La Cour de cassation a donné raison à des clients sur un problème de visa pour aller aux USA - Depositphotos @laszlo111
Dans une société de plus en plus judiciarisée, le tourisme ne fait pas exception.
Dorénavant les clients attaquent les agences et voyagistes pour tout, mais surtout rien.
Dernièrement un professionnel expliquait qu'une personne attaquait un acteur du voyage, car sa femme l'avait trompé avec un employé de l'établissement dans lequel, ils séjournaient.
Et si les agents de voyages doivent connaître le code du tourisme sur le bout des doigts, cela ne suffit plus.
En plus du devoir d'information, une récente décision de la Cour de cassation pourrait rendre obligatoire celui... de conseil émanant du Code civil.
Pour l'heure, seul le journal Le Monde s'est épanché sur le sujet. Dans l'écosystème touristique, tout le monde tente de remiser sous le tapis, un rendu qui pourrait avoir des conséquences "énormes", comme de devoir vérifier les passeports des clients avant d'embarquer.
Alors demain en plus d'être expert en géopolitique, juriste, comunity manager... les agents de voyages seront-ils aussi des douaniers ? La décision du 25 septembre 2024 pourrait donner cette impression.
Dorénavant les clients attaquent les agences et voyagistes pour tout, mais surtout rien.
Dernièrement un professionnel expliquait qu'une personne attaquait un acteur du voyage, car sa femme l'avait trompé avec un employé de l'établissement dans lequel, ils séjournaient.
Et si les agents de voyages doivent connaître le code du tourisme sur le bout des doigts, cela ne suffit plus.
En plus du devoir d'information, une récente décision de la Cour de cassation pourrait rendre obligatoire celui... de conseil émanant du Code civil.
Pour l'heure, seul le journal Le Monde s'est épanché sur le sujet. Dans l'écosystème touristique, tout le monde tente de remiser sous le tapis, un rendu qui pourrait avoir des conséquences "énormes", comme de devoir vérifier les passeports des clients avant d'embarquer.
Alors demain en plus d'être expert en géopolitique, juriste, comunity manager... les agents de voyages seront-ils aussi des douaniers ? La décision du 25 septembre 2024 pourrait donner cette impression.
Quelle est l'affaire des visas ?
Avant d'en savoir plus sur la décision et ses conséquences, revenons sur l'affaire à proprement parler.
Nous sommes le 9 janvier 2019, (la date a son importance) deux voyageurs contactent un spécialiste du sur-mesure (deuxième détail notable), pour un départ le 25 janvier, donc dans 16 jours.
Les voyageurs souhaitent se rendre à Hawaï.
Un devis est envoyé, accepté et payé le jour même. Sauf que la demande d'autorisation de voyage aux Etats-Unis d'Amérique, la fameuse Esta, est refusée aux époux, le 22 janvier 2019.
Ils doivent alors obtenir un visa, sauf que la démarche prend plusieurs semaines. Ils ne peuvent donc pas réaliser leur voyage et demandent le remboursement à l'agence de voyages qui s'oppose.
La raison de ce refus : la mention sur leur passeport d'un tampon de la République islamique d'Iran, lors d'un précédent séjour réalisé en 2013.
Pourtant, comme l'explique le rendu de la Cour de cassation, dans le bulletin d'inscription accepté le 9 janvier 2019, les clients ont bien "les informations relatives aux formalités administratives de franchissement des frontières pour entrer aux Etats-Unis, de sorte qu'ils ont eu la connaissance de la nécessité d'obtenir un visa dans l'éventualité où ils auraient voyagé en Iran."
Ces informations ont été fournies, comme le mentionne notre confrère du Monde, dans "un lien hypertexte, qui les conduit au détail de l’offre (étapes, vols, hôtels, et formalités administratives nécessaires). Ils la signent, et règlent la totalité du montant."
Les conditions générales du professionnel prévoyaient que les clients doivent eux-mêmes "vérifier que les documents administratifs et sanitaires exigés en vue de l'accomplissement de leur voyage soient en conformité avec les informations fournies," par l'agent lors de la signature du contrat.
A lire sur le sujet : Quelle est l’obligation d’information de l’agence concernant les formalités d’entrée vis-à -vis de clients étrangers ?
Et dans le cas présent, s'ils ne sont pas en accord avec les exigences du pays, alors "il ne pourra pas être tenu comme responsable" des conséquences.
Nous sommes le 9 janvier 2019, (la date a son importance) deux voyageurs contactent un spécialiste du sur-mesure (deuxième détail notable), pour un départ le 25 janvier, donc dans 16 jours.
Les voyageurs souhaitent se rendre à Hawaï.
Un devis est envoyé, accepté et payé le jour même. Sauf que la demande d'autorisation de voyage aux Etats-Unis d'Amérique, la fameuse Esta, est refusée aux époux, le 22 janvier 2019.
Ils doivent alors obtenir un visa, sauf que la démarche prend plusieurs semaines. Ils ne peuvent donc pas réaliser leur voyage et demandent le remboursement à l'agence de voyages qui s'oppose.
La raison de ce refus : la mention sur leur passeport d'un tampon de la République islamique d'Iran, lors d'un précédent séjour réalisé en 2013.
Pourtant, comme l'explique le rendu de la Cour de cassation, dans le bulletin d'inscription accepté le 9 janvier 2019, les clients ont bien "les informations relatives aux formalités administratives de franchissement des frontières pour entrer aux Etats-Unis, de sorte qu'ils ont eu la connaissance de la nécessité d'obtenir un visa dans l'éventualité où ils auraient voyagé en Iran."
Ces informations ont été fournies, comme le mentionne notre confrère du Monde, dans "un lien hypertexte, qui les conduit au détail de l’offre (étapes, vols, hôtels, et formalités administratives nécessaires). Ils la signent, et règlent la totalité du montant."
Les conditions générales du professionnel prévoyaient que les clients doivent eux-mêmes "vérifier que les documents administratifs et sanitaires exigés en vue de l'accomplissement de leur voyage soient en conformité avec les informations fournies," par l'agent lors de la signature du contrat.
A lire sur le sujet : Quelle est l’obligation d’information de l’agence concernant les formalités d’entrée vis-à -vis de clients étrangers ?
Et dans le cas présent, s'ils ne sont pas en accord avec les exigences du pays, alors "il ne pourra pas être tenu comme responsable" des conséquences.
L'affaire des visas aux USA : Qu'a dit la Cour de Cassation ?
Après avoir saisi la médiation du tourisme et le tribunal judiciaire de Beauvais qui ont débouté les clients, ils ont poursuivi leur action devant la cour d'appel d'Amiens.
Cette dernière leur donne raison.
Elle estime que dans le cas d'une "d’une prestation haut de gamme et personnalisée (une agence sur-mesure dont la promesse est de partir l'esprit libre)," la simple obligation d'information prévue par l'article R 211-4 du code du tourisme n'est pas suffisante et que le voyagiste doit aussi se satisfaire d'une obligation de conseil.
L'agent est débouté, il est condamné à rembourser leurs clients, mais aussi verser des dommages et intérêts à hauteur de 6 500 euros.
Pour la Cour de cassation est saisie par l'entreprise. Cette dernière ira dans le sens de la cour d'appel, le 25 septembre dernier.
"Après avoir constaté qu'il avait été satisfait à l'obligation pré-contractuelle d'information prévue à l'article R. 211-4 du code de tourisme, l'arrêt retient que la prestation, ayant été spécialement conçue (sur-mesure, ndlr) pour M. et Mme (X) par la société (Y) avec une date de départ prévue seulement seize jours après l'émission de l'offre de contrat, il appartenait à cette société, qui connaissait les restrictions à l'entrée sur le sol américain, de vérifier si les passeports de M. et Mme (X) ne comportaient pas des mentions nécessitant l'obtention d'un visa et de les informer de la spécificité de leur situation ainsi que des délais requis pour faire les démarches en vue d'obtenir ce visa.
Il en résulte qu'en n'alertant pas M. et Mme (X) sur les risques de ne pas obtenir les documents administratifs leur permettant d'entrer aux Etats-Unis d'Amérique en raison de la date rapprochée du départ envisagé, ce qui constituait une information dont l'importance était déterminante pour leur consentement, la société Y a commis une faute engageant sa responsabilité."
Cette dernière leur donne raison.
Elle estime que dans le cas d'une "d’une prestation haut de gamme et personnalisée (une agence sur-mesure dont la promesse est de partir l'esprit libre)," la simple obligation d'information prévue par l'article R 211-4 du code du tourisme n'est pas suffisante et que le voyagiste doit aussi se satisfaire d'une obligation de conseil.
L'agent est débouté, il est condamné à rembourser leurs clients, mais aussi verser des dommages et intérêts à hauteur de 6 500 euros.
Pour la Cour de cassation est saisie par l'entreprise. Cette dernière ira dans le sens de la cour d'appel, le 25 septembre dernier.
"Après avoir constaté qu'il avait été satisfait à l'obligation pré-contractuelle d'information prévue à l'article R. 211-4 du code de tourisme, l'arrêt retient que la prestation, ayant été spécialement conçue (sur-mesure, ndlr) pour M. et Mme (X) par la société (Y) avec une date de départ prévue seulement seize jours après l'émission de l'offre de contrat, il appartenait à cette société, qui connaissait les restrictions à l'entrée sur le sol américain, de vérifier si les passeports de M. et Mme (X) ne comportaient pas des mentions nécessitant l'obtention d'un visa et de les informer de la spécificité de leur situation ainsi que des délais requis pour faire les démarches en vue d'obtenir ce visa.
Il en résulte qu'en n'alertant pas M. et Mme (X) sur les risques de ne pas obtenir les documents administratifs leur permettant d'entrer aux Etats-Unis d'Amérique en raison de la date rapprochée du départ envisagé, ce qui constituait une information dont l'importance était déterminante pour leur consentement, la société Y a commis une faute engageant sa responsabilité."
L'avis de Chloé Rezlan : "Une décision dangereuse pour les agences"
"Cette décision interpelle et apparaît dangereuse pour les agences de voyages, si l'on adopte une lecture stricte.
Il ne faudrait pas que les juges appliquent systématiquement ce devoir de conseil aux agences, même lorsqu'elles ont correctement respecté leur devoir d'information en application du Code du tourisme.
Cela reviendrait à leur imposer une vérification systématique des passeports ou des visas par exemple, ce qui ne semble pas proportionné.
En revanche, une lecture plus souple permettrait de conclure que dans certains cas de figure, l'agence soit en effet contrainte de conseiller le voyageur. En l'espèce, cette obligation découlait de deux critères : le fait que le voyage ait été créé sur-mesure et que le départ était peu de temps après la conclusion du contrat.
En conséquence, au moment où le client réservait, il était déjà manifeste qu'il ne pourrait pas partir n'ayant pas de visa et c'est pourquoi la Cour retient une défaillance de l'agence.
Quoi qu'il en soit, les agences doivent redoubler de vigilance et ne pas lésiner sur les mentions à insérer dans leurs CGV par exemple, pour tenter de limiter leur responsabilité au maximum" analyse Chloé Rezlan, avocate associée du cabinet Adeona.
Pour un autre juriste du secteur, ce rendu représente un énorme problème pour les professionnels. D'autant qu'il a été émis par la Cour de cassation, la plus haute instance juridictionnelle du droit privé français.
De plus, la décision a été publiée au bulletin,"la cour estime que l'arrêt est soit un revirement de jurisprudence, soit il a une portée particulière et donc d'importance," poursuit-il.
Il ne faudrait pas que les juges appliquent systématiquement ce devoir de conseil aux agences, même lorsqu'elles ont correctement respecté leur devoir d'information en application du Code du tourisme.
Cela reviendrait à leur imposer une vérification systématique des passeports ou des visas par exemple, ce qui ne semble pas proportionné.
En revanche, une lecture plus souple permettrait de conclure que dans certains cas de figure, l'agence soit en effet contrainte de conseiller le voyageur. En l'espèce, cette obligation découlait de deux critères : le fait que le voyage ait été créé sur-mesure et que le départ était peu de temps après la conclusion du contrat.
En conséquence, au moment où le client réservait, il était déjà manifeste qu'il ne pourrait pas partir n'ayant pas de visa et c'est pourquoi la Cour retient une défaillance de l'agence.
Quoi qu'il en soit, les agences doivent redoubler de vigilance et ne pas lésiner sur les mentions à insérer dans leurs CGV par exemple, pour tenter de limiter leur responsabilité au maximum" analyse Chloé Rezlan, avocate associée du cabinet Adeona.
Pour un autre juriste du secteur, ce rendu représente un énorme problème pour les professionnels. D'autant qu'il a été émis par la Cour de cassation, la plus haute instance juridictionnelle du droit privé français.
De plus, la décision a été publiée au bulletin,"la cour estime que l'arrêt est soit un revirement de jurisprudence, soit il a une portée particulière et donc d'importance," poursuit-il.
Les EDV tentent de minimiser l'ampleur de la sentence
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Pour Khalid El Wardi, les agents de voyages ne pourront plus se contenter de la seule obligation d'information.
"La décision semble créer une obligation de vérification des documents du client, voire une anticipation de leurs spécificités administratives...
Tout cela est bien loin de la façon dont nous avions l'habitude d'interpréter l'article R211-4 et l'obligation d'information des AGV en matière de formalités administratives," selon le secrétaire général de la Médiation Tourisme et Voyage.
Le Code civil qui semble désormais s'appliquer pour les agents de voyages va bien au-delà du devoir d'information.
Il stipule que l'obligation de conseil s'applique lorsqu'une partie contractante qui connaît une requête dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre.
Dans ce cas présent alors elle doit l'en informer dès lors que, légitimement, "cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant."
Normalement présent dans le quotidien des avocats et notaires, ce devoir rentrerait donc dans la to do list des agences de voyages.
Malgré tout, pour les Entreprises du Voyage, il n'est pas question de s'alarmer d'une telle décision. Il convient de savoir raison garder. Cette décision s'inscrit dans une dynamique bien connue qui va au-delà de l'industrie touristique, à savoir une plus grande protection du consommateur.
"De telles décisions arrivent de temps en temps.
Cela fait partie des aléas que nous pouvons avoir connaitre, nous n'allons pas nécessairement donner des consignes à nos adhérents.
La décision est subjective et nous ne devons pas alourdir les obligations que nous donnons aux agences, d'ailleurs ce serait contreproductif en termes de responsabilité," tente de minimiser Valérie Boned.
La raison de cette réponse mesurée réside dans le fait que l'instance a tranché le cas d'une agence de voyages sur-mesure, donc des séjours relativement onéreux qui sont cessés impliquer un soin particulier, mais aussi un départ très rapproché dans le temps.
Voilà pourquoi la décision ne saurait être généralisée à toute l'industrie.
Nous verrons, si dans les prochaines semaines, la Cour de cassation sera suivie dans d'autres dossiers. Il sera alors temps de s'alarmer et de faire évoluer le métier...
"La décision semble créer une obligation de vérification des documents du client, voire une anticipation de leurs spécificités administratives...
Tout cela est bien loin de la façon dont nous avions l'habitude d'interpréter l'article R211-4 et l'obligation d'information des AGV en matière de formalités administratives," selon le secrétaire général de la Médiation Tourisme et Voyage.
Le Code civil qui semble désormais s'appliquer pour les agents de voyages va bien au-delà du devoir d'information.
Il stipule que l'obligation de conseil s'applique lorsqu'une partie contractante qui connaît une requête dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre.
Dans ce cas présent alors elle doit l'en informer dès lors que, légitimement, "cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant."
Normalement présent dans le quotidien des avocats et notaires, ce devoir rentrerait donc dans la to do list des agences de voyages.
Malgré tout, pour les Entreprises du Voyage, il n'est pas question de s'alarmer d'une telle décision. Il convient de savoir raison garder. Cette décision s'inscrit dans une dynamique bien connue qui va au-delà de l'industrie touristique, à savoir une plus grande protection du consommateur.
"De telles décisions arrivent de temps en temps.
Cela fait partie des aléas que nous pouvons avoir connaitre, nous n'allons pas nécessairement donner des consignes à nos adhérents.
La décision est subjective et nous ne devons pas alourdir les obligations que nous donnons aux agences, d'ailleurs ce serait contreproductif en termes de responsabilité," tente de minimiser Valérie Boned.
La raison de cette réponse mesurée réside dans le fait que l'instance a tranché le cas d'une agence de voyages sur-mesure, donc des séjours relativement onéreux qui sont cessés impliquer un soin particulier, mais aussi un départ très rapproché dans le temps.
Voilà pourquoi la décision ne saurait être généralisée à toute l'industrie.
Nous verrons, si dans les prochaines semaines, la Cour de cassation sera suivie dans d'autres dossiers. Il sera alors temps de s'alarmer et de faire évoluer le métier...