Mathieu Ravard (GreenGo) et Alisée Pierrot (Mollow) le secteur doit faire plus et plus vite pour le tourisme durable - Depositphotos @tbtb
C'était une première pour Mathieu Ravard co-fondateur de GreenGo et Alisée Pierrot, co-fondatrice de Mollow.
Ils ont découvert, début octobre, le salon IFTM Top Resa, dont le thème central était "Défis et résilience".
Engagés, ils militent tous deux par le biais de leur activité professionnelle ou celui d'une association pour un tourisme durable et responsable.
Et ce premier contact avec la grand'messe du tourisme B2B leur a laissé un petit goût amer.
"J'y suis allé pour la première fois de ma vie, car le thème Défis et résilience m'interpelait. J'ai déchanté assez rapidement.
Nous sommes dans une sorte de microcosme, où nous pensons que le monde change. Et là j'ai eu l'impression de remettre un pied dans le monde réel et j'ai pris une claque," témoigne encore un peu groggy, mais pas abattu le co-fondateur de GreenGo.
Ils ont découvert, début octobre, le salon IFTM Top Resa, dont le thème central était "Défis et résilience".
Engagés, ils militent tous deux par le biais de leur activité professionnelle ou celui d'une association pour un tourisme durable et responsable.
Et ce premier contact avec la grand'messe du tourisme B2B leur a laissé un petit goût amer.
"J'y suis allé pour la première fois de ma vie, car le thème Défis et résilience m'interpelait. J'ai déchanté assez rapidement.
Nous sommes dans une sorte de microcosme, où nous pensons que le monde change. Et là j'ai eu l'impression de remettre un pied dans le monde réel et j'ai pris une claque," témoigne encore un peu groggy, mais pas abattu le co-fondateur de GreenGo.
Conférences : "on a totalement oublié de parler de sobriété"
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Ce n'est pas un sentiment de malaise qu'ont ressenti ces nouvelles têtes du tourisme, mais de désillusion.
Pour la cofondatrice de Mollow, le constat est le même ou presque : "Un peu partout dans les conférences, il a été abordé des thèmes très intéressants comme l'inclusion, des hébergements plus durables... par contre on a omis de dire que près de 75% de l'empreinte du tourisme est générée par les transports, on a totalement oublié aussi de parler de sobriété.
Et même quand des participants essayaient de l'aborder j'ai eu l'impression que l'on détournait le sujet et c'était plutôt choquant," déplore Alisée Pierrot.
Une lassitude qui s'explique par une sorte de dissonance cognitive entre un secteur qui a conscience du besoin de rupture et la façon de consommer le voyage, mais n'agit pas en conséquence ou trop peu, ou trop lentement. Pour ces entrepreneurs qui arrivent avec la volonté de tout changer, la confrontation entre les deux mondes est parfois brutale.
"i[J'ai le sentiment que nous fermons collectivement les yeux sur la réalité de la situation. Le tourisme est un secteur économique très important et d'autant plus dans les pays en développement.
Ce sont ces mêmes pays qui sont les plus touchés par le réchauffement climatique, donc y développer le tourisme ce n'est les aider... i" regrette-t-elle.
Pour la cofondatrice de Mollow, le constat est le même ou presque : "Un peu partout dans les conférences, il a été abordé des thèmes très intéressants comme l'inclusion, des hébergements plus durables... par contre on a omis de dire que près de 75% de l'empreinte du tourisme est générée par les transports, on a totalement oublié aussi de parler de sobriété.
Et même quand des participants essayaient de l'aborder j'ai eu l'impression que l'on détournait le sujet et c'était plutôt choquant," déplore Alisée Pierrot.
Une lassitude qui s'explique par une sorte de dissonance cognitive entre un secteur qui a conscience du besoin de rupture et la façon de consommer le voyage, mais n'agit pas en conséquence ou trop peu, ou trop lentement. Pour ces entrepreneurs qui arrivent avec la volonté de tout changer, la confrontation entre les deux mondes est parfois brutale.
"i[J'ai le sentiment que nous fermons collectivement les yeux sur la réalité de la situation. Le tourisme est un secteur économique très important et d'autant plus dans les pays en développement.
Ce sont ces mêmes pays qui sont les plus touchés par le réchauffement climatique, donc y développer le tourisme ce n'est les aider... i" regrette-t-elle.
Tourisme : "Il y a une vision assez court-termiste"
Ce sentiment d'être un peu à contrecourant a aussi touché Mathieu Ravard.
"Le stand de la Grèce, faisant la promotion des séjours de 2 jours en avion sur place, a été un peu la goutte d'eau qui a fait déborder le vase.
De plus, il y a une vision que j'ai trouvé assez court-termiste, même lors des conférences et c'est ce qui m'a choqué. Voilà pourquoi je suis parti plus vite que prévu.
Je comprends que pour les pays et les tour-opérateurs, il n'est pas possible de faire pivoter à 180 degrés le modèle. et c'est ce qui est inquiétant," soupire le cofondateur de GreenGo.
Mathieu Ravard a fait le calcul. Pour partir en Greekend, - week-ends en Grèce - offres mises en avant par l'office de tourisme hellénique sur le salon, le vol Paris - Athènes émet 650 kg de CO2 "soit 33% des émissions que nous devrions émettre chacun par an pour entrer dans les clous des Accords de Paris".
Ce n'est pas le seul point d'exaspération du professionnel sur la vision du tourisme de demain.
"Il y a des efforts à faire de tous les côtés, et nous devons en parler et discuter de l'urgence d'agir.
Là j'ai surtout entendu dire que l'aérien ce n'était pas si grave, que des solutions seront trouvées, puis qu'il suffit de payer des crédits-carbone. La réalité est tout autre.
Il n'est pas possible de maintenir la dynamique actuelle au niveau du trafic, tout en répondant à l'urgence climatique.
C'est bien de parler de l'avion durable, mais cela ne devrait pas être le cœur du sujet," estime Alisée Pierrot.
"Le stand de la Grèce, faisant la promotion des séjours de 2 jours en avion sur place, a été un peu la goutte d'eau qui a fait déborder le vase.
De plus, il y a une vision que j'ai trouvé assez court-termiste, même lors des conférences et c'est ce qui m'a choqué. Voilà pourquoi je suis parti plus vite que prévu.
Je comprends que pour les pays et les tour-opérateurs, il n'est pas possible de faire pivoter à 180 degrés le modèle. et c'est ce qui est inquiétant," soupire le cofondateur de GreenGo.
Mathieu Ravard a fait le calcul. Pour partir en Greekend, - week-ends en Grèce - offres mises en avant par l'office de tourisme hellénique sur le salon, le vol Paris - Athènes émet 650 kg de CO2 "soit 33% des émissions que nous devrions émettre chacun par an pour entrer dans les clous des Accords de Paris".
Ce n'est pas le seul point d'exaspération du professionnel sur la vision du tourisme de demain.
"Il y a des efforts à faire de tous les côtés, et nous devons en parler et discuter de l'urgence d'agir.
Là j'ai surtout entendu dire que l'aérien ce n'était pas si grave, que des solutions seront trouvées, puis qu'il suffit de payer des crédits-carbone. La réalité est tout autre.
Il n'est pas possible de maintenir la dynamique actuelle au niveau du trafic, tout en répondant à l'urgence climatique.
C'est bien de parler de l'avion durable, mais cela ne devrait pas être le cœur du sujet," estime Alisée Pierrot.
"Ne pas rester dans sa bulle d'Ă©colo convaincu"
Le tableau peut avoir l'air vert-de-gris, pour ne pas dire noir, pour ces néo-professionnels du tourisme, mais ils ne sont pas pour autant partis démoralisés...
Tout d'abord, ce rendez-vous a été une source de motivation supplémentaire pour faire bouger les lignes, même si le combat s'annonce long, voire très très long...
"Je ne dénigre pas le Salon. Inviter François Gemenne était un signal fort et le stand de la SNCF était super, avec "Nos Gestes Climat".
Ajoutons aussi toutes les destinations françaises venues mettre en avant leurs initiatives bas carbone.
Elles ont en grande partie compris l'importance de changer de paradigme. Tout ça est vraiment super, par contre pour le reste... c'était plutôt retour vers le futur !," positive Mathieu Ravard.
Pour sa consœur, l'optimisme est à retrouver sur l'exposition toujours plus croissante des déplacements en train. L'association Mollow dont elle est à l'origine, est une plateforme communautaire pour aider à l'organisation de voyages bas carbone.
Alisée Pierrot a d'ailleurs participé à une conférence sur le sujet qui a fait salle comble.
A lire : Voyages en train : quel potentiel pour les agences ?
Le salon a aussi permis de comprendre les problématiques des agents de voyages, notamment sur la difficulté de travailler avec la SNCF et de vendre des voyages avec un acheminement ferroviaire.
"Je suis convaincue qu'il est très important d'être présente dans ces milieux, où la question n'est pas toujours bien posée. Ce n'est pas en restant dans sa bulle d'écolo convaincu, qu'on arrivera à faire bouger les lignes et les gens.
Nous sommes donc repartis avec encore davantage d'énergie," se félicite Alisée Pierrot.
A lire : "Les agents de voyages doivent devenir des "apĂ´tres" du tourisme durable..."
Et ce n'est pas l'énergie du désespoir, mais plutôt celle de vouloir changer les imaginaires du voyage, démontrer que le trajet n'est plus une commodité, mais qu'il fait bel et bien partie intégrante de l'expérience.
Tout d'abord, ce rendez-vous a été une source de motivation supplémentaire pour faire bouger les lignes, même si le combat s'annonce long, voire très très long...
"Je ne dénigre pas le Salon. Inviter François Gemenne était un signal fort et le stand de la SNCF était super, avec "Nos Gestes Climat".
Ajoutons aussi toutes les destinations françaises venues mettre en avant leurs initiatives bas carbone.
Elles ont en grande partie compris l'importance de changer de paradigme. Tout ça est vraiment super, par contre pour le reste... c'était plutôt retour vers le futur !," positive Mathieu Ravard.
Pour sa consœur, l'optimisme est à retrouver sur l'exposition toujours plus croissante des déplacements en train. L'association Mollow dont elle est à l'origine, est une plateforme communautaire pour aider à l'organisation de voyages bas carbone.
Alisée Pierrot a d'ailleurs participé à une conférence sur le sujet qui a fait salle comble.
A lire : Voyages en train : quel potentiel pour les agences ?
Le salon a aussi permis de comprendre les problématiques des agents de voyages, notamment sur la difficulté de travailler avec la SNCF et de vendre des voyages avec un acheminement ferroviaire.
"Je suis convaincue qu'il est très important d'être présente dans ces milieux, où la question n'est pas toujours bien posée. Ce n'est pas en restant dans sa bulle d'écolo convaincu, qu'on arrivera à faire bouger les lignes et les gens.
Nous sommes donc repartis avec encore davantage d'énergie," se félicite Alisée Pierrot.
A lire : "Les agents de voyages doivent devenir des "apĂ´tres" du tourisme durable..."
Et ce n'est pas l'énergie du désespoir, mais plutôt celle de vouloir changer les imaginaires du voyage, démontrer que le trajet n'est plus une commodité, mais qu'il fait bel et bien partie intégrante de l'expérience.
Tourisme Durable : "ne pas de culpabiliser les gens qui prennent l'avion"
Et pour, elle le voyage ne peut plus se faire en traversant le monde sans penser aux conséquences de son impact.
"Pour changer les choses, nous devons donner envie de prendre le train et de partir en France, pas de faire culpabiliser les gens qui prennent l'avion.
Je pense que cette stratégie ne marche pas, encore moins pour un sujet comme les vacances qui est rattaché au plaisir et à la légèreté," recadre Alisée Pierrot.
Un message très éloigné de l'extrémisme ambiant qui se retrouve dans les deux camps, aficionados de l'aérien contre vertueux voyageurs.
Pour donner envie, le secteur va devoir faire Ă©voluer ses imaginaires. Un travail sur le long terme auquel participe aussi bien Mollow que GreenGo.
En attendant, il ne faudra pas abandonner les destinations uniquement accessibles en avion comme Maurice, la RĂ©publique Dominicaine ou encore la Tunisie.
"C'est un enjeu Ă©norme.
Les tour-opérateurs spécialistes des Caraïbes ou de l'Arctique ne peuvent pas pivoter du jour au lendemain, sinon ils mettront la clé sous la porte et leurs marchés seront aussi en grande difficulté.
Par contre, il y a plein de choses Ă faire, comme inciter les voyageurs Ă partir plus longtemps et moins souvent, puis sortir de la surconsommation du tourisme," analyse Mathieu Ravard, cofondateur de GreenGo.
Pour ce dernier, il serait aussi indispensable de sortir le tourisme durable de son microcosme et de ses adeptes, en l'institutionnalisant comme un fil rouge lors de l'ensemble des conférences et prises de parole.
Le tourisme doit se remettre en question, sous peine d'ĂŞtre un jour dans l'angle mort des pouvoirs publics...
"Pour changer les choses, nous devons donner envie de prendre le train et de partir en France, pas de faire culpabiliser les gens qui prennent l'avion.
Je pense que cette stratégie ne marche pas, encore moins pour un sujet comme les vacances qui est rattaché au plaisir et à la légèreté," recadre Alisée Pierrot.
Un message très éloigné de l'extrémisme ambiant qui se retrouve dans les deux camps, aficionados de l'aérien contre vertueux voyageurs.
Pour donner envie, le secteur va devoir faire Ă©voluer ses imaginaires. Un travail sur le long terme auquel participe aussi bien Mollow que GreenGo.
En attendant, il ne faudra pas abandonner les destinations uniquement accessibles en avion comme Maurice, la RĂ©publique Dominicaine ou encore la Tunisie.
"C'est un enjeu Ă©norme.
Les tour-opérateurs spécialistes des Caraïbes ou de l'Arctique ne peuvent pas pivoter du jour au lendemain, sinon ils mettront la clé sous la porte et leurs marchés seront aussi en grande difficulté.
Par contre, il y a plein de choses Ă faire, comme inciter les voyageurs Ă partir plus longtemps et moins souvent, puis sortir de la surconsommation du tourisme," analyse Mathieu Ravard, cofondateur de GreenGo.
Pour ce dernier, il serait aussi indispensable de sortir le tourisme durable de son microcosme et de ses adeptes, en l'institutionnalisant comme un fil rouge lors de l'ensemble des conférences et prises de parole.
Le tourisme doit se remettre en question, sous peine d'ĂŞtre un jour dans l'angle mort des pouvoirs publics...