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Présomption de démission : tout ce qu’il faut savoir sur l’abandon de poste en 2025 [ABO]

L'analyse de Marie-Laure Tarragano, directrice du pôle social du cabinet DTMV


Le Conseil d'Etat a validé, le 18 décembre dernier, le dispositif de la présomption de démission en cas d’abandon de poste. L'occasion pour notre experte en droit du travail, Marie-Laure Tarragano, d'apporter son éclairage suite à cette décision.


Rédigé par le Jeudi 30 Janvier 2025

Présomption de démission en cas d’abandon de poste : France Travail pourrait être amené à sanctionner les employeurs qui choisissent le licenciement pour « permettre » au salarié de bénéficier néanmoins des allocations chômage - DepositPhotos.com, belchonock
Présomption de démission en cas d’abandon de poste : France Travail pourrait être amené à sanctionner les employeurs qui choisissent le licenciement pour « permettre » au salarié de bénéficier néanmoins des allocations chômage - DepositPhotos.com, belchonock
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Depuis la Loi "marché du travail" (du 21 décembre 2022 portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi), le salarié qui abandonne volontairement son poste peut désormais être présumé démissionnaire !

Cette nouvelle procédure a un caractère dissuasif certain : le salarié présumé démissionnaire n’a pas droit à l’allocation d’assurance chômage.

La présomption de démission a donc un réel impact financier pour le salarié.


Par une toute récente décision du 18 décembre 2024 (n°473640), le Conseil d’Etat vient valider le dispositif de la présomption de démission tout en y apportant des précisions intéressantes !

TourMaG fait le point avec Maître Marie-Laure Tarragano, avocat associé (et Tanguy Berthu, avocat collaborateur) de DTMV AVOCATS, suite à cette toute récente décision.


TourMaG - La mise en œuvre de la présomption de démission est-elle une obligation ou l’employeur peut-il toujours faire un licenciement disciplinaire pour abandon de poste ?

Marie-Laure Tarragano :
La mise en œuvre par l’employeur de la procédure de démission présumée en cas d’abandon de poste n’est pas une obligation. En effet, la mise en œuvre de la procédure de présomption de démission est une faculté pour l’employeur.

D’une part, le Ministère du Travail indiquait que c’est seulement une possibilité : ainsi, dans un questions-réponses publié sur le site Internet du Ministère du travail, l'administration indiquait que « l'employeur qui constate un abandon de poste susceptible de mettre en jeu la présomption de démission n'a plus vocation à engager une procédure de licenciement pour faute ».

Mais ce questions-réponses a bizarrement et rapidement été dépublié ensuite.

D’autre part, la rédaction de l'article R.1237-13 du Code du travail sous-entend que l'employeur disposerait d'un choix (« l'employeur qui [...] entend faire valoir la présomption de démission »).

Enfin, aucune sanction n'est par ailleurs prévue à l'encontre de l'employeur qui opterait pour la voie disciplinaire au lieu de cette nouvelle procédure…

En l’absence de jurisprudence sur ce point, et compte tenu du caractère dérogatoire du dispositif de présomption de démission, la prudence commande d’attendre des précisions jurisprudentielles avant d’écarter définitivement la possibilité d’un licenciement pour faute grave ; mais de toute façon, pour l’une ou l’autre de ces procédures, la mise en demeure adressée au salarié absent de justifier l’absence ou réintégrer son poste est le même préalable obligatoire avant procédure.

Si la procédure est bien respectée, celle désormais prévue de présomption de démission est facilitée, les conséquences sont en plus du licenciement que le salarié ne pourra pas être éligible à France Travail.

Le salarié ne peut ainsi plus abandonner son poste et être admissible au chômage si c’est cette nouvelle procédure qui est choisie.

Le sujet est d’importance à cet égard, car certaines doctrines soulèvent que France Travail pourrait être amené à sanctionner les employeurs qui choisissent le licenciement pour « permettre » au salarié de bénéficier néanmoins des allocations chômage… et l’employeur de prendre donc le risque d’être condamné à un remboursement des allocations versées…


Lire aussi : Rupture conventionnelle : dans quel cas l'employeur peut-il demander son annulation

TourMaG - Quelle est la procédure à respecter pour que l’abandon de poste soit assimilé à une démission ?

Marie-Laure Tarragano :
Pour qu'un abandon de poste puisse être assimilé à une démission, l'employeur doit remplir les deux conditions cumulatives suivantes :

- avoir respecté la procédure de mise en demeure en vigueur ;

- et s'être assuré que le salarié n'a pas invoqué un motif légitime justifiant son absence.

Sur la première condition de mise en demeure, l’employeur qui entend faire jouer la présomption de démission, doit mettre en demeure le salarié par lettre recommandée (obligatoirement) :

- de justifier son absence ;

- de reprendre le travail sous un délai qui ne peut être inférieur à 15 jours calendaires (weekend et jours fériés compris).

La mise en demeure doit obligatoirement comporter l’information explicite que le salarié sera considéré comme démissionnaire à défaut de reprise du travail ou de justification d’un motif légitime dans le délai imparti (CE, 18 décembre 2024, n°473640).

L’absence de cette information sur les conséquences de l’absence de réponse ou de reprise du travail empêcherait la présomption de démission de produire ses effets et exposerait l’employeur à un risque de requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le délai minimal de 15 jours commence à courir à compter de la date de présentation de la mise en demeure.

Sur la deuxième condition de mise en demeure - absence de motif légitime justifiant l’absence - le salarié ne doit pas justifier d’un motif légitime de nature à faire obstacle à la présomption de démission, notamment :

- des raisons médicales ;

- l'exercice de son droit de retrait ;

- l'exercice de son droit de grève ;

- le refus du salarié d'exécuter une instruction contraire à une réglementation ;

- et la modification du contrat de travail à l'initiative de l'employeur.

La réponse du salarié à la mise en demeure dans laquelle le salarié entend se prévaloir d'un motif légitime évoqué ci avant doit non seulement indiquer ledit motif, mais doit aussi intervenir dans le délai minimal de quinze jours calendaires.

TourMaG - Quelles sont les conséquences du défaut de réponse du salarié dans le délai imparti ?

Marie-Laure Tarragano :
Pendant la période d'absence non justifiée du salarié, son contrat de travail est suspendu. Par conséquent, il ne perçoit pas de rémunération.

L'expiration du délai pour répondre à la mise en demeure de l’employeur fait courir le point de départ du préavis que le salarié est censé exécuter.

Le salarié présumé démissionnaire n’a pas droit à l’allocation d’assurance chômage. L’employeur remet au salarié, comme pour n'importe quelle démission, ses documents de fin de contrat (certificat de travail, reçu pour solde de tout compte, attestation d’assurance chômage).


TourMaG - Enfin, quel est l’apport de la toute récente décision du Conseil d’Etat du 18 décembre 2024 que vous évoquiez en début ?

Marie-Laure Tarragano :
Dans cette décision (CE, 18 décembre 2024), le Conseil d’Etat vient valider le dispositif de la présomption de démission tout en y apportant des précisions.

Concernant le point de départ du délai de 15 jours, le Conseil d’État valide le choix du décret de le faire courir à compter de la présentation de la mise en demeure et non de sa réception effective.

Le Conseil d’État apporte toutefois une précision essentielle concernant le contenu de la mise en demeure. Pour que la démission puisse être valablement présumée, le salarié doit nécessairement être informé, lors de la mise en demeure, des conséquences pouvant résulter de l’absence de reprise du travail sans motif légitime justifiant son absence.

Le Conseil d’État constate enfin que le Ministère du Travail ne s’est pas prononcé sur le choix entre la procédure disciplinaire et la procédure de présomption de démission : en effet, le questions-réponses mis en ligne par le Ministère du Travail a vite été retiré de son site Internet en juin 2023.

Ainsi très clairement, la décision du Conseil d’État, si elle valide le dispositif dans son ensemble, ouvre la voie à de nouveaux contentieux portant notamment sur :

- le caractère suffisant de l’information donnée au salarié sur les conséquences de son absence de réponse ;

- le point de départ effectif du délai de 15 jours en cas de non-distribution de la lettre recommandée ;

- l’appréciation du caractère légitime des motifs d’absence invoqués ;

- le choix entre la procédure disciplinaire et la procédure de présomption de démission.

Vigilance donc à la mise en œuvre de cette procédure très facile, mais dont il convient de bien respecter les conditions cumulatives pour son plein effet.

A défaut de bien respecter la procédure, la rupture serait considérée comme abusive sinon, avec les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse même si dans les faits le salarié ne se présente plus depuis longtemps…

Vigilance encore aux « arrangements » car France Travail pourrait être amené à sanctionner les employeurs qui choisissent le licenciement pour « permettre » au salarié de bénéficier néanmoins des allocations chômage… et l’employeur de prendre donc le risque d’être condamné à un remboursement des allocations versées….

Les deux parties doivent donc avoir bien conscience des enjeux !


Lire aussi : Emploi des seniors : quid du nouvel accord national interprofessionnel ?

Marie-Laure Tarragano - DR
Marie-Laure Tarragano - DR
Marie-Laure Tarragano, directrice du pôle social du cabinet DTMV est avocat en droit social individuel et collectif depuis plus de 25 ans.

Son cabinet est spécialiste du droit social dans la branche d’activité du tourisme, rédactrice de nombreux accords collectifs tant au niveau de la Branche Nationale du Tourisme que des entreprises du Tourisme de l’hôtellerie et de l’évènementiel.

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