Venise victime du sur-tourisme ? Entre les déclarations officielles et les actes la Sérénissime est en train de perdre de superbe - Depositphotos.com Auteur Charly7777
Pour en savoir plus, nous avons interrogé un journaliste français vivant dans la Sérénissime afin de nous livrer sa version des faits. Nous avons aussi lu avec attention un ouvrage tout à fait recommandable paru aux éditions Exils : « Authentique rapport sur la nécessaire disparition de Venise ».
L’ouvrage tout d’abord : Rédigé par un Vénitien qui souhaite garder l’anonymat et adopte le pseudonyme de Casanuova, il décrit avec force détails (toujours trés bien sourcés) l’état d’une merveille du patrimoine mondial que l’on a laissé sombrer entre les mains de mauvais gestionnaires, pour ne pas dire de gestionnaires corrompus.
Plus soucieux d’engranger des recettes vite et mal gagnées que de protéger la fragilité d’une ville sans laquelle le tourisme italien ne serait plus ce qu’il est, ils se flattent de recevoir 30 millions de visiteurs annuels y compris les excursionnistes et continuent d’autoriser les hébergements touristiques à proliférer.
Le tout sur fond de scandale du projet MoSE, cette digue « dont la construction aura duré une vingtaine d’années et aura coûté plus de 6 milliards d’euros pour un budget prévisionnel de moins de 2 milliards » !
Et cela, alors que l’Italie sait mener à bien de grands travaux à des coûts et dans des délais raisonnables » (les autoroutes du soleil par exemple) !
L’ouvrage tout d’abord : Rédigé par un Vénitien qui souhaite garder l’anonymat et adopte le pseudonyme de Casanuova, il décrit avec force détails (toujours trés bien sourcés) l’état d’une merveille du patrimoine mondial que l’on a laissé sombrer entre les mains de mauvais gestionnaires, pour ne pas dire de gestionnaires corrompus.
Plus soucieux d’engranger des recettes vite et mal gagnées que de protéger la fragilité d’une ville sans laquelle le tourisme italien ne serait plus ce qu’il est, ils se flattent de recevoir 30 millions de visiteurs annuels y compris les excursionnistes et continuent d’autoriser les hébergements touristiques à proliférer.
Le tout sur fond de scandale du projet MoSE, cette digue « dont la construction aura duré une vingtaine d’années et aura coûté plus de 6 milliards d’euros pour un budget prévisionnel de moins de 2 milliards » !
Et cela, alors que l’Italie sait mener à bien de grands travaux à des coûts et dans des délais raisonnables » (les autoroutes du soleil par exemple) !
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… Pendant que les aqua alta continuent à inonder la place Saint Marc et les ruelles attenantes dont la majorité ne vendent plus que de la pacotille au détriment des produits indispensables au quotidien des quelques vénitiens qui restent fidèles à leur ville, les murs se lézardent, les canaux s’embourbent et les gondoliers se lassent de jouer les marionnettistes d’un théâtre en train de couler.
A tel point que l’auteur songe à des solutions d’urgence et de survie qui en feront hurler plus d’un : confier la restauration de la Sérénissime à Disney dont le savoir-faire pourrait lui permettre de transformer la ville en parcs à thèmes et d’y gérer parfaitement les flux ! Boutade ? Certes.
Ou en partie seulement, car l’idée de recourir aux ingénieurs californiens n’est pas neuve. N’ont-ils pas contribué à réorganiser Central Park à New-York ? Autre idée : déplacer la ville et la reconstruire à l’extérieur. Comme pour Abu Simbel. A moins de transformer la lagune en lac fermé traversé par un système d’égouts de qualité ?
Ou encore, pourquoi pas maintenir à Mestre dans les énormes hôtels low cost que l’on est en train d’y construire, une population touristique se satisfaisant de quelques attractions locales les dispensant d’aller encombrer les rues du centre historique de Venise ? Ainsi, l’élite pourrait reconquérir ses territoires.
Autre solution : comme Lascaux 1 fermé pour être remplacé par Lascaux 2 et 3, on ferait une Venise numéro 2 bâtie sur la terre ferme, solide, bien droite sur ses pilotis ! On pourrait aussi avoir recours au virtuel et à des tiers lieux !
Les techniques ne manquent pas pour traduire en images numériques de grande qualité les œuvres des grands maîtres. Et cela éviterait à beaucoup des visites épuisantes. Et que dire d’un pont sous la lagune ?
Bref, les idées ne manqueraient si l’on voulait vraiment prendre le problème à bras le corps et préserver cette ville en or et les imaginaires qui vont avec. Mais, attention, l’auteur n’est pas un ingénieur ni un architecte. Il est un visionnaire qui utilise la provocation pour faire réfléchir intelligemment et peut-être à l’avenir, efficacement.
A lire : Editions Exils. « Authentique rapport sur la nécessaire disparition de Venise ». Casanuova. 12 euros
A tel point que l’auteur songe à des solutions d’urgence et de survie qui en feront hurler plus d’un : confier la restauration de la Sérénissime à Disney dont le savoir-faire pourrait lui permettre de transformer la ville en parcs à thèmes et d’y gérer parfaitement les flux ! Boutade ? Certes.
Ou en partie seulement, car l’idée de recourir aux ingénieurs californiens n’est pas neuve. N’ont-ils pas contribué à réorganiser Central Park à New-York ? Autre idée : déplacer la ville et la reconstruire à l’extérieur. Comme pour Abu Simbel. A moins de transformer la lagune en lac fermé traversé par un système d’égouts de qualité ?
Ou encore, pourquoi pas maintenir à Mestre dans les énormes hôtels low cost que l’on est en train d’y construire, une population touristique se satisfaisant de quelques attractions locales les dispensant d’aller encombrer les rues du centre historique de Venise ? Ainsi, l’élite pourrait reconquérir ses territoires.
Autre solution : comme Lascaux 1 fermé pour être remplacé par Lascaux 2 et 3, on ferait une Venise numéro 2 bâtie sur la terre ferme, solide, bien droite sur ses pilotis ! On pourrait aussi avoir recours au virtuel et à des tiers lieux !
Les techniques ne manquent pas pour traduire en images numériques de grande qualité les œuvres des grands maîtres. Et cela éviterait à beaucoup des visites épuisantes. Et que dire d’un pont sous la lagune ?
Bref, les idées ne manqueraient si l’on voulait vraiment prendre le problème à bras le corps et préserver cette ville en or et les imaginaires qui vont avec. Mais, attention, l’auteur n’est pas un ingénieur ni un architecte. Il est un visionnaire qui utilise la provocation pour faire réfléchir intelligemment et peut-être à l’avenir, efficacement.
A lire : Editions Exils. « Authentique rapport sur la nécessaire disparition de Venise ». Casanuova. 12 euros
« Parole, parole » ! Entretien avec un Vénitien d’adoption
De son côté, un journaliste français vivant depuis de longues années à Venise, a répondu à nos questions sur toutes les soudaines mesures annoncées par la municipalité de Venise pour y réguler son tourisme.
Futuroscopie - Premier point, qu’en est-il des paquebots ?
X.Y : ils ne passent plus par la Boca del Lido, ni devant la place Saint Marc ni dans le canal de la Giudecca (les plus gros d'entre eux du moins). Mais ils doivent continuer à entrer dans la lagune par la Boca de Malamoco et emprunter le canal des pétroliers jusqu'à Marghera. Jusqu'à présent, trois ou quatre seulement l'ont fait. Le dernier a dû renoncer car il y avait trop de vent. Le canal est trop étroit pour ces géants et l’on redoute un "effet canal de Suez" un bateau se mettant en travers et bloquant tout.
Il est donc prévu d'élargir et creuser ce canal d'ici deux ans, mais comme ses fonds sont pollués par les rejets industriels de Marghera, cela devrait détruire les zones de pêche limitrophes (les plus importantes de la lagune) et risque de contaminer toue la lagune. Sans parler du fait que cela accélérera encore la vitesse d'entrée des marées. J'ai l'impression qu'en attendant, nombre d'entre eux choisiront Trieste ou un port plus proche d'où pourront se faire des excursions à Venise.
Futuroscopie - On a aussi beaucoup évoqué le projet des portiques, qu’en est-il ?
X.Y : Une première expérimentation avait été faite au printemps 2018. Vite arrêtée devant les protestations des opposants qui étaient venus les démanteler car ce sont des structures légères. Il ne s'agissait pas de limiter les entrées mais d'obliger une partie des visiteurs à prendre un itinéraire bis les jours d'affluence. Maintenant, on parle d'obliger à faire des réservations et à payer un péage un peu ridicule (de 3 à 10 euros !).
On ne sait toujours pas quand la deuxième expérimentation commencera. Il y a manifestement encore pas mal de problèmes administravo-juridiques à régler.
Et va-t-on installer des portiques (pour l'instant ce sont de modestes tourniquets) pour contrôler les dizaines de bateaux-autobus qui amènent les excursionnistes depuis les plages environnantes ou même de Croatie qui fournit des contingents importants d’excursionnistes ? Nous n’en savons rien.
Futuroscopie - Premier point, qu’en est-il des paquebots ?
X.Y : ils ne passent plus par la Boca del Lido, ni devant la place Saint Marc ni dans le canal de la Giudecca (les plus gros d'entre eux du moins). Mais ils doivent continuer à entrer dans la lagune par la Boca de Malamoco et emprunter le canal des pétroliers jusqu'à Marghera. Jusqu'à présent, trois ou quatre seulement l'ont fait. Le dernier a dû renoncer car il y avait trop de vent. Le canal est trop étroit pour ces géants et l’on redoute un "effet canal de Suez" un bateau se mettant en travers et bloquant tout.
Il est donc prévu d'élargir et creuser ce canal d'ici deux ans, mais comme ses fonds sont pollués par les rejets industriels de Marghera, cela devrait détruire les zones de pêche limitrophes (les plus importantes de la lagune) et risque de contaminer toue la lagune. Sans parler du fait que cela accélérera encore la vitesse d'entrée des marées. J'ai l'impression qu'en attendant, nombre d'entre eux choisiront Trieste ou un port plus proche d'où pourront se faire des excursions à Venise.
Futuroscopie - On a aussi beaucoup évoqué le projet des portiques, qu’en est-il ?
X.Y : Une première expérimentation avait été faite au printemps 2018. Vite arrêtée devant les protestations des opposants qui étaient venus les démanteler car ce sont des structures légères. Il ne s'agissait pas de limiter les entrées mais d'obliger une partie des visiteurs à prendre un itinéraire bis les jours d'affluence. Maintenant, on parle d'obliger à faire des réservations et à payer un péage un peu ridicule (de 3 à 10 euros !).
On ne sait toujours pas quand la deuxième expérimentation commencera. Il y a manifestement encore pas mal de problèmes administravo-juridiques à régler.
Et va-t-on installer des portiques (pour l'instant ce sont de modestes tourniquets) pour contrôler les dizaines de bateaux-autobus qui amènent les excursionnistes depuis les plages environnantes ou même de Croatie qui fournit des contingents importants d’excursionnistes ? Nous n’en savons rien.
Futuroscopie - Quid des Brigades de contrôle ?
XY : J'avoue que je n'en ai guère vu... La ville est de nouveau submergée en particulier les week-ends où tous les jeunes de la région viennent se saouler. Il y a sans doute un effet Covid avec l'arrêt du tourisme vers l'étranger et la fermeture des boites de nuit.
On dirait cependant qu'il s'ouvre un bar par semaine. Pour ma part, j'ai trouvé un slogan détournant celui qui dit "Venezia non e un albergo" ! J’ajouterai : "Si, Venezia e un bar" ! Quand on voit les foules qui bloquent littéralement certains endroits comme le Rialto, la Fondamenta della Misericordia, Il Campo Santa Margherita, etc..), et qu'au petit matin on retrouve ces endroits tapissés de cartons de pizzas ou de hamburger, de verres en plastique, sans parler des flots d'urine contre les murs, on se demande où sont ces brigades.
Futuroscopie - Que pouvez-vous nous dire sur les projets de tracking ?
XY : Le système de caméras, et la salle des écrans (Smart Control Room est son nom) permet en effet d'identifier, depuis près de deux ans, presque tous les visiteurs qui ont un smartphone. Mais, jusqu'à présent cela n'a ni empêché les vols ni régulé le trafic (touristes, bateaux, etc.). Si l’on en avait la volonté, ce serait peut-être possible mais quand on voit que la mairie veut installer une autre porte d'entrée à Venise (San Giuliano/Pili), qui impliquerait des dizaines d'autobus flottants pour transporter les visiteurs, on doute de la volonté de limiter le sur-tourisme.
Ne parlons pas non plus de la multiplication des hôtels bon marché à Mestre !
Alors que la mairie racontait une fable selon laquelle, depuis deux ans, la construction de nouveaux hôtels était bloquée « sauf exception ». Et bien on voit beaucoup d'exceptions, et d'hôtels ! Quant au contrôle des locations sur Airbnb, il est tombé aux oubliettes.
En lagune, les bateaux à gros moteurs et les taxis ne respectent aucune limitation de vitesse (moi, le week-end je ne vais plus en lagune nord (Burano, Torcello...) car j'ai peur d’être retourné pas une vague.
Futuroscopie - Que pensez-vous de ce problème majeur qu’est l’aérien ? Parle-t-on de limiter les vols ?
X.Y : Je n’en ai jamais entendu parler, mais je lis aujourd'hui dans le journal que Ryanair qui arrivait à Trévise, ouvre une nouvelle base à Marco Polo, et va inaugurer 16 nouvelles liaisons internationales et huit avec les villes italiennes !
Vous voyez l’excès et le mensonge combinés à l’économie sont monnaie courante. Le tourisme vénitien, pour faire parler de lui, n’a plus que des informations calamiteuses à faire circuler…
XY : J'avoue que je n'en ai guère vu... La ville est de nouveau submergée en particulier les week-ends où tous les jeunes de la région viennent se saouler. Il y a sans doute un effet Covid avec l'arrêt du tourisme vers l'étranger et la fermeture des boites de nuit.
On dirait cependant qu'il s'ouvre un bar par semaine. Pour ma part, j'ai trouvé un slogan détournant celui qui dit "Venezia non e un albergo" ! J’ajouterai : "Si, Venezia e un bar" ! Quand on voit les foules qui bloquent littéralement certains endroits comme le Rialto, la Fondamenta della Misericordia, Il Campo Santa Margherita, etc..), et qu'au petit matin on retrouve ces endroits tapissés de cartons de pizzas ou de hamburger, de verres en plastique, sans parler des flots d'urine contre les murs, on se demande où sont ces brigades.
Futuroscopie - Que pouvez-vous nous dire sur les projets de tracking ?
XY : Le système de caméras, et la salle des écrans (Smart Control Room est son nom) permet en effet d'identifier, depuis près de deux ans, presque tous les visiteurs qui ont un smartphone. Mais, jusqu'à présent cela n'a ni empêché les vols ni régulé le trafic (touristes, bateaux, etc.). Si l’on en avait la volonté, ce serait peut-être possible mais quand on voit que la mairie veut installer une autre porte d'entrée à Venise (San Giuliano/Pili), qui impliquerait des dizaines d'autobus flottants pour transporter les visiteurs, on doute de la volonté de limiter le sur-tourisme.
Ne parlons pas non plus de la multiplication des hôtels bon marché à Mestre !
Alors que la mairie racontait une fable selon laquelle, depuis deux ans, la construction de nouveaux hôtels était bloquée « sauf exception ». Et bien on voit beaucoup d'exceptions, et d'hôtels ! Quant au contrôle des locations sur Airbnb, il est tombé aux oubliettes.
En lagune, les bateaux à gros moteurs et les taxis ne respectent aucune limitation de vitesse (moi, le week-end je ne vais plus en lagune nord (Burano, Torcello...) car j'ai peur d’être retourné pas une vague.
Futuroscopie - Que pensez-vous de ce problème majeur qu’est l’aérien ? Parle-t-on de limiter les vols ?
X.Y : Je n’en ai jamais entendu parler, mais je lis aujourd'hui dans le journal que Ryanair qui arrivait à Trévise, ouvre une nouvelle base à Marco Polo, et va inaugurer 16 nouvelles liaisons internationales et huit avec les villes italiennes !
Vous voyez l’excès et le mensonge combinés à l’économie sont monnaie courante. Le tourisme vénitien, pour faire parler de lui, n’a plus que des informations calamiteuses à faire circuler…
Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.
Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité et décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.
Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com
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