Futuroscopie : Vos clients sont-ils boulimiques, transgressifs ou compulsifs ? 🔑

Ils ne peuvent pas vivre sans avoir des billets de train ou d’avion dans la poche et un projet de voyages dans la tête. Clients idéaux des agents de voyages, ces individus font du déplacement un mode de vie capable de les délivrer de leurs angoisses de sédentaires et de combler les vides qu’ils sentent en eux.

Frénétiques dans leurs pratiques, ils sont souvent peu regardants en matière de destinations, car l’essentiel pour eux n’est pas de découvrir un pays, son patrimoine, son histoire, mais c’est bel et bien de « partir », de s’éloigner, de prendre le large et, remarque importante, si possible de prendre congé d’eux-mêmes.

En effet, parmi les boulimiques, on retrouve cette catégorie d’individus qui instrumentalisent le voyage en une fuite leur permettant de se débarrasser d’eux-mêmes et de s’oublier.

Souvent mal dans leur peau, ces voyageurs n’en donnent pas moins l’illusion contraire, soit celle d’individus solides et plus dynamiques que la moyenne.

En fait, le voyage compense des manques et des frustrations à rechercher souvent dans des traumatismes de la petite enfance.

Mais, parmi les boulimiques, certains voyageurs cherchent aussi à afficher leur statut social. Ceux-là sont plus regardants sur le choix de la destination.

Partir, c’est dire où l’on va donc qui l’on est... !

A l’inverse des adeptes du farniente pour qui les vacances consistent à surtout ne rien faire, les compulsifs, pour leur part, font preuve d’une énergie spectaculaire dès qu’ils franchissent la porte de leur domicile et s’engouffrent dans un taxi, une gare, un aéroport.

A bien les observer, on s’aperçoit qu’eux aussi cherchent à combler des manques. Ils s’étourdissent donc en multipliant les activités, les visites, les sorties, les découvertes, les rencontres. Frénétiques, ils se lèvent de bonne heure et se couchent tard, cherchant à ne « rien râter » des spectacles et réjouissances qui leur sont offertes par une destination. Peu importe la fatigue qui en découle.

C’est ainsi que le compulsif va se lancer sur le GR20 sans avoir la moindre préparation et calera à la première difficulté ou s’inscrira à des cours de plongée et des séances de Kite surf alors qu’il n’a aucune affinité ni pour la mer, ni pour les sports aériens !

En fait, le boulimique a des attitudes qui tournent à la névrose. Il veut être à la fois dans l’action et dans la performance et, pire, essaie d’attirer ses compagnons de voyages dans cette mécanique infernale qui le pousse à être toujours en mouvement !

Incapable de se contrôler, le touriste compulsif est aussi celui qui ne peut s’empêcher d’accumuler des achats inutiles. Muni de sa carte de crédit à débit différé, il achète tout ce qu’il voit et fera ses comptes à la rentrée !

Toujours en état de manque, il remplit les cases vides de son existence et le voyage surtout à l’étranger, convenons-en, constitue un formidable terrain où assouvir sa frénésie de consommation.

Il s’agit encore d’une catégorie différente. Le voyageur transgressif fait de ses voyages un moment durant lequel il pourra faire tomber son masque et se transformer en un « autre » au contact des « autres ».

Attisée par le changement de pays, l’exotisme d’une part et l’anonymat permis par le voyage, l’attitude transgressive s’exprime en particulier par la tenue vestimentaire que ce touriste arbore dès qu’il a quitté son milieu d’origine.

A peine atterrit-il à des milliers de kilomètres de chez lui qu’il est ailleurs. Donc, tout lui est permis car personne, estime-t-il, le reconnaîtra ! Prompt à briser les codes et lois habituels, il en invente d’autres et s’y conforme, avec un sentiment total d’impunité.

Ainsi, l’ingénieur bosseur et sérieux devient un excentrique tatoué des pieds à la tête, vêtu de cuir qui va s’encanailler dans des boîtes gay. Ni vu, ni connu ! La mère de famille sage oublie ses enfants et ses corvées domestiques et se transforme en une fêtarde invétérée…

En fait, l’ailleurs et le déplacement constituent le terrain idéal de la rupture et des débordements et garantissent la confidentialité de tous les excès ! Comportement névrotique, la transgression est cependant positive dans la mesure où elle libère les frustrations !

Retrouvez tous les articles de la série Futuroscopie "Qui sont vos clients ?"

Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.

Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

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