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Environnement : faut-il taxer les croisières ? [ABO]

La chronique de Fanny Pointet, responsable du transport maritime pour T&E France


Alors que le secteur de la croisière ne s’est jamais aussi bien porté, aucune loi ne prévoit encore d'affecter une partie des taxes des compagnies à des actions de préservation de l'environnement. Pour y remédier, la France doit-elle envisager l'instauration d'une éco-contribution qui serait prélevée auprès des compagnies de croisière sur chaque séjour en mer ? Eléments de réponse avec Fanny Pointet, responsable du transport maritime France pour l'ONG Transport & Environment (T&E France).


Rédigé par Fanny POINTET le Jeudi 13 Février 2025

Instaurer une éco-contribution enverrait un signal clair au secteur pour qu’il se décarbone le plus rapidement possible - DepositPhotos.com, Mercatec
Instaurer une éco-contribution enverrait un signal clair au secteur pour qu’il se décarbone le plus rapidement possible - DepositPhotos.com, Mercatec
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Alors que le Budget 2025 vient de confirmer la hausse de la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA), la même chose pourrait-elle arriver dans le secteur des croisières ?

Pourrait-on voir un jour les armateurs s'acquitter d'autres taxes que les redevances portuaires sur les passagers, comme cela est en train de se produire en Grèce ou au Mexique ?

Si pour ces deux destinations, la mesure doit avant tout permettre de mieux gérer les flux touristiques, en France, on pourrait imaginer la mise en place d’une éco-contribution, sur le même modèle que celle en vigueur dans l’aviation depuis 2020.

En effet, aujourd’hui, les billets vendus aux croisiéristes ne reflètent pas vraiment les coûts environnementaux cachés des navires et aucune loi ne prévoit d'affecter une partie des impôts des compagnies à des actions de préservation de l'environnement.

Par ailleurs le secteur de la croisière, au même titre que tous les autres navires de commerce, ne paye pas de taxe sur les carburants fossiles et bénéficie d'autres types d'exonérations fiscales.

La seule taxe qui existe sur les navires de croisières reste la taxe Barnier, pour les visites dans des espaces protégés.


Eco-contribution : près de 200 M€ par an à l’Etat ?

Pour remédier à cette situation, la France pourrait instaurer une éco-contribution, basée sur le principe du « pollueur-payeur », qui serait prélevée auprès des compagnies de croisière sur chaque séjour en mer.

T&E a réalisé une estimation des recettes potentielles d’une telle mesure. En se basant sur un montant de 30 euros par jour de croisière (à partir d’un séjour de trois jours afin que l’effort de la taxe repose sur les séjours les plus longs), l’éco-contribution pourrait rapporter environ 200 millions d’euros par an à l’Etat.

C’est autant d’argent qui pourrait être ensuite employé pour la transition écologique, par exemple à travers des initiatives pour protéger la biodiversité des mers et des littoraux. Cette éco-contribution pourrait bien sûr être modulée en fonction du prix des cabines et de la durée du séjour.

Augmenter le prix des croisières enverrait un signal clair au secteur pour qu’il se décarbone le plus rapidement possible.

Cela ne remettrait pas en cause le modèle économique des compagnies : elles augmentent déjà régulièrement leurs prix, sans que la fréquentation des navires ne baisse.

Les passagers prendraient ainsi davantage conscience de l’impact écologique de leur choix de vacances. Les compagnies de croisière pourraient aussi faire le choix d’absorber le coût de la mesure sans augmenter le prix des billets, étant donné les profits croissants du secteur au cours des dernières années.

Prendre conscience de l’impact global des croisières

Au-delà du simple aspect budgétaire, parler du juste prix d’une activité touristique, fortement émissive en CO2, c’est aussi l’occasion de faire prendre conscience aux citoyens de l’impact global des croisières.

Inquiètes de la surfréquentation et de la pollution induite par les navires, de nombreuses villes portuaires - la dernière en date étant Nice - se montrent d’ailleurs de plus en plus hostiles envers les géants des mers.

Lire aussi : Interdiction croisières à Nice : mépris de classe !

Si les compagnies maritimes ne veulent pas devenir persona non grata dans les ports, elles ont tout intérêt à prendre en compte l’impact global de leurs activités sur les populations locales et le climat, et à se décarboner rapidement.

En effet, n'oublions pas qu'un bateau de croisière émet, en moyenne, 20 000 tonnes de CO2 par an. C’est autant que les rejets de 10 000 voitures sur la même période (sachant qu'une voiture parcourt en moyenne 15 000 km par an et émet 130gCO2/km, on obtient environ 20 000 tonnes pour 10 000 voitures).

Ces navires ont aussi le droit d’utiliser des carburants dont la teneur en soufre est beaucoup plus élevée que l’essence ou le diesel des véhicules routiers, ce qui contribue à des rejets importants d’oxydes de soufre (SOx), aggravant la pollution de l’air.

Certaines compagnies mettent en avant l’utilisation de gaz naturel liquéfié (GNL) pour répondre à ce problème.

Mais même s’il génère moins de polluants atmosphériques, le GNL n’est pas forcément meilleur que le fioul lourd, en raison des fuites de méthane associées à son utilisation, qui alourdissent son bilan climatique. Mais ceci fera l'objet d’une autre chronique…

Fanny Pointet - Photo : T&E
Fanny Pointet - Photo : T&E
Fanny Pointet a rejoint T&E en juillet 2022 en tant que responsable du transport maritime au sein du bureau français, où elle dirige le programme de travail en étroite collaboration avec l'équipe dédiée au maritime à Bruxelles.

Auparavant, elle travaillait en tant que juriste pour le ministère des armées sur un large éventail de dossiers européens liés aux questions environnementales et énergétiques. Avant cela, elle a travaillé sur la protection de l’environnement marin pour l'industrie pétrolière et gazière. Fanny a une formation en droit international et européen de l'environnement de l'Université d'Aix Marseille.

T&E (Transport & Environment) est l’organisation de référence sur la décarbonation des transports en Europe. Indépendante des partis politiques et du secteur privé, l'organisation publie de nombreux rapports, analyses et recommandations sur les leviers industriels, sociaux et économiques de la décarbonation des transports.

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