Gérard Feldzer est chroniqueur sur France Info est revenu avec nous sur l'urgence de la transition dans l'aérien et d'un avion décarboné pour l'Europe - Depositphotos @andov
TourMaG.com - Pour vous l'aérien peut devenir vertueux, à condition qu'il mette les moyens et les mêmes ambitions que celles mises pour concevoir le Concorde. Pourquoi ça ?
Gérard Feldzer : Si nous avons la même rupture technologique que pour le Concorde, alors nous arriverons à un avion totalement différent. Le concorde était fondamentalement différent des autres appareils.
Il a sans doute couté plus de 20 milliards de dollars, cette somme pourrait nous permettre d'avoir cet avion électrique hybride, avec de l'hydrogène. Je pense que nous pourrions avoir un démonstrateur d'ici 2035.
Au-delà de sa forme novatrice, à bord il y avait des innovations incroyables, comme les commandes de vol électriques, les transferts de carburant d'avant en arrière pour le centrage, l'élasticité des matériaux, car il montait jusqu'à 1 000 degrés.
C'était un truc de dingue, mais il était centré sur la performance et la vitesse.
Aujourd'hui, nous devrions dire : oublions la vitesse, pour nous concentrer sur une moindre consommation et émission.
TourMaG.com - Le montant n'est pas énorme comparativement au budget de l'Etat ou du quoiqu'il en coûte. Pourquoi personne ne met cette somme sur la table ? Il manque la volonté politique pour faire cet avion vertueux ?
Gérard Feldzer : En effet, le manquement se trouve au niveau de la volonté politique.
J'espère que le prochain gouvernement quel qu'il soit, va pousser dans ce sens, après ce n'est pas une priorité, alors que notre pays manque d'hôpitaux ou d'écoles.
Cet avion décarboné pourrait être une ambition européenne, cela ne pèserait rien dans les économies locales. Je crois beaucoup à la puissance du consommateur.
Gérard Feldzer : Si nous avons la même rupture technologique que pour le Concorde, alors nous arriverons à un avion totalement différent. Le concorde était fondamentalement différent des autres appareils.
Il a sans doute couté plus de 20 milliards de dollars, cette somme pourrait nous permettre d'avoir cet avion électrique hybride, avec de l'hydrogène. Je pense que nous pourrions avoir un démonstrateur d'ici 2035.
Au-delà de sa forme novatrice, à bord il y avait des innovations incroyables, comme les commandes de vol électriques, les transferts de carburant d'avant en arrière pour le centrage, l'élasticité des matériaux, car il montait jusqu'à 1 000 degrés.
C'était un truc de dingue, mais il était centré sur la performance et la vitesse.
Aujourd'hui, nous devrions dire : oublions la vitesse, pour nous concentrer sur une moindre consommation et émission.
TourMaG.com - Le montant n'est pas énorme comparativement au budget de l'Etat ou du quoiqu'il en coûte. Pourquoi personne ne met cette somme sur la table ? Il manque la volonté politique pour faire cet avion vertueux ?
Gérard Feldzer : En effet, le manquement se trouve au niveau de la volonté politique.
J'espère que le prochain gouvernement quel qu'il soit, va pousser dans ce sens, après ce n'est pas une priorité, alors que notre pays manque d'hôpitaux ou d'écoles.
Cet avion décarboné pourrait être une ambition européenne, cela ne pèserait rien dans les économies locales. Je crois beaucoup à la puissance du consommateur.
"L'hydrogène reste la seule solution pour un aérien décarboné" d'après Gérard Feldzer
TourMaG.com - Vous y croyez vraiment ?
Gérard Feldzer : J'y crois beaucoup, car les avions seront très différents de ce que nous connaissons.
Ils seront totalement différents, en forme d'aile, un peu comme un triangle avec beaucoup de volume. L'enjeu de ce changement de paradigme est d'emmagasiner l'hydrogène. Airbus a ce genre de projet par exemple.
Aujourd'hui, l'hydrogène reste la seule solution pour un aérien complètement décarboné. Par contre, nous parlons là, seulement de l'hydrogène vert, donc fabriqué à partir d'énergie renouvelable.
S'il y aura un surcout pour les voyageurs au début, Air Liquide pense pouvoir arriver au prix du pétrole d'ici 10 ans.
TourMaG.com - L'hydrogène n'est pourtant pas aussi vertueux...
Gérard Feldzer : L'hydrogène dit gris est fabriqué à partir du gaz naturel, son impact est non négligeable sur l'environnement, ce n'est pas une bonne alternative.
Par contre, il existe aussi une méthode pour en fabriquer de façon renouvelable. J'y crois beaucoup.
TourMaG.com - Dernièrement, le GIEC a tiré une énième fois la sonnette d'alarme. Les scientifiques nous donnent seulement "3 ans pour agir", pour que notre monde ne devienne pas "invivable". Cette révolution arrivera-t-elle à temps ?
Gérard Feldzer : Nous ne devons pas nous voiler la face, ce sera dur.
Nous devons passer par une phase de transition, grâce au SAF. La principale problématique de ce carburant de synthèse reste son coût, beaucoup plus important par rapport aux combustibles fossiles.
Dernièrement nous avons atteint des sommets, au niveau du cours des barils, malgré tout, les tarifs restent encore éloignés de ceux du SAF. Il va donc falloir s'attendre à une hausse des prix de l'aérien.
"L'avion ne doit plus être tout seul et surtout pas un concurrent du train" selon Gérard Feldzer
TourMaG.com - Pour vous l'aérien doit être revu dans sa globalité. C'est tout un écosystème qu'il faut rendre durable...
Gérard Feldzer : Exactement, l'accès aux aéroports doit être repensé. L'École Polytechnique Fédérale de Lausanne a un projet qui me plait beaucoup.
Les voyageurs montent dans un fuselage qui ressemble à un train. Il se trouve dans le centre-ville, puis il amènera les passagers directement à l'aéroport, où il viendra se positionner sous un avion.
L'idée se nomme Clip-Air. L'enregistrement pour les voyageurs ne se fait plus à l'aéroport mais directement dans le centre de la ville.
Il y a beaucoup de rêves dans Clip Air, mais aussi une certaine réalité. L'entreprise franco-canadienne Transpod réinvente l'accessibilité. Avec un train qui va à 1 000km/h, l'avion n'aura plus aucun sens.
Je pense qu'il y aura sur un certain de nombre de lignes.
TourMaG.com - Entre les réglementations et les choix environnementaux, l'avion ne va-t-il pas se faire doubler par le train ?
Gérard Feldzer : Aujourd'hui, nous sommes dans une logique de complémentarité, plutôt que de concurrence entre les deux. Il sera nécessaire d'obliger le gouvernement, à faire en sorte que le ferroviaire et l'aérien deviennent complémentaires.
Il y a peu j'ai reçu sur ma péniche, Jean-Pierre Farandou (président-directeur général de la SNCF) et Anne Rigail (directrice générale d'Air France), en compagnie de Jean-Baptiste Djebbari le ministre des Transports.
Je leur ai dit de se débrouiller pour s'entendre sur le sujet de la complémentarité. En Allemagne, il est possible de prendre un billet d'avion sur la Deutsche Bahn (l'équivalent de la SCNF), tout comme il est possible de prendre un billet de train sur Lufthansa.
Il n'y a rien à y faire, ils sont restés bloqués sur leurs positions. Autant les patrons des entreprises sont sensibilisés à cette problématique, mais le problème vient de la base.
Les cheminots et les employés d'Air France craignent que l'autre pique de la clientèle à l'un. Une expérimentation a été faite entre Paris et Strasbourg, sur une ligne long-courrier, les bagages ne sont jamais arrivés dans l'avion. Cela été une catastrophe.
Personne ne prend l'accès des aéroports au sérieux, c'est dommage. La solution viendra par les trains légers ou les transports par câble, pour ne pas grignoter des territoires.
L'avion ne doit plus être tout seul et surtout pas un concurrent. N'oublions pas que la SNCF a créé Air Inter.
Gérard Feldzer : Exactement, l'accès aux aéroports doit être repensé. L'École Polytechnique Fédérale de Lausanne a un projet qui me plait beaucoup.
Les voyageurs montent dans un fuselage qui ressemble à un train. Il se trouve dans le centre-ville, puis il amènera les passagers directement à l'aéroport, où il viendra se positionner sous un avion.
L'idée se nomme Clip-Air. L'enregistrement pour les voyageurs ne se fait plus à l'aéroport mais directement dans le centre de la ville.
Il y a beaucoup de rêves dans Clip Air, mais aussi une certaine réalité. L'entreprise franco-canadienne Transpod réinvente l'accessibilité. Avec un train qui va à 1 000km/h, l'avion n'aura plus aucun sens.
Je pense qu'il y aura sur un certain de nombre de lignes.
TourMaG.com - Entre les réglementations et les choix environnementaux, l'avion ne va-t-il pas se faire doubler par le train ?
Gérard Feldzer : Aujourd'hui, nous sommes dans une logique de complémentarité, plutôt que de concurrence entre les deux. Il sera nécessaire d'obliger le gouvernement, à faire en sorte que le ferroviaire et l'aérien deviennent complémentaires.
Il y a peu j'ai reçu sur ma péniche, Jean-Pierre Farandou (président-directeur général de la SNCF) et Anne Rigail (directrice générale d'Air France), en compagnie de Jean-Baptiste Djebbari le ministre des Transports.
Je leur ai dit de se débrouiller pour s'entendre sur le sujet de la complémentarité. En Allemagne, il est possible de prendre un billet d'avion sur la Deutsche Bahn (l'équivalent de la SCNF), tout comme il est possible de prendre un billet de train sur Lufthansa.
Il n'y a rien à y faire, ils sont restés bloqués sur leurs positions. Autant les patrons des entreprises sont sensibilisés à cette problématique, mais le problème vient de la base.
Les cheminots et les employés d'Air France craignent que l'autre pique de la clientèle à l'un. Une expérimentation a été faite entre Paris et Strasbourg, sur une ligne long-courrier, les bagages ne sont jamais arrivés dans l'avion. Cela été une catastrophe.
Personne ne prend l'accès des aéroports au sérieux, c'est dommage. La solution viendra par les trains légers ou les transports par câble, pour ne pas grignoter des territoires.
L'avion ne doit plus être tout seul et surtout pas un concurrent. N'oublions pas que la SNCF a créé Air Inter.
"Total utilise le C2E, alors pourquoi pas le voyage ?
TourMaG.com - Le rail est ouvert à la concurrence. Rien ne dit qu'Air France n'y aille pas pour alimenter ses avions en passagers...
Gérard Feldzer : Cela a déjà été débattu au sein d'Air France.
Le projet ne s'est pas fait, car il y a des intérêts privés. Albert Einstein a dit une phrase qui résume assez bien la situation "deux choses sont infinies : l'Univers et la bêtise humaine. Mais, en ce qui concerne l'Univers, je n'en ai pas encore acquis la certitude absolue."
Chacun a ses chapelles, c'est dommage.
TourMaG.com - Parfois nous avons l'impression que le film "Don't Look Up : Déni cosmique" n'est pas aussi éloigné de la réalité. Quand le projet de compensation carbone du SETO arrive à rencontrer des détracteurs pour quelques euros, cela est inquiétant.
Gérard Feldzer : Une taxe en plus, c'est toujours mal perçu.
Il existe pourtant des circuits de compensation carbone dont l'industrie touristique doit s'emparer. Total utilise le certificat d'économie d'énergie (C2E) et d'autres grands groupes, alors pourquoi pas le voyage ?
Le C2E repose sur le principe suivant : à chaque fois qu'une entreprise peut prouver qu'elle change une façon de consommer, plus vertueuse, alors elle fait la différence avec le prix carbone et le gouvernement verse la différence.
C'est assez peu connu, mais il vise à promouvoir les économies d’énergie. Le C2E peut devenir un levier dans le secteur pour faire la bascule.
A "Tree for you" les voyageurs bénéficient d'une déduction fiscale, donc sur les 3 euros versés, cela ne lui coute qu'un euro. C'est une aide fabuleuse.
Gérard Feldzer : Cela a déjà été débattu au sein d'Air France.
Le projet ne s'est pas fait, car il y a des intérêts privés. Albert Einstein a dit une phrase qui résume assez bien la situation "deux choses sont infinies : l'Univers et la bêtise humaine. Mais, en ce qui concerne l'Univers, je n'en ai pas encore acquis la certitude absolue."
Chacun a ses chapelles, c'est dommage.
TourMaG.com - Parfois nous avons l'impression que le film "Don't Look Up : Déni cosmique" n'est pas aussi éloigné de la réalité. Quand le projet de compensation carbone du SETO arrive à rencontrer des détracteurs pour quelques euros, cela est inquiétant.
Gérard Feldzer : Une taxe en plus, c'est toujours mal perçu.
Il existe pourtant des circuits de compensation carbone dont l'industrie touristique doit s'emparer. Total utilise le certificat d'économie d'énergie (C2E) et d'autres grands groupes, alors pourquoi pas le voyage ?
Le C2E repose sur le principe suivant : à chaque fois qu'une entreprise peut prouver qu'elle change une façon de consommer, plus vertueuse, alors elle fait la différence avec le prix carbone et le gouvernement verse la différence.
C'est assez peu connu, mais il vise à promouvoir les économies d’énergie. Le C2E peut devenir un levier dans le secteur pour faire la bascule.
A "Tree for you" les voyageurs bénéficient d'une déduction fiscale, donc sur les 3 euros versés, cela ne lui coute qu'un euro. C'est une aide fabuleuse.
"La compensation doit nous permettre de faire la bascule jusqu'en 2050"
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TourMaG.com - D'ailleurs cette compensation est décriée. Certains acteurs replantent des arbres, sans s'adapter à la végétation locale, ni même suivre l'évolution des plantations..
Gérard Feldzer : Nous replantons seulement des espèces endémiques.
De plus, toute une communauté s'est développée autour, car nous donnons des nouvelles de nos plantations, avec des photos. Cela crée une solidarité nord-sud.
Nous avons un comité scientifique de 15 personnes, dont un prix Nobel. Les programmes d'agroforesterie sont vraiment géniaux.
Non seulement nous faisons quelque chose de bon pour la planète, mais qui l'est aussi pour le paysan local qui ne prend pas l'avion et qui n'est pas responsable du réchauffement climatique.
La compensation doit nous permettre de faire la bascule jusqu'en 2050. Vous savez quand j'étais capitaine je faisais des annonces aux passagers, pour qu'ils prennent conscience de l'impact de leur trajet.
TourMaG.com - Lors du Forum du SETO, Jean-François Rial vous a présenté comme une célébrité de l'écologie en France. Dans le même temps, vous prenez l'avion et aimez ce secteur. Comment vit-on avec dichotomie ?
Gérard Feldzer : Je suis schizophrène, je le revendique (rires, ndlr).
J'ai été élu conseiller régional Europe écologie en Île-de-France, quand j'ai rencontré Cécile Duflot (ancienne secrétaire d'Europe Écologie Les Verts, ndlr) je lui ai dit écoute j'ai 20 000 heures de vol, 160 millions de litres de pétrole à moi tout seul. Elle a rigolé.
Je vis avec ce poids, mais en même temps, j'ai rencontré beaucoup de monde et aussi des cultures phénoménales.
TourMaG.com - Vous continuez donc toujours à prendre l'avion ?
Gérard Feldzer : Oui, mais je compense à chaque fois.
Vous savez je n'en reviens même pas que nous sommes rentrés dans le système informatique d'Air France, pour permettre aux passagers de la compagnie de pouvoir compenser grâce à l'association "a Tree for you". Vous savez une vingtaine de personnes ont bossé dessus.
L'écologie ne doit pas punitive et nous devons regarder ailleurs comment cela se passe.
Gérard Feldzer : Nous replantons seulement des espèces endémiques.
De plus, toute une communauté s'est développée autour, car nous donnons des nouvelles de nos plantations, avec des photos. Cela crée une solidarité nord-sud.
Nous avons un comité scientifique de 15 personnes, dont un prix Nobel. Les programmes d'agroforesterie sont vraiment géniaux.
Non seulement nous faisons quelque chose de bon pour la planète, mais qui l'est aussi pour le paysan local qui ne prend pas l'avion et qui n'est pas responsable du réchauffement climatique.
La compensation doit nous permettre de faire la bascule jusqu'en 2050. Vous savez quand j'étais capitaine je faisais des annonces aux passagers, pour qu'ils prennent conscience de l'impact de leur trajet.
TourMaG.com - Lors du Forum du SETO, Jean-François Rial vous a présenté comme une célébrité de l'écologie en France. Dans le même temps, vous prenez l'avion et aimez ce secteur. Comment vit-on avec dichotomie ?
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J'ai été élu conseiller régional Europe écologie en Île-de-France, quand j'ai rencontré Cécile Duflot (ancienne secrétaire d'Europe Écologie Les Verts, ndlr) je lui ai dit écoute j'ai 20 000 heures de vol, 160 millions de litres de pétrole à moi tout seul. Elle a rigolé.
Je vis avec ce poids, mais en même temps, j'ai rencontré beaucoup de monde et aussi des cultures phénoménales.
TourMaG.com - Vous continuez donc toujours à prendre l'avion ?
Gérard Feldzer : Oui, mais je compense à chaque fois.
Vous savez je n'en reviens même pas que nous sommes rentrés dans le système informatique d'Air France, pour permettre aux passagers de la compagnie de pouvoir compenser grâce à l'association "a Tree for you". Vous savez une vingtaine de personnes ont bossé dessus.
L'écologie ne doit pas punitive et nous devons regarder ailleurs comment cela se passe.