En raison de la pandémie, la Commission européenne veut réduire le risque des clients en réduisant "drastiquement" les acomptes, les pros du tourisme sont vent debout - Crédit photo : Depositphotos @unkreatives
Le secteur du tourisme est en pleine euphorie.
Les réservations sont au rendez-vous, les agences accueillent de nombreux clients et les destinations allègent leurs protocoles sanitaires. Le ciel est plus que dégagé pour une industrie qui retrouve un grand et franc soleil.
Et pourtant, il subsiste bien quelques ombres au tableau. Que ce soit en France ou ailleurs en Europe, les caisses de garantie ont été sérieusement ébranlées, par la pandémie.
Alors que la Commission européenne auditionne toutes les parties prenantes de la directive du voyage à forfait, il se pourrait bien qu'il y ait du changement dans l'air au niveau des flux financiers.
"L'instance n'ose pas trop en parler, mais elle a bel et bien l'intention de limiter drastiquement les acomptes clients.
Tout le secteur marchand fonctionne avec des acomptes et une limitation devra être analysée en fonction des marchés," nous rapporte-t-on tout droit de Bruxelles.
En effet, dans le cadre des travaux pour éviter qu'une nouvelle crise mette à genoux l'industrie touristique, la Commission souhaite limiter le risque client et celui des garants assurant les acteurs du voyage.
Qu'en pense le secteur ? Nous avons interrogé les principaux concernés.
Les réservations sont au rendez-vous, les agences accueillent de nombreux clients et les destinations allègent leurs protocoles sanitaires. Le ciel est plus que dégagé pour une industrie qui retrouve un grand et franc soleil.
Et pourtant, il subsiste bien quelques ombres au tableau. Que ce soit en France ou ailleurs en Europe, les caisses de garantie ont été sérieusement ébranlées, par la pandémie.
Alors que la Commission européenne auditionne toutes les parties prenantes de la directive du voyage à forfait, il se pourrait bien qu'il y ait du changement dans l'air au niveau des flux financiers.
"L'instance n'ose pas trop en parler, mais elle a bel et bien l'intention de limiter drastiquement les acomptes clients.
Tout le secteur marchand fonctionne avec des acomptes et une limitation devra être analysée en fonction des marchés," nous rapporte-t-on tout droit de Bruxelles.
En effet, dans le cadre des travaux pour éviter qu'une nouvelle crise mette à genoux l'industrie touristique, la Commission souhaite limiter le risque client et celui des garants assurant les acteurs du voyage.
Qu'en pense le secteur ? Nous avons interrogé les principaux concernés.
Acomptes : "une limitation peut-être, une suppression certainement pas !"
Du côté des lobbyistes du secteur, cette intention a bien été enregistrée, nous explique-t-on.
"Nous sommes ouverts au dialogue au sujet d'une limitation, par contre sur une suppression, certainement pas," poursuit, ce fin observateur de l'actualité européenne.
Pour rappel, en France, les acomptes clients tournent autour des 30%.
Il s'agit d'une somme permettant de bloquer les sièges dans les avions, de verser une partie aux réceptifs ou fournisseurs à destination. La première ébauche de la réforme est attendue pour 2023. La mise en œuvre ne sera pas effective avant 2025.
Pour Jean-Pierre Mas, Président des Entreprises du voyage il n'est pas encore temps de s'inquiéter.
"D'ici là, l'institution va nous interroger et s'intéresser à la façon dont fonctionnent les flux de trésorerie. Elle aura alors une meilleure vision du secteur," relativise-t-il.
A lire : Délais de paiement Agences - Producteurs : "Nous sommes assis sur un baril de TNT !"
Pour autant, le président d'EdV qui passera la main en 2023, alerte sur le danger que représenterait une telle perspective. Sans ces acomptes ou alors fortement réduits, non seulement les agences se retrouveront avec une trésorerie considérablement affaiblie, mais elles ne pourront plus abonder les comptes des hôteliers, agences de voiture de location ou autres prestataires à l'étranger, analyse-t-il.
"Il faut être réaliste, pour réserver un voyage dans 6 mois, rien que pour bloquer le prix du transport aérien dans le forfait, il est nécessaire de payer le billet d'avion à la réservation."
"Nous sommes ouverts au dialogue au sujet d'une limitation, par contre sur une suppression, certainement pas," poursuit, ce fin observateur de l'actualité européenne.
Pour rappel, en France, les acomptes clients tournent autour des 30%.
Il s'agit d'une somme permettant de bloquer les sièges dans les avions, de verser une partie aux réceptifs ou fournisseurs à destination. La première ébauche de la réforme est attendue pour 2023. La mise en œuvre ne sera pas effective avant 2025.
Pour Jean-Pierre Mas, Président des Entreprises du voyage il n'est pas encore temps de s'inquiéter.
"D'ici là, l'institution va nous interroger et s'intéresser à la façon dont fonctionnent les flux de trésorerie. Elle aura alors une meilleure vision du secteur," relativise-t-il.
A lire : Délais de paiement Agences - Producteurs : "Nous sommes assis sur un baril de TNT !"
Pour autant, le président d'EdV qui passera la main en 2023, alerte sur le danger que représenterait une telle perspective. Sans ces acomptes ou alors fortement réduits, non seulement les agences se retrouveront avec une trésorerie considérablement affaiblie, mais elles ne pourront plus abonder les comptes des hôteliers, agences de voiture de location ou autres prestataires à l'étranger, analyse-t-il.
"Il faut être réaliste, pour réserver un voyage dans 6 mois, rien que pour bloquer le prix du transport aérien dans le forfait, il est nécessaire de payer le billet d'avion à la réservation."
Réduction des acomptes : "une fragilisation du secteur"
Ainsi, l'agent de voyage se retrouvera à faire une avance pour le client, afin de réserver un séjour.
Du côté de Richard Vainopoulos, Président de Tourcom les conséquences de ce changement de paradigme seront bien plus importantes.
"Une agence de voyages supporte le risque, que ce soit un client qui ne paye pas ou sur l'aérien, avec de nombreux billets non remboursables.
Aux Maldives, les hôtels sont payés cash, les USA sont payés en avance, sans acomptes suffisants, les entreprises ne pourront pas vivre," affirme Richard Vainopoulos.
Une chose est sûre : si une telle mesure est adoptée, elle ne renforcera pas une profession qui doit faire face au remboursement des PGE et se retrouve, pour partie, en zone rouge.
L'adoption d'une telle mesure pourrait alors être catastrophique.
"Nous allons nous retrouver avec des cas, où les acomptes versés par les professionnels seront supérieurs à ceux déposés par les clients. Nous allons avoir un risque de fragilisation et de danger des agences," analyse Jean-Pierre Mas.
Ce n'est pas tout, la difficulté pourrait même frapper une partie saine des points de vente physiques, puisque certains utilisent ces montants pour faire la jonction entre le moment où le client réserve et son départ.
La cavalerie n’est pas une bonne pratique en terme de gestion des entreprises, mais il existe forcément un juste milieu.
"C'est un très mauvais projet, surtout pour le business model français, où les agences de voyages touchent pas mal. Puis les caisses de garantie n'auront plus rien à assurer," prédit l'observateur européen.
Et c'est bien sur les flux de trésorerie que pèse le plus gros du sujet.
Du côté de Richard Vainopoulos, Président de Tourcom les conséquences de ce changement de paradigme seront bien plus importantes.
"Une agence de voyages supporte le risque, que ce soit un client qui ne paye pas ou sur l'aérien, avec de nombreux billets non remboursables.
Aux Maldives, les hôtels sont payés cash, les USA sont payés en avance, sans acomptes suffisants, les entreprises ne pourront pas vivre," affirme Richard Vainopoulos.
Une chose est sûre : si une telle mesure est adoptée, elle ne renforcera pas une profession qui doit faire face au remboursement des PGE et se retrouve, pour partie, en zone rouge.
L'adoption d'une telle mesure pourrait alors être catastrophique.
"Nous allons nous retrouver avec des cas, où les acomptes versés par les professionnels seront supérieurs à ceux déposés par les clients. Nous allons avoir un risque de fragilisation et de danger des agences," analyse Jean-Pierre Mas.
Ce n'est pas tout, la difficulté pourrait même frapper une partie saine des points de vente physiques, puisque certains utilisent ces montants pour faire la jonction entre le moment où le client réserve et son départ.
La cavalerie n’est pas une bonne pratique en terme de gestion des entreprises, mais il existe forcément un juste milieu.
"C'est un très mauvais projet, surtout pour le business model français, où les agences de voyages touchent pas mal. Puis les caisses de garantie n'auront plus rien à assurer," prédit l'observateur européen.
Et c'est bien sur les flux de trésorerie que pèse le plus gros du sujet.
"Les Etats veulent se désengager de la garantie finale des acomptes"
Les agences de voyages ont par moments des besoins en fonds de roulement assez conséquents.
"C'est un non-sens.
Outre le fait que ces sommes nous permettent de faire tampon, cela permet surtout d'engager les clients et qu'ils ne soient pas trop volatils. Malheureusement nous constatons que le lobby des consommateurs est très puissant," nous confie un agent de voyages.
Si les voyageurs ne sont plus du tout engagés, alors ils pourront à loisir annuler au dernier moment leurs séjours.
Le remède serait alors même pire que le virus lui-même.
"Je vois dans cette idée, une façon pour les Etats de se déresponsabiliser de la protection acomptes clients, puisque la garantie finale leur revient. Au regard de ce qu'il va se passer dans les mois qui viennent, il est évident de comprendre qu'ils veuillent se désengager un peu.
Même en France , il y aura des défaillances," estime François Piot, Président de Prêt-à-Partir.
Entre les PGE à rembourser, une rentrée qui s'annonce socialement et économiquement tendue, puis un mois de septembre toujours critique pour l'industrie, avec des trésoreries vidées des départs estivaux... l'automne à venir pourrait être difficile.
Surtout ce projet en dit long sur la vision qu'à l'Europe sur les caisses de garantie.
"Réduire les acomptes revient à dire que l'Europe n'a pas confiance dans le système de garantie et c'est le monde à l'envers.
Cela pourrait tuer une partie de la distribution et ce n'est dans l'intérêt de personne," mesure Emmanuel Foiry, le patron de Kuoni et vice-président du SETO.
Si l'Union européenne se montre peu sûre dans les outils permettant d'assurer l'argent des clients, la proposition de Laurent Abitbol ne parait plus aussi farfelue.
Pour l'instigateur du débat en France, la question ne se pose même pas.
Non seulement, il va falloir limiter la garantie pour les voyages, mais en plus laisser la distribution faire ce qu'elle veut.
"C'est un non-sens.
Outre le fait que ces sommes nous permettent de faire tampon, cela permet surtout d'engager les clients et qu'ils ne soient pas trop volatils. Malheureusement nous constatons que le lobby des consommateurs est très puissant," nous confie un agent de voyages.
Si les voyageurs ne sont plus du tout engagés, alors ils pourront à loisir annuler au dernier moment leurs séjours.
Le remède serait alors même pire que le virus lui-même.
"Je vois dans cette idée, une façon pour les Etats de se déresponsabiliser de la protection acomptes clients, puisque la garantie finale leur revient. Au regard de ce qu'il va se passer dans les mois qui viennent, il est évident de comprendre qu'ils veuillent se désengager un peu.
Même en France , il y aura des défaillances," estime François Piot, Président de Prêt-à-Partir.
Entre les PGE à rembourser, une rentrée qui s'annonce socialement et économiquement tendue, puis un mois de septembre toujours critique pour l'industrie, avec des trésoreries vidées des départs estivaux... l'automne à venir pourrait être difficile.
Surtout ce projet en dit long sur la vision qu'à l'Europe sur les caisses de garantie.
"Réduire les acomptes revient à dire que l'Europe n'a pas confiance dans le système de garantie et c'est le monde à l'envers.
Cela pourrait tuer une partie de la distribution et ce n'est dans l'intérêt de personne," mesure Emmanuel Foiry, le patron de Kuoni et vice-président du SETO.
Si l'Union européenne se montre peu sûre dans les outils permettant d'assurer l'argent des clients, la proposition de Laurent Abitbol ne parait plus aussi farfelue.
Pour l'instigateur du débat en France, la question ne se pose même pas.
Non seulement, il va falloir limiter la garantie pour les voyages, mais en plus laisser la distribution faire ce qu'elle veut.
Acomptes : un problème de caisse de garantie ?
"Le commerce est libre, en France. La Commission européenne ne peut pas nous limiter.
Nous pouvons prendre autant d'acomptes que nous voulons et le client est libre de refuser. Les 30% ne sont pas inscrits dans la loi, c'est une recommandation des EDV," recadre Laurent Abitbol.
Le Lyonnais ne souhaite pas entendre parler de cette réforme, tout comme le président de Tourcom.
Selon ce dernier l'Union européenne n'a pas à décider, mais en plus si demain elle plafonne les acomptes à 10%," je donnerais la consigne de rester à 30%, notre produit est risqué," surenchérit Richard Vainopoulos.
Pour lui le vrai sujet étant celui de l'APST (limitation de la garantie des agences) sur lequel le patron de Marietton travaille depuis plusieurs mois et des bonnes nouvelles sont attendues prochainement.
Et le patron du réseau de prospecter.
"Entre vouloir protéger les consommateurs et leur donner tous les droits, ce n'est pas la même chose. De plus, ce sera une catastrophe pour tous les commerces.
En Allemagne, le client verse l'argent directement au tour-opérateur, or si ce dernier se plante, le consommateur n'a plus que ses yeux pour pleurer."
Outre-Rhin, l'Etat allemand a dû mettre la main à la poche au moment de la faillite de Thomas Cook.
Ce n'est pas tout, pour l'heure les producteurs ne sont pas garantis par une caisse et la réassurance publique n'est qu'un mirage en France.
Alors demain, l'Europe pourra-t-elle imposer un seul et unique modèle au sein de l'Union ? Le débat est ouvert, il est encore temps pour les professionnels d'agir.
Il restera à régler celui de la protection des professionnels.
Nous pouvons prendre autant d'acomptes que nous voulons et le client est libre de refuser. Les 30% ne sont pas inscrits dans la loi, c'est une recommandation des EDV," recadre Laurent Abitbol.
Le Lyonnais ne souhaite pas entendre parler de cette réforme, tout comme le président de Tourcom.
Selon ce dernier l'Union européenne n'a pas à décider, mais en plus si demain elle plafonne les acomptes à 10%," je donnerais la consigne de rester à 30%, notre produit est risqué," surenchérit Richard Vainopoulos.
Pour lui le vrai sujet étant celui de l'APST (limitation de la garantie des agences) sur lequel le patron de Marietton travaille depuis plusieurs mois et des bonnes nouvelles sont attendues prochainement.
Et le patron du réseau de prospecter.
"Entre vouloir protéger les consommateurs et leur donner tous les droits, ce n'est pas la même chose. De plus, ce sera une catastrophe pour tous les commerces.
En Allemagne, le client verse l'argent directement au tour-opérateur, or si ce dernier se plante, le consommateur n'a plus que ses yeux pour pleurer."
Outre-Rhin, l'Etat allemand a dû mettre la main à la poche au moment de la faillite de Thomas Cook.
Ce n'est pas tout, pour l'heure les producteurs ne sont pas garantis par une caisse et la réassurance publique n'est qu'un mirage en France.
Alors demain, l'Europe pourra-t-elle imposer un seul et unique modèle au sein de l'Union ? Le débat est ouvert, il est encore temps pour les professionnels d'agir.
Il restera à régler celui de la protection des professionnels.