Comment l'Île de La Réunion repense son tourisme 🔑

Le tourisme régénératif a été largement abordé lors du Forum des Pionniers 2024 qui s'est tenu début juin à La Réunion.

Si pour certains professionnels, il n'est encore qu'un concept, sur l'île intense, il est devenu ces dernières années un enjeu majeur pour la préservation de la destination, son environnement et ses habitants.

La pandémie a notamment agi comme un accélérateur de cette prise de conscience, pressant les institutions touristiques à encourager le tourisme local et à mieux répartir les flux du littoral vers l'intérieur de l'île.

« Il est indispensable de passer d’un tourisme de quantité à un tourisme de qualité, un tourisme au cœur duquel les Réunionnais ont toute leur place et qui profite avant tout à l’essor de l’économie locale à l’heure où, on le voit, les axes routiers sont saturés aux heures de pointe et où la demande évolue vers un tourisme de sens, un tourisme plus durable », souligne à ce propos Patrick Lebreton, premier vice-président de la Région Réunion et président de l’Île de la Réunion Tourisme (IRT).

Pour mener à bien ce changement, la destination est en train de se réorganiser de l'intérieur.

Déjà la vingtaine d'Offices du tourisme existants ont laissé la place à 5 Offices intercommunaux (Nord, Est, Ouest et deux OT dans le Grand Sud).

Bientôt, ce sera au tour de la Fédération Réunionnaise de Tourisme (FRT) - qui soutient le développement touristique local en fédérant le réseau des Offices de tourisme - d'intégrer avec l'IRT, le nouveau Comité Réunionnais du Tourisme, dont la mise en place est prévue début 2025.

« Il s’agit de regrouper les compétences touristiques de la FRT et de l'IRT qui sont au service de la destination, de donner une nouvelle impulsion pour mieux promouvoir nos territoires et savoir-faire, de mieux accompagner les professionnels réunionnais et mieux communiquer auprès des différentes cibles, locales comme extérieures. C’est un défi de taille qui nous attend et que nous préparons depuis plusieurs mois avec pour objectif d’être opérationnel dès 2025 », poursuit Patrick Lebreton.

Pour l'heure, la création de ce Comité Réunionnais du Tourisme n’est pas encore finalisée et le recrutement de son (ou sa) directeur(trice) général(e) est toujours en cours.

Néanmoins, la FRT y voit le moyen d'étendre ses compétences et ses missions. « Nous formons déjà les collaborateurs des OT pour qu'ils puissent mieux accompagner les acteurs de leurs territoires respectifs, explique Christian Loga, le directeur de la FRT.

Pour cela, nous créons des collaborations via des fonds OPCO, pour de la formation touristique sur le numérique, la RSE... Nous mettons cette enveloppe à la disposition des Offices de tourisme et nous nous chargeons de l'animation ».

Mais, convaincu de la nécessité de professionnaliser l'offre d'accompagnement et de formation de l'écosystème touristique réunionnais, « ce que nous essayons de faire modestement aujourd'hui », poursuit Christian Loga, ce dernier compte sur la nouvelle structure pour développer les savoir-faire de la FRT, car « cet EPIC va notamment rassembler les missions d'accueil sur le territoire, de promotion locale, d'innovation et prospective, de communication et d'animation de l'écosystème touristique local ».

Alors que cette structure unique doit permettre de mieux coordonner les actions de promotion, de marketing et de développement, en devenant le bras armé de la politique touristique réunionnaise - avec la Région en chef de file -, les institutions touristiques locales n'ont pas attendu son lancement officiel pour se mettre à l'ouvrage.

Dans l'Ouest, l'OT enrichit chaque année son catalogue de « Zarlor » (« trésor » en créole), qui mettent notamment à l'honneur les producteurs locaux et les exploitations agricoles, de la côte jusque dans les hauts et le cirque de Mafate, sous forme de visites guidées, d'ateliers, de balades et de randonnées accompagnées.

Un véritable coup de pouce pour l'agritourisme et une façon de lutter contre le tourisme de masse sur certains sites.

Dans le sud de l'île, même combat : si l'on ne peut empêcher les touristes de se rendre en nombre au Piton de la Fournaise, l'OTI Sud développe toute une série de circuits pour répartir au mieux les visiteurs sur le territoire en fonction de leurs centres d'intérêts. Et plus particulièrement les locaux. En effet, la Réunion dispose de paysages si variés qu'il est facile pour un habitant de Saint-Denis de se sentir dépaysé en visitant Saint-Philippe !

L'OT a notamment développé des randonnées pendant lesquelles les participants vont se restaurer avec du riz chauffé, un plat créole traditionnel. « Ainsi, les Réunionnais renouent avec leurs racines, commente Jeannot Lebon, le président de l'OTI Sud. Car c'est important de savoir d'où l'on vient pour savoir où l'on va, ça fait partie du concept régénératif ».

Il poursuit : « Nous voulons créer du tourisme de qualité. Quand on fait une balade en forêt avec un guide, on comprend que certains arbres sont endémiques à La Réunion ; cela contribue à renforcer l'esprit de préservation du patrimoine. Car ce patrimoine, si les enfants de nos enfants veulent le voir, il faut le préserver. Comment ? En ne passant pas à côté des choses à toute vitesse, mais en connaissant leur histoire ».

Si les OT accentuent leurs actions de sensibilisation des publics, les institutions de leur côté, augmentent leurs moyens, notamment pour favoriser l'essor de l'agritourisme.

« Les moyens actuellement mis à la disposition des professionnels du tourisme sont nombreux et à plusieurs niveaux, que ce soit les dispositifs d’accompagnement de la Région ou du Département de La Réunion, le Parc National avec la visibilité de la marque Esprit Parc, l’IRT avec la commercialisation et la visibilité qui peuvent leur être accordées, etc., ajoute Patrick Lebreton.

Nous sommes à l’aube de changements profonds où les cultivateurs deviennent aussi des professionnels du tourisme, où les exploitations agricoles deviennent des lieux de découverte et d’apprentissage, cela ne pourra que s’accélérer et mieux se structurer dans le temps : à nous maintenant d’être au rendez-vous de ces changements. »

De la même façon, les récentes ouvertures d’établissements à taille humaine comme le Sarana à Salazie, le Dimitile Hôtel à L'Entre-Deux, le Tuit-Tuit de la Plaine des Palmistes ou l’hôtel Papangue à l’Étang-Salé-Les-Hauts montrent une certaine volonté de tourner le tourisme vers le cœur de l’île, ses hauts, ses cirques, ses plaines.

Pour rappel, selon le rapport de création du comité réunionnais du tourisme (voir à partir de la page 370), le secteur du tourisme représente 3,3% de la valeur ajoutée totale de l’économie réunionnaise (alors que celle de l’agriculture et de la pêche constitue 1,9%), et concentre environ 14 000 emplois salariés, soit 4,7% de l’emploi total de l’île.