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Futuroscopie : rendre le tourisme durable plus sexy, un impératif catégorique 🔑

Le décryptage de Josette Sicsic (Futuroscopie)


A l’heure où l’on célèbre la Journée du tourisme durable, il semblerait bien que tout le monde ait entendu parler de tourisme durable. Mais, si la sensibilité écologique a augmenté, nul n’ignore que nous sommes loin d’une corrélation entre discours et gestes. Y compris parmi les jeunes générations dont on aurait pensé qu’elles étaient prêtes à supprimer tout net les vols et l’usage de la voiture. Pourquoi alors ce décalage et un tel manque d’attractivité du concept de durabilité ? Il est peut-être temps de le rendre plus « sexy » ! Décryptage.


Rédigé par le Vendredi 2 Juin 2023

Tourisme durable : plusieurs freins existent détaillés notamment par le sociologue Rémy Oudghiri - Depositphotos.com Auteur rfphoto
Tourisme durable : plusieurs freins existent détaillés notamment par le sociologue Rémy Oudghiri - Depositphotos.com Auteur rfphoto
A l’occasion de la parution de leur Livre Blanc intitulé « Le tourisme en transition : relever le défi du passage à l’action », Rémy Oudghiri, directeur de l’institut Sociovision, spécialisé sur l’étude des comportements, nous a fait part de son constat et notamment des freins qui ralentissent la dynamique nécessaire à un développement plus rapide du tourisme durable.

Quels sont-ils ?

Lire aussi : Le succès annoncé du tourisme régénératif 🔑


Selon les enquêtes de Sociovision réalisées en 2022 :

51 % des Français considèrent « urgent » la mise en place de quotas pour limiter les déplacements en avion et ils sont même 81 % à penser qu’il faudra le faire dans un horizon de 5 ans. Une majorité de 58 % estime qu’il faut interdire les vols nationaux quand une alternative en train en moins de 2H30 existe. Mais, 1 sur 2 n’est pas prêt à changer ses habitudes et reprendra l’avion.

Selon le baromètre de Sofinco : mai 2023

La proportion de Français qui déclare limiter autant que possible l’impact environnemental de ses vacances est en baisse de 7 points par rapport à 2022 (41%). Et les trois quarts d’entre eux le font tant que cela n’impacte pas à la hausse leur budget vacances.

Cependant les Français ont bien conscience de l’intérêt du tourisme écoresponsable. La grande majorité estime que ce type de tourisme est une solution efficace pour préserver l’environnement (72%, -3 pts vs 2022), que cela donne le sentiment d’être utile à la société (70%, -4 pts) et de découvrir de nouveaux endroits (78%, -5 pts). Mais les vacances écoresponsables sont encore plus qu’avant perçues comme chères par les interviewés (73%, +4 pts vs 2022) et compliquées à organiser (60%, +5 pts).

Les freins à l’adoption de gestes durables

Selon Rémy Oudghiri, trois catégories de freins ralentissant un engagement plus complet sont à distinguer :

  • Difficile de changer d’habitudes !
C’est effectivement le premier frein. On a des habitudes qui font partie de nous et on a du mal à y renoncer d’autant que notre conduite est dictée par une quête de confort et de plaisir.

« Pire, le secteur du tourisme, des vacances, du voyage est considéré comme un secteur synonyme de liberté. On a donc plus de mal à accepter des contraintes quand on part en vacances.

De plus, souligne le sociologue, c’est ceux dont on attend le plus de réactivité et de responsabilité, c’est-à-dire, les nouvelles élites, qui sont les plus contradictoires dans leurs comportements. Elles font œuvre de « sobriété » chez elle, mais plus du tout en voyage
».

Lire aussi : Futuroscopie : comme avant ou pire, un tourisme irresponsable ? 🔑

  • Les freins financiers
Autre frein majeur : « le sentiment que l’offre durable est inabordable financièrement et qu’il n’existe pas aujourd’hui d’offres en quantité suffisante pour constituer des alternatives abordables au tourisme de masse. Le choc inflationniste risque de ralentir la dynamique après Covid. On est dans un creux dans lequel une partie de la population affiche d’autres préoccupations que la protection de l’environnement ».

  • L’effet de milieu
Toujours selon le sociologue : « il n’y aurait pas d’effet d’entraînement. La plupart des gens n’ont pas autour d’eux des exemples de conduites vertueuses. Ils n’entendent donc pas en faire les frais les premiers et s’ils ont envie d’aller à Dubaï, ils risquent fort de le faire. Car, qu’on le veuille ou non, on a beau rechercher la proximité, la nature, la lenteur, des tendances somme toute anciennes, le paradigme dominant reste un tourisme plutôt lointain, plutôt luxueux, plutôt pailletés ».

Pour autant, Rémy Oudghiri n’est pas totalement pessimiste. Selon lui, les paradoxes comportementaux vont bien évidemment ralentir la transition vers des comportements durables. Mais, pas à pas, on finira bien par accepter la nouvelle donne et en adopter les codes. Il suffit donc d’être patients.

En une dizaine d’années, les choses auront probablement évolué, au rythme habituel à laquelle changent les sociétés. A moins que le ciel ne nous tombe avant sur la tête et nous accule à agir en urgence !

Si l’on souhaite aller un plus vite, Thomas Lamand directeur de la SCET Tourisme et Loisirs (Services Conseil Expertises et Territoires) qui a co-écrit ce Livre Blanc explique qu’il s’agit de créer une nouvelle offre faite autant d’itinérances que d’hébergements permettant de se reconnecter avec la nature, tout en gérant les flux, protégeant, désartificialisation les sols… Rien en somme de très révolutionnaire.

Mais encore faut-il vouloir passer à l’action. Lire le Livre Blanc : « Le tourisme en transition. Relever le défi du passage à l'action ».

Rendre désirable le tourisme durable : cinq bénéfices à mettre en avant

De notre côté, il nous semble que l’un des meilleurs moyens de donner un coup d’accélérateur au développement d’un tourisme plus durable, consisterait aussi et surtout à le rendre plus « sexy » voire bien plus désirable qu’il ne l’est aujourd’hui.

D’autant que le terme de durable d’emblée est dissuasif. Appartenant plutôt à un vocabulaire technique qui n’est pas toujours compris par l’ensemble de la population, il n’a aucune connotation touristique. Il mérite donc d’être clarifié.

Et, pour être clarifié, il nous semble indispensable de le charger de l’ensemble des valeurs et des bénéfices qu’il peut apporter à un touriste, un voyageur, un vacancier. Sachant que c’est à un principe de plaisir que l’humanité obéit. Quels sont ces bénéfices ?

  • Le bénéfice santé
Selon nous, celui-ci est majeur. C’est parce que l’on en tirera un bénéfice sur le plan de sa santé que l’on agira. Il convient donc de faire miroiter au touriste que randonner et prendre son vélo et manger de la nourriture locale font plus de bien que prendre sa voiture et s’alimenter en supermarchés.

  • Le bénéfice esthétique
Tout aussi important, le bénéfice esthétique. Un coin de campagne préservé est bien plus agréable à regarder qu’une tour d’hôtel en béton ou que des parkings et des bretelles d’autoroute. Le touriste a besoin de voir du « beau », de s’étonner devant des paysages inédits, de découvrir les beautés naturelles : arbres, plages, jardins. Il a aussi besoin d’écouter du « beau ». Car, n’oublions pas que le tourisme s’écoute et même se sent.

  • Bénéfice efficacité
Autre bénéfice : sur le plan des transports par exemple, prendre le train peut se révéler bien plus fonctionnel que de prendre en avion et de devoir braver toutes les formalités que l’aérien impose. Aller à la plage en vélo permet de ne pas perdre de temps dans les encombrements liés au trafic automobile et n’impose pas de chercher vainement des places de parking. Pique-niquer des produits locaux dans une clairière ou sur une plage est aussi bien plus rapide et pratique que d’attendre d’être servis… etc.

  • Bénéfice éthique
Enfin, ne se donne-t-on pas bonne conscience quand on prend soin de ne pas faire ronfler son moteur et de dégager des particules fines qui finiront par encombrer les poumons de tous les êtres vivants autour de soi ? Ne se sent-on pas moralement mieux aussi quand on participe à des ramassages de déchets de plastique et que l’on ramasse ses propres déchets ? N’est-on pas plus léger quand on a rémunéré à sa juste valeur une prestation touristique locale et pas une multinationale ?

  • Bénéfice financier
Et puis, malgré tout, le bénéfice financier est aussi un moteur. Car, enfourcher un vélo coûte moins cher que de prendre un Boeing pour s’envoler vers les Maldives. Et manger en circuit court est aussi plus économique. Quant à l’hébergement chez l’habitant, il est également moins onéreux…

Avec autant de bénéfices, le tourisme durable pourrait bel et bien supplanter dans les imaginaires le tourisme tel qu’on le pratique depuis l’après-guerre. Et ce serait une bonne chose.

Josette Sicsic - DR
Josette Sicsic - DR
Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.

Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com

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