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La fin du ski dans nos massifs ? Vraiment ? [ABO]

la chronique de Didier Arino


Avec le réchauffement climatique faut-il craindre la fin du ski dans nos massifs ? C'est la question que pose Didier Arino, directeur associé du cabinet Protourisme dans cette nouvelle chronique. Les enjeux économiques sont importants, et tout n'est pas à balayer d'un revers de main. Explications.


Rédigé par le Mercredi 6 Novembre 2024

La montagne en hiver emploie directement 120.000 salariés et si on prend en compte les retombées indirectes et induites c’est 250.000 personnes - Depositphotos.com Auteur kamchatka
La montagne en hiver emploie directement 120.000 salariés et si on prend en compte les retombées indirectes et induites c’est 250.000 personnes - Depositphotos.com Auteur kamchatka
La fin du ski dans nos massifs ? Vraiment ?

Il est de bon ton « de s’autoriser à penser dans les milieux autorisés » comme le disait Coluche mais surtout à répéter car c’est à la mode, que la montagne et le ski c’est fini !

Vous savez pourquoi ? ben, à cause du réchauffement climatique mon bon monsieur ! Donc, si nous comprenons bien, nous qui ne connaissons pas grand-chose au tourisme, le réchauffement climatique devrait pousser les stations françaises à renoncer au ski de piste du fait de l’absence de neige régulière dans nos stations.

Or, s’il est évident que le dérèglement climatique impacte nos montagnes françaises, notamment nos stations de moyenne montagne, peut-on pour autant condamner remontées mécaniques et production de neige dans l’ensemble de nos stations ? Malgré des conditions climatiques difficiles voire catastrophique pour certains massifs, l’activité ski a généré près de 52 millions de journées skieurs et un chiffre d’affaires d’environ 10 milliards d’€ pour l’ensemble de la filière neige.

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La montagne en hiver emploie directement 120.000 salariés et si on prend en compte les retombées indirectes et induites c’est 250.000 personnes qui vivent grâce à cette filière neige.


"Le tout ski c’est fini mais sans le ski tout est fini !"

Le corps social de nombreuses vallées a donc besoin de cette activité génératrice de richesses, d’emplois et d’infrastructures publiques. Alors oui penser diversification est une nécessité, ne serait-ce que parce qu’au-delà du niveau de skiabilité, c’est entre un vacancier sur trois ou un sur deux suivant les stations qui ne skie pas, et a donc besoin d’activités complémentaires en plus de profiter du grand air.

Mais imaginer que notre montagne dans sa globalité devrait renoncer au ski est une aberration car pour nos stations au-dessus de 1800 mètres et pour nos stations villages reliées aux grands domaines comme le dit si bien la formule « le tout ski c’est fini mais sans le ski tout est fini ! ».

Ces stations de deuxième (Courchevel, les 2 Alpes, l’Alpe d’Huez…) et troisième générations (Avoriaz, Flaine, Tignes, Val Thorens…) situées au-delà de 1600 mètres ont précisément été conçues pour accueillir un grand nombre de skieurs venus avant tout pour skier et la France peut s’enorgueillir d’avoir parmi les stations et les domaines les plus attractifs au monde pour la pratique du ski.

Ces stations intégrées permettent le ski au pied et contrairement à ce que dénoncent leurs détracteurs qui parlent « d’usines à ski », ces aménagements conçus et réfléchis dans les années 60 et 70 permettent d’optimiser un foncier rare dont la densité devrait réjouir les adeptes d’une écologie positive désireux d’éviter le mitage et l’artificialisation des sols.

Augmentation du pourcentage de skieurs étrangers dans nos grandes stations

Le défi pour ces stations est de rendre cette densité désirable en renforçant les pôles de vie, les activités complémentaires in et outdoor, en développant l’offre de bien-être le tout en facilitant les mobilités décarbonées sans oublier les nécessaires démarches pour économiser les ressources.

La totalité de ces grands domaines offre une densité d’équipements de remontées mécaniques permettant d’accueillir dans des conditions optimales de confort et de sécurité les skieurs des stations villages reliées à ces domaines et le modèle économique de ces stations ne sera que marginalement altéré par la baisse de l’enneigement naturel d’autant plus que les prix des forfaits des remontées mécaniques en France sont nettement en dessous des tarifs pratiqués à l’étranger, ce qui rend ces stations parfaitement compétitives.

La preuve en est l’augmentation du pourcentage de skieurs étrangers dans nos grandes stations, en moyenne 35% pour l’ensemble des stations alpines.

Il s’agit donc, les équipements étant là et le foncier bâti, non pas d’entraver leur développement mais au contraire de favoriser à foncier quasi constant le développement des lits chauds, la requalification des lits froids, la diversification des services et la transition vers un tourisme plus responsable.

A cet égard, on ne peut que saluer le cercle vertueux de l’implantation ou la rénovation de villages de vacances à la montagne tournés vers la double saison hiver été car le 4 saisons pour ces stations d’altitude est pour l’instant illusoire. Le principal ennemi de la montagne c’est le lit froid. Il est donc nécessaire de privilégier les lits chauds multi-saisons et de qualité.

Le « small is beautiful » n’est pas toujours le plus vertueux

Ainsi, la création d’un Club Med à la montagne est une formidable aubaine pour la commune, la vallée et la Région avec la création de 650 emplois équivalent temps plein en période de construction, 600 emplois équivalent temps plein chaque année d’exploitation dont 250 ETP au sein du village, 65 emplois complémentaires en station (dont 20 ETP moniteurs de ski) et 300 emplois indirects et induits (fournisseurs et effet boule de neige le bien nommé !) dans l’économie régionale. C’est aussi près de 700.000€ de taxes diverses pour les collectivités (taxe de séjour, taxe foncière, taxes locales…).

Le Club Med comme certains autres Villages de Vacances (CAP France, Villages Club du Soleil) ouverts été et hiver sont un bon exemple d’une volonté de participer au développement territorial en limitant les externalités néfastes et ce en construisant et en logeant les saisonniers, en ayant un recourt massif aux fournisseurs locaux et particularité du Club Med en construisant selon des normes environnementales rigoureuses BREAM, et en ayant la certification le plus exigeante en matière de gestion durable Green Globe.

Le « small is beautiful » n’est pas toujours le plus vertueux et nous avons besoin de groupes structurés capables d’investir et de proposer une expérience de qualité pour nos clientèles.

Si la nécessité de renforcer les lits chauds et de qualité s’applique à l’ensemble des stations, le modèle de développement des stations de moyenne montagne est à l’évidence différent des grandes stations alpines.

Chaque station impactée de façon irréversible par le changement climatique devra trouver son propre modèle

Chaque station impactée de façon irréversible par le changement climatique devra trouver son propre modèle en accélérant la transition vers une moindre dépendance à l’activité ski. Le modèle économique de près de la moitié des stations ne peut plus reposer sur le seul financement des collectivités territoriales pour combler des déficits endémiques liés à une augmentation des coûts d’exploitation et des recettes de plus en plus aléatoires.

Ces stations doivent se réinventer, bon nombre le font déjà en s’appuyant sur leurs atouts spécifiques liés à leur histoire et à leur identité. Ces stations vertes de montagne peuvent retrouver leurs vertus en proposant des expériences de découverte des milieux, d’activités sportives structurées, d’évènements spécifiques, et devenir les nouveaux jardins d’Eden en accord avec leur milieu naturel et culturel. Le tourisme est ainsi fait que c’est l’offre qui crée la demande et cela passe donc par un renouvellement des expériences offertes aux visiteurs.

Il n’existe aucune recette magique mais un champ d’opportunités qu’il convient de développer et c’est ce à quoi nous nous employons chez Protourisme avec nos clients destinations pour aboutir à un équilibre entre vie à l’année, activité touristique équilibrée, développement harmonieux au profit des territoires et des habitants. Le chemin est difficile, il nécessite du courage politique et de l’implication des forces vives pour un projet partagé. Nous avons besoin d’une vision, d’une bonne affectation des ressources publiques, de recherche d’investisseurs privés et d’innovation frugale.

Si cette saison hivernale s’annonce encourageante pour les grands massifs, c’est en revanche l’année de tous les dangers pour la moyenne montagne hiver en espérant que dame nature sera au rendez-vous et qu’une belle saison sera mise à profit pour accélérer la transition.

Didier ARINO dirige le réseau Protourisme ( Protourisme – MLV – FTC Consulting) Après avoir dirigé des établissements et un groupe d’hôtellerie et de restauration, il crée une agence de conseil en communication et en évènementiel dans le secteur du tourisme et des loisirs avant de rejoindre le réseau Protourisme où il suit plus directement le pôle Stratégie, Marques et Territoires.

Protourisme a été le premier cabinet conseil à créer un observatoire indépendant du tourisme français à mettre en œuvre un écosystème d’aide à la décision basé sur l’observation et sur les études d’impact économique, social et de gestion des flux.

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Tags : arino, massifs, ski
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