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Le transport aérien de plus en plus près du mur du son... écologique

La chronique de Jean-Louis Baroux


Dans la décennie qui vient, le transport aérien devra résoudre une équation particulièrement difficile. Comment concilier les inévitables contraintes liées à l’écologie et assurer la croissance inéluctable de ce secteur d’activité ? Tout un programme...


Rédigé par Jean-Louis Baroux le Mardi 8 Octobre 2019

Le transport aérien va se heurter au mur écologique. Il ne sert à rien de clamer qu’il ne représente que 2,5% ou 3% des émissions de CO² planétaires, il est devenu le symbole de la course à l’abîme où le monde semble se diriger - DR : Depositphotos.com, luckybusiness
Le transport aérien va se heurter au mur écologique. Il ne sert à rien de clamer qu’il ne représente que 2,5% ou 3% des émissions de CO² planétaires, il est devenu le symbole de la course à l’abîme où le monde semble se diriger - DR : Depositphotos.com, luckybusiness
Le transport aérien croit de 5% en moyenne par an, et ce, depuis les cinquante dernières années.

Sauf que le pourcentage de croissance constant s’applique maintenant sur des volumes considérables.

Quelques chiffres globaux pourront en donner une première idée : entre 1970 et 1980, le transport aérien a gagné 300 millions de passagers, entre 1980 et 1990, 550 millions.

Une certaine stagnation s’est produite entre 1990 et 2000 avec un gain de 200 millions de passagers seulement, pourrait-on dire.

Les progrès inouïs de ce secteur d’activité

Mais la croissance est repartie fortement à la hausse : 1 milliard de passagers supplémentaires entre 2000 et 2010, et ce, en dépit du trop fameux 11 septembre 2001 et le gain sera de 2 milliards de passagers entre 2010 et 2020.

Il semble d’ailleurs que cette course infernale ne puisse pas s’arrêter.

Cette croissance continue est parfaitement explicable d’abord par les progrès inouïs que ce secteur d’activité a fait de manière continue depuis sa création et encore maintenant.

Progrès techniques, les appareils sont infiniment plus performants et confortables à chaque nouvelle génération.

Progrès en fiabilité, les accidents sont devenus plus qu’exceptionnels et chacun d’eux a été décortiqué méticuleusement afin que les mêmes causes ne puissent pas se reproduire.

Progrès dans les équipements terrestres liés aux aéroports et au contrôle aérien.

Et énormes progrès dans l’organisation même du transport aérien avec la libéralisation de pans entiers de cette activité qui a conduit à une diminution constante des tarifs.

Le transport aérien va se heurter au mur écologique

Ces progrès ont eu pour conséquence immédiate d’amener de nouvelles couches de clientèles dans les pays occidentaux, mais aussi et surtout de permettre l’accès de ce transport à tous les peuples de la planète.

Or ces énormes pourvoyeurs de clients potentiels ne sont qu’au tout début de la consommation des déplacements en avion. Voilà pourquoi ce secteur d’activité est amené à poursuivre son inexorable croissance.

Le transport aérien est un facteur essentiel de liberté et une fois que les peuples y ont goûté, il est très difficile de les en priver.

Or donc, si la tendance se poursuit, et on ne voit pas comment il en serait autrement, on peut s’attendre à 3 milliards de passagers supplémentaires d’ici 2030 et un doublement par rapport à 2019 d’ici 2032.

Seulement ce même transport aérien va se heurter au mur écologique. Il ne sert à rien de clamer qu’il ne représente que 2,5% ou 3% des émissions de CO² planétaires, il est devenu le symbole de la course à l’abîme où le monde semble se diriger.

En ce sens, il est donc un symbole. Il doit se donner les moyens de contrôler ses nuisances et devenir le secteur d’activité exemplaire dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Vers la généralisation d'appareils plus performants

Il a certes largement commencé cette évolution, mais les efforts doivent s’accélérer au rythme de la croissance de son activité.

Cela passera dans un premier temps par la généralisation d’appareils encore plus performants : les Airbus Neo ou les Boeing Max, mais cela ne suffira certainement pas à enrayer la croissance des émissions de CO².

Bien sûr, on montera certainement un système de compensation par la plantation d’arbres ou d’autres méthodes, mais ceci n’est qu’un moyen pour se donner bonne conscience.

Alors il faudra bien se résoudre à créer de nouveaux modes de propulsion. Je ne suis pas technicien et je ne sais pas si la motorisation électrique est la solution ou non. Il y a les pour et les contre.

Ce qui est certain, c’est que la recherche dans ce domaine doit être largement soutenue par les Etats, mais aussi par les consommateurs du transport aérien s’ils veulent continuer à profiter de ce formidable moyen de déplacement.

Tout le monde devra s’y mettre. Le contrôle aérien également. Il n’est pas normal que les routes aériennes continuent à être tracées comme il y a vingt ans.

Je rappelle qu’en 2000 on a transporté 1,5 milliard de passagers et qu’il faut s’attendre à en traiter plus de 7 milliards en 2030 et c’est demain.

Greta Thunberg invective les dirigeants de la planète à l’ONU et ces derniers applaudissent. Le « bashing » du transport aérien est déjà organisé en Suède où, dit-on, le transport aérien a baissé de 5%. Cela ne suffira pas à freiner la croissance du secteur, mais cette alerte est certainement salutaire.

Concilier la nécessaire lutte contre le réchauffement climatique et la non moins nécessaire croissance du transport aérien, voilà l’enjeu.

Le transport aérien de plus en plus près du mur du son... écologique
Jean-Louis Baroux est l'ancien président d'APG (Air Promotion Group) et le créateur du CAF (Cannes Airlines Forum) devenu le World Air Forum.

Grand spécialiste de l'aérien, il a signé aux éditions L'Archipel ''Compagnies Aériennes : la faillite du modèle'', un ouvrage que tous les professionnels du tourisme devraient avoir lu.

Les droits d'auteur de l'ouvrage seront reversés à une association caritative. On peut l'acquérir à cette adresse : www.editionsarchipel.com.

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Tags : baroux
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Commentaires

1.Posté par SERGE13 le 09/10/2019 06:59 | Alerter
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Bravo Monsieur. Cet article est exemplaire. Et merci

2.Posté par Adeline le 09/10/2019 13:20 | Alerter
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Un article bien plus concret, pertinent et objectif que celui de Dominique Gobert du mois d'avril dernier sur le Flygskam... Article de ce Monsieur Gobert qui était caricatural ("faut en revenir au bon vieux cheval pour se mouvoir"), simpliste ("en attendant d’avoir trouvé d’autres moyens, plantons des arbres") et faussement prophétique "[les] avionnistes, ils cherchent et vont trouver de nouveaux moteurs ou carburants"...

Néanmoins, malgré une plus grande objectivité de Monsieur Baroux, certains passages de cette chronique se basent tout de même sur un postulat de croissance obligatoire, et ont tendance à minimiser certains éléments :



"ASSURER LA CROISSANCE INELUCTABLE DE CE SECTEUR" : pour quelle raison la croissance de ce secteur devrait-elle être inéluctable ? Parce que le transport aérien est présenté comme un facteur essentiel de liberté ? Est-on certain de vouloir baser notre liberté sur notre droit à participer à un déséquilibre environnemental global pour la simple contrepartie de pouvoir aller prendre des bains de soleil en avion à l'autre bout du monde ?
De quelle liberté s'agit-il si l'on n'a plus la possibilité de vivre dans un monde plus propre en respirant un air plus sain ?
Pour tenter de sauvegarder la planète, si l'on part du principe que les êtres humains doivent changer leurs habitudes, se contenter de le dire ne suffit pas, il faut changer réellement. Et tous les secteurs sont concernés.



Le secteur aérien "NE REPRESENTE QUE 2,5% OU 3% DES EMISSIONS DE CO2 PLANETAIRES" : certes à la première lecture ce chiffre ne semble pas important, mais en y regardant de plus près, ce chiffre équivaut tout de même à + de 910 millions de tonnes de CO2 par an. Et on ne revient pas zéro chaque année : ces millions de tonnes se cumulent d'année en année, ce qui fait presque 10 milliards de tonnes sur 10 ans... Est-ce vraiment anecdotique ?
Il est à noter que plus les moyens de transport au sol seront propulsés grâce à l'électricité (ce qui semble pour le moment techniquement loin d'être possible pour des avions de transports de passagers) ou seront équipés de filtres, plus la part de CO2 émise par le secteur aérien augmentera mécaniquement...
Et il est à noter également que le CO2 n'est pas le seul polluant émis par l'aviation : le transport aérien émet également : des particules fines + des particules ultra-fines+ des oxydes d’azote + du monoxyde de carbone + du dioxyde de soufre + des composés organiques volatiles...



"UNE CERTAINE STAGNATION S’EST PRODUITE ENTRE 1990 ET 2000 AVEC UN GAIN DE 200 MILLIONS DE PASSAGERS SEULEMENT, POURRAIT-ON DIRE" : une hausse moins importante ne peut pas être qualifiée de "certaine stagnation"... surtout quand cette hausse de passagers se compte tout de même en centaines de millions !!!



Si l'on veut éviter le sombre avenir écologique qui se profile, il faut envisager une décroissance de TOUS les secteurs, y compris du secteur aérien.
Chaque secteur a sa part de responsabilité et ne peut minimiser son rôle : chaque secteur a apporté avec sa croissance sa part de pollution, et chaque secteur doit donc participer à l'effort écologique en envisageant une certaine décroissance.
Si l'on reste honnête intellectuellement, on ne peut pas se dire que nos habitudes à toutes et à tous doivent changer, que nous devons moins consommer (de vêtements, de viande, de plastique, de pesticides...), mais que nous pouvons continuer à voyager en avion tout autant...
La sauvegarde de notre environnement ne doit pas rester un vœu pieux : cela passe obligatoirement par des changements réels de nos habitudes... Si on se contente de discours d'intentions mais qu'on ne passe jamais à l'acte, autant dire clairement "Après nous le déluge, et les générations suivantes se débrouilleront bien avec l'état dans lequel on leur laisse la planète..." !

Tout cela n'est évidemment pas réjouissant mais il faut regarder les choses en face et être conscient que la politique de l'autruche n'a jamais rendu service à qui que ce soit.
Triste constat pour nous, professionnels du tourisme, mais pas uniquement... C'est un triste constat pour tout le monde....

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