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Salaires tourisme : vers des déséquilibres entre "nouveaux" et "anciens" salariés ? 🔑

Les NAO ont fait ressurgir les crispations liées à l'attractivité des métiers du tourisme


Confronté à une inflation grandissante, à un pouvoir d’achat en berne et à des responsabilités de haut vol, le métier d'agent de voyages peine à faire rêver ses salariés. Si la passion pour les voyages est toujours là, elle ne peut pas justifier à elle seule tout le poids qui pèse sur les épaules des conseillers voyages et ne peut en rien satisfaire leur besoin de reconnaissance, au sortir de trois années de crise économique et de pandémie. De leur côté, les patrons tirent la langue et tentent de remettre en question leur mode de fonctionnement afin de rester attractifs. Alors qu'organisations syndicales et patronales de la branche devraient prochainement rouvrir les négociations sur les salaires minima (ceux des catégories A et B de la convention collective étant à nouveau passés en-dessous du SMIC), TourMaG a fait un petit tour chez quelques agences de voyages et tour-opérateurs, afin de prendre le pouls du secteur. Voici la deuxième partie de notre enquête.


Rédigé par le Mardi 9 Mai 2023

Le tassement des écarts de la grille des salaires fait craindre aux agences de voyages "que les salariés avec davantage d’expérience se retrouvent avec pratiquement les mêmes salaires que les nouveaux" - DR : DepositPhotos.com, AntonioGuillemF
Le tassement des écarts de la grille des salaires fait craindre aux agences de voyages "que les salariés avec davantage d’expérience se retrouvent avec pratiquement les mêmes salaires que les nouveaux" - DR : DepositPhotos.com, AntonioGuillemF
Après la revalorisation du SMIC au 1er mai 2023, celle des minima salariaux pour les catégories A et B de la convention collective des agences de voyages devrait suivre dans les prochains mois.

LIRE AUSSI : Négociations sur les minima salariaux : bientôt un nouveau round ? 🔑

Une bonne nouvelle pour les agents de voyages - notamment ceux en début de carrière - mais qui suscite certaines craintes dans les entreprises comme du côté des syndicats.

« Des salariés avec davantage d’expérience vont se retrouver avec pratiquement les mêmes salaires que les nouveaux, craint une salariée d’un mini-réseau. D’autant que pour attirer de nouveaux collaborateurs, les entreprises acceptent plus de souplesse, par exemple dans les horaires... souplesse que d’autres salariés n’ont pas ! Si à Paris les salariés peuvent faire jouer la concurrence, en province c’est un peu plus compliqué », se désole-t-elle.

LIRE A CE SUJET : Débat sur les salaires minima : l'arbre qui cache la forêt ? 🔑

« C'est un point de vigilance et de demande systématique des organisations syndicales. Nous sommes très attachés au maintien d'un écart salarial entre les différents groupes de la grille, commente Ophélia Dufort, représentante de la CFTC au niveau de la branche.

D'ailleurs, nous avions travaillé en 2008 à un accord de branche qui permettait de garantir des écarts entre les différents groupes durant 3 ans. Si cet accord a fini de produire ses effets, nous cherchons à le respecter encore aujourd'hui pour conserver une cohérence en termes d'évolution des salaires. Mais nous sommes confrontés à l'opposition des organisations patronales ».


Vers un tassement de la grille des salaires ?

Pour illustrer ses propos sur le tassement de la grille, la CFTC a conçu un tableau, dans lequel elle compare les écarts entre le premier groupe (A), le milieu de grille (groupe D) et le sommet de la grille (groupe G) des salaires minima conventionnels, en comparant le salaire minimum conventionnel de groupe (SMCG) par rapport au SMIC - DR : CFTC
Pour illustrer ses propos sur le tassement de la grille, la CFTC a conçu un tableau, dans lequel elle compare les écarts entre le premier groupe (A), le milieu de grille (groupe D) et le sommet de la grille (groupe G) des salaires minima conventionnels, en comparant le salaire minimum conventionnel de groupe (SMCG) par rapport au SMIC - DR : CFTC
Résultat : « la grille des salaires minimaux de la convention collective est en train de se tasser, y compris les écarts par rapport au SMIC, poursuit la représentante syndicale.

L'effondrement de la grille serait une très mauvaise nouvelle pour l'attractivité de nouveaux salariés dans la branche, mais aussi pour retenir les salariés qui voient cette dégradation se poursuivre année après année ».

« Certaines organisations syndicales souhaiteraient que les écarts mis en place en 2008 soient toujours d'application, alors que l'on parle d'écarts mis en place il y a 15 ans, sans tenir compte des évolutions, rétorque Morgan Butty, le président de la Commission Paritaire Permanente de Négociation et d’Interprétation pour la branche tourisme.

Alors, bien sûr qu'il faut maintenir des écarts entre les groupes, sinon cela signifie que les groupes n'ont plus lieu d'être ou qu'il y a trop de groupes, souligne-t-il. Mais je n'ai pas la réponse à cette question-là ».

Si les organisations syndicales et patronales s'accordent donc sur la nécessité de maintenir les écarts salariaux entre les catégories, il semblerait qu'elles n'arrivent pas à se mettre d'accord sur les modalités pratiques...

Des ajustements à prévoir ?

Pour les agents de voyages aussi, cette classification en catégories soulève des incohérences. « Il y a une différence entre les agences traditionnelles et celles sur Internet, qui n'ont pas les mêmes revendications, souligne une conseillère voyages qui préfère conserver l'anonymat.

L'agent de résa qui travaille pour une plateforme en ligne, fait ses heures et rentre chez lui, n'a pas le même investissement pour son client et pourtant il partage la même grille salariale... De même, un agent spécialiste de l'Asie n'a pas le même niveau de compétences qu'un agent qui vend le monde entier. Il y a peut-être des ajustements à prévoir ».

La convention collective, revue il y a dix ans, devrait-elle à nouveau bénéficier d'un coup de neuf ?

C'est qui est sûr, c'est que sa « modernisation » proposée par les EDV n'a pas réussi à convaincre les organisations syndicales, notamment du fait de la décorrélation de l’assiette de calcul de la prime d’ancienneté proposée par le patronat.

Pourtant, pour certains salariés, ce « dernier avantage » inscrit dans la convention collective n'est pas forcément un si grand bénéfice.

« Dans certaines entreprises, l'augmentation annuelle ne se fait que par la prime d'ancienneté car pour les patrons, mécaniquement, la hausse annuelle de cette prime fait augmenter leur masse salariale, souligne une agent de voyages. Le hic, c'est que de ce fait, ils n’augmentent pas le taux horaire... ».

Les salariés moins syndiqués que les patrons

Encore un blocage qui se rajoute aux problématiques de marge, de management, de gestion des ressources humaines, etc. que l'on peut rencontrer au sein des agences de voyages.

Pour autant, doit-on y voir là un manque d'honnêteté de la part des patrons ou bien plus simplement un problème de désinformation au sein de la profession ?

« Certains dirigeants n'ont jamais mis le nez dans la convention collective, d'autres ne font jamais d'entretien individuel annuel avec leurs collaborateurs ou en tous cas, pas de manière formalisée », regrette la dirigeante d'un tour-opérateur.

Si certains dirigeants ne semblent donc pas être au courant de toutes leurs obligations légales, en revanche, ils sont une grande majorité à être syndiqués, via le SETO ou les EDV... à l'inverse de leurs salariés !

Mais pourquoi ? « Nous ne connaissons pas forcément ceux qui nous représentent, les syndicats. Il faudrait aussi qu’ils viennent vers nous », souligne la salariée d'un mini-réseau. « Les agents de voyages ne font pas aussi la démarche de se syndiquer », ajoute une autre conseillère voyages.

« Le tourisme ne se syndique pas car les salariés ont peur d'être mal vus de leurs patrons, remarque Stéphanie Dayan, Secrétaire nationale CFDT en charge du secteur de l’hôtellerie, tourisme, restauration, casinos clubs de jeux et immobilier. Pourtant, en tant que représentants de la branche, nous sommes le filet de sécurité des petites entreprises, nous défendons en priorité les salariés qui n'ont pas de CSE, ni d'accord d'entreprise ».

Rappelons que le fait de se syndiquer en France est un acte confidentiel. Pour la CFE-CGC, « il est important que les salariés puissent se syndiquer sans crainte de représailles. Les syndicats jouent un rôle important dans la défense des droits des salariés et dans la négociation de meilleures conditions de travail, rappelle l'organisation que nous avons sollicitée.

Pour avoir un avis éclairé sur leurs droits, il est réaliste que les salariés s’informent auprès des deux parties. L’entreprise et un avis juridique et social auprès des syndicats, ajoute la CFE-CGC, qui prône un débat social de qualité. »

« Même au McDo les gens sont mieux payés ! »

Se syndiquer pour être mieux informé de ses droits, mais aussi pour faire remonter les informations de terrain au niveau de la branche peut donc être une piste pour améliorer les conditions de travail et de rémunération dans le tourisme... encore faut-il que les salariés se sentent impliqués dans l'avenir de la branche !

« C'est toujours la même différence entre la fin du mois et la fin du monde », résume Caroline Texier, paraphrasant son associé Antoine Texier. Quand on a des problèmes à boucler ses fins de mois, on ne pense pas à la fin du monde.

De la même façon, on ne s'inquiète pas de savoir combien on touchera si l'on se retrouve au chômage tant qu'on a du boulot, ou combien on touchera une fois à la retraite, ni comment elle sera calculée, quand on a 35 ans !
 »

Avec la revalorisation du SMIC au 1er mai, les organisations patronales ont 45 jours pour rouvrir les négociations sur les salaires minima, ceux des catégories A et B de la convention collective étant à nouveau passés en-dessous du salaire minimum légal.

Les syndicats, de leur côté, n'ont pas attendu cette date pour demander la réouverture des NAO. C'est le cas de la CFTC, dont la demande est soutenue par FO, tandis que la CFDT a, de son côté, adressé un courrier dans ce sens également.

« Personne n'a intérêt à ce que le Ministère du Travail vienne mettre le nez dans notre convention, et commence à intervenir, avertit une patronne de tour-opérateur.

Maintenant, on n'attrape pas des mouches avec du vinaigre : les patrons ne peuvent pas embaucher des salariés au SMIC et leur demander d'être producteur et générateur de centre de profit, responsable de la production de leurs séjours, le tout en étant en Catégorie B, ce n'est pas possible ! Dans ces conditions là, qui va vouloir être chef de service au SMIC ? Même au McDo les gens sont mieux payés, c'est aberrant ! »

Le CDMV alerte les ministères

Un avis que partage le Collectif de Défense des Métiers du Voyage (CDMV), qui s'est fendu il y a quelques jours d'un courrier (voir en pièce jointe ci-dessous) adressé à la Ministre Déléguée au Tourisme Olivia Grégoire, ainsi qu'au Ministre du Travail, Olivier Dussopt, appelant l’intervention contraignante de l’État afin que toutes les organisations entament sans délai un nouveau cycle de négociations. En copie figurent également les organisations syndicales et patronales.

« Comment pouvons-nous aujourd’hui espérer attirer au sein de notre secteur des jeunes actifs quand le salaire des 2 premières catégories de notre secteur est au niveau du SMIC ? Sur quels fondements un jeune diplômé de BTS Tourisme se verrait-il offrir un salaire tellement maigre qu’il ne gagnerait pas plus qu’une personne non-qualifiée de tout autre secteur ?, interpelle le CDMV.

Et cela tout en devant endosser des responsabilités bien supérieures, l’exigence d’une langue étrangère, les possibles astreintes et la responsabilité des voyageurs. Il nous parait aberrant, compte tenu des responsabilités énumérées ci-dessus, qu’un(e) jeune diplômé(e) de notre branche soit aussi peu rémunéré(e).

Le prétexte utile du métier « passion » ne parvient pas à justifier cela, pas plus que la situation financière, avérée ou supposée, de certains employeurs »
, appuie l'association.

Quant aux organisations représentatives de la branche, « nous attendons qu’elles sachent cette fois-ci adopter une démarche constructive et une approche consensuelle afin que notre secteur retrouve des couleurs et un taux de rémunérations globales à hauteur des responsabilités qui incombent à nos salariés », insiste le CDMV.

Néanmoins, la situation pourrait être pire : certaines branches professionnelles comptent jusqu’à 11 échelons en-dessous du SMIC ! « C'est la branche des industries du caoutchouc dans la chimie qui a le plus de retard, indiquent nos confrères de BFM.

Un salarié de cette branche peut donc en théorie grimper 11 échelons et rester au salaire minimum, son employeur n'étant pas tenu de l'augmenter »...

A l'inverse du caoutchouc, croisons les doigts pour que le bras de fer engagé dans le tourisme se transforme en or pour la profession !

Anaïs Borios Publié par Anaïs Borios Journaliste - TourMaG.com
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Tags : EDV, NAO, salaires, SMIC
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Commentaires

1.Posté par Millithiba le 10/05/2023 11:31 | Alerter
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Alerte Spoiler : c'est encore pire que ça puisque les anciens salariés se retrouvent pratiquement au SMIC étant donné que les minimas des catégories ne sont pas revalorisés en même temps que le SMIC.

20 ans de bons et loyaux services en agence de voyage pour finir à 1500 balles nets alors que le SMIC est actuellement à 1383€ nets.
Alors j'ai dit ciao et franchement je ne regrette absolument pas d'avoir quitté cette mascarade 👋👋
Et les patrons qui tirent la langue sont beaucoup moins nombreux que ce que vous laissez supposer dans vos articles. Ce sont plutôt les employés qui n'en peuvent littéralement plus des conditions déplorables de travail.

Tant qu'il n'y aura pas de vrai syndicat pour soutenir les employés, ce sera comme ça malheureusement.

C'est HONTEUX !!!

2.Posté par Marc le 19/05/2023 09:44 | Alerter
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C'est un peu comme le téléphonie mobile. De bons tarifs pour les nouveaux clients, rien pour les clients fidèles.

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