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Nuisances aéroportuaires : hausse des plaintes et des infractions dues à la pagaille de l'aérien 🔑

l'interview de Gilles Leblanc, Président de l’ACNUSA


Il n'y a pas que les vacanciers et les passagers qui sont impactés par les retards et annulations de vols des compagnies aériennes cet été. Les populations locales proches des aéroports font aussi les frais de la pagaille estivale. Gilles Leblanc, Président de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) relève une hausse des plaintes et des infractions. Interview.


Rédigé par le Dimanche 24 Juillet 2022

Nuisances aéroportuaires : la désorganisation du transport aérien pose un problème aux passagers mais aussi aux personnes qui vivent autour et sous les couloirs aériens - Depositphotos.com  Auteur vschlichting
Nuisances aéroportuaires : la désorganisation du transport aérien pose un problème aux passagers mais aussi aux personnes qui vivent autour et sous les couloirs aériens - Depositphotos.com Auteur vschlichting
TourMaG - Pouvez-vous nous expliquer quel est le rôle de l'Autorité de Contrôle des Nuisances Aéroportuaires (ACNUSA) ?

Gilles Leblanc : L’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires est une autorité administrative indépendante du gouvernement chargée de contrôler l’ensemble des dispositifs de lutte contre les nuisances - en matière de bruit et de pollutions atmosphériques - générées par le transport aérien et le secteur aéroportuaire.

L’Autorité est un organe prescripteur en matière de nuisances sonores et de pollutions atmosphériques et elle est aussi un organe de contrôle.

Elle exerce également les pouvoirs de sanction pour toutes les infractions aux règles environnementales. Elle fonctionne un peu comme un tribunal administratif et joue le rôle d'un organe consultatif qui émet des avis sur les plans et programmes d’actions traitant des nuisances aéroportuaires.


Nuisances aéroportuaires : "la situation n'est pas bonne et crée un certains nombres de tensions"

TourMaG - La désorganisation actuelle du transport aérien : vols annulés, retards, grèves... perturbent les déplacements des passagers cet été, mais aussi la vie des personnes qui vivent près des plateformes aéroportuaires. C'est le message aussi que vous souhaitez faire passer ?

Gilles Leblanc :
Effectivement la désorganisation du transport aérien pose un problème aux passagers mais aussi aux personnes qui vivent autour et sous les couloirs aériens.

Les difficultés rencontrées par les compagnies aériennes provoquent des déroutements ou des manquements aux règles environnementales.

Nous constatons une recrudescence significative du nombre des plaintes et des infractions. Deux aéroports nous inquiètent particulièrement. Il s'agit de l'aéroport de Nantes-Atlantique où un nombre important de vols atterrissent après l'heure du couvre-feu qui a été mis en place depuis le 4 avril 2022.

L'autre point chaud c'est Roissy-Charles-de-Gaulle, où l'on constate un nombre de mouvements de nuit supérieur à celui de 2019, en raison de l’augmentation des vols de fret, et des retards accumulés dans la journée.

Le nombre de déroutements sur CDG d’aéronefs programmés pour atterrir à Paris–Orly avant le couvre-feu reste élevé.

Il y a une conjonction de ces deux phénomènes qui crée une situation difficile à Roissy.

Mais d'autres plateformes en région sont aussi concernés par un nombre plus important d'infractions, tels ceux de Marseille et Bordeaux...

Les média mettent en avant les difficultés des passagers, mais ils ne sont pas les seuls à être victimes de ces perturbations. La situation actuelle n'est pas bonne et crée un certains nombres de tensions.

"Certaines compagnies ont fait le choix de maintenir les vols, quitte à se mettre en infraction"

Gilles Leblanc, Président de l’ACNUSA
Gilles Leblanc, Président de l’ACNUSA
TourMaG - Selon vous, à quoi sont dues ces perturbations ?

Gilles Leblanc :
L’ACNUSA a étudié le dernier rapport bimensuel d’Eurocontrol, l'organisation européenne en charge du contrôle aérien.

Ce que nous constatons c'est que le trafic aérien en Europe est, en juillet 2022, de l’ordre de 87 % du trafic réalisé à la même époque en 2019.

Il est largement tiré par les vols intra européens (24 303 par jour dans la semaine du 13 au 19 juillet 2022). L’Espagne, l’Italie et la France sont les pays ayant le plus de vols intérieurs (respectivement 1 340, 1 006 et 938 par jour).
Deux segments restant au-dessus de 2019, l’aviation d’affaires (+ 32 %) et les vols cargo (+ 2 %).

Les désordres constatés ses dernières semaines s'expliquent par la programmation et la commercialisation par les transporteurs d’un nombre de vols supérieurs à leurs capacités de production.

L'été précédent, en 2021, ils ont programmé de nombreux vols pour lancer en quelque sort des lignes et voir si la demande allait répondre. Ca n'a pas "mordu" autant qu'ils le le souhaitaient et, finalement, ils ont annulé de nombreux vols.

En 2022, les compagnies ont également annoncé des programmes très élevés. Mais ce qui change cette année, c'est que la demande est au rendez-vous. Du coup, elles ont eu plus de mal à ajuster leur programme à leurs capacités de production qui n'étaient pas suffisantes.

Les compagnies ont une responsabilité dans ce système. Et tout l'écosystème est impacté : compagnies, aéroports, contrôles aux frontières, contrôle aérien avec les difficultés que l'on connait. La programmation est très supérieure aux capacités de production globales.

A ce désordre s'ajoutent les revendications salariales et les grèves. Dans ce contexte, certaines compagnies ont fait le choix de maintenir les vols, quitte à se mettre en infraction.

TourMaG - Que risquent les compagnies lorsqu'elles enfreignent la loi ?

Gilles Leblanc :
Elles risquent des amendes dont les plafonds sont fixés par la loi. Pour un manquement constaté en journée, le plafond est fixé à 20 000 €. La nuit, le plafond monte 40 000 €.

Il faut savoir que les amendes n'atteignent pas ce plafond dès la première infraction. En général c'est en cas de récidive et lorsque les infractions persistent que les compagnies se voient infliger des amendes atteignant les montants des plafonds.


TourMaG - Cette hausse sensible des infractions pourrait venir alimenter le discours anti-avion qui monte depuis déjà quelques année...

Gilles Leblanc :
Effectivement cela peut donner des arguments supplémentaires aux anti-avions. Toutefois les populations impactées - qui représentent 6 millions de personnes en France dont 1,2 million très concernées - ne sont pas forcément des personnes anti-avions.

Souvent ces personnes travaillent elles-mêmes dans le secteur aéronautique, eux ou un membre de leur famille. Dans nos missions, nous ne vivons pas vraiment le débat "anti" - ou - "pour" l'avion.

Ces populations demandent une régulation et que leur santé soit respectée. Sociologiquement elles ne sont pas contre l'avion mais elles sont contre les abus, car ce n'est pas la règle du jeu qu'on leur a soumis. Le contrat n'est pas respecté.

TourMaG - Que demandez-vous aux compagnies aériennes ?

Gilles Leblanc :
Qu'elles respectent à la fois leurs passagers mais aussi les populations locales, en suivant les restrictions en matière de nuisances sonores et environnementales.

Qu'elles aient également un programme de vols raisonnable et qu'elles le respectent.

Cette situation est très dommageable pour le secteur, alors que 2022 est l'année de reprise du transport aérien. Il est important de respecter les riverains et les locaux pour garder la confiance des populations.

Céline Eymery Publié par Céline Eymery Rédactrice en Chef - TourMaG.com
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