Conflit Ukraine - Russie : les voyagistes retiennent leur souffle...🔑

Et dire que depuis quelques semaines, la dynamique était positive sur le front de l'épidémie...

Une fois le vent de panique omicron balayé, une certaine euphorie parcourait le monde, puis Vladimir Poutine a mis fin à la récré.

"La situation est grave, voire même très grave," a lâché Jean-Yves Le Drian, après une réunion avec les autres ministres européens.

Il faut bien dire que les tensions entre l'Ukraine et la Russie (ou inversement) ne datent pas d'aujourd'hui, alors même que les Occidentaux essayent de trouver une solution diplomatique depuis de nombreuses semaines, mais personne n'imaginait l'explosion d'un conflit armé aux portes de l'Europe.

Ce n'est pas encore le cas et la résolution politique est, espérons-le, toujours possible, sauf que les troupes russes sont entrées en Ukraine, dans la région séparatiste du Donbass selon France Info.

Une décision qui intervient après un discours guerrier du président à l'intention de ses concitoyens, une allocution jugée "paranoïaque" et proférée par une personne "aigrie, tournée vers le passé" d'après l'analyse d'Emmanuel Macron.

"Il est encore trop tôt pour se prononcer sur les conséquences de ces dernières nouvelles.

Cela affecte principalement ceux qui programment la Russie, mais cela n'impacte pas le tourisme d'une façon générale. Les clients manifestent une très grande envie de voyager," explique René Marc Chikli.

Le tourisme, ce n'est pas aux lecteurs de TourMaG.com que je vais l'apprendre, n'aime pas les crispations.

"Le conflit ne touche pas des zones touristiques, mais il est extrêmement médiatisé et ce n'est jamais bon pour le tourisme, c'est évident," poursuit le président du SETO.

Avec des incidents encore localisés à l'est de l'Ukraine, les intentions de départ ne semblent pas encore affectées par les lourds et inquiétants des messages émanant de Moscou.

Malgré tout, l'impact pourrait aussi ne pas être perceptible.

"Les réservations d'une façon générale sont vraiment bien reparties, mais peut-être que ce serait mieux sans les tensions à l'est de l'Europe," analyse Jérôme Faucheur de Battisti, le PDG d'Intermèdes.

Pour ceux qui jugeraient assez mal les conséquences d'une intervention armée de la Russie en Ukraine sur le tourisme, les premiers signaux sont pourtant déjà perceptibles.

Comme nous vous l'annoncions en début de semaine, Air France a préféré jouer la sécurité en annulant l'ensemble de ses vols prévus le mardi 22 février 2022.

La compagnie française s'ajoute à la longue liste des transporteurs européens suspendant leurs liaisons par crainte de voir la guerre éclater à seulement 2 000 km de Paris.

Pour les tour-opérateurs spécialistes de la Russie, l'Ukraine étant plutôt anonyme sur le marché du voyage en France, les voyageurs n'ont pas totalement arrêté de réserver ou presque.

"Historiquement pour nous, la Russie est une grosse destination pour Intermèdes. Actuellement, il n'y a pas aucune activité, mais nous sommes sur des petits volumes.

Malgré tout, nous avons encore des personnes qui réservent, après en prise d'inscription ça peut s'effondrer demain," explique le PDG du tour-opérateur.

Pour le réceptif KMP Group, l'une des plus anciennes agences privées du pays, le constat est similaire, avec des voyageurs français qui manifestent toujours une envie de visiter le pays des tsars.

"Un évènement géopolitique n'est jamais bon pour le tourisme. Les ventes sur l'Ukraine se sont arrêtées, il y a déjà un certain temps.

Par contre, pour l'instant nous ne constatons aucun impact sur les ventes du marché français en direction de la Russie," nous confie Christian Loth, le directeur commercial, du réceptif.

Une dynamique permise par la réouverture des frontières après la vague omicron et un placement en orange par le gouvernement français du pays, permettant aux touristes de se rendre en Russie sans trop de contraintes.

Alors que les mesures sanitaires sont plutôt incitatives et les réservations nombreuses, le client final ne serait pas vraiment sensible aux incidents, croit savoir le responsable de KMP Group.

"La situation géopolitique n’est pas confortable, c'est une certitude. Le marché réagit avec optimisme et positivité ! Je ne vous cache pas que c'est quand même assez épuisant."

Une incidence donc plutôt marginale, induite aussi par des évènements se situant à l'écart des principales attractions touristiques que sont Moscou et Saint-Pétersbourg.

"La Russie fait partie du bloc opposé à l'Occident, et ce depuis quasiment toujours, ce n'est pas vraiment nouveau. Les clients et les agences de voyages savent que nous faisons face à une opposition de pensée entre deux blocs.

Après j'espère de tout cœur que la situation se calme et qu'une résolution diplomatique soit trouvée," tient à préciser Christian Loth, le directeur commercial.

Au moment, où nous écrivons ces lignes, l'Europe et la France n'empêchent pas à leurs ressortissants de passer les frontières avec la Russie. Malgré tout, la perspective d'un conflit armé ne va pas jouer en faveur de la destination, bien au contraire.

"La contre-publicité est vraiment une inquiétude.

Même sans la fermeture du pays, les Occidentaux n'auront pas envie de se rendre dans le pays des tsars. Il est assez difficile pour le moment de se projeter sur les conséquences dans la région," rapporte Jérôme Faucheur de Battisti.

Alors qu'en Russie et en France l'inquiétude n'est pas vraiment palpable, à Kiev, elle transpire même par téléphone interposé.

Avec 200 000 soldats encerclant l'Ukraine, la population vit avec la peur constante d'une attaque d'envergure, poussant déjà à l'exode une partie du pays.

"Les gens qui ont de l'argent ont quitté le pays, les autres sont restés faute de moyens. La menace se trouve tout autour de nous.

A Kiev, le calme règne, même si cela s'aggrave chaque jour à cause d'un agresseur qui veut nous empêcher de nous développer," lâche avec la voix chevrotante, Anna Safronova la directrice adjointe d'Intercity Travel.

Il n'est même plus question de sauver les entreprises d'une industrie ravagée par deux années de crise sanitaire, dépeuplée de ses salariés "préférant chercher du travail ailleurs," mais de trouver des raisons d'espérer en des jours meilleurs.

Sauf qu'à la télévision ukrainienne, les journalistes peinent à trouver des motifs d'espoir.

"Nous regardons les nouvelles, nous ne voulons pas la guerre, mais d'une résolution diplomatique. Cette nuit Volodymyr Zelensky a pris la parole pour appeler au calme, mais j'ai l'impression qu'il ne sait plus quoi faire."

Et c'est même un sentiment d'abandon qui semble maintenant animer les Ukrainiens. Les sanctions financières, si elles ne font pas peur aux Russes, sont un chiffon rouge que l'Europe ne parait même pas vouloir agiter réellement, tant le taureau est de l'autre coté de la barrière impressionnant.

"Emmanuel Macron discute beaucoup avec Monsieur Poutine, est-ce un ami à lui ? Il n'y a eu aucune résolution, ni avancée positive après ces échanges," questionne et répond un brin désabusée la jeune femme.

Il faut bien reconnaitre que la France comme les autres pays donnent l'impression de ne plus savoir comment se comporter face à Vladimir Poutine, devenu totalement hors de contrôle.

"Nous sommes tous bilingues ici, un héritage du passé soviétique.

Alors quand Poutine dit que tous ceux qui parlent russe font partie de la Russie, cela me fait craindre le pire pour la suite des événements. Après le Donbass, ce sera Odessa puis Kiev," craint Anna Safronova la directrice adjointe d'Intercity Travel.

Sauf que pour la responsable de l'agence réceptive, l'Ukraine pourrait n'être qu'une étape, d'un dirigeant mégalomane décidé à redonner sa grandeur passée au peuple russe.

"L'Europe doit comprendre la motivation finale de Vladimir Poutine, ce n'est pas un conflit local. Nous sommes en guerre avec la Russie. Après l'Ukraine, ce sera aux pays baltes," estime Anna Safronova.

La lassitude gagne la population ukrainienne affaiblie psychologiquement par un conflit sans fin, s'étirant sur près de huit ans. Elle attend maintenant que l'épée de Damoclès la frappe réellement.

Et avec elle ce pourrait bien être une partie de la reprise de l'activité touristique en Europe et même la paix de notre continent.

"Les gens ont plutôt la tête à partir en voyage que d'analyser qu'il y a un conflit, après tout dépendra de l'ampleur que prendra ce dernier," conclut René Marc Chikli.

Et à ce petit jeu, même les plus fins analystes politiques ne souhaitent prendre aucun pari...