, blasé par les mondanités, s’enlise doucement dans les marécages de l’ennui, dans une demeure raffinée des environs de Paris, où il s’adonne à quelques passe-temps mi futiles, mi sérieux.
Loin des hommes, loin d’une société qu’il accuse déjà d’avoir succombé aux sirènes de la finance et du matérialisme, ce triste personnage dans lequel on a vu le prédécesseur d’Antoine Roquentin dans la Nausée ou la version moderne de Don Quichotte, décide de partir en voyages à Londres.
Il en possède les moyens matériels et culturels. Bon connaisseur de Dickens, c’est d’ailleurs sur ses traces qu’il a envie de réaliser cette escapade. On retrouve là le personnage de Don Quichotte enivré de romans de chevalerie qui part à l’assaut des moulins à vent.
« La lecture de Dickens commença lentement à agir, déterminant des visions de l’expérience anglaise qu’il ruminait pendant des heures… peu à peu s’insinuèrent des idées de réalité précise, de voyage accompli, de rêves vérifiés sur lesquels se greffa l’envie d’éprouver des sensations neuves » écrit Huysmans. En quelques lignes, tout est dit sur l’influence que peuvent exercer les héros littéraires sur le choix d’une destination.
Des Esseintes prépare donc ses malles et quitte son domicile à la va vite afin de gagner Paris, première étape de son escapade. Chemin faisant, il prend cependant le temps d’acheter un guide de Londres et de rêver devant les rayons du libraire.
Puis, sous une pluie battante, à la vue de passants trempés, de fumées et de flaques d’eau et de boue, le fortuné voyageur estimant d’ailleurs qu’il a déjà « un acompte de l’Angleterre », s’offre une halte inattendue à la Bodega , un formidable entrepôt foisonnant de tonneaux de vins, de liqueurs et autres alcools mais aussi d’Anglais. Et là, étourdi par l’ambiance proprement britannique, il se remet à rêver des personnages de Dickens qui « tous de détachaient de sa mémoire et s’installaient dans la Bodega » .
Un peu plus tard, une autre halte dans une taverne remplie d’Anglais dégustant des plats d’outre Manche, lui donne l’occasion de boire et de « se baffrer » comme jamais auparavant. Mais l’heure tourne et des Esseintes la laisse tourner faisant en sorte de rater son train ! « Des Esseintes était incapable de remuer les jambes, il se disait allons voyons debout mais d’immédiates objections contrarient ses ordres ».
C’est la fin de l’escapade. Le gentilhomme ne partira pas. Mais, en retirera une indescriptible satisfaction : « à quoi bon bouger quand on peut si magnifiquement voyager sur une chaise ! » s’exclame-t-il en reprenant le chemin de son domicile et faisant la démonstration, si besoin en était, que l’imagination peut largement suffire à réaliser de beaux voyages.
Surtout lorsqu’elle est alimentée par une littérature de qualité dont le réalisme permet au lecteur de se représenter décors, odeurs, sons et permet même parfois de se glisser dans la peau des héros ! Resté à quai, des Esseintes retire de ce non départ, une autre satisfaction non négligeable : celle d’éviter de fort grosses fatigues et de ne pas se couper de ses objets familiers.
Le bénéfice de cette escapade virtuelle est donc total ! Il est parti sans partir. Il a effectué un voyage dont il pourra parler plus tard mais un voyage immobile. Aurait-il agi de la même façon devant un écran d’ordinateur, après avoir effectué des visites virtuelles ? La réponse est complexe. L’extrapolation hasardeuse. Néanmoins, on peut affirmer que le personnage créé par Huysmans constitue l’archétype de ces voyageurs velléitaires, paresseux, timorés dont les voyages imaginaires suffisent à assouvir le désir d’évasion.
Une expérience insupportable pour certains individus incapables de rompre avec leur environnement habituel pour affronter un territoire inconnu.
Courante parmi les populations ayant eu à vivre un exil forcé, cette attitude peut figer le voyageur et l’empêcher de prendre le large.
Parmi les plus célèbres exemples de la littérature, le personnage inventé par l’écrivain J.K Huysmans dans son célèbre roman « à rebours », donne la pleine mesure d’un phénomène psychique dans lequel l’imagination joue un rôle tellement démesuré qu’elle parvient à paralyser le voyageur.
Que s’est-il passé exactement ? On est en 1883, Monsieur des Esseintes, blasé par les mondanités, s’enlise doucement dans les marécages de l’ennui, dans une demeure raffinée des environs de Paris, où il s’adonne à quelques passe-temps mi futiles, mi sérieux.
Loin des hommes, loin d’une société qu’il accuse déjà d’avoir succombé aux sirènes de la finance et du matérialisme, ce triste personnage dans lequel on a vu le prédécesseur d’Antoine Roquentin dans la Nausée ou la version moderne de Don Quichotte, décide de partir en voyages à Londres.
Il en possède les moyens matériels et culturels. Bon connaisseur de Dickens, c’est d’ailleurs sur ses traces qu’il a envie de réaliser cette escapade. On retrouve là le personnage de Don Quichotte enivré de romans de chevalerie qui part à l’assaut des moulins à vent.
« La lecture de Dickens commença lentement à agir, déterminant des visions de l’expérience anglaise qu’il ruminait pendant des heures… peu à peu s’insinuèrent des idées de réalité précise, de voyage accompli, de rêves vérifiés sur lesquels se greffa l’envie d’éprouver des sensations neuves » écrit Huysmans. En quelques lignes, tout est dit sur l’influence que peuvent exercer les héros littéraires sur le choix d’une destination.
Des Esseintes prépare donc ses malles et quitte son domicile à la va vite afin de gagner Paris, première étape de son escapade. Chemin faisant, il prend cependant le temps d’acheter un guide de Londres et de rêver devant les rayons du libraire.
Puis, sous une pluie battante, à la vue de passants trempés, de fumées et de flaques d’eau et de boue, le fortuné voyageur estimant d’ailleurs qu’il a déjà « un acompte de l’Angleterre », s’offre une halte inattendue à la Bodega , un formidable entrepôt foisonnant de tonneaux de vins, de liqueurs et autres alcools mais aussi d’Anglais. Et là, étourdi par l’ambiance proprement britannique, il se remet à rêver des personnages de Dickens qui « tous de détachaient de sa mémoire et s’installaient dans la Bodega » .
Un peu plus tard, une autre halte dans une taverne remplie d’Anglais dégustant des plats d’outre Manche, lui donne l’occasion de boire et de « se baffrer » comme jamais auparavant. Mais l’heure tourne et des Esseintes la laisse tourner faisant en sorte de rater son train ! « Des Esseintes était incapable de remuer les jambes, il se disait allons voyons debout mais d’immédiates objections contrarient ses ordres ».
C’est la fin de l’escapade. Le gentilhomme ne partira pas. Mais, en retirera une indescriptible satisfaction : « à quoi bon bouger quand on peut si magnifiquement voyager sur une chaise ! » s’exclame-t-il en reprenant le chemin de son domicile et faisant la démonstration, si besoin en était, que l’imagination peut largement suffire à réaliser de beaux voyages.
Surtout lorsqu’elle est alimentée par une littérature de qualité dont le réalisme permet au lecteur de se représenter décors, odeurs, sons et permet même parfois de se glisser dans la peau des héros ! Resté à quai, des Esseintes retire de ce non départ, une autre satisfaction non négligeable : celle d’éviter de fort grosses fatigues et de ne pas se couper de ses objets familiers.
Le bénéfice de cette escapade virtuelle est donc total ! Il est parti sans partir. Il a effectué un voyage dont il pourra parler plus tard mais un voyage immobile. Aurait-il agi de la même façon devant un écran d’ordinateur, après avoir effectué des visites virtuelles ? La réponse est complexe. L’extrapolation hasardeuse. Néanmoins, on peut affirmer que le personnage créé par Huysmans constitue l’archétype de ces voyageurs velléitaires, paresseux, timorés dont les voyages imaginaires suffisent à assouvir le désir d’évasion.
Retrouvez les autres articles de notre série "La contribution des écrivains voyageurs"
D’hier à demain
La marée d’images animées et mobiles déferlant sur nos écrans internet pourrait bel et bien amplifier le nombre de voyageurs virtuels. Mais, ceux-ci n’ont pas attendu l’événement du Web pour opter pour la sédentarité.
Bien entendu, ce sont les touristes les moins passionnés qui seront le plus touchés par ces aventures immobiles tandis que les autres profiteront au contraire des informations fournies par leurs écrans, pour partir à la découverte du monde. Les conséquences d’un excès d’images ont toujours été ambivalentes. Elles continueront de l’être.
Bien entendu, ce sont les touristes les moins passionnés qui seront le plus touchés par ces aventures immobiles tandis que les autres profiteront au contraire des informations fournies par leurs écrans, pour partir à la découverte du monde. Les conséquences d’un excès d’images ont toujours été ambivalentes. Elles continueront de l’être.
Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.
Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.
Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com
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