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Garantie financière : l'EGFATT milite pour une réassurance publique pan-européenne 🔑

Entretien avec Alain Verwilghen, Secrétaire général de l'EGFATT


En pleine révision de la directive européenne sur les voyages à forfait, mais également sur le règlement des passagers, l'EGFATT a tenu son conseil d'administration à Paris la semaine dernière. Nous en avons profité pour faire le point avec Alain Verwilghen, le secrétaire général de l'association des fonds de garantie tourisme en Europe. Interview.


Rédigé par le Jeudi 15 Décembre 2022

L'EGFATT milite pour une réassurance publique pan-européenne qui serait montée par la Commission européenne et permettrait d'uniformiser les systèmes de garantie contre l'insolvabilité - DR : DepositPhotos.com, ilixe48
L'EGFATT milite pour une réassurance publique pan-européenne qui serait montée par la Commission européenne et permettrait d'uniformiser les systèmes de garantie contre l'insolvabilité - DR : DepositPhotos.com, ilixe48
TourMaG - Les membres de l'association des fonds de garantie tourisme en Europe - l'EGFATT - se sont réunis, les 8 et 9 décembre 2022, à Paris, pour y tenir leur conseil d'administration. Comment se portent les fonds de garantie que vous représentez, près de 3 ans après le début de la pandémie de Covid et de la crise qui s'en est suivie ?

Alain Verwilghen :
Nous vivons un peu dans "un paradoxe", comme dirait le président de l'EGFATT, Mark de Vriendt.

Nous n'avons connu pratiquement aucun sinistre en 2020 et en 2021, alors que l'on aurait pu s'y attendre, notamment grâce aux aides d'Etat perçues par les opérateurs touristiques ainsi que diverses formes de prêts accordés par les Etats.

Il y a eu très peu de dépôts de bilan, puisque les Etats ont été quand même très généreux avec les agents de voyages et les tour-opérateurs. Désormais que tout cela est terminé, les premières défaillances vont commencer à arriver.

Nous sommes donc très attentifs à la situation, mais pas (trop) inquiets puisqu'il semble que, suite aux réunions que nous avons eu avec la Commission européenne, celle-ci soit très intéressée par le modèle des fonds de garantie.


TourMaG - C'est-à-dire ?

Alain Verwilghen :
Vous savez surement qu'un projet de révision de la directive européenne des voyages à forfait est en cours, ainsi qu'un autre sur le règlement des passagers.

A ce sujet, nous sommes entendus ces jours-ci à Bruxelles sur divers sujets et répondons à des questionnaires. Nous travaillons notamment sur le sujet de la garantie financière tourisme en Europe et la protection contre l'insolvabilité.

A ce sujet, le considérant 40 de la directive actuelle indique que les Etats restent souverains sur la manière dont la protection contre l'insolvabilité peut être assurée.

De son côté, l'article 18 de la directive évoque "la reconnaissance mutuelle" des systèmes, autrement dit : rien n'empêche une agence de voyages française de se faire assurer par un garant bulgare.

Ce que l'EGFATT essaie de faire entendre à la Commission européenne, c'est de regarder d'abord parmi les règles actuelles s'il existe une protection effective contre l'insolvabilité dans les 27 pays de l'Union européenne, avant de créer de nouvelles règles.

Et c'est là que le bât blesse, car nous sommes convaincus que dans une série de pays, le système de garantie fonctionne encore mal, voire très mal.

Certains Etats sont également "jaloux" des prérogatives accordés à d'autres. Par exemple, en France, le Code du Tourisme stipule que la garantie contre l'insolvabilité peut être accordée par une banque, par une société d'assurance commerciale ou par un organisme de garantie collective, alors qu'en Belgique elle ne peut être octroyée que par un assureur.

La Commission européenne est donc en train de se demander s'il ne faudrait pas uniformiser les systèmes et si la solution ne serait pas de créer un fonds de garantie national dans chaque pays.

Il faut aussi avoir en mémoire que dans certains pays, comme en Espagne, la directive a été transposée dans une loi nationale mais il est précisé que la garantie contre l'insolvabilité est de la compétence des communautés autonomes.

Ceci va en contradiction de la Constitution espagnole qui dit que tous les consommateurs espagnols doivent avoir la même protection. Or, manifestement ils ne l'ont pas puisqu'on est mieux protégé à Madrid ou à Barcelone qu'en Andalousie.

Alain Verwilghen, Secrétaire Général de l'EGFATT - DR
Alain Verwilghen, Secrétaire Général de l'EGFATT - DR
TourMaG - D'autres sujets tout aussi brûlants sont à l'agenda de ce projet de révision de la directive européenne des voyages à forfait, notamment celui sur les acomptes clients. Quelle est la position adoptée par l'EGFATT à ce sujet ?

Alain Verwilghen :
Nous tenons à peu près le même langage que l'ECTAA (le groupement européen des syndicats nationaux d'opérateurs de voyages, ndlr).

A propos des acomptes clients, il est évident qu'une limitation des acomptes, comme en Allemagne, d'environ 20% est en faveur des garants financiers, étant donné que cela limite le risque.

Néanmoins, nous restons solidaires de l'ECTAA, parce qu'introduire cette limitation serait paradoxal : d'un côté, nous sommes mieux protégés du fait de cette limitation, mais d'un autre côté, il y aura un plus grand risque de défaillance.

En effet, si les tour-opérateurs - et notamment les groupistes - ont des limitations dans la perception d'acomptes du consommateur, mais que la même limitation n'intervient pas auprès des hôtels ou encore des compagnies aériennes, la situation peut - de façon indirecte - se retourner contre le consommateur.

On sent bien que la Commission européenne - même si cela n'a pas été écrit - aimerait s'aligner sur le modèle allemand dont le paiement du solde doit être fait au plus tard un mois avant le départ.


TourMaG - Cette révision, si elle intervient, n'est pas prévue pour demain...

Alain Verwilghen :
Non car nous en sommes encore au stade des discussions avec les parties prenantes.

Au plus tôt, nous pourrions espérer au mois de mai 2023, une proposition officielle de révision de la directive par la Commission européenne. Celle-ci va ensuite être transmise au Parlement européen, qui dispose de trois mois pour l'étudier, ce qui reporte après l'été, étant donné que le Parlement ne siège pas en juillet-août.

Le Parlement va d'abord examiner cette proposition en commission parlementaire, puis la Commission fera des propositions en séance plénière et des amendements peuvent être déposés, tant en commission qu'au niveau du Parlement européen.

Une fois que ce dernier a défini sa position, la proposition de directive part au Conseil européen. Là, les ministres du tourisme ou des affaires économiques, suivant les pays, doivent tomber d'accord sur la proposition de la Commission, avec les amendements du Parlement. A savoir, qu'en général, les ministres veulent également en introduire.

Dès le moment où l'on obtient l'accord du Conseil européen, et si la Commission juge que les amendements sont acceptables, la directive peut passer et sera publiée quelques mois plus tard. En revanche, si le Conseil n'approuve pas, tout repart à zéro.

TourMaG - On voit bien que le processus est très long, alors que la pandémie de Covid est venue chambouler le secteur du tourisme...

Alain Verwilghen :
Il est vrai que l'Europe a toujours beaucoup critiqué le système des avoirs mis en place durant la pandémie.

Mais l'EGFATT leur a rappelé que s'il y avait un peu plus de flexibilité dans l'article 12 de la directive où l'on dirait : "le délai de remboursement normal est de 14 jours mais, en cas de crise mondiale ou de pandémie, les Etats membres se réservent le droit d'allonger cette période de remboursement" en fixant une date limite, alors à ce moment-là, les bons à valoir ne seraient pas nécessaires.


TourMaG - Avez-vous des informations à propos du projet de réassurance publique qui aurait dû être mis en place début 2022 en France ?

Alain Verwilghen :
D'après les retours que nous avons pu avoir de la Direction générale de la concurrence de l'Union européenne - ou DG COMP - rien n'a bougé pour le moment.

Mais difficile d'en savoir plus étant donné que nous ne sommes pas partie prenante, car cette affaire se joue uniquement entre l'Etat français et la Commission européenne.

En Belgique également, le dossier de réassurance n'a pas été encore validé. Il diffère du français, le Gouvernement belge demandant un "capping" un peu sur le modèle allemand, de façon à ce que le GFG et MS Amlin, qui sont les deux principaux garants en Belgique, ne soient responsables que jusqu'à un certain montant et qu'au-delà de ce montant, la garantie soit reprise par l'Etat.

TourMaG - Quelle pourrait-être la solution à ces problèmes de réassurance ?

Alain Verwilghen :
L'EGFATT milite pour une réassurance publique pan-européenne qui serait montée par la Commission européenne et permettrait d'uniformiser les systèmes de garantie contre l'insolvabilité et d'éviter les critiques à propos des aides d'Etat.

Ceci permettrait également que partout en Europe, les garants financiers puissent bénéficier d'un réassureur, alors qu'à l'heure actuelle, il est difficile d'en trouver.

Ce fonds serait une sorte de "capping" permettant, au-delà d'une certaine somme, de débloquer des fonds. Son financement devrait être assuré par les fonds de garantie nationaux et les compagnies d'assurance, sur une base volontaire.


TourMaG - Le fonds de garantie hollandais, le SGR, est souvent cité en exemple pour sa gestion rigoureuse et pour avoir mis en place il y a plus de 20 ans un fonds des calamités. Comment se porte-t-il aujourd'hui ?

Alain Verwilghen :
Aux Pays-Bas, le SGR - qui assure 95% du marché - a remis en place en 2021 son ancien mode de financement - le fonds des calamités - pour lequel est prélevée une taxe pour chaque voyageur. Il avait été stoppé dans les années 2000, alors que le fonds atteignait les 80M€.

Aujourd'hui, tous les tour-opérateurs doivent payer au fonds de garantie 5€ par personne pour toutes les réservations effectuées. Ils établissent un décompte et payent une fois par trimestre.

En parallèle, le système des contre-garanties a aussi été revu. Tout adhérent au SGR doit payer une garantie bancaire de 1,5% de son chiffre d'affaires.

Mais comme ces garanties bancaires coûtent assez cher, les adhérents ont maintenant la possibilité de déposer une somme déterminée par le fonds de garantie sur un compte séquestre géré par une société tierce mandatée par la Banque nationale des Pays-Bas. Ce montant peut être adapté au risque en fonction de la saisonnalité.


TourMaG - Le conseil d'administration de l'EGFATT était le tout premier pour le nouveau fonds de garantie allemand. Comment s'est passée son intégration ?

Alain Verwilghen :
Ils ont posé beaucoup de questions, étant donné que chaque fonds de garantie avait prévu une présentation de son fonctionnement.

C'est un fonds plutôt "gâté", puisqu'il dispose d'une ouverture de crédit qui peut aller jusqu'à 750 millions d'euros. Au fur et à mesure des besoins, le Gouvernement allemand les autorise à utiliser ces fonds-là. Ces modalités sont amenées à évoluer.

Anaïs Borios Publié par Anaïs Borios Journaliste - TourMaG.com
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Tags : EGFATT
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