La valise dont la fonction est devenue d’autant plus indispensable dans le kit du voyageur qu’elle s’est assortie d’une fonction de distinction et de nivellement des classes sociales - Depositphotos.com Auteur philipus
Commençons par le début : l’histoire.
Au siècle dernier, les plus riches, désireux de vivre ailleurs comme chez eux, empilaient leurs effets dans cartons à chapeaux et malles dont les célèbres malles plates de Louis Vuitton, ce pionnier qui en 1854, anticipait avec le succès que l’on sait le destin glorieux de la bagagerie.
Les plus modestes pour leur part utilisaient des baluchons et autres contenants taillés dans des étoffes et des matériaux rudes. Puis, vint la valise, la vraie, dont l’étymologie est incertaine (sans doute vient-elle du mot italien : valigia, signifiant une malle ?) mais dont la fonction est devenue d’autant plus indispensable dans le kit du voyageur qu’elle s’est assortie d’une fonction de distinction et de nivellement des classes sociales.
Une belle valise en cuir bien tanné disait d’emblée le voyage que vous alliez accomplir et votre statut social. Une modeste valise en carton vous rangeait dans la catégorie des « pauvres », des voyageurs de troisième classe, voire des réfugiés ou pire, des migrants…
Quant aux étiquettes abondamment collées sur ses flancs, elles en disaient long sur les destinations, les hôtels, les compagnies de chemins de fer…et révélaient qui étaient les grands et les petits voyageurs…
Fragment d’histoire individuelle, cette imagerie ambulante nous manque… car elle était bel et bien parlante !
Au siècle dernier, les plus riches, désireux de vivre ailleurs comme chez eux, empilaient leurs effets dans cartons à chapeaux et malles dont les célèbres malles plates de Louis Vuitton, ce pionnier qui en 1854, anticipait avec le succès que l’on sait le destin glorieux de la bagagerie.
Les plus modestes pour leur part utilisaient des baluchons et autres contenants taillés dans des étoffes et des matériaux rudes. Puis, vint la valise, la vraie, dont l’étymologie est incertaine (sans doute vient-elle du mot italien : valigia, signifiant une malle ?) mais dont la fonction est devenue d’autant plus indispensable dans le kit du voyageur qu’elle s’est assortie d’une fonction de distinction et de nivellement des classes sociales.
Une belle valise en cuir bien tanné disait d’emblée le voyage que vous alliez accomplir et votre statut social. Une modeste valise en carton vous rangeait dans la catégorie des « pauvres », des voyageurs de troisième classe, voire des réfugiés ou pire, des migrants…
Quant aux étiquettes abondamment collées sur ses flancs, elles en disaient long sur les destinations, les hôtels, les compagnies de chemins de fer…et révélaient qui étaient les grands et les petits voyageurs…
Fragment d’histoire individuelle, cette imagerie ambulante nous manque… car elle était bel et bien parlante !
Les roulettes qui ont changé le voyageur et le voyage
Puis vint la démocratisation de la valise qui, grâce à ses roulettes vivait une véritable révolution au sujet de laquelle on se demande pourquoi elle a tant tardé ! Une question de coûts ? Une question de brevet ? Arrivée tard, vers la fin des années soixante-dix, les roulettes ont d’abord été réduites à deux, sur un côté.
Puis, elles se sont multipliées par deux avec une roue d’un seul côté et enfin par quatre ! Rendant le bagage plus fonctionnel, plus maniable, cette mutation est due soit à l’ingéniosité d’un particulier (on parle d’un certain voyageur de Porto Rico) soit à la marque Delsey qui, en 1972 en aurait déposé le brevet.
En tout cas, les roues ont permis à de nombreux individus fragiles de partir en voyage, l’esprit et les bras plus légers ! Mais, il a fallu attendre encore quelques années pour que les roulettes se démocratisent et s’adaptent à des bagages de toutes les catégories, chers et moins chers, solides et fragiles, européens ou chinois, adultes ou enfants.
Sauf que, qui dit démocratisation de la valise donc du voyage, dit aussi élargissement de la production bon marché et de mauvaise qualité, imitation des marques, voire copie… ce qui a fait basculer cet objet élitiste dans la banalisation et surtout la dégradation.
A tel point qu’aujourd’hui, se vendent 9 millions de valises par an en France, parmi lesquelles Delsey vend 3 millions d’unités alors que Samsonite occupe 19,5% (chiffre 2018) du marché mondial sur l’ensemble de ses produits !
Puis, elles se sont multipliées par deux avec une roue d’un seul côté et enfin par quatre ! Rendant le bagage plus fonctionnel, plus maniable, cette mutation est due soit à l’ingéniosité d’un particulier (on parle d’un certain voyageur de Porto Rico) soit à la marque Delsey qui, en 1972 en aurait déposé le brevet.
En tout cas, les roues ont permis à de nombreux individus fragiles de partir en voyage, l’esprit et les bras plus légers ! Mais, il a fallu attendre encore quelques années pour que les roulettes se démocratisent et s’adaptent à des bagages de toutes les catégories, chers et moins chers, solides et fragiles, européens ou chinois, adultes ou enfants.
Sauf que, qui dit démocratisation de la valise donc du voyage, dit aussi élargissement de la production bon marché et de mauvaise qualité, imitation des marques, voire copie… ce qui a fait basculer cet objet élitiste dans la banalisation et surtout la dégradation.
A tel point qu’aujourd’hui, se vendent 9 millions de valises par an en France, parmi lesquelles Delsey vend 3 millions d’unités alors que Samsonite occupe 19,5% (chiffre 2018) du marché mondial sur l’ensemble de ses produits !
Le business des bagages dans l’aérien : le voyageur sans valise
Autre avatar de la valise, celle-ci est devenue un véritable casse-tête pour les voyageurs prenant un avion. En quelques années, elle s’est hissée au rang des nombreux soucis à gérer avant un départ. Trop grande, trop lourde, non conforme à des dimensions très codifiées, elle file en soute et ajoute de lourdes charges au prix du billet d’avion. A moins qu’elle ne le surpasse tout simplement !
Petite, elle roule dans le cockpit, s’installe sur une étagère mais oblige l’heureux voyageur à la traîner derrière lui pendant de longs parcours, à la vider au passage en douane et à racheter une partie de ses ustensiles de toilette et ses cosmétiques à l’arrivée. Ce qui a un coût parfois plus élevé que les surtaxes bagages !
Lesquelles n’en finissent pas de grimper et de constituer pour les compagnies aériennes un véritable pactole.
De compagne docile, confortable, bienveillante, la valise est donc devenue parfois un fardeau poussant certains voyageurs aériens à se passer tout simplement de bagages ou à enfiler et superposer toute leur garde-robe sur leur dos avant de prendre l’avion ! Évolue-t-on vers un monde sans valise ? En partie, pour les plus désinvoltes des voyageurs, adaptables à toutes les situations, souvent des jeunes !
Petite, elle roule dans le cockpit, s’installe sur une étagère mais oblige l’heureux voyageur à la traîner derrière lui pendant de longs parcours, à la vider au passage en douane et à racheter une partie de ses ustensiles de toilette et ses cosmétiques à l’arrivée. Ce qui a un coût parfois plus élevé que les surtaxes bagages !
Lesquelles n’en finissent pas de grimper et de constituer pour les compagnies aériennes un véritable pactole.
De compagne docile, confortable, bienveillante, la valise est donc devenue parfois un fardeau poussant certains voyageurs aériens à se passer tout simplement de bagages ou à enfiler et superposer toute leur garde-robe sur leur dos avant de prendre l’avion ! Évolue-t-on vers un monde sans valise ? En partie, pour les plus désinvoltes des voyageurs, adaptables à toutes les situations, souvent des jeunes !
Le sac à dos, emblème des back-packers se généralise
Quant au sac à dos, le grand concurrent de la valise, il a indéniablement renouvelé́ le monde du bagage. Comment ? Au XVIIe siècle, on construit des cadres en bois fixés aux épaules à l’aide de lanières en cuir.
Deux cents ans plus tard, un grand sac de cuir est attaché à des cadres, créant le premier sac à dos. En 1909, le bois est remplacé́ par du métal, le cuir par de la toile, et le modèle est déposé par Ole F. Bergan, puis développé en France par Millet et Lafuma.
Il faudra attendre les années cinquante pour que l’Américain Dick Kelly invente un produit en aluminium plus léger, avec une sangle au niveau de la taille dont la popularité est immédiate !
Les « globe trotters » des années soixante et soixante-dix l’adoptent et ne le lâchent plus. Plus pratique que la valise, il faut dire qu’il a apporté une contribution sans précèdent à la liberté du voyageur qui s’est retrouvé soudain les mains libres !
Deux cents ans plus tard, un grand sac de cuir est attaché à des cadres, créant le premier sac à dos. En 1909, le bois est remplacé́ par du métal, le cuir par de la toile, et le modèle est déposé par Ole F. Bergan, puis développé en France par Millet et Lafuma.
Il faudra attendre les années cinquante pour que l’Américain Dick Kelly invente un produit en aluminium plus léger, avec une sangle au niveau de la taille dont la popularité est immédiate !
Les « globe trotters » des années soixante et soixante-dix l’adoptent et ne le lâchent plus. Plus pratique que la valise, il faut dire qu’il a apporté une contribution sans précèdent à la liberté du voyageur qui s’est retrouvé soudain les mains libres !
Les valises de demain : durable et techno
Mais, les bagages n’en resteront pas là. Car, dans un monde où la sensibilité écologique progresse chaque jour, la valise ne peut se permettre d’être taxée de pollueuse !
Alors qu’une production de bagages bon marché, bourrés de plastiques, peu solides, a envahi le marché, les enseignes de prestige jouent à fond la carte du durable.
Tout d’abord, elles proposent des services de réparation (200 dans 65 pays pour Samsonite). Delsey en fait autant. Quant à LVMH, il va sans dire qu’il répare aussi. Un excellent point. Delsey par exemple a aussi tenté la location. Sans trop de succès.
Mais, surtout, les grandes enseignes produisent des bagages durables afin de réduire au maximum le problème des déchets, avec des matériaux innovants parfois issus du recyclage de bouteilles en plastique.
Ainsi avec Recyclex, Samsonite a donné une seconde vie à 68 millions de bouteilles en plastique ! La marque annonce aussi être neutre en carbone d’ici à 2025 ! Évidemment, la dimension sociale du développement durable est aussi prise en compte.Tandis que Delsey émet le même son de cloche ou à peu près. Jugez plutôt un extrait du site :
Delsey s'engage pour le développement durable à travers son programme Delsey Planet. « Nous accompagnons les voyageurs vers une mobilité plus verte en leur offrant des sacs et valises dont le tissu est entièrement en r-PET, une matière recyclée à partir de bouteilles en plastique »…
Mais, d’autres avatars de la valise sont d’ores et déjà sur le marché. Tout d’abord, la valise est transformable, soit en chaises d’appoint, soit en petits véhicules permettant de se déplacer sur un petit territoire comme un aéroport ou une gare. D’ores et déjà, des enfants en possèdent, sur lesquels ils vont et viennent sans danger, et en s’amusant.
Équipée de prises USB, la valise s’est surtout aussi dotée d’un GPS qui permet à son propriétaire de la repérer où qu’elle se trouve. Un bon moyen de ne pas la perdre.
Mais, ce n’est pas tout, on n’a plus besoin de la pousser, elle peut suivre le voyageur comme un toutou. De plus, la valise devient si modulable qu’on peut également la convertir en tentes, en parasols, en bouées, en chaises longues, en tables de camping etc. Et, elle devient si connectée qu’elle simplifie la vie de ses propriétaires.
D’un imaginaire d’encombrement, on passe à un univers de légèreté, de fonctionnalité et simplicité. Quant à la sécurité, elle est devenue un tel enjeu qu’elle est de mieux en mieux assurée.
Autre chose ? Oui, le marché des bagages a été rudement impacté par la pandémie de Covid, mais il connaît un « après » apparemment encourageant, sur les marchés européen et américain, mais moins sur le marché chinois… On s’en serait douté !
Alors qu’une production de bagages bon marché, bourrés de plastiques, peu solides, a envahi le marché, les enseignes de prestige jouent à fond la carte du durable.
Tout d’abord, elles proposent des services de réparation (200 dans 65 pays pour Samsonite). Delsey en fait autant. Quant à LVMH, il va sans dire qu’il répare aussi. Un excellent point. Delsey par exemple a aussi tenté la location. Sans trop de succès.
Mais, surtout, les grandes enseignes produisent des bagages durables afin de réduire au maximum le problème des déchets, avec des matériaux innovants parfois issus du recyclage de bouteilles en plastique.
Ainsi avec Recyclex, Samsonite a donné une seconde vie à 68 millions de bouteilles en plastique ! La marque annonce aussi être neutre en carbone d’ici à 2025 ! Évidemment, la dimension sociale du développement durable est aussi prise en compte.Tandis que Delsey émet le même son de cloche ou à peu près. Jugez plutôt un extrait du site :
Delsey s'engage pour le développement durable à travers son programme Delsey Planet. « Nous accompagnons les voyageurs vers une mobilité plus verte en leur offrant des sacs et valises dont le tissu est entièrement en r-PET, une matière recyclée à partir de bouteilles en plastique »…
Mais, d’autres avatars de la valise sont d’ores et déjà sur le marché. Tout d’abord, la valise est transformable, soit en chaises d’appoint, soit en petits véhicules permettant de se déplacer sur un petit territoire comme un aéroport ou une gare. D’ores et déjà, des enfants en possèdent, sur lesquels ils vont et viennent sans danger, et en s’amusant.
Équipée de prises USB, la valise s’est surtout aussi dotée d’un GPS qui permet à son propriétaire de la repérer où qu’elle se trouve. Un bon moyen de ne pas la perdre.
Mais, ce n’est pas tout, on n’a plus besoin de la pousser, elle peut suivre le voyageur comme un toutou. De plus, la valise devient si modulable qu’on peut également la convertir en tentes, en parasols, en bouées, en chaises longues, en tables de camping etc. Et, elle devient si connectée qu’elle simplifie la vie de ses propriétaires.
D’un imaginaire d’encombrement, on passe à un univers de légèreté, de fonctionnalité et simplicité. Quant à la sécurité, elle est devenue un tel enjeu qu’elle est de mieux en mieux assurée.
Autre chose ? Oui, le marché des bagages a été rudement impacté par la pandémie de Covid, mais il connaît un « après » apparemment encourageant, sur les marchés européen et américain, mais moins sur le marché chinois… On s’en serait douté !
La symbolique de la valise : de l’encombrement physique à l’encombrement mental
Symboliquement, les bagages représentent le patrimoine que l’on emporte avec soi, nos acquis, qu’ils soient culturels ou familiaux, à moins qu’il ne s’agisse de la somme d’expériences d’un individu au cours de sa vie.
Néanmoins, trop de bagages peuvent encombrer. Si les valises sont trop lourdes, cela suggère un attachement exagéré aux choses matérielles et aux choses du passé.
La valise, le bagage en général, peuvent en effet renvoyer à des habitudes psychiques, à des souvenirs enfouis qui empêchent d’avancer. Un bagage trop rempli peut nuire voire empêcher l’action. Il représente alors les attachements affectifs qui nous encombrent. Ce bagage-fardeau, il faut pouvoir le vider pour continuer notre marche de façon plus légère. Ne dit-on pas « vider son sac » !
Par ailleurs, ce fardeau est d’autant plus lourd qu’il peut contenir des secrets (à rapprocher du symbolisme de la malle ou du coffre). Il tend à évoquer tout ce qu’un individu souhaite cacher et mettre à l’abri des regards.
C’est une enceinte, un lieu clos, un contenant qui renvoie à notre intériorité. Ouvrir la valise de quelqu’un d’autre symbolise une intrusion dans la vie privée, une agression.
Les valises-bagages peuvent enfin symboliser les changements de vie. « Poser ses valises », c’est tourner une page, s’alléger de quelque chose, se délester d’un poids. Mais c’est aussi partir, quitter son pays (la valise de l’immigré).
Dernier point : le bagage est aussi un marqueur social. Luxueuse, la valise est légère, élégante, fonctionnelle, solide et issue de marques de prestige. Pauvre, elle est fragile, souvent trop lourde et encombrante ! Comme la vie des gens modestes !
Sarah Herbeth
Néanmoins, trop de bagages peuvent encombrer. Si les valises sont trop lourdes, cela suggère un attachement exagéré aux choses matérielles et aux choses du passé.
La valise, le bagage en général, peuvent en effet renvoyer à des habitudes psychiques, à des souvenirs enfouis qui empêchent d’avancer. Un bagage trop rempli peut nuire voire empêcher l’action. Il représente alors les attachements affectifs qui nous encombrent. Ce bagage-fardeau, il faut pouvoir le vider pour continuer notre marche de façon plus légère. Ne dit-on pas « vider son sac » !
Par ailleurs, ce fardeau est d’autant plus lourd qu’il peut contenir des secrets (à rapprocher du symbolisme de la malle ou du coffre). Il tend à évoquer tout ce qu’un individu souhaite cacher et mettre à l’abri des regards.
C’est une enceinte, un lieu clos, un contenant qui renvoie à notre intériorité. Ouvrir la valise de quelqu’un d’autre symbolise une intrusion dans la vie privée, une agression.
Les valises-bagages peuvent enfin symboliser les changements de vie. « Poser ses valises », c’est tourner une page, s’alléger de quelque chose, se délester d’un poids. Mais c’est aussi partir, quitter son pays (la valise de l’immigré).
Dernier point : le bagage est aussi un marqueur social. Luxueuse, la valise est légère, élégante, fonctionnelle, solide et issue de marques de prestige. Pauvre, elle est fragile, souvent trop lourde et encombrante ! Comme la vie des gens modestes !
Sarah Herbeth
Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.
Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.
Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com
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