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"Ce n'est pas une attaque contre Airbnb, mais une régulation"

Interview de Xavier Roseren, député de Haute-Savoie


Le gouvernement ne l'a pas fait, mais les députés l'ont imaginé et voté. Cette fois-ci l'Assemblée nationale a adopté un texte de loi pour encadrer le développement d'Airbnb et des meublés touristiques en France. Le projet porté par les députés Annaïg Le Meur et Inaki Echaniz prévoit une réduction de la niche fiscale et diverses mesures portant une estocade à un phénomène se répandant dans de nombreux territoires français. Rencontre avec Xavier Roseren, député de Haute-Savoie et engagé sur le sujet des meublés de tourisme.


Rédigé par le Mercredi 31 Janvier 2024

La loi pour encadrer Airbnb pourrait être promulguée en 2025 - Crédit photo : Pépita
La loi pour encadrer Airbnb pourrait être promulguée en 2025 - Crédit photo : Pépita
TourMaG.com - Dans votre circonscription, les problématiques du logement sont prégnantes. Vous aviez porté le projet d'une surtaxation de la taxe d'habitation, pour donner un peu plus de pouvoirs aux Maires. Lundi 29 janvier, l'Assemblée nationale a adopté une loi pour réguler les meublés touristiques dont Airbnb. Qu'en pensez-vous ?

Xavier Roseren : C'est un sujet important et je trouve que l'adoption du texte est une bonne chose.

Nous voulons que la fiscalité bouge. Elle ne doit plus être intéressante pour la location de courte durée, par rapport à la longue durée. C'est vraiment là-dessus qu'il faut agir.

Ce vote montre bien que tout le monde est d'accord pour faire bouger les lignes. Par contre, il n'y a pas d'étude d'impact sur ce qui a été voté, lundi dernier.

Loi Airbnb : "Nous ne reviendrons pas à l'état d'avant"

TourMaG.com - Est-ce problématique ?

Xavier Roseren :
Il a été voté, que les abattements fiscaux, des propriétaires de meublés touristiques qui étaient de l'ordre 71% ou 50%, ont été baissés à hauteur de 30%.

Il y a des exceptions pour les gîtes ruraux, les maisons d'hôtes, les stations de ski et d'alpinisme. Sur ces derniers points, le texte sera retoqué, car le deux dénominations n'ont pas de valeur légale.

Il n'existe pas de définition légale des termes "station de ski" et "station d'alpinisme", donc le texte devrait inévitablement être revu. Il ne fonctionne pas en tant que tel.

Concernant l'étude d'impact, nous devons connaître les conséquences d'une loi, savoir qui est concerné, ce que cela peut coûter ou rapporter. Une loi ne peut pas être votée, sans avoir ces informations-là.

TourMaG.com - Cet élément peut remettre en question la viabilité du projet de loi ?

Xavier Roseren :
Non, puisque le temps que le texte arrive au Sénat, une mission mixte paritaire sera nommée.

Durant ce laps de temps, la mission aura le retour de l'étude d'impact.

TourMaG.com - Le Sénat est à la main des Républicains, le même parti ayant voté contre le texte adopté par l'Assemblée nationale...

Xavier Roseren :
Je pense que les sénateurs ont compris la nécessité de réguler les meublés de tourisme.

Ils apporteront des modifications sans doute, mais sans revenir à l'état d'avant. Je pense que cela va aller dans le bon sens.

Loi Airbnb : une promulgation pour 2025 ?

TourMaG.com - Vous avez participé à la construction du texte initial, puis vous avez amendé certains articles en commission et enfin en séance publique dans l'hémicycle. Que faut-il maintenir pour ne pas dénaturer le texte ?

Xavier Roseren :
Trois points nous paraissaient très importants à faire évoluer.

Tout d'abord, la fiscalité, puis le zonage pour donner aux Maires la possibilité d'établir des zones dans leurs villes dédiées aux résidences principales. Ce sont les servitudes.

C'est un outil que nous allons donner aux Maires, ils ne sont pas obligés de s'en saisir et normalement la liberté est plutôt appréciée par les Sénateurs. Le 3e point important : ne plus louer des passoires énergétiques à partir de 2025, 2027 et 2030 selon la classification.

Sauf qu'aujourd'hui il est possible de le faire pour les locations de courte durée. Je pense que sur ce point, les Sénateurs seront attentifs. Maintenant il faut que tout aille vite, pour avoir fin mars, le résultat de la mission et que nous puissions voter le texte rapidement.

TourMaG.com - Les Français vont bien devoir savoir comment calculer leurs futurs impôts sur le revenu...

Xavier Roseren :
Exactement, il y a une certaine inertie.

Il est probable que la conclusion sera d'attendre le Projet de loi de finances (PLF) 2025. Nous aimerions que cela aille le plus vite possible, mais rien ne nous dit que ce sera le cas pour l'année en cours. Tout dépend du Sénat.

"Ce n'est pas une attaque envers Airbnb, mais une régulation"

TourMaG.com - Pouvons-nous dire que l'Assemblée nationale a porté un coup à la prolifération d'Airbnb en France ?

Xavier Roseren :
Pas vraiment à l'encontre d'Airbnb, car la plateforme a apporté une commercialisation de lits froids qui n'étaient pas par le passé commercialisable.

Nous sommes très contents du travail d'Airbnb, il faut juste une régulation des dérives.

Il faut qu'une partie des locations reviennent sur le marché de la location à long terme, pour les habitants de ces territoires.

Quand vous avez des immeubles entiers, sans aucun locataire, avec seulement des logements occupés par des vacanciers ayant loué sur Airbnb et qu'un fonds d'investissement a acheté la résidence uniquement pour des questions de rentabilité, ce n'est plus possible.

TourMaG.com - Donc il n'y a pas que du mauvais...

Xavier Roseren :
Non, Airbnb et toutes les plateformes du genre participent au développement touristique de nos stations de ski.

Nous devons les réguler, car nous sommes arrivés à une situation, où nous ne pouvons plus loger nos salariés, nos saisonniers et les enfants qui veulent rester au pays.

Ce n'est pas une attaque envers Airbnb, mais une régulation.

Après nous ne visons pas une entreprise particulière, mais la loi concerne tous les meublés. Airbnb est un outil efficace pour commercialiser les produits.

"Nous attendons, tous, une loi logement en 2024"

TourMaG.com - Certains passages du texte seront revus, vous aimeriez quoi ?

Xavier Roseren :
Plutôt que d'accorder des exceptions aux stations de ski ou d'alpinisme, nous pourrions plutôt accorder un avantage fiscal aux meublés classés sans distinction de localisation.

A lire : Les résidences secondaires provoquent une "fracture économique et sociale" !

Pourquoi la montagne devrait avoir un traitement de faveur ? Le littoral connait les mêmes problématiques.

TourMaG.com - Est ce qu'avec l'obligation de présenter un Diagnostic de performance énergétique avec une note au-dessus de E, nous n'allons pas nous retrouver avec des Français qui vont se retrouver avec des biens sans aucune valeur ?

Xavier Roseren :
Après, il y a la théorie et la pratique.

Le fait de sortir les appartements ayant une note de F ou G, d'ici 2027, nous n'y arriverons pas. Imaginez qu'en montagne 50% des appartements sont des passoires énergétiques.

La prime rénove permet d'aider les particuliers, mais aujourd'hui, nous ne tiendrons pas les délais, sachant que nous n'avons pas suffisamment d'artisans pour assurer les travaux.

Nous attendons, tous, une loi de logement en 2024 pour régler ces problèmes. Mettre des interdictions de louer est une bonne chose, mais étant donné les volumes, il faut accorder du temps.

Il est nécessaire de trouver des moyens d'assouplir les dispositions. La problématique des lits froids est moins prégnante, car Airbnb a permis de répondre cette question.

Nous espérons avoir un secrétaire d'Etat au logement ou un ministre délégué, dès demain (mercredi 31 janvier 2024), pour traiter le sujet.


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Commentaires

1.Posté par Yves Brossard le 31/01/2024 14:39 | Alerter
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Location meublée de courte durée : mieux gérer les P.L.U.


Monsieur le député de Haute-Savoie, Xavier Roseren, a raison : ce n’est pas une loi dirigée contre les plateformes de réservation en ligne, mais une loi en faveur de la régulation, si l’on entend par régulation le fait de donner aux Maires des communes la capacité juridique de mieux gérer les P.L.U. (Plan Locaux d’Urbanisme). Et ce n’est pas plus une loi en faveur de l’emploi.

Le texte adopté en 1ère lecture par l’Assemblée nationale, avant réexamen à venir par le Sénat, puis la commission paritaire, révèle d’ailleurs clairement sa motivation principale dans son titre :
Proposition de loi, adoptée, par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif, le 29 janvier 2024, T.A. n° 231 (Texte adopté provisoire avec liens vers les amendements ( PDF))

Et plus précisément : remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue.

Le vrai sujet est donc celui de la législation applicable aux logements à usage d’habitation et non celui des plateformes de réservation.

Cette proposition de loi bouleverse simultanément le régime fiscal applicable à la location meublée de courte durée, dans des proportions considérables (y compris en matière de plue-value imposable sur cession d’immeubles sur laquelle la presse a accordé peu d’attention), le régime juridique applicable à la gestion ou cession d’immeubles accueillant potentiellement ou pas de la location de courte durée, et attribue aux Maires des communes des pouvoirs d’action complémentaires, mais très importants, sur les P.L.U..

Les professionnels des industries touristiques d’hébergement, soucieux de leur avenir, trouveront dans le texte adopté en 1ère lecture matière à réflexion sur de nombreux sujets qui les préoccupent fortement ; lien vers le texte ci-après :
https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16t0231_texte-adopte-provisoire.pdf

Le spectre de la proposition de loi est en effet large, puisqu’il affecte le code du tourisme, le code de la construction et de l’habitation, le code général des impôts et le code général des collectivités territoriales.
On notera, par exemple, qu’en matière d’urbanisme et fiscale, le texte voté en 1ère lecture introduit des régimes spéciaux lorsque les résidences secondaires représentent plus de 20 % du nombre total d’immeubles à usage d’habitation :
« Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 151-14, il est inséré un article L. 151-14-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 151-14-1. – Le règlement peut délimiter, dans les zones urbaines
ou à urbaniser, des secteurs dans lesquels toutes les constructions nouvelles
de logements sont à usage exclusif de résidence principale au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
La délimitation mentionnée au premier alinéa du présent article est possible lorsque, dans le périmètre du règlement, la taxe annuelle sur les logements vacants mentionnée à l’article 232 du code général des impôts est
applicable ou lorsque les résidences secondaires représentent plus de 20 % du nombre total d’immeubles à usage d’habitation. »


Le texte législatif n’étant pas encore adopté définitivement, il est encore possible pour les professionnels de réagir en proposant aux Parlementaires et/ou à leurs organisations professionnelles représentatives, des améliorations.

Monsieur le député de Haute-Savoie, Xavier Roseren, rappelle de manière opportune qu’un projet de loi sur le logement devrait intervenir en 2024. Ce projet de loi pourrait interférer sur certaines dispositions en cours d’adoption, mais peut-être pas toutes. Doit-on craindre que les aspects positifs du « package » de la proposition de loi, adoptés le 29 janvier 2024 en première lecture, soient pour partie abandonnés dans le futur projet de loi sur le logement ?

La régulation de la délivrance des permis de construire d’immeubles à usage d’habitation via l’évolution des règles applicables aux P.L.U., comme l’encadrement renforcé des règles applicables au changement d’usage, sont des mesures de nature à répondre à l’objectif du législateur.


Reste que, dans le texte adopté, l’action urbanistique communale n’est pas supposée prendre en considération, de manière institutionnelle, les politiques intercommunales, ni les politiques régionales ou nationales en matière de transport et d’emplois. La coordination de la politique d’urbanisme avec les celle des inter-communalités n’est pas évoquée, pas plus que les inter-relations avec les offices de tourisme intercommunaux et les comités régionaux de tourisme, lesquels encouragent actuellement la location meublée de courte durée.

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