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Défaillances : les faillites vont augmenter en 2024 🔑

Interview de Thierry Millon, directeur des études Altares, sur les défaillances d'entreprises


Selon la dernière étude Altares, le nombre de défaillances a augmenté de 23% au 3e trimestre 2023 par rapport à la même période en 2022. Les PME, premières victimes de défaillances, dont font partie bon nombre d’entreprises de l’industrie du tourisme, suscitent une attention particulière. TourMaG a fait le point avec Thierry Millon, directeur des études Altares.


Rédigé par le Vendredi 20 Octobre 2023

Si au 3e trimestre 2023, le nombre de défaillances augmente de 23% par rapport à 2022, pour la première fois depuis janvier 2022, la hausse générale ralentit - Depositphotos, Jesadaphorn
Si au 3e trimestre 2023, le nombre de défaillances augmente de 23% par rapport à 2022, pour la première fois depuis janvier 2022, la hausse générale ralentit - Depositphotos, Jesadaphorn
TourMaG - Avec 10 979 procédures ouvertes entre le 1er juillet et le 30 septembre 2023, le nombre de défaillances augmente de 23% par rapport au 3e trimestre 2022. Mais pour la première fois depuis janvier 2022, la hausse générale ralentit. C’est une bonne nouvelle ?

Thierry Millon :
Une bonne nouvelle, oui, mais ce n’est pas une surprise. Ce chiffre correspond à nos prévisions. Ce qui est un bon signal car cela veut dire que les entreprises tiennent d’abord parce que les acteurs auxquels elles doivent de l’argent acceptent de poursuivre l’effort de bienveillance.

Dans tous les secteurs, et encore plus dans ceux qui concentrent de petits acteurs, nous avons des défauts en nombre important, avec des tendances qui ralentissent uniquement parce que ceux de l’an dernier étaient élevés.

La baisse montre que nous nous rapprochons d’un plafond, d’un point d’atterrissage. C’est une bonne nouvelle ! Nous revenons à une situation d’avant Covid. En 2019, nous avions enregistré 52 000 défaillances.

TourMaG - Quelles sont les perspectives pour la fin d’année ?

Thierry Millon :
En début d’année, Altares avait prévu 55 000 faillites en 2023. A ce stade, nous sommes au point d’étape. Pas d’accélération, ni de dégradation.

Les faillites vont continuer à augmenter en 2024. Espérons que ce soit sur une tendance plus marquée sur le premier semestre que le second. Nous attendons du S2 qu’il nous confirme l’amélioration. Si nous pouvions avoir un plafond à l’été 2024, ce serait une belle et bonne surprise.

Si ça devait être le cas, nous pouvons imaginer passer de 55 000 faillites en 2023 à entre 57 000 à 58 000 faillites en 2024.

Nous sommes non seulement sous les 70 000 parfois évoquées par les politiques, mais aussi sous les 60 000 qui est la barre de référence de la période de la crise financière de 2008, période pendant laquelle nous avions dépassé ce seuil de 60 000 faillites. Il a fallu attendre 2016 pour redescendre en dessous.

Nous ne sommes pas sur des chiffres catastrophiques. Contrairement aux choses surprenantes que je peux lire sur le sujet de la faillite, laissant à penser que 2024 sera une année avec énormément de faillites. Mais gardons à l’esprit que nous entrons en période de campagne électorale.


Faillite des PME : "L’effet domino est inquiétant"

TourMaG - Les PME sont les premières victimes de défaillances...

Thierry Millon :
Les PME-ETI, dont font partie les agence de voyages, suscitent une attention particulière.

Très fragilisées dès 2022, elles représentent désormais 8,2% des défauts. C'est 2% de plus qu'à l’été 2019 et c'est aussi le taux le plus élevé depuis la crise financière. C’est une menace pour l’emploi.

Dans ces conditions, le nombre d'emplois menacés au 3e trimestre repasse la barre des 37 000 pour la première fois depuis sept ans.

La fragilité des PME a été largement commentée quand il s’agissait de l’habillement et de la chaussure, car ces enseignes sont très nombreuses à être tombées.

Mais cela ne doit pas faire oublier que d’autres secteurs à destination du consommateur sont concernés comme la restauration et le B2B.

Quand ces employeurs de proximité déposent le bilan sur un territoire, cela impacte immédiatement l’activité de l’entreprise, mais aussi des sous-traitants, des fournisseurs et même des activités annexes. Les salariés qui ont perdu leur emploi ne vont pas consommer. L’effet domino est inquiétant.

La croissance attendue l’an prochain est bien moins importante comparée à celle que nous avons eu cette année, qui était elle-même inférieure à 2022. Ce sera pareil en 2025.

En fin de quinquennat, il ne se passe plus grand-chose, l’économie internationale pourrait porter le business mais nous ne sommes pas sur cette dynamique. La Chine se cherche, et nos voisins immédiats, Allemands et Italiens, sont en difficulté. Seule l’Espagne ressemble à un îlot de verdure.

Tout cela nous amène à ne pas être rassurés sur la capacité des PME à tenir, pour autant elles ont tellement fait d’efforts jusqu’à maintenant que ça nous permet de penser que l’on va rester sur un trend délicat, mais pas de défaillances brutales.

L’inverse donnerait un mauvais signal pour le reste de l’économie.

PGE : "La deuxième moitié ne sera pas remboursée aussi facilement"

TourMaG - Les PME sont Ă©galement sous le coup des PGE...

Thierry Millon :
Fin juin 2023, la moitié du montant des PGE, soit un peu moins de 70 000 milliards d’euros, ont été remboursés.

Cette première moitié de remboursement s’est bien passée car les entreprises disposaient de niveaux de liquidités forts post-Covid, justement parce qu’elles avaient les aides, dans un contexte conjoncturel très favorable, avec une croissance très forte en 2021.

En 2022, la résistance était encore forte en dépit des contraintes internationales : Guerre en Ukraine, une politique zéro Covid en Chine encore extrêmement perturbante au premier semestre 2022.

Le second semestre 2022 a marqué une belle reprise, qui s’est confirmée en 2023. Aujourd’hui, on voit que la conjoncture a été fragilisée par l’augmentation des taux d’intérêt, là pour contraindre l’inflation.

A un moment, le B2B est à son tour rattrapé par les difficultés qui jusqu’à maintenant étaient concentrées sur le B2C. Nous y sommes.

Cette deuxième moitié de PGE, soit 70 000 milliards d’euros, ne sera pas remboursée aussi facilement que la première. Nous devons être attentifs, car si ces PME qui ont des PGE ne parviennent pas à les rembourser, cela va peser sur le budget de l’Etat, qui aura encore moins de marge de manœuvre pour accompagner les trous d’air économiques, des tensions géopolitiques ou une nouvelle épidémie.


TourMaG - Quid du tourisme ?

Thierry Millon :
Les entreprises souffrent car elles sont petites face à un consommateur qui n’est pas au rendez-vous. Mais le point de satisfaction ou d’encouragement c'est que dès qu’on travaille avec le particulier, dès qu’il y a un retournement de situation, le secteur en profite. C’est le cas de l’industrie du voyage.

TourMaG - Malgré tout, l’inflation, les crises géopolitiques… sont des freins ?

Thierry Millon :
L’inflation, le pouvoir d’achat, les contraintes géopolitiques, celles liées à l’environnement, la peur de l’attentat… peuvent être favorables au tourisme de proximité, mais pèsent sur le tourisme à destination de l’étranger et donc des agences, qui sont des structures de petites tailles.

La différence entre une entreprise qui va bien et une qui va moins bien est souvent de quelques milliers d’euros de chiffre d’affaires et non de millions.

Aujourd’hui, les chiffres ne sont pas encore noirs, ils ne sont pas catastrophiques. Dans certains secteurs comme la construction, poids lourd de l’économie, ils sont mêmes bons.

Sauf que dans ce secteur, l’investissement recule sur le particulier, qui n’achète pas car le bien coûte trop cher et le taux d’intérêt est prohibitif. Les taux d’endettement ne le permettent pas.

2024 : "Nous avons plutôt le sentiment (...) que le nombre de défaillances va baisser"

TourMaG - Quel est le poids de l’Urssaf ?

Thierry Millon :
Aujourd’hui, le taux d’impayés est un peu au-dessus de 1%. A titre de comparaison, pendant la pire période, celle du Covid, il était de 24%. Avant la crise sanitaire, ce taux était de 0,8%.

Pour autant, nous sommes en dessous de la période directe post Covid, 2021/2022, où nous sommes montés à près de 4%.

En octobre, les entrepreneurs font les budgets de 2024. Il y a une incertitude, quand on sait que l’on doit encore de l’argent aux Urssaf. L’inquiétude est qu’ils viennent la réclamer de façon plus ferme. Rien ne nous permet d’anticiper des augmentations brutales d’assignations.

Octobre est aussi le mois des rappels à cotisations. A la fin du mois, nous aurons une vision assez claire sur la capacité des secteurs et des entreprises à aller au bout de l’année.


TourMaG - Comment se profile 2024 ?

Thierry Millon :
La fin 2023 va dans son sillage donner le signal d’activité du début d'année 2024.

Notre pays ne connait pas à ce stade de craintes de récession. Par conséquent, tous les acteurs vont en profiter, dont la consommation des ménages.

Ce sont autant d’activités qui peuvent revenir aux loisirs et donc au voyage. Nous l’avons vu sur l’été. Nous savions qu’il n’y avait pas de budget, mais nous savions surtout que les Français n’allaient pas faire des économies sur le tourisme.

Noël est la prochaine échéance majeure. Si le rendez-vous est raté, on pourra se dire que c’est autant d’argent pour les soldes, et donc le commerce, ou alors que la situation est plus tendue qu’on l’imaginait.

Rien n’est gagné, mais à ce stade, nous avons plutôt le sentiment que l’on se rapproche du plafond, donc que le nombre de défaillances va baisser.


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