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Simon Thirot (UNAT) : "Le coût de l'énergie est au cœur des discussions avec les pouvoirs publics" 🔑

l'interview de Simon Thirot, délégué général de l’UNAT


Les bilans victorieux de la saison estivale masquent le fait que plus du tiers des Français n'est pas parti en vacances. Le tourisme social et solidaire apporte une première réponse à la politique de généralisation des vacances, mais il ne peut se limiter à cela. Le délégué général de l'UNAT Simon Thirot évoque pour nous les sujets aujourd’hui sur la table.


Rédigé par le Lundi 17 Octobre 2022

Simon Thirot, délégué général UNAT
Simon Thirot, délégué général UNAT
TourMag : Un mot sur votre présidente, Michelle Demessine, dont les « vétérans » du tourisme se souviennent comme l’une de leurs meilleurs ministres de tutelle.

Simon Thirot : Michelle Demessine est un personnage très important et attachant dans le tourisme. Son passage au ministère du Tourisme, pendant la mandature de Lionel Jospin (1997/2001) comme Premier ministre, a laissé des traces très positives chez tous ses interlocuteurs.

Dans son action au ministère, et d’une manière générale, elle est à la fois très politique dans sa réflexion globale et très pragmatique dans sa démarche et son approche des problèmes. Si je raccourcis un peu : elle cherche toujours à trouver la porte d’entrée politique et la porte de sortie opérationnelle.

Lire aussi : UNAT : Michelle Demessine renouvelée dans son mandat de présidente

Cela la caractérise bien, encore aujourd’hui comme présidente de l’UNAT, depuis 2014. Il ne faut pas négliger la dimension humaine du tourisme qui a permis dans de nombreux cas de dépasser certains clivages.


TourMag : Comment jugez-vous la place que l’on accorde au tourisme social dans la politique et la stratégie des dirigeants publics et privés ?

Simon Thirot : Peut-être faut-il d’abord rappeler quel est l’ADN des opérateurs du tourisme social qui sont des acteurs touristiques à part entière, notamment des hébergeurs où tout un chacun peut aller passer d’excellents séjours, en villages, en résidences, en hôtellerie, en camping, en auberges de jeunesse.

Ces opérateurs ont néanmoins deux particularités : la première est d’être dans le champ de l’économie sociale et solidaire, avec un modèle économique différent des acteurs plus conventionnels.

Qu’ils soient associatifs ou sous forme de coopérative, ces acteurs ont la nécessité d’être rentables, mais leurs excédents sont réinjectés directement dans les infrastructures et le projet, souvent porté par l’association.

La seconde particularité, du fait le plus souvent de leur histoire, est qu’ils ont une attention toute particulière au départ du plus grand nombre de Français en vacances, en agissant à travers des programmes sociaux notamment avec l’ANCV (Agence Nationale pour les Chèques-Vacances) et les CAF (Caisses d'Allocations Familiales). Ils ont la volonté d’y contribuer mais s’ils n’y avaient que les acteurs du tourisme social pour s’en préoccuper, on ne résoudrait pas la question du départ de tous ceux qui en sont exclus à ce jour.


20 millions de nuitées et 1,2 milliard d’euros de chiffre d’affaires

Michelle Demessine, ancienne ministre du Tourisme, présidente de l'UNAT (©DR)
Michelle Demessine, ancienne ministre du Tourisme, présidente de l'UNAT (©DR)
TourMag : Peut-on dire qu’ils sont des acteurs majeurs du tourisme en France ?

Simon Thirot : En quelques chiffres, le réseau des membres de l’UNAT c’est 1 600 établissements qui accueillent en année pré-Covid, quelque 5 millions de vacanciers pour plus de 20 millions de nuitées et 1,2 milliard d’euros de chiffre d’affaires.

Ces chiffres montrent l’importance de ce secteur qui participe totalement à l’attractivité des territoires où ils sont implantés. En dehors de quelques groupes étrangers en auberges de jeunesse et de clientèles internationales sur la Côte d’Azur ou à la montagne l’hiver, l’activité majeure (de l’ordre de 95%) concerne une clientèle française.


TourMag : Si l’on prend en compte leur histoire, elle a permis au bon moment des implantations dans des sites majeurs très prisés par l’ensemble des touristes…

Simon Thirot : C’est effectivement l’une des caractéristiques qui permet, aujourd’hui encore, à toutes les catégories de clients d’accéder à des sites en France qui auraient pu n’être réservés qu’à des privilégiés.

Par ailleurs, les choix d’implantations en campagne ou en moyenne montagne, sans les mêmes critères de rentabilité immédiate que les acteurs qui ne sont pas dans la logique de l’économie sociale, participent à la vie économique de ces territoires. Cela fait deux pieds intéressants pour justifier son activité et son originalité.

"Je suis assez vigilant quand on utilise ce terme de montée en gamme"

TourMag : Comment justifiez-vous que la plupart des opérateurs du tourisme sociale annonce un développement qui se traduit par une montée en gamme des sites et des services proposés ? N’est-ce pas contradictoire avec leur vocation ?

Simon Thirot : Je suis assez vigilant quand on utilise ce terme de montée en gamme. Cela dépend ce qu’il recouvre. La réalité de notre marché, c’est que la très grande majorité du parc des villages de vacances est en trois étoiles.

La qualité de service qui est indispensable dans le contexte d’exigence actuel ne veut pas dire monter en 4 ou 5 étoiles. Je ne dis pas que l’équation est facile à résoudre, mais elle est essentielle à travailler surtout face à une inflation qui s’aggrave pour ne pas se déconnecter de nos publics habituels. Tous les adhérents de l’UNAT se posent la question.

Cette question stratégique se pose quand on propose un produit complet qui intègre l’hébergement, la restauration et l’animation. On se doit d’avoir une qualité opérationnelle quel que soit le public auquel on s’adresse.

D’autant, que ces villages ou résidences accueillent des catégories de clients très différentes selon les périodes de l’année : familles scolaires, séniors, randonneurs, séminaires. Il est important de définir pour chacun le prix le plus juste possible pour une qualité qui s’améliore.

Certains de nos membres pratiquent encore des tarifs différenciés en fonction des revenus, ce qui est une forme de réponse aux difficultés d’accès aux vacances. Par ailleurs, une partie de nos adhérents nous indique qu’ils voient arriver dans leurs établissements des clients habitués à des résidences ou villages plus haut de gamme.

"En fin de course, ce sont 44% des Français qui se sont privés de vacances"

Cet été, 44% des Français ne sont pas partis en vacances (©Deposit Photos)
Cet été, 44% des Français ne sont pas partis en vacances (©Deposit Photos)
TourMag : On a vécu ces dernières semaines une bataille de chiffres un peu contradictoire. Dans l’euphorie des bilans saisonniers, la ministre annonçait 70% de Français qui auraient profité de la période de vacances pour partir dans les régions ? Ce qui paraît beaucoup…

Simon Thirot :
Cela fait plusieurs années que nous menons une étude avec la Fondation Jean-Jaurès et l’IFOP, qui corrobore les résultats des sociologues qui s’intéressent à la question.

Depuis le début des années 2000, on évolue dans une fourchette de 35 à 40% des Français qui ne partent pas en vacances. Ce chiffre n’évoluait pratiquement pas, sauf ces derniers mois. En début de saison, les intentions de départ faisaient ressortir un chiffre de 39% qui ne prévoyaient pas de partir.

En fin de course, ce sont 44% des Français qui se sont privés de vacances, soit pour des raisons d’organisation du travail, mais le plus souvent parce que le « reste à vivre » ne le permettait pas. C’est un sujet très universel.

Dans notre approche, nous insistons sur le fait que les vacances ont un bienfait individuel pour sortir de son cadre quotidien pour découvrir un ailleurs, pour se construire en rencontrer les autres mais elles ont aussi un bienfait collectif. Un pays dont plus du tiers de ses citoyens ne peut pas partir en vacances laisse se développer une cocotte-minute sociale.

On en a eu une illustration pendant la crise des gilets jaunes, certains disant que le déclencheur de la colère avait été de ne plus pouvoir partir en vacances avec ses enfants. Je rajoute que la France a la chance d’offrir une grande diversité de territoires aux activités multiples qui chacun profite de l’économie touristique.

C’est aussi une chance pour le tourisme de proximité, qui peut avoir une vocation sociale.

"Le renchérissement des couts de l'énergie est au cœur du sujet de nos discussions"

Simon Thirot, interviewé lors de l'IFTM Top Resa
Simon Thirot, interviewé lors de l'IFTM Top Resa
TourMag : A très court terme, le renchérissement du coût de l’énergie, les problèmes de recrutement, la hausse de l’inflation mettent-ils en danger les ouvertures de la saison hivernale, voire plus loin dans l’année 2023 ?

Simon Thirot : On est au cœur du sujet de nos discussions. Les dossiers sont sur la table avec le gouvernement et les autres fédérations en matière de sobriété énergétique. Heureusement, on ne part pas de zéro, les efforts étaient engagés depuis longtemps avec des labellisations, notamment Clef Verte ou ISO 9011]urlblank:https://www.iso.org/fr/standard/70017.html sur la réduction globale des consommations.

L’application du décret Tertiaire qui s’applique à notre activité a déjà permis d’initier des diagnostics avant un certain nombre d’investissements structurants.

Notre priorité est de conserver une offre de qualité, tout en arbitrant sur des points qui permettront d’atteindre les objectifs de sobriété. Tous nos membres ne sont néanmoins pas égaux devant les augmentations des coûts de l’énergie qui vont de +10% à +250%.

Et il n’y a pas que l’énergie qui augmente de manière très conséquente.


TourMag : Quel est l’état de vos discussions, notamment avec les partenaires publiques ?

b[Simon Thirot : b Sur la sobriété énergétique nous avons fait des propositions au Gouvernement et nous avons signer la Charte rendue publique récemment. Les opérateurs s’adapteront au mieux aux mesures concrètes sur les températures, dans la cohérence globale du secteur de l’hébergement.

Par ailleurs, les premiers dispositifs pour aider les entreprises ont déjà évolué, mais il faudra certainement en discuter à nouveau avec la ministre Olivia Grégoire pour les adapter à la situation.

"Le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire est un modèle qui nous parait intéressant"

Un appel pour développer les classes découverte (©Cap Monde)
Un appel pour développer les classes découverte (©Cap Monde)
TourMag : L’UNAT conserve-t-il sa place au sein du Comité de filière Tourisme ?

Simon Thirot : Nous en faisions partie en participant aux commissions qui nous concernaient. Nous attendons sa prochaine convocation. Nous sommes un écosystème complet comme hébergeur, tour-opérateur, garant financier... qui conduit aussi à discuter avec les autres fédérations présentent au sein du Comité. Nous avons également des relations de qualité et très régulières avec la Confédération des Acteurs du Tourisme.

Nous faisons partie, par ailleurs, du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, une instance prévue par la Loi, avec les ONG, les mutuelles, les Scop, les collectivités. C’est un modèle qui nous parait intéressant, car il implique aussi tous les ministères concernés avec un représentant et un chef de file, qui est le ministre en charge.


TourMag : Avez-vous des sujets à plus long terme, une fois digérées les crises imminentes ?

Simon Thirot : Ils sont nombreux ! Mais nous voulons effectivement revenir sur le sujet des classes découverte, inciter l’État à une démarche structurée notamment sur les classes de neige, les classes de mer ou les classes nature.

Ce sont des activités essentielles entre les périodes de vacances scolaires qui permettent aux jeunes de découvrir des activités qu’ils pratiqueront toute leur vie, mais aussi pour faire vivre des structures et des territoires en montagne, à la campagne ou sur le littoral.


Lire aussi : Futuroscopie - Départs en vacances : un indicateur majeur des inégalités sociales

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