Depuis cet article la FNAM a posé un recours contentieux à l'encontre de la SARA, pour contester cette hausse. Retrouvez en exclusivité la suite de ce papier et les actions juridiques de la fédération, en cliquant ici.
Les compagnies sont vent debout contre la hausse du kérosène en Guadeloupe et Martinique décidé par les Préfets pour ne pas augmenter le prix à la pompte - Crédit photos : Depotisphotos @_fla
L'aérien est entré dans une importante zone de turbulences.
Entre les mouvements sociaux dans les aéroports, mais aussi au sein des compagnies aériennes, les pénuries de main-d'œuvre aux passages aux frontières et la flambée du pétrole pas toujours couverte... le secteur navigue en pleine tempête.
Une hausse des coûts de transport conduisant certains acteurs à se délester des vols devenus pas assez rentables ou même déficitaires.
"Nous avons supprimé des vols, à cause des prix qui ne sont plus adaptés à la réalité du marché actuel," nous confie sous couvert d'anonymat un patron de compagnie aérienne.
Le manque à gagner rien que du fait des fluctuations du baril dépasse une bonne centaine d'euros par trajet entre la métropole et les Antilles françaises.
A la fin de l'année 2022, les compagnies devront sans doute faire avec des charges en hausse de plusieurs dizaines de millions d'euros, rien que pour le pétrole.
A cela va devoir s'ajouter, les calculs politiques et électoralistes du gouvernement préférant faire peser l'inflation des carburants sur les transporteurs aériens, plutôt que sur la population locale.
Entre les mouvements sociaux dans les aéroports, mais aussi au sein des compagnies aériennes, les pénuries de main-d'œuvre aux passages aux frontières et la flambée du pétrole pas toujours couverte... le secteur navigue en pleine tempête.
Une hausse des coûts de transport conduisant certains acteurs à se délester des vols devenus pas assez rentables ou même déficitaires.
"Nous avons supprimé des vols, à cause des prix qui ne sont plus adaptés à la réalité du marché actuel," nous confie sous couvert d'anonymat un patron de compagnie aérienne.
Le manque à gagner rien que du fait des fluctuations du baril dépasse une bonne centaine d'euros par trajet entre la métropole et les Antilles françaises.
A la fin de l'année 2022, les compagnies devront sans doute faire avec des charges en hausse de plusieurs dizaines de millions d'euros, rien que pour le pétrole.
A cela va devoir s'ajouter, les calculs politiques et électoralistes du gouvernement préférant faire peser l'inflation des carburants sur les transporteurs aériens, plutôt que sur la population locale.
Guadeloupe et Martinique : une hausse de 15% des taxes sur le kérosène
D'après nos informations, les préfets de Guadeloupe et de Martinique ont décidé d'augmenter en accord avec l'exécutif dirigé par Elisabeth Borne les taxes pensant sur le kérosène de l'ordre de 15%. En Guyane, la hausse est de seulement 5%.
Aux Antilles françaises et en Guyane, le pétrole est raffiné et stocké par la Société Anonyme de Raffinerie aux Antilles (SARA). Cette dernière se trouve en situation de monopole dans chacun des territoires, où elle se trouve.
Créée à la fin des années 60, par la volonté du Général de Gaulle et pour assurer l'indépendance énergétique de la Martinique et de la Guadeloupe, l'entreprise est devenue le guichet unique des hydrocarbures dans ces deux îles.
Depuis le décret du 8 novembre 2010, les prix (maximums) des carburants raffinés sortant de la SARA sont fixés par les Préfets des trois régions concernées.
"Autant le prix de l'essence est réglementé par l'Etat, autant le kérosène ne l'est pas.
Pour en revenir à notre histoire, l'idée a germé qu'il serait judicieux de baisser le prix à la pompe, pour les voitures et de permettre au gouvernement de se refaire sur le kérosène," déplore un représentant du secteur de l'aérien.
Concrètement, au lieu d'augmenter le tarif de l'essence pour les ménages antillais et guyanais, l'Etat préfère faire payer le manque à gagner, d'une mesure visant à lutter contre l'inflation, aux compagnies aériennes.
Dans le reste du pays, c'est sur le budget étatique que les hausses du carburant sont compensées, via des primes ou à travers dess remises à la pompe (18 centimes par litre, depuis fin avril 2022).
Aux Antilles françaises et en Guyane, le pétrole est raffiné et stocké par la Société Anonyme de Raffinerie aux Antilles (SARA). Cette dernière se trouve en situation de monopole dans chacun des territoires, où elle se trouve.
Créée à la fin des années 60, par la volonté du Général de Gaulle et pour assurer l'indépendance énergétique de la Martinique et de la Guadeloupe, l'entreprise est devenue le guichet unique des hydrocarbures dans ces deux îles.
Depuis le décret du 8 novembre 2010, les prix (maximums) des carburants raffinés sortant de la SARA sont fixés par les Préfets des trois régions concernées.
"Autant le prix de l'essence est réglementé par l'Etat, autant le kérosène ne l'est pas.
Pour en revenir à notre histoire, l'idée a germé qu'il serait judicieux de baisser le prix à la pompe, pour les voitures et de permettre au gouvernement de se refaire sur le kérosène," déplore un représentant du secteur de l'aérien.
Concrètement, au lieu d'augmenter le tarif de l'essence pour les ménages antillais et guyanais, l'Etat préfère faire payer le manque à gagner, d'une mesure visant à lutter contre l'inflation, aux compagnies aériennes.
Dans le reste du pays, c'est sur le budget étatique que les hausses du carburant sont compensées, via des primes ou à travers dess remises à la pompe (18 centimes par litre, depuis fin avril 2022).
Les compagnies vent debout contre le gouvernement !
Un calcul électoraliste qui ne passe pas vraiment au sein des directions des compagnies aériennes.
"Nous sommes vent debout contre cette proposition, c'est inadmissible. D'autant que cela s'ajoute à un carburant que nous achetons déjà plus cher dans les Antilles françaises," poursuit le membre de la direction d'une compagnie.
Alors que ces dernières avaient des velléités de monter au créneau et de se rendre à Paris, afin de demander un quelconque geste de l'Etat pour sauver leurs trésoreries exsangues, en raison de la flambée du brent, l'exécutif les sacrifie sur l'autel de la paix sociale.
Même si le gouvernement a changé, le président de la République n'a pas oublié le conflit social parfois violent qui a ébranlé la Guadeloupe et la Martinique en fin d'année dernière. Les avions de ligne sont donc transformés en Canadair.
Avant même de regarder à la loupe les tarifs pétroliers pratiqués de l'autre côté de l'océan, les transporteurs payent en moyenne le carburant de l'ordre de 30% plus cher que dans le reste de la France.
Ainsi à Fort-de-France, la tonne de kérosène est facturée 55 dollars de plus par rapport à la moyenne observée dans les Caraïbes et même 145 dollars comparativement à Punta Cana.
A Point à Pitre, le différentiel atteint près de 100 dollars, quand il dépasse les 350 dollars en Guyane. Les acteurs des dessertes vers les DOM-TOM se retrouvent donc sanctionnés, par leur choix de relier la métropole aux territoires ultra-marins.
"Les compagnies ont une sorte de double peine. Il y aura donc une conséquence pour les passagers qui verront les prix des billets augmenter. Le prix du fret va aussi augmenter.
Globalement, ce ne sera pas bon pour l'économie des DOM-TOM," analyse le représentant des compagnies aériennes.
"Nous sommes vent debout contre cette proposition, c'est inadmissible. D'autant que cela s'ajoute à un carburant que nous achetons déjà plus cher dans les Antilles françaises," poursuit le membre de la direction d'une compagnie.
Alors que ces dernières avaient des velléités de monter au créneau et de se rendre à Paris, afin de demander un quelconque geste de l'Etat pour sauver leurs trésoreries exsangues, en raison de la flambée du brent, l'exécutif les sacrifie sur l'autel de la paix sociale.
Même si le gouvernement a changé, le président de la République n'a pas oublié le conflit social parfois violent qui a ébranlé la Guadeloupe et la Martinique en fin d'année dernière. Les avions de ligne sont donc transformés en Canadair.
Avant même de regarder à la loupe les tarifs pétroliers pratiqués de l'autre côté de l'océan, les transporteurs payent en moyenne le carburant de l'ordre de 30% plus cher que dans le reste de la France.
Ainsi à Fort-de-France, la tonne de kérosène est facturée 55 dollars de plus par rapport à la moyenne observée dans les Caraïbes et même 145 dollars comparativement à Punta Cana.
A Point à Pitre, le différentiel atteint près de 100 dollars, quand il dépasse les 350 dollars en Guyane. Les acteurs des dessertes vers les DOM-TOM se retrouvent donc sanctionnés, par leur choix de relier la métropole aux territoires ultra-marins.
"Les compagnies ont une sorte de double peine. Il y aura donc une conséquence pour les passagers qui verront les prix des billets augmenter. Le prix du fret va aussi augmenter.
Globalement, ce ne sera pas bon pour l'économie des DOM-TOM," analyse le représentant des compagnies aériennes.
Antilles : hausse du kérosène sur fond de bataille avec Air France
D'autant que la mesure est rétroactive sur le kérosène acheté depuis le 3 juin 2022.
Une décision qui arrive au plus mauvais moment, pour des entreprises à la trésorerie pas toujours bien garnie, après deux ans de pandémie.
Alors que ces compagnies entrevoyaient la fin de la tempête "covid" et pouvaient espérer se refaire en partie la cerise sur l'été qui arrive, le gouvernement en a décidé autrement.
Pour certaines directions, il est mĂŞme venu le temps de tirer la sonnette d'alarme.
"Il n'est pas possible de rentabiliser une compagnie avec de tels tarifs. Vous rajoutez la pression des préfets et le fait que nous ne pouvons pas faire de double import... C'est compliqué," peste un responsable.
Cette augmentation va durablement pénaliser les acteurs du secteur, avec un fuel dépassant les 1400 dollars la tonne quand les business model initiaux avaient été conçus sur des montants avoisinant les 700 dollars.
Privés de ministre depuis avril dernier, les secteurs du transport et du tourisme n'ont plus de lobbyiste au plus haut sommet de l'Etat pour faire entendre leur (mauvais) sort.
D'autant que cette hausse tarifaire fait écho à une bataille que se livrent les compagnies pour prendre des parts de marché, notamment la plus grande d'entre elles : Air France.
A lire : Outre-mer : Corsair et Air Caraïbes vent debout contre... Air France 🔑
Celle-ci depuis l'été 2021 s'évertue inexorablement de plomber totalement le yield management, sur les lignes ultra-marines en mettant en place des surcapacités devenues mortifères pour les concurrentes.
"Air France a totalement anéanti le yield management, les tarifs ne reflètent plus du tout la réalité du marché. Du fait de la sur-offre, nous vendons tous au même prix, avec des tarifs qui sont les mêmes qu'en 2019," déplore un patron de l'aérien.
La compagnie nationale empêche donc ses concurrents de se refaire une santé, en profitant de l'engouement des Français pour les vacances en 2022.
Lors du dernier congrès des Entreprises du Voyage à Punta Cana, Marc Rochet le directeur général d'Air Caraïbes en avait remis une couche pour dénoncer la situation ubuesque dans lequel se retrouvait le ciel français.
Une décision qui arrive au plus mauvais moment, pour des entreprises à la trésorerie pas toujours bien garnie, après deux ans de pandémie.
Alors que ces compagnies entrevoyaient la fin de la tempête "covid" et pouvaient espérer se refaire en partie la cerise sur l'été qui arrive, le gouvernement en a décidé autrement.
Pour certaines directions, il est mĂŞme venu le temps de tirer la sonnette d'alarme.
"Il n'est pas possible de rentabiliser une compagnie avec de tels tarifs. Vous rajoutez la pression des préfets et le fait que nous ne pouvons pas faire de double import... C'est compliqué," peste un responsable.
Cette augmentation va durablement pénaliser les acteurs du secteur, avec un fuel dépassant les 1400 dollars la tonne quand les business model initiaux avaient été conçus sur des montants avoisinant les 700 dollars.
Privés de ministre depuis avril dernier, les secteurs du transport et du tourisme n'ont plus de lobbyiste au plus haut sommet de l'Etat pour faire entendre leur (mauvais) sort.
D'autant que cette hausse tarifaire fait écho à une bataille que se livrent les compagnies pour prendre des parts de marché, notamment la plus grande d'entre elles : Air France.
A lire : Outre-mer : Corsair et Air Caraïbes vent debout contre... Air France 🔑
Celle-ci depuis l'été 2021 s'évertue inexorablement de plomber totalement le yield management, sur les lignes ultra-marines en mettant en place des surcapacités devenues mortifères pour les concurrentes.
"Air France a totalement anéanti le yield management, les tarifs ne reflètent plus du tout la réalité du marché. Du fait de la sur-offre, nous vendons tous au même prix, avec des tarifs qui sont les mêmes qu'en 2019," déplore un patron de l'aérien.
La compagnie nationale empêche donc ses concurrents de se refaire une santé, en profitant de l'engouement des Français pour les vacances en 2022.
Lors du dernier congrès des Entreprises du Voyage à Punta Cana, Marc Rochet le directeur général d'Air Caraïbes en avait remis une couche pour dénoncer la situation ubuesque dans lequel se retrouvait le ciel français.
Hausse du kérosène : une action en justice possible conte l'autorité de la concurrence
"A propos des surcapacités mises en place par Air France sur les DOM TOM, j'aimerais demander : qui paie cela ? Là où j’ai un problème c’est qu’Air France a redemandé 4 milliards d’euros et cela me gêne beaucoup.
Air France a reçu 18 milliards d'euros de la part de l'Etat, pour rappel le budget de la justice c’est 9 milliards."
Si sur ce sujet, le gouvernement est hermétique aux demandes des concurrents d'Air France et alors même que le sujet a été remonté à la Commission européenne, les transporteurs vont se liguer cette fois-ci pour faire infléchir la décision des préfets.
Tout d'abord, l'enjeu est de supprimer une majoration exceptionnelle de ces taxes, sans qu'il n'y ait eu véritablement de concertation en amont.
Une lettre a été envoyée à Agnès Pannier Runacher (ministre de la Transition énergétique), ayant les transports dans son portefeuille, et à Yaël Braun-Pivet (ministre des Outre-mer).
La missive, restée jusque-là lettre morte, avait pour but de rappeler l'impact d'une telle décision et mettre en exergue les "délais totalement déraisonnables" de sa mise en application.
Elle dénonce aussi "la compatibilité avec le droit de la concurrence de la mise en place d'un dispositif juridique ayant pour conséquence d'autoriser la SARA, à pratiquer un système de péréquation entre des produits administrés et des produits non réglementés comme le kérosène."
Pour résumer, les compagnies menacent le gouvernement en cas d'inaction, d'une action en justice contre l'autorité de la concurrence, afin de dénoncer la position de monopole de la SARA.
"Actuellement, nous explorons la voie juridique, afin d'attaquer l'abus de position dominante de cette entreprise, même si idéalement nous aimerions un retour en arrière, sans arriver à ce point de non-retour," affirme un représentant national des transporteurs.
Dans ces conditions, nous comprenons mieux le désistement de Tikehau dans le rapprochement ente Corsair et Air Austral, mais aussi les difficultés pour recapitaliser Air France...
Air France a reçu 18 milliards d'euros de la part de l'Etat, pour rappel le budget de la justice c’est 9 milliards."
Si sur ce sujet, le gouvernement est hermétique aux demandes des concurrents d'Air France et alors même que le sujet a été remonté à la Commission européenne, les transporteurs vont se liguer cette fois-ci pour faire infléchir la décision des préfets.
Tout d'abord, l'enjeu est de supprimer une majoration exceptionnelle de ces taxes, sans qu'il n'y ait eu véritablement de concertation en amont.
Une lettre a été envoyée à Agnès Pannier Runacher (ministre de la Transition énergétique), ayant les transports dans son portefeuille, et à Yaël Braun-Pivet (ministre des Outre-mer).
La missive, restée jusque-là lettre morte, avait pour but de rappeler l'impact d'une telle décision et mettre en exergue les "délais totalement déraisonnables" de sa mise en application.
Elle dénonce aussi "la compatibilité avec le droit de la concurrence de la mise en place d'un dispositif juridique ayant pour conséquence d'autoriser la SARA, à pratiquer un système de péréquation entre des produits administrés et des produits non réglementés comme le kérosène."
Pour résumer, les compagnies menacent le gouvernement en cas d'inaction, d'une action en justice contre l'autorité de la concurrence, afin de dénoncer la position de monopole de la SARA.
"Actuellement, nous explorons la voie juridique, afin d'attaquer l'abus de position dominante de cette entreprise, même si idéalement nous aimerions un retour en arrière, sans arriver à ce point de non-retour," affirme un représentant national des transporteurs.
Dans ces conditions, nous comprenons mieux le désistement de Tikehau dans le rapprochement ente Corsair et Air Austral, mais aussi les difficultés pour recapitaliser Air France...
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