Emmanuel Lechypre a partagé son analyse sur les perspectives économiques à venir pour le tourisme - Depositphotos.com, Auteur spyrakot
Empêché de se rendre physiquement au dernier Forum du SETO qui s'est tenu à Rabat au Maroc fin avril 2024, en raison de la grève des contrôleurs aériens, c'est donc depuis la France et en visio, qu'Emmanuel Lechypre a partagé son analyse sur les perspectives économiques à venir.
L'Ă©ditorialiste se veut plutĂ´t optimiste, n'Ă©cartant pas pour autant plusieurs risques.
"Je constate un certain retour à la normale sur les grands équilibres. Et ça, c'est plutôt une bonne nouvelle", a t-il lancé en introduction. "Le cadre économique mondial aujourd'hui est beaucoup plus encourageant que ce que nous aurions pu dire il y a encore quelques semaines ou quelques mois".
D’après les prévisions de référence du FMI, la croissance mondiale se maintiendra à 3,2% en 2024 et 2025, le même rythme qu’en 2023. "En décembre dernier, le FMI n'avait pas ce discours, il parlait de ralentissement, et aujourd'hui, ce n'est plus évoqué. Les prévisions font état d'une croissance qui se maintient avec, cerise sur le gâteau, une petite accélération".
Autre principale nouvelle : le retournement sur les perspectives de croissance aux Etats-Unis.
"Je n'ai jamais vu, en tant qu'économiste, un changement d'humeur aussi important que celui que nous avons vu sur la croissance américaine.
Lire aussi : Taux de Change : la faiblesse du yen est-elle lĂ pour durer ?
En fin d'année, nous étions sur des perspectives assez molles. Là par contre, nous voyons une révision de plus de 2 points de la croissance en quelques semaines pour les États-Unis. C'est assez spectaculaire et c'est quand même une perspective assez encourageante".
L'Ă©ditorialiste se veut plutĂ´t optimiste, n'Ă©cartant pas pour autant plusieurs risques.
"Je constate un certain retour à la normale sur les grands équilibres. Et ça, c'est plutôt une bonne nouvelle", a t-il lancé en introduction. "Le cadre économique mondial aujourd'hui est beaucoup plus encourageant que ce que nous aurions pu dire il y a encore quelques semaines ou quelques mois".
D’après les prévisions de référence du FMI, la croissance mondiale se maintiendra à 3,2% en 2024 et 2025, le même rythme qu’en 2023. "En décembre dernier, le FMI n'avait pas ce discours, il parlait de ralentissement, et aujourd'hui, ce n'est plus évoqué. Les prévisions font état d'une croissance qui se maintient avec, cerise sur le gâteau, une petite accélération".
Autre principale nouvelle : le retournement sur les perspectives de croissance aux Etats-Unis.
"Je n'ai jamais vu, en tant qu'économiste, un changement d'humeur aussi important que celui que nous avons vu sur la croissance américaine.
Lire aussi : Taux de Change : la faiblesse du yen est-elle lĂ pour durer ?
En fin d'année, nous étions sur des perspectives assez molles. Là par contre, nous voyons une révision de plus de 2 points de la croissance en quelques semaines pour les États-Unis. C'est assez spectaculaire et c'est quand même une perspective assez encourageante".
Perspectives Ă©conomiques : de bonnes nouvelles aux Etats-Unis mais pas que...
Emmanuel Lechypre ne voit pas que des bonnes nouvelles Outre-Atlantique, il y en a aussi du côté de la Chine "avec un indicateur industriel qui dit que c'est plutôt pas mal".
L'Europe n'est pas en reste. "En Allemagne, nous avons des enquêtes auprès des ménages qui sont extrêmement encourageantes, et qui laissent penser que les Allemands vont consommer davantage au cours des prochains mois.
Et c'est vrai aussi pour la France. Selon les dernières enquêtes de conjoncture, la production industrielle se redresse, la confiance des ménages remonte. Nous avons dans tous les secteurs des perspectives qui sont un peu plus favorables à partir des points bas atteints à l'automne."
Et surtout la "très bonne nouvelle" vient du pouvoir d'achat, poursuit le spécialiste de l'économie. "Ce qui a été mis dans les tuyaux en 2023 - avec des hausses de salaires qui sont quand même substantielles" et l'inflation qui ralentit - laisse se dessiner des perspectives positives, même si "des distorsions selon les catégories sociales" persistent.
Autre lien avec le pouvoir d'achat : l'emploi. "Nous retrouvons des projets de recrutement en 2024. Même s'ils sont un peu moins élevés qu'en 2022 et 2023, le marché de l'emploi reste plutôt solide. Et puis, en plus de l'emploi, n'oublions pas une spécificité française : l'énorme matelas d'épargne des Français."
L'Europe n'est pas en reste. "En Allemagne, nous avons des enquêtes auprès des ménages qui sont extrêmement encourageantes, et qui laissent penser que les Allemands vont consommer davantage au cours des prochains mois.
Et c'est vrai aussi pour la France. Selon les dernières enquêtes de conjoncture, la production industrielle se redresse, la confiance des ménages remonte. Nous avons dans tous les secteurs des perspectives qui sont un peu plus favorables à partir des points bas atteints à l'automne."
Et surtout la "très bonne nouvelle" vient du pouvoir d'achat, poursuit le spécialiste de l'économie. "Ce qui a été mis dans les tuyaux en 2023 - avec des hausses de salaires qui sont quand même substantielles" et l'inflation qui ralentit - laisse se dessiner des perspectives positives, même si "des distorsions selon les catégories sociales" persistent.
Autre lien avec le pouvoir d'achat : l'emploi. "Nous retrouvons des projets de recrutement en 2024. Même s'ils sont un peu moins élevés qu'en 2022 et 2023, le marché de l'emploi reste plutôt solide. Et puis, en plus de l'emploi, n'oublions pas une spécificité française : l'énorme matelas d'épargne des Français."
"Partir en vacances n'a jamais été aussi vital pour les Français"
Dans ce contexte économique global et après les années Covid, c'est aussi "le retour à la normale du rythme des affaires", notamment sur les défaillances.
Même si elles progressent en 2023 et sur le premier trimestre 2024, il faut tenir compte de l'effet rattrapage dû au Covid et aux aides d'Etat qui ont été déployées, explique Emmanuel Lechypre.
"Malgré l'environnement un peu compliqué, l'inflation, l'URSSAF qui accélère les mises en demeure, et le contexte général, seules 4% des entreprises déclarent qu'elles auront du mal à rembourser leur PGE."
Le décor ainsi planté, derrière le pouvoir d'achat et les salaires, il y a une rupture sur les priorités dans la consommation des Français, a expliqué Emmanuel Lechypre. "Il y a un bouleversement dans la façon dont tout ce qui concerne le voyage et le tourisme se rapproche des besoins essentiels. Partir en vacances n'a jamais été aussi vital pour les Français."
Les dernières enquêtes vont dans ce sens. Selon Raffour Interactif, 46% des Français sont prêts à sacrifier certaines dépenses pour pouvoir partir en voyage. Et selon l'enquête Paypal "Voyager en 2024", un tiers des Français a prévu de faire au moins un voyage dans les 12 prochains mois, et 33% prévoient même d'en faire plusieurs.
"Il n'y a jamais eu autant de Français aussi (un quart des Français, source Paypal) qui ont déclaré utiliser le paiement fractionné pour financer leurs vacances et leurs voyages."
Même si elles progressent en 2023 et sur le premier trimestre 2024, il faut tenir compte de l'effet rattrapage dû au Covid et aux aides d'Etat qui ont été déployées, explique Emmanuel Lechypre.
"Malgré l'environnement un peu compliqué, l'inflation, l'URSSAF qui accélère les mises en demeure, et le contexte général, seules 4% des entreprises déclarent qu'elles auront du mal à rembourser leur PGE."
Le décor ainsi planté, derrière le pouvoir d'achat et les salaires, il y a une rupture sur les priorités dans la consommation des Français, a expliqué Emmanuel Lechypre. "Il y a un bouleversement dans la façon dont tout ce qui concerne le voyage et le tourisme se rapproche des besoins essentiels. Partir en vacances n'a jamais été aussi vital pour les Français."
Les dernières enquêtes vont dans ce sens. Selon Raffour Interactif, 46% des Français sont prêts à sacrifier certaines dépenses pour pouvoir partir en voyage. Et selon l'enquête Paypal "Voyager en 2024", un tiers des Français a prévu de faire au moins un voyage dans les 12 prochains mois, et 33% prévoient même d'en faire plusieurs.
"Il n'y a jamais eu autant de Français aussi (un quart des Français, source Paypal) qui ont déclaré utiliser le paiement fractionné pour financer leurs vacances et leurs voyages."
Le monde va transiter vers des bases de coûts plus élevés
Emmanuel Lechypre a dressé un large panorama des perspectives économiques pour le secteur du Tourisme dans le cadre du Forum du SETO - photo CE
Face à ce panorama plutôt optimiste, l'éditorialiste perçoit plusieurs risques.
L'intelligence artificielle tout d'abord, qui va accélérer sur les sujets de "la personnalisation, de la segmentation, et finalement de l'individualisation des biens et services", mais qui risque à terme "de prendre la décision à la place de l'humain".
"Cela peut changer beaucoup de choses, les acteurs de l'intelligence artificielle, potentiellement, pourraient devenir un petit peu les maîtres du jeu".
L'IA pourrait avoir un impact important sur la productivité : "l'Europe et la France ont du mal à dégager des gains de productivité depuis des années et peut-être que l'IA va permettre d'inverser la tendance."
Autre point de vigilance : celui de l'inflation. "La déflation que nous avons connu depuis 30 ans sur tous les prix du transport, du voyage, etc. c'est terminé. Nous sommes en train de transiter vers un monde qui va s'installer sur des bases de coûts de production durablement plus élevées qu'aujourd'hui," lance Emmanuel Lechypre.
"Nous sommes dans un monde de moins en moins concurrentiel, ce qui entraîne des coûts plus élevés".
L'intelligence artificielle tout d'abord, qui va accélérer sur les sujets de "la personnalisation, de la segmentation, et finalement de l'individualisation des biens et services", mais qui risque à terme "de prendre la décision à la place de l'humain".
"Cela peut changer beaucoup de choses, les acteurs de l'intelligence artificielle, potentiellement, pourraient devenir un petit peu les maîtres du jeu".
L'IA pourrait avoir un impact important sur la productivité : "l'Europe et la France ont du mal à dégager des gains de productivité depuis des années et peut-être que l'IA va permettre d'inverser la tendance."
Autre point de vigilance : celui de l'inflation. "La déflation que nous avons connu depuis 30 ans sur tous les prix du transport, du voyage, etc. c'est terminé. Nous sommes en train de transiter vers un monde qui va s'installer sur des bases de coûts de production durablement plus élevées qu'aujourd'hui," lance Emmanuel Lechypre.
"Nous sommes dans un monde de moins en moins concurrentiel, ce qui entraîne des coûts plus élevés".
2024 sera l'année politique la plus importante de l'histoire
Ensuite, le monde fait face au risque géopolitique. Guerre en Ukraine, conflit en Israël et à Gaza... Pour l'éditorialiste, nous faisons face à une période de chocs locaux.
"Ces chocs ne sont pas suffisamment majeurs pour impacter, par exemple, les bourses mondiales, ou les perspectives de croissance économique mondiales. Mais ils vont poser des difficultés à des entreprises qui pourraient travailler avec ces pays.
La conflictualité dans le monde augmente. Nous avons 1,7 milliard de personnes exposées à une forme de conflit armé sous une forme ou sous une autre. Et nous avons des frontières économiques qui, elles aussi, ont tendance plutôt à se refermer."
Emmanuel Lechypre rappelle que 2024 sera l'année politique la plus importante de l'histoire, "puisque jamais autant de pays, autant d'habitants de la planète n'auront à se prononcer pour changer de dirigeants à travers les élections."
"Évidemment, le point d'orgue de tout ça, ce sera les élections américaines, dans un contexte que j'appellerais la régionalisation et la mondialisation.
Les Ă©changes s'intensifient entre les pays de chaque grande zone, mais les Ă©changes ont tendance Ă ralentir entre les grandes zones et les grands continents. Nous allons vers un repli sur les grands continents."
"Ces chocs ne sont pas suffisamment majeurs pour impacter, par exemple, les bourses mondiales, ou les perspectives de croissance économique mondiales. Mais ils vont poser des difficultés à des entreprises qui pourraient travailler avec ces pays.
La conflictualité dans le monde augmente. Nous avons 1,7 milliard de personnes exposées à une forme de conflit armé sous une forme ou sous une autre. Et nous avons des frontières économiques qui, elles aussi, ont tendance plutôt à se refermer."
Emmanuel Lechypre rappelle que 2024 sera l'année politique la plus importante de l'histoire, "puisque jamais autant de pays, autant d'habitants de la planète n'auront à se prononcer pour changer de dirigeants à travers les élections."
"Évidemment, le point d'orgue de tout ça, ce sera les élections américaines, dans un contexte que j'appellerais la régionalisation et la mondialisation.
Les Ă©changes s'intensifient entre les pays de chaque grande zone, mais les Ă©changes ont tendance Ă ralentir entre les grandes zones et les grands continents. Nous allons vers un repli sur les grands continents."
Risque écologique : "Nous allons devoir faire en 10 ans ce que nous n'avons pas réussi à faire en 30 ans"
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Puis plane au-dessus de nos têtes le risque écologique. "Nous allons devoir faire en 10 ans ce que nous n'avons pas réussi à faire en 30 ans", résume Emmanuel Lechypre.
"Nous butons sur une difficulté majeure, un triangle d'incompatibilité entre l'écologie, la démocratie et la justice sociale. On veut avoir les trois en même temps, mais c'est impossible. Sans oublier le mur qui risque de se dresser devant nous, qui est celui des hydrocarbures".
Pour Emmanuel Lechypre, "c'est une folie de considérer que la transition écologique est une trajectoire linéaire dans laquelle il faut absolument tout couper et réduire les investissements très vite pour ne plus développer les énergies fossiles. Cela va envoyer les prix à des niveaux très élevés."
Ce dernier regarde dans le rétroviseur : "Dans l'histoire, il n'y a jamais eu de transition énergétique. Les nouvelles sources d'énergie sont venues s'ajouter aux précédentes, mais il est très rare que les précédentes aient diminué, elles ont parfois changé d'usage. Prenez par exemple le charbon, dites-vous que l'année où le monde en a le plus consommé dans toute l'histoire, c'était 2023 et que ce sera sans doute aussi le cas en 2024.
Même si, bien évidemment, la trajectoire doit être la réduction. Mais si nous allons trop vite, nous provoquerons une crise énergétique qui remettra en cause, elle même, la transition énergétique."
Enfin dernier risque identifié : la crise sociale. Deux sujets ne sont pas traités actuellement selon Emmanuel Lechypre : la crise du logement et le mauvais rapport qualité-prix des services publics.
"La première mesure sociale qui détendrait le climat social dans ce pays, c'est de faire baisser le poids du logement dans le budget des Français.
Autre préoccupation majeure : les services publics. Nous sommes, dans les classements internationaux, à des places lamentables alors même que la France est l'un des pays qui prélève le plus au monde, et qui a les dépenses publiques et les dépenses sociales les plus élevées du monde."
"Nous butons sur une difficulté majeure, un triangle d'incompatibilité entre l'écologie, la démocratie et la justice sociale. On veut avoir les trois en même temps, mais c'est impossible. Sans oublier le mur qui risque de se dresser devant nous, qui est celui des hydrocarbures".
Pour Emmanuel Lechypre, "c'est une folie de considérer que la transition écologique est une trajectoire linéaire dans laquelle il faut absolument tout couper et réduire les investissements très vite pour ne plus développer les énergies fossiles. Cela va envoyer les prix à des niveaux très élevés."
Ce dernier regarde dans le rétroviseur : "Dans l'histoire, il n'y a jamais eu de transition énergétique. Les nouvelles sources d'énergie sont venues s'ajouter aux précédentes, mais il est très rare que les précédentes aient diminué, elles ont parfois changé d'usage. Prenez par exemple le charbon, dites-vous que l'année où le monde en a le plus consommé dans toute l'histoire, c'était 2023 et que ce sera sans doute aussi le cas en 2024.
Même si, bien évidemment, la trajectoire doit être la réduction. Mais si nous allons trop vite, nous provoquerons une crise énergétique qui remettra en cause, elle même, la transition énergétique."
Enfin dernier risque identifié : la crise sociale. Deux sujets ne sont pas traités actuellement selon Emmanuel Lechypre : la crise du logement et le mauvais rapport qualité-prix des services publics.
"La première mesure sociale qui détendrait le climat social dans ce pays, c'est de faire baisser le poids du logement dans le budget des Français.
Autre préoccupation majeure : les services publics. Nous sommes, dans les classements internationaux, à des places lamentables alors même que la France est l'un des pays qui prélève le plus au monde, et qui a les dépenses publiques et les dépenses sociales les plus élevées du monde."