Salaires agences, conditions de travail : "Ce billet d’aujourd’hui n’est pas une attaque ad personam mais un cri du cœur" - Illustration RAF
Il y a 18 mois, j’ai fait un burn-out. J’évoque ce moment au passé parce que je suis à peu près guérie et je ne compte pas refaire un billet à ce propos.
J’ai souffert, je me suis requinquée, ça va mieux. Presque bien. Merci à mon super Big-Boss, à mes super collègues, à l’amour de ma vie, de m’avoir épaulée, préservée, soignée, aidée, sauvée. (aucune de ces mentions n’est inutile ; ne rayez rien.)
Je sais que j’ai un bon salaire, d’excellentes conditions de travail, un boss bienveillant et attentif… Bref, que je n’ai aucune raison de me plaindre de mon sort. Mais aujourd’hui, je suis en colère.
J’étais en janvier en voyage d’étude (dans une île, au soleil, et en long-courrier, ce genre de voyage où on n’envoie pas souvent des petits jeunes) et j’ai été confrontée à la misère de la vie professionnelle de certaines agents de voyages, toutes provinciales. Je peux te résumer le truc en deux mots : elles souffrent.
J’ai souffert, je me suis requinquée, ça va mieux. Presque bien. Merci à mon super Big-Boss, à mes super collègues, à l’amour de ma vie, de m’avoir épaulée, préservée, soignée, aidée, sauvée. (aucune de ces mentions n’est inutile ; ne rayez rien.)
Je sais que j’ai un bon salaire, d’excellentes conditions de travail, un boss bienveillant et attentif… Bref, que je n’ai aucune raison de me plaindre de mon sort. Mais aujourd’hui, je suis en colère.
J’étais en janvier en voyage d’étude (dans une île, au soleil, et en long-courrier, ce genre de voyage où on n’envoie pas souvent des petits jeunes) et j’ai été confrontée à la misère de la vie professionnelle de certaines agents de voyages, toutes provinciales. Je peux te résumer le truc en deux mots : elles souffrent.
Salaires agences : "C’est dur !"
Lors des épisodes malheureux des confinements, fermetures des frontières aux voyages aux motifs non-impérieux, couvre-feux et autres mesures de l’exécutif qui ont limité notre activité en 2020 et 2021 (et parfois jusqu’en 2022), nos entreprises ont été soutenues.
Nous, petites abeilles laborieuses de la première ligne, nous avons eu le maintien de 84% de nos salaires et même si nombre de nos patrons nous ont fait travailler sans vraiment nous déclarer présents (une pratique qui semble avoir été largement généralisée pendant genre 18 mois), il faut reconnaitre que nombre d’entre nous (agents de voyages expérimentés) sommes allés voir ailleurs comment nous pourrions être traités.
Et même si certains de ceux qui sont partis semblent avoir un brin de nostalgie, ils ne regrettent pas d’avoir bifurqué vers un nouveau secteur.
D’après ce que j’ai compris des feed-back de mes confrères (entre deux jus d’ananas parce que je n’ai pas repris l’alcool), c’est dur ! Alors, patron du tourisme, petit ou grand, laisse-moi STP te glisser quelques conseils pour éviter que toute la force commerciale te plante du jour au lendemain. Parce qu’elle sature, et qu’elle y pense sérieusement (à te planter).
Nous, petites abeilles laborieuses de la première ligne, nous avons eu le maintien de 84% de nos salaires et même si nombre de nos patrons nous ont fait travailler sans vraiment nous déclarer présents (une pratique qui semble avoir été largement généralisée pendant genre 18 mois), il faut reconnaitre que nombre d’entre nous (agents de voyages expérimentés) sommes allés voir ailleurs comment nous pourrions être traités.
Et même si certains de ceux qui sont partis semblent avoir un brin de nostalgie, ils ne regrettent pas d’avoir bifurqué vers un nouveau secteur.
D’après ce que j’ai compris des feed-back de mes confrères (entre deux jus d’ananas parce que je n’ai pas repris l’alcool), c’est dur ! Alors, patron du tourisme, petit ou grand, laisse-moi STP te glisser quelques conseils pour éviter que toute la force commerciale te plante du jour au lendemain. Parce qu’elle sature, et qu’elle y pense sérieusement (à te planter).
Salaires, temps de travail... les conseils de Léa aux boss du tourisme
Le salaire : il y a déjà 4 ou 5 ans, j’écrivais dans ces lignes que gagner 2000 € bruts par mois devrait être le minimum. 2000 € bruts, ça fait environ 1500 € nets. Le SMIC est désormais à 1766,92 €.
Cette année, Big-Boss Voyage forme une alternante. La jeune fille (elle a 21 ans et n’a pas fini ses études) gagne 1340 € nets. Vous rendez-vous compte du faible écart entre une alternante (par définition, pas encore formée) et une agent de comptoir avec des années d’expérience ?
Les horaires de travail : patrons, rappelez-vous que la durée légale du travail, en France, depuis l’an 2000, c’est 35 heures ! Les 3/4 des filles que j’ai rencontrées sont officiellement aux 39 heures par semaine… mais en font au moins 45 !
La faute au sous-effectif : quand on se trouve seul ou à deux dans un point de vente, on fait comment pour travailler avec un peu de sérénité ?
Payez au moins, les heures supplémentaires ! il me semble que c’est prévu dans la loi, non ?
Les demandes fantaisistes : dans beaucoup d’agences, un client qui entre dans un point de vente doit en sortir avec la promesse d’une proposition : mais comment on fait quand on nous demande un truc hyper pointu et qu’on n’a ni expertise produit, ni personne ressource fiable pour nous aider ?
C’est safe de louer une voiture dans la région du café en Colombie ? Sur le circuit Vietnam du TO, un hôtel n’a que 8/10 sur booking ; vous-être certaine qu’il est bien ? Et cet hôtel 2* en altitude, loin de tout mais indispensable dans ce circuit à la découverte d’une zone isolée, il a bien du chauffage ?
Franchement, parfois, se concentrer sur ce qu’on sait faire permet d’être plus productif…
Les après-vente : un salarié à la vente ne devrait pas être confronté aux réclamations. Et pourtant, toute le monde se défausse sur le vendeur, toujours en première ligne. « T'as mal informé le client ».
Mais informé de quoi ? Que le plan de vol allait changer 3 fois à moins de 15 jours du départ ? Qu’un charter pouvait faire un double-toucher et arriver en milieu de nuit ? Que le manager du F & B avait 6 $ par personne et par jour pour faire tourner sa cuisine ?
Si vous voulez qu’on vende, déchargez-nous au moins de l’après-vente. Pour traiter des après-ventes, il faut avoir des compétences que n’ont pas forcément des vendeurs !
La solitude et le désarroi : quand on est seul(e) en agence, et qu’un format Amadeus bloque, qu’un client est menaçant, que 2 lignes de téléphone sonnent, juste quand on a trrrrès envie de faire pipi, on fait quoi ? On souffre !
Et accessoirement, on attrape une cystite… mais on ne va pas chez le médecin.
Forcément, on ne peut pas se permettre d’assumer un arrêt-maladie : pour sa collègue (quand on en a une), pour ses clients, par « conscience professionnelle » alors qu’on est payé moins de 1500 € nets par mois…
Cette année, Big-Boss Voyage forme une alternante. La jeune fille (elle a 21 ans et n’a pas fini ses études) gagne 1340 € nets. Vous rendez-vous compte du faible écart entre une alternante (par définition, pas encore formée) et une agent de comptoir avec des années d’expérience ?
Les horaires de travail : patrons, rappelez-vous que la durée légale du travail, en France, depuis l’an 2000, c’est 35 heures ! Les 3/4 des filles que j’ai rencontrées sont officiellement aux 39 heures par semaine… mais en font au moins 45 !
La faute au sous-effectif : quand on se trouve seul ou à deux dans un point de vente, on fait comment pour travailler avec un peu de sérénité ?
Payez au moins, les heures supplémentaires ! il me semble que c’est prévu dans la loi, non ?
Les demandes fantaisistes : dans beaucoup d’agences, un client qui entre dans un point de vente doit en sortir avec la promesse d’une proposition : mais comment on fait quand on nous demande un truc hyper pointu et qu’on n’a ni expertise produit, ni personne ressource fiable pour nous aider ?
C’est safe de louer une voiture dans la région du café en Colombie ? Sur le circuit Vietnam du TO, un hôtel n’a que 8/10 sur booking ; vous-être certaine qu’il est bien ? Et cet hôtel 2* en altitude, loin de tout mais indispensable dans ce circuit à la découverte d’une zone isolée, il a bien du chauffage ?
Franchement, parfois, se concentrer sur ce qu’on sait faire permet d’être plus productif…
Les après-vente : un salarié à la vente ne devrait pas être confronté aux réclamations. Et pourtant, toute le monde se défausse sur le vendeur, toujours en première ligne. « T'as mal informé le client ».
Mais informé de quoi ? Que le plan de vol allait changer 3 fois à moins de 15 jours du départ ? Qu’un charter pouvait faire un double-toucher et arriver en milieu de nuit ? Que le manager du F & B avait 6 $ par personne et par jour pour faire tourner sa cuisine ?
Si vous voulez qu’on vende, déchargez-nous au moins de l’après-vente. Pour traiter des après-ventes, il faut avoir des compétences que n’ont pas forcément des vendeurs !
La solitude et le désarroi : quand on est seul(e) en agence, et qu’un format Amadeus bloque, qu’un client est menaçant, que 2 lignes de téléphone sonnent, juste quand on a trrrrès envie de faire pipi, on fait quoi ? On souffre !
Et accessoirement, on attrape une cystite… mais on ne va pas chez le médecin.
Forcément, on ne peut pas se permettre d’assumer un arrêt-maladie : pour sa collègue (quand on en a une), pour ses clients, par « conscience professionnelle » alors qu’on est payé moins de 1500 € nets par mois…
Prendre soin de son personnel
Alors petit ou grand patron du tourisme, je t’en conjure : débrouille-toi pour qu’il n’y ait jamais qu’une personne au comptoir (surtout quand c’est une jeune femme fragile), paye honnêtement ton personnel, forme-le, décharge-le des tâches non-commerciales, invente des solutions pour que le travail de chacun soit vérifié par un autre (en toute bienveillance et pour éviter qu’une petite erreur n’ait de conséquence dramatique…) et surtout… prends soin de ton personnel, sans lequel le chiffre d’affaires de ton point de vente ne sera rien.
Mon billet d’aujourd’hui n’est pas une attaque ad personam mais un cri du cœur. Je sais que ça n’est pas facile non plus pour les patrons, que vos responsabilités sont énormes, que les marges de nos agences sont faibles et que vous êtes écrasés par l’administratif…
Mais comprenez que les salaires de misère (que dis-je, les aumônes) reçus par vos vendeuses sont indignes au regard de leur disponibilité, leur technicité et leur responsabilité.
A l’heure où les Entreprises du Voyage ont accepté une revalorisation de salaire de 4,35% à 6,74% pour les catégories A à D, regardez les descriptifs de poste et passez vos responsables d’agence à la catégorie E : le salaire minimum conventionnel base 35h est de 2110 € (plus la prime d’ancienneté), et payez les heures supp' que doivent faire vos employés pour assurer le service de votre agence.
Mon billet d’aujourd’hui n’est pas une attaque ad personam mais un cri du cœur. Je sais que ça n’est pas facile non plus pour les patrons, que vos responsabilités sont énormes, que les marges de nos agences sont faibles et que vous êtes écrasés par l’administratif…
Mais comprenez que les salaires de misère (que dis-je, les aumônes) reçus par vos vendeuses sont indignes au regard de leur disponibilité, leur technicité et leur responsabilité.
A l’heure où les Entreprises du Voyage ont accepté une revalorisation de salaire de 4,35% à 6,74% pour les catégories A à D, regardez les descriptifs de poste et passez vos responsables d’agence à la catégorie E : le salaire minimum conventionnel base 35h est de 2110 € (plus la prime d’ancienneté), et payez les heures supp' que doivent faire vos employés pour assurer le service de votre agence.
J'ai pris ma calculatrice !
J’ai fait un calcul : si un chef d’agence qui a 10 ans d’ancienneté travaille 39h, ça fait donc un salaire minimum calculé de :
- base 2110 € (soit 2110 /151,67) = 13,91 € de l’heure
- heures supplémentaires (17,33 x 13,91 x 1,25 car les heures supp sont majorées) : 301 €
- prime d’ancienneté : 21,10 € x 10 ans = 211 €
Le salaire minimum est donc de 2622 €. Un salaire qu’aucune de mes petites camarades de voyage avec qui je suis partie en voyage d’étude le mois dernier, ne touche.
Et n’oubliez pas que ce minimum conventionnel n’est qu’un plancher sous lequel vous n’avez pas le droit de payer quelqu’un : rien ne vous empêche de payer davantage et rappelez-vous que c’est humiliant pour un salarié de ne recevoir « que » le salaire plancher que la réglementation prévoit.
- base 2110 € (soit 2110 /151,67) = 13,91 € de l’heure
- heures supplémentaires (17,33 x 13,91 x 1,25 car les heures supp sont majorées) : 301 €
- prime d’ancienneté : 21,10 € x 10 ans = 211 €
Le salaire minimum est donc de 2622 €. Un salaire qu’aucune de mes petites camarades de voyage avec qui je suis partie en voyage d’étude le mois dernier, ne touche.
Et n’oubliez pas que ce minimum conventionnel n’est qu’un plancher sous lequel vous n’avez pas le droit de payer quelqu’un : rien ne vous empêche de payer davantage et rappelez-vous que c’est humiliant pour un salarié de ne recevoir « que » le salaire plancher que la réglementation prévoit.