Air Caraïbes : "Nous voulons une concurrence équitable !" 🔑

Interview de Christine Ourmières-Widener, directrice générale d’Air Caraïbes

C'est peu de dire que notre édito "Air Austral - Corsair : pour 350 millions d'euros... t'as plus rien", a été moyennement apprécié par les directions des compagnies concernées. Du côté de Corsair, les dirigeants ont fustigé un timing désastreux, alors que l'Europe ouvre le dossier de la recapitalisation. Pour Air Caraïbes, il n'est pas question de tuer l'une ou l'autre de ses concurrentes, rappelle Christine Ourmières-Widener à propos de la position du groupe Dubreuil sur le sauvetage de Corsair.

Rédigé par Romain POMMIER le Mercredi 14 Février 2024

Sur Corsair et Air Austral : "nous ne voulons pas la mort de nos concurrents, nous voulons de l'équité" explique Christine Ourmières-Widener, Directrice Générale d’Air Caraïbes - DR

TourMaG.com - Dans notre notre édito, nous avons sous-entendu qu'Air Caraïbes était prête "à envoyer au tapis l'une de ses deux concurrentes". Vous avez souhaité réagir, pourquoi ?

Christine Ourmières-Widener : Vous donnez une position que je n'ai jamais exprimée, c'est embêtant.

Depuis le début, je maintiens la même version : nous voulons l'équité de traitement. Cette équité est importante, car aujourd'hui toute intervention publique peut entrainer une distorsion de concurrence.

Nous savons choisir nos batailles, la nôtre repose sur la concurrence la plus saine possible.

En tant que dirigeante d'une compagnie privée, ayant gagné de l'argent avant le covid, mais aussi après, vous pouvez imaginer que nos salariés souhaitent que nous défendions notre entreprise. Surtout qu'ils ont dû se serrer la ceinture durant la pandémie.

Nous devons nous positionner par rapport à eux. Par contre, nous ne voulons pas la mort de nos concurrents. Je n'ai jamais dit ça.

Nous sommes concurrents, nous voulons de l'équité, pour éviter toute distorsion de concurrence. Nous interviendrons sur ces sujets-là.

"Que le plan de Corsair soit validé ou non, nous interviendrons !"

TourMaG.com - Quel est votre rayon d'action ?

Christine Ourmières-Widener : Que le plan de Corsair soit validé ou non, nous interviendrons auprès des entités concernées. La Commission va ouvrir une enquête approfondie, et nous aurons alors l'occasion de nous exprimer et nous le ferons.

Nous attendons la publication de l'opinion de la Commission, pour expliquer pourquoi ils entament cette procédure approfondie.

Vous vous doutez bien que nous allons instruire le plus possible le dossier, .

Nous sommes dans une position qui permet à l'ensemble des acteurs de retravailler avec des résultats positifs, mais l'équilibre est mince, c'est dur. L'année 2023 a réinstauré une dynamique positive dans l'industrie.

TourMaG.com - Comment allez-vous instruire le dossier ?

Christine Ourmières-Widener : Habituellement, la Commission européenne ouvre une période durant laquelle, nous pouvons lui envoyer des éléments.

Les fonctionnaires compilent les informations, puis ils discutent avec l'Etat français. Nous interviendrons durant la fenêtre qui nous permettra d'envoyer les éléments sur les points listés dans l'argumentaire de la Commission.

Nous allons y passer du temps. Nous voulons que l'instruction soit claire et basée sur les vrais chiffres de l'industrie.

Christine Ourmières-Widener : "Nous irons étape par étape"

TourMaG.com - Vous voulez éviter toute distorsion de concurrence, c'est votre argumentaire, sauf que l'Etat ne va pas vous verser de l'argent juste pour compenser le fait qu'il en verse à Corsair et Air Austral...

Christine Ourmières-Widener : Ce principe-là est quand même étrange, vous voulez dire que nous ne prêtons qu'aux mauvais élèves.

C'est l'anti bon point.

L'équité ça peut être l'élaboration d'une mesure de remède, comme la limitation de la taille de la flotte, remise de slots, optimisation du réseau, etc.

TourMaG.com - Vous vous limitez plus ou moins à ce genre d'action à l'encontre de Corsair ? Ou vous pourriez porter l'affaire au niveau de la Cour de justice européenne, comme Ryanair ?

Christine Ourmières-Widener : Nous procéderons étape par étape.

Nous attendons la position officielle de la Commission. Nous n'avons pas pris de décision. Nous nous focalisons sur les éléments que nous allons transmettre à l'Europe.

Cela va représenter beaucoup de travail.

TourMaG.com - Pourriez-vous aller jusqu'à faire capoter le tour de table de Corsair ?

Christine Ourmières-Widener : Dans notre industrie cela ne se passe pas vraiment comme cela.

Nous voulons que les décisions prises permettent à la compagnie de se restructurer et lui permettent d'être viable. Nous ne voulons pas voir des emplois disparaître en France. Nous connaissons l'impact de l'industrie sur l'économie, ce n'est pas le sujet.

"Il est compliqué de restructurer une compagnie avec une histoire"

TourMaG.com - Puis il vaut mieux avoir pour adversaire Corsair, que Lufthansa, Norse ou Jet Blue ?

Christine Ourmières-Widener : Vous avez totalement raison, chaque scénario a ses propres risques. Nous les avons étudiés.

TourMaG.com - D'autant que dans le même temps, Air Austral montre des signes inquiétants. Le marché pourrait se resserrer...

Christine Ourmières-Widener : Vous parlez de la compagnie des Réunionnais, je la vois mal aller au tapis.

Un plan sera mis en place pour se sortir de ce mauvais pas. Je ne dis pas que le dossier est facile, il est compliqué de restructurer une compagnie avec une histoire.

C'est pour cela que les mesures doivent être contraignantes. Nous parlons de sommes énormes, à l'heure où vous avez de nombreux secteurs économiques en mal de budget.

Dans nos métiers, pour durer, il n'y a pas beaucoup de secrets, il faut gérer au mieux : les coûts, les coûts et les coûts. Sans maitriser les coûts, vous ne faites pas de marge.

TourMaG.com - Est-ce le problème de vos deux concurrentes ?

Christine Ourmières-Widener : Je dirais que c'est le mal de l'aérien d'une façon générale.

Les coûts représentent la principale difficulté des compagnies qui ont une longue histoire. Elles trainent des années d'accords d'entreprise, avec les salariés, des difficultés à se remettre en cause, une gestion du changement difficile, etc.

Le changement est possible pour toutes les compagnies, mais il peut être brutal et ce sera à la Commission d'envoyer le bon message.

"Le plan de transformation est lourd et rigoureux à mettre en place"

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TourMaG.com - Cette même Commission a validé le plan de restructuration d'Air Austral et cela n'a pas empêché la compagnie de se retrouver dans une situation compliquée...

Christine Ourmières-Widener : La communication est très importante.

Air Austral a un gros travail de fond à faire avec les organisations syndicales et leur structure. Ils ont aussi recruté une nouvelle directrice commerciale, une nouvelle personne sur la partie client, donc ils évoluent.

Le plan de transformation sera lourd et rigoureux à mettre en place.

TourMaG.com - Nous avons pas mal parlé de vos concurrentes, quels sont les travaux menés actuellement au sein d'Air Caraïbes ?

Christine Ourmières-Widener : Nous optimisons notre réseau et faisons évoluer nos outils digitaux, mais aussi les services à nos clients.

Je ne suis pas venue pour révolutionner Air Caraïbes, mais pour optimiser la machine et ce n'est pas une mince affaire. Cela représente beaucoup de travail. Nous réfléchissons à l'utilisation de l'intelligence artificielle dans le revenue management.

Nos équipes comptent de grands professionnels, mais nous recréons une équipe aux USA, et nous réaménageons l'organisation commerciale.

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Nous devons aussi recruter un certain nombre de talents, car nous en avons perdu durant le covid. Il n'y a pas de changement drastique, mais des évolutions d'équipes qui ont été stoppées.