"Vous avez un sujet qui inquiète particulièrement les Entreprises du Voyage à savoir les travaux menés par la Commission européenne sur les acomptes clients" selon Jean-Baptiste Lemoyne - JDL
TourMaG - La dernière fois que nous nous étions parlés, vous occupiez alors le poste de ministre délégué au Tourisme. Vous êtes maintenant Sénateur, mais vous suivez toujours l'actualité du tourisme ?
Jean-Baptiste Lemoyne : Oui, tout simplement, car le tourisme est une famille formidable.
J'ai œuvré auprès du secteur, avant même d'entrer au gouvernement, en étant président du CDT de l'Yonne. Durant ces 5 ans en tant que secrétaire d'Etat, puis ministre délégué, j'ai noué des liens forts de travail et d'amitié avec les acteurs.
Voilà autant de bonnes raisons pour suivre l'actualité du secteur.
Par ailleurs, je suis au Sénat membre de la commission des affaires économiques. Elle a dans ses compétences le tourisme, donc à ce titre, cela m'intéresse de garder un œil sur l'industrie.
Jean-Baptiste Lemoyne : Oui, tout simplement, car le tourisme est une famille formidable.
J'ai œuvré auprès du secteur, avant même d'entrer au gouvernement, en étant président du CDT de l'Yonne. Durant ces 5 ans en tant que secrétaire d'Etat, puis ministre délégué, j'ai noué des liens forts de travail et d'amitié avec les acteurs.
Voilà autant de bonnes raisons pour suivre l'actualité du secteur.
Par ailleurs, je suis au Sénat membre de la commission des affaires économiques. Elle a dans ses compétences le tourisme, donc à ce titre, cela m'intéresse de garder un œil sur l'industrie.
"Nous ne pouvons pas penser que les recettes touristiques vont tomber toutes seules"
TourMaG - Votre attention permet, en quelque sorte, au tourisme de pouvoir exister un peu auprès des sénateurs. Car nous avons comme l'impression que dès que tout va bien, le secteur se débrouille tout seul et qu'il n'y a pas besoin d'agir...
Jean-Baptiste Lemoyne : C'est une grave erreur.
Nous sommes dans un monde de compétition des destinations touristiques. La relance s'est faite à coup de campagnes de promotion assez importantes dans tous les pays.
J'ai veillé que dans le Plan Destination France, nous dégagions des crédits supplémentaires pour Atout France.
Dans ce contexte de compétition, nous ne pouvons pas penser que les recettes touristiques vont tomber, sans rien faire. Il est nécessaire de structurer une démarche.
Il est indispensable de rester Ă la pointe des enjeux de transformation. Nous avons des clients et une opinion publique qui sont soucieux des sujets environnementaux, digitaux et sociaux.
TourMaG - Par le passé, Laurent Fabius (ancien Premier ministre de France, ndlr) avait fixé comme objectif le cap des 100 millions de touristes. Au regard des enjeux actuels pour le tourisme et l'humanité, est-ce bien sérieux de viser un tel chiffre ?
Jean-Baptiste Lemoyne : Cet objectif a été fixé en 2014.
Au sortir de la crise sanitaire, nous avions déjà souhaité faire pivoter le modèle. Notre enjeu à l'époque était de faire croître les recettes touristiques, les paniers moyens, plutôt que de s'engager dans cette course.
Nous avons des marges de progression, nous le voyons, sur l'aspect des recettes, en étant derrière l'Espagne. Notre capacité à commercialiser, mais aussi à créer des passerelles entre différents secteurs doit être renforcée.
C'Ă©tait tout l'enjeu du plan Destination France, de s'Ă©chiner sur les recettes plutĂ´t que de se battre sur le nombre de voyageurs.
Jean-Baptiste Lemoyne : C'est une grave erreur.
Nous sommes dans un monde de compétition des destinations touristiques. La relance s'est faite à coup de campagnes de promotion assez importantes dans tous les pays.
J'ai veillé que dans le Plan Destination France, nous dégagions des crédits supplémentaires pour Atout France.
Dans ce contexte de compétition, nous ne pouvons pas penser que les recettes touristiques vont tomber, sans rien faire. Il est nécessaire de structurer une démarche.
Il est indispensable de rester Ă la pointe des enjeux de transformation. Nous avons des clients et une opinion publique qui sont soucieux des sujets environnementaux, digitaux et sociaux.
TourMaG - Par le passé, Laurent Fabius (ancien Premier ministre de France, ndlr) avait fixé comme objectif le cap des 100 millions de touristes. Au regard des enjeux actuels pour le tourisme et l'humanité, est-ce bien sérieux de viser un tel chiffre ?
Jean-Baptiste Lemoyne : Cet objectif a été fixé en 2014.
Au sortir de la crise sanitaire, nous avions déjà souhaité faire pivoter le modèle. Notre enjeu à l'époque était de faire croître les recettes touristiques, les paniers moyens, plutôt que de s'engager dans cette course.
Nous avons des marges de progression, nous le voyons, sur l'aspect des recettes, en étant derrière l'Espagne. Notre capacité à commercialiser, mais aussi à créer des passerelles entre différents secteurs doit être renforcée.
C'Ă©tait tout l'enjeu du plan Destination France, de s'Ă©chiner sur les recettes plutĂ´t que de se battre sur le nombre de voyageurs.
Fracture sociale : "un vent de révolte peut gronder"
TourMaG - La montée en gamme est-elle l'unique solution pour accroitre les recettes touristiques du pays, alors que de plus en plus de Français sont laissés au bord de la route lors des départs en vacances ?
Jean-Baptiste Lemoyne : Il n'y a pas que la montée en gamme, même si elle est indéniable dans un certain nombre de secteurs.
Dans l'hôtellerie de plein air, nous l'observons, avec le recentrage sur les mobile-home, générant des séjours plus rémunérateurs.
Maintenant, il en faut pour toutes les bourses. Le tourisme est une conquête sociale. Chacun a le droit de changer d'air et de partir en vacances. Je tiens à signaler qu'au sein de nos sociétés occidentales, mais surtout française, nous ne devons pas laisser des fossés se creuser.
Par le passé, dans le monde, vous aviez le nord riche et le sud pauvre. Aujourd'hui dans un même pays, vous avez cette même fracture. Attention, un vent de révolte peut gronder !
Le droit au départ doit être garanti, donc l'offre touristique doit répondre à tous les segments, avec du premium, mais aussi nous devons permettre aux plus modestes de pouvoir s'échapper.
Jean-Baptiste Lemoyne : Il n'y a pas que la montée en gamme, même si elle est indéniable dans un certain nombre de secteurs.
Dans l'hôtellerie de plein air, nous l'observons, avec le recentrage sur les mobile-home, générant des séjours plus rémunérateurs.
Maintenant, il en faut pour toutes les bourses. Le tourisme est une conquête sociale. Chacun a le droit de changer d'air et de partir en vacances. Je tiens à signaler qu'au sein de nos sociétés occidentales, mais surtout française, nous ne devons pas laisser des fossés se creuser.
Par le passé, dans le monde, vous aviez le nord riche et le sud pauvre. Aujourd'hui dans un même pays, vous avez cette même fracture. Attention, un vent de révolte peut gronder !
Le droit au départ doit être garanti, donc l'offre touristique doit répondre à tous les segments, avec du premium, mais aussi nous devons permettre aux plus modestes de pouvoir s'échapper.
Surtourisme : "nous devons raison garder"
TourMaG - Vous abordez la question du tourisme de masse. Dans les années 60 et 70, nous avons structuré et accompagné l'émergence du tourisme populaire et de masse. Depuis nous avons abandonné cette gestion au secteur privé. Alors que notre société devient de plus en plus une société de loisir, le gouvernement ne devrait-il pas se réapproprier la structuration du secteur, au lieu de la laisser à des acteurs comme Airbnb ?
Jean-Baptiste Lemoyne : Plusieurs choses. Ma thèse est que le gouvernement et les pouvoirs publics ne peuvent pas se désintéresser du tourisme, quand bien même, ce dernier est largement privé.
Il y a un besoin d'organisation, d'où le projet du Comité de Filière Tourisme, avec différentes commissions, pour aboutir sur une feuille de route.
Le besoin de régulation est réel, par rapport aux enjeux actuels.
J'entends dans votre question des mots comme tourisme de masse ou Airbnb. J'aimerais préciser que lorsque des endroits sont confrontés ponctuellement à du surtourisme, nous devons apporter une réponse adaptée à ce lieu ou site localisé.
Nous ne devons pas généraliser, en disant que nous sommes en France dans une situation de surtourisme.
En France, nous avons suffisamment connu les impacts négatifs et ravageurs du non-tourisme, lors des confinements, voire du sous-tourisme au moment de relancer la machine, pour dire que nous serions aujourd'hui en surtourisme.
Nous devons raison garder.
Les professionnels du tourisme ont une grande force : ils savent gérer les flux. J'en parlais encore récemment avec Rodolphe Delord du Zoo de Beauval. Le président directeur général de l'établissement sait gérer plusieurs dizaines de milliers de visiteurs.
De plus la crise sanitaire a été un accélérateur pour l'adaptation de nos comportements. Nous avons pris l'habitude de réserver en ligne ou de pré-réserver nos activités.
Je suis plutôt optimiste sur la capacité à canaliser et organiser les flux touristiques, pour réduire les externalités négatives et les nuisances. Le tourisme doit se faire dans le respect des populations, des paysages, sinon nous scions la branche sur laquelle nous sommes assis.
Pour Airbnb, il faut sans doute réfléchir à des mesures, notamment sur les zones les plus en tension.
Nous avons un problème lorsque les habitants ne peuvent plus vivre chez eux, comme à Venise ou Barcelone, alors que dans un territoire comme l'Yonne, Airbnb a apporté une solution à la disparition d'une hôtellerie indépendante.
Les meublés sont dans certains secteurs de la France de véritables réponses à un besoin. Nous devons nous assurer de la mixité d'usage et non pas tendre vers une uniformisation, en faveur d'Airbnb ou d'autres acteurs.
Jean-Baptiste Lemoyne : Plusieurs choses. Ma thèse est que le gouvernement et les pouvoirs publics ne peuvent pas se désintéresser du tourisme, quand bien même, ce dernier est largement privé.
Il y a un besoin d'organisation, d'où le projet du Comité de Filière Tourisme, avec différentes commissions, pour aboutir sur une feuille de route.
Le besoin de régulation est réel, par rapport aux enjeux actuels.
J'entends dans votre question des mots comme tourisme de masse ou Airbnb. J'aimerais préciser que lorsque des endroits sont confrontés ponctuellement à du surtourisme, nous devons apporter une réponse adaptée à ce lieu ou site localisé.
Nous ne devons pas généraliser, en disant que nous sommes en France dans une situation de surtourisme.
En France, nous avons suffisamment connu les impacts négatifs et ravageurs du non-tourisme, lors des confinements, voire du sous-tourisme au moment de relancer la machine, pour dire que nous serions aujourd'hui en surtourisme.
Nous devons raison garder.
Les professionnels du tourisme ont une grande force : ils savent gérer les flux. J'en parlais encore récemment avec Rodolphe Delord du Zoo de Beauval. Le président directeur général de l'établissement sait gérer plusieurs dizaines de milliers de visiteurs.
De plus la crise sanitaire a été un accélérateur pour l'adaptation de nos comportements. Nous avons pris l'habitude de réserver en ligne ou de pré-réserver nos activités.
Je suis plutôt optimiste sur la capacité à canaliser et organiser les flux touristiques, pour réduire les externalités négatives et les nuisances. Le tourisme doit se faire dans le respect des populations, des paysages, sinon nous scions la branche sur laquelle nous sommes assis.
Pour Airbnb, il faut sans doute réfléchir à des mesures, notamment sur les zones les plus en tension.
Nous avons un problème lorsque les habitants ne peuvent plus vivre chez eux, comme à Venise ou Barcelone, alors que dans un territoire comme l'Yonne, Airbnb a apporté une solution à la disparition d'une hôtellerie indépendante.
Les meublés sont dans certains secteurs de la France de véritables réponses à un besoin. Nous devons nous assurer de la mixité d'usage et non pas tendre vers une uniformisation, en faveur d'Airbnb ou d'autres acteurs.
Acomptes : Jean-Baptiste Lemoyne va s'entretenir avec Didier Reynders
TourMaG - Vous êtes devenu un super lobbyiste du secteur auprès des pouvoirs publics qu'ils soient en France ou en Europe. Quels sont les sujets chauds du moment pour la profession ?
Jean-Baptiste Lemoyne : Je suis toujours à l'écoute des remontées du terrain.
Vous avez un sujet qui inquiète particulièrement les Entreprises du Voyage : les travaux menés par la Commission européenne sur les acomptes clients. Nous pourrions avoir une future réglementation, pour obliger à limiter à un certain montant les acomptes.
A lire : Limitation ou suppression des acomptes : un risque aussi pour les clients ?.
Or nous savons que les agents de voyages, lorsqu'ils organisent et réservent un séjour, doivent faire face à des engagements financiers. C'est dans ce cadre que les acomptes sont demandés aux clients.
Il y a un travail à faire auprès de Didier Reynders, le commissaire européen en charge du sujet. Je le connais relativement bien, puisque nos carrières politiques se ressemblent à certains points et que nous nous sommes souvent croisés, en fonction des différents postes gouvernementaux que nous avons occupés.
Je vais le sensibiliser aux enjeux. Il est possible de trouver des écritures permettant de tenir compte des contraintes des agents de voyages, sans léser les consommateurs.
J'entends bien m'en ouvrir à lui, parce que j'ai pu entendre et voir que la Commission européenne a une vision très consumériste des choses.
Nous avons pu voir durant la crise, que les agents de voyages sont tenus de rembourser immédiatement, alors même que d'autres acteurs comme les compagnies aériennes ne remboursent pas toujours à temps.
Je vais donc en parler avec le Commissaire, en veillant à trouver un dispositif ne remettant pas en cause fondamentalement le système.
TourMaG - D'après vos informations, cette crainte d'une réduction des acomptes pour surprotéger les clients est réelle ?
Jean-Baptiste Lemoyne : En tous les cas, les Entreprises du Voyages ou l'ECTAA entendent des bruits qui vont dans ce sens.
Tout est dans le détail. Nous devons établir des textes qui tiennent compte de la réalité. Nous nous sommes battus pour que le secteur reste debout, il serait dommage de le fragiliser.
Jean-Baptiste Lemoyne : Je suis toujours à l'écoute des remontées du terrain.
Vous avez un sujet qui inquiète particulièrement les Entreprises du Voyage : les travaux menés par la Commission européenne sur les acomptes clients. Nous pourrions avoir une future réglementation, pour obliger à limiter à un certain montant les acomptes.
A lire : Limitation ou suppression des acomptes : un risque aussi pour les clients ?.
Or nous savons que les agents de voyages, lorsqu'ils organisent et réservent un séjour, doivent faire face à des engagements financiers. C'est dans ce cadre que les acomptes sont demandés aux clients.
Il y a un travail à faire auprès de Didier Reynders, le commissaire européen en charge du sujet. Je le connais relativement bien, puisque nos carrières politiques se ressemblent à certains points et que nous nous sommes souvent croisés, en fonction des différents postes gouvernementaux que nous avons occupés.
Je vais le sensibiliser aux enjeux. Il est possible de trouver des écritures permettant de tenir compte des contraintes des agents de voyages, sans léser les consommateurs.
J'entends bien m'en ouvrir à lui, parce que j'ai pu entendre et voir que la Commission européenne a une vision très consumériste des choses.
Nous avons pu voir durant la crise, que les agents de voyages sont tenus de rembourser immédiatement, alors même que d'autres acteurs comme les compagnies aériennes ne remboursent pas toujours à temps.
Je vais donc en parler avec le Commissaire, en veillant à trouver un dispositif ne remettant pas en cause fondamentalement le système.
TourMaG - D'après vos informations, cette crainte d'une réduction des acomptes pour surprotéger les clients est réelle ?
Jean-Baptiste Lemoyne : En tous les cas, les Entreprises du Voyages ou l'ECTAA entendent des bruits qui vont dans ce sens.
Tout est dans le détail. Nous devons établir des textes qui tiennent compte de la réalité. Nous nous sommes battus pour que le secteur reste debout, il serait dommage de le fragiliser.
"J'ai le souvenir d'un appel de Jean-Pierre Mas..."
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TourMaG - Ce congrès est aussi un hommage à la présidence de Jean-Pierre Mas. Vous l'avez beaucoup côtoyé. Si vous aviez un souvenir à nous partager de vos échanges et rencontres, lequel serait-ce ?
Jean-Baptiste Lemoyne : Il a été un partenaire de tous les moments, surtout dans la crise sanitaire.
Je me souviens encore de nos discussions, je me vois encore un samedi matin dans ma cuisine, au téléphone avec lui pour boutiquer le dispositif des avoirs.
Je devais posséder suffisamment de retours du secteur pour pouvoir plaider la cause auprès du directeur de cabinet du Premier ministre et du Président de la République.
Ce moment et cette discussion étaient cruciaux, car selon que je gagne ou non l'arbitrage, des milliers d'entreprises et emplois étaient en jeu. C'est un grand bonheur de les voir à nouveau réunies et de revoir Jean-Pierre Mas, un président qui a beaucoup fait durant cette période.
Valérie Boned est aussi très engagée au sein du Comité de Filière Tourisme, en tant que présidente de commission.
Jean-Baptiste Lemoyne : Il a été un partenaire de tous les moments, surtout dans la crise sanitaire.
Je me souviens encore de nos discussions, je me vois encore un samedi matin dans ma cuisine, au téléphone avec lui pour boutiquer le dispositif des avoirs.
Je devais posséder suffisamment de retours du secteur pour pouvoir plaider la cause auprès du directeur de cabinet du Premier ministre et du Président de la République.
Ce moment et cette discussion étaient cruciaux, car selon que je gagne ou non l'arbitrage, des milliers d'entreprises et emplois étaient en jeu. C'est un grand bonheur de les voir à nouveau réunies et de revoir Jean-Pierre Mas, un président qui a beaucoup fait durant cette période.
Valérie Boned est aussi très engagée au sein du Comité de Filière Tourisme, en tant que présidente de commission.