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Aérien : "Il faut en finir avec les tarifs prédateurs qui ne correspondent à aucune réalité économique"

La chronique de Jean-Louis Baroux


Alors que l’UNCAF milite pour des prix planchers pour les trajets aériens, Jean-Louis Baroux, expert aérien et ancien président d'APG, revient sur le système de "tarifs prédateurs" proposés par les compagnies aériennes. Des tarifs qui ne correspondent à aucune réalité économique et qui ont pour effet de mettre dans l’idée des clients de fausses références...


Rédigé par Jean-Louis BAROUX le Mardi 2 Mars 2021

Il faut en terminer une bonne fois pour toutes avec les tarifs prédateurs qui ne correspondent à aucune réalité économique. Ils ont pour effet de mettre dans l’idée des clients de fausses références - DR : DepositPhotos, alfexe
Il faut en terminer une bonne fois pour toutes avec les tarifs prédateurs qui ne correspondent à aucune réalité économique. Ils ont pour effet de mettre dans l’idée des clients de fausses références - DR : DepositPhotos, alfexe
L’UNCAF, le troisième syndicat professionnel des compagnies aériennes françaises, a jeté un joli pavé dans la mare en proposant des prix planchers pour les trajets aériens : 350€ TTC pour les vols domestiques, 450€ TTC pour les liaisons européennes et 550€ TTC pour les longs courriers.

LIRE : Aérien : et si dans le monde d'après, les tarifs des billets étaient réglementés par l'Etat ?

Les réactions ont été très vives contre cette idée, mais leur importance montre que le sujet titille les transporteurs.

On voit bien que la cible de l’UNCAF est pour l’essentiel les 4 plus importants « low costs » qui ont en peu de temps ratissé le marché domestique français : Ryanair, EasyJet, Vueling et Volotea.

Aucun français dans cette liste et ces compagnies gagnent de l’argent là où notre transporteur national en perd et n’est même plus en capacité de desservir correctement le territoire métropolitain.

"Le transport aérien mondial va dans le mur"

Pourquoi donc cette levée de boucliers de la part des compagnies françaises ?

La première réponse qui vient à l’esprit est que la grille tarifaire affichée est un peu trop grossière et peu adaptée aux réalités économiques.

La deuxième est que la proposition fait fi des différences importantes entre les prix de revient des compagnies aériennes.

Certaines sont plombées par l’histoire et le poids syndical. Elles trainent un boulet financier dont elles aimeraient bien se débarrasser. Ce n’est pas si facile. D’autres plus récentes et mieux gérées affichent des coûts de production pas si éloignés de ceux des « low costs ».

Pour autant, est-ce que la proposition de l’UNCAF est stupide ? Je ne le crois pas.

Depuis des années je constate que le transport aérien mondial va dans le mur en ne se préoccupant que d’augmenter le nombre de passagers.

Je note que la plupart des communiqués de presse mentionnent la progression en termes de volume et de coefficient de remplissage, et pratiquement jamais en termes de rentabilité.

Comment prouver qu’une compagnie vend à perte ?

Pourtant, il me parait évident qu’une fois sorti des effets de la pandémie, le transport arien doit se réformer en profondeur.

Il faut en terminer une bonne fois pour toutes avec les tarifs prédateurs qui ne correspondent à aucune réalité économique.

Ils ont pour effet de mettre dans l’idée des clients de fausses références. De sorte qu’ils se sentent floués lorsqu’ils doivent payer des tarifs normaux. Combien de fois a-t-on entendu des passagers se plaindre que leur vol européen, voire même domestique, leur coutait plus cher qu’un trajet transatlantique ?

Je rappelle que la vente à perte est interdite. Mais comment prouver qu’une compagnie vend à perte certains sièges alors que le « yield management » consiste à maximiser la recette d’un vol et que vendre à très bas prix un siège vide, c’est toujours cela de pris, sauf que parfois, la recette ne paie même pas les taxes.

Alors je propose une méthode relativement simple pour déterminer si un transporteur pratique de la vente à perte et qu’il est par conséquent passible de plaintes auprès des tribunaux.

Elle consiste à vérifier que le prix de vente est supérieur ou même égal au coût du SKO (Siège Kilomètre Offert) de la compagnie.

Remettre les fondamentaux à plat

Tous les transporteurs publient leur nombre de SKO annuel. Il suffit de diviser l’ensemble des charges par ce nombre et on obtient le coût au SKO. Celui-ci est public.

Par exemple le coût du SKO d’Air France est de 9,05 centimes d’euros et celui de Transavia de 6,65 centimes d’euros. En appliquant tout bêtement une petite multiplication, cela donne les tarifs minimum que ces transporteurs devraient appliquer pour ne pas faire de la vente à perte.

Un Paris-Nice fait 698 km, par conséquent le prix minimum devrait être de 63,17€ pour Air France et donc de 126,34€ aller-retour. Pour Transavia les prix minimum de vente descendent à 46,42€ aller simple et 92,83€ aller-retour.

L’application de la règle sur un Paris-New York dont la distance avion est de 5 840 km donne un prix minimum pour Air France de 528,52€ aller simple et de 1 057,04€ aller-retour.

Alors on ne verrait plus Vueling proposer des places pour 13,99€, Iberia des aller-retours Paris-Madrid à 97€ TTC ou Norwegian afficher des vols à 100€ aller-simple pour un trajet transatlantique.

Cette formule pourrait aussi bien s’appliquer aux « low costs » car leurs coûts ne sont pas si éloignés de ceux de Transavia. Ils n’ont d’ailleurs rien à voir avec le résultat des compagnies largement enrichi par les recettes annexes fournies par les clients et par des Collectivités Locales et qui, par définition, ne rentrent pas dans les coûts.

Ainsi les transporteurs les plus performants seraient avantagés, ce qui n’est que justice et les autres devraient alors justifier de leurs tarifs plus élevés par une meilleure qualité de leur produit.

La recherche de la quantité de passagers au prix de coefficients de remplissage supérieurs à 80% en moyenne annuelle est tout simplement déraisonnable.

Il faut profiter du choc extrêmement brutal subi par le transport aérien pour remettre les fondamentaux à plat.

Jean-Louis Baroux - DR
Jean-Louis Baroux - DR
Jean-Louis Baroux est l'ancien président d'APG (Air Promotion Group) et le créateur du CAF (Cannes Airlines Forum) devenu le World Air Forum.

Grand spécialiste de l'aérien, il a signé aux éditions L'Archipel ''Compagnies Aériennes : la faillite du modèle'', un ouvrage que tous les professionnels du tourisme devraient avoir lu.

Les droits d'auteur de l'ouvrage seront reversés à une association caritative. On peut l'acquérir à cette adresse : www.editionsarchipel.com.

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Tags : baroux
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Commentaires

1.Posté par SERGE13 le 03/03/2021 06:55 | Alerter
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Désolé, mais c'est du grand n'importe quoi.
Pourquoi n'interrogez vous pas les gens qui savent ?? Des économistes, des pro du yield managment ??
Et quoi penser des programmes de fidélité avec des aller simple à 15€?

2.Posté par Edo FRIART le 03/03/2021 08:43 | Alerter
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Mais comment peut on faire une telle analyse lorsqu’on est professionnel du secteur ???
Où se trouve la considération pour la démocratisation du transport aérien et du tourisme ? La population mondiale qui croit rapidement, a des besoins de voyages (quel que soit le motif) et les tarifs lui ont permis d’y accèder, ne doit on pas s’en féliciter ? découvrir notre monde, nos cultures, aller voir ses proches, ses amis, ses enfants, faire ses études en erasmus, les échanges sont, à l’heure du numérique (et des confinements) au coeur de notre mode de vie, voir vitaux.
Alors doit on mettre une croix là dessus ??? revoir les prix de 1000€ sur un Paris-Madrid comme il y a 25 ans, un prix incluant un tas de services dont nous n’avons pas besoin (et oui Mr Baroux, les recettes annexes proviennent du fait qu’on offre la possibilité aux passagers de choisir la prestation qu’ils souhaitent, on ne leur impose pas...)
Et je parle bien de tarifs et non de compagnies, estimant qu’elles ont toutes permis cela, même les compagnies historiques.

3.Posté par clément le 03/03/2021 08:48 | Alerter
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N'importe quoi cet article et cette proposition, un a/r New York à minimum 1057€ ??? Alors seuls les plus riches pourront voyager et il serait de toute façon impossible de remplir un avion avec ces tarifs aussi hauts en eco.
Le principe c'est que les 1er sièges bookés dans l'avion soient moins chers et que plus l'avion est plein plus le prix du siège augmente. Selon les règles du yield management la rentabilité est toujours en ligne de mire. Si certaines cnies ne s'en sortent pas cela a souvent peu à voir avec les quelques sièges à bas prix qui sont proposés mais plus aux taxes tjrs plus importantes qu'elles doivent payer ou erreurs stratégiques ou encore pb conjoncturels.

4.Posté par xenon24 le 03/03/2021 09:17 | Alerter
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Le raisonnement de M. BAROUX n’est pas tout à fait exact. L’interdiction de vente à perte en France n’est pas forcément illégale dans d’autres pays. Qui plus est, comment connaître les seuils de rentabilité des compagnies étrangères, (voire même Françaises), une telle formulation pour être équitable serait d’une complexité extrême. Je me souviens de mon premier patron, René LAPAUTRE, PDG d’UTA qui disait à ses équipes commerciales: « une fois la porte de l’avion fermée un siège vide ne vaut plus rien. Dès lors tout est bon à prendre… ». Sa vision a donné suite au « yield management ». Sans surprise la démarche de l’UNCAF n’a d’autre but que de limiter la concurrence en France au détriment des voyageurs.

5.Posté par Frédéric Savoyen le 03/03/2021 09:57 | Alerter
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Plein de bon sens... et la revalorisation des prix a leur juste valeur qualitative redonnerait du travail de conseil aux agences de voyages.

6.Posté par jean duide le 03/03/2021 12:06 | Alerter
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Sans tenir compte de l'aspect écologique dont on nous a rebattu les oreilles depuis longtemps, cette analyse me semble tenir la route, non pas sur le plan économique, mais sur le plan éthique et responsable.

Ethique car il faut tout de même donner une valeur aux choses, responsable car il permet d'éviter les compagnies voyous que l'on a connu il y a encore peu de temps qui se créaient avec des plans de vols 1 an à l'avance, encaissaient le prix des billets des clients et fermaient avant d'avoir fait décoller le moindre avion.

C'est le prix à payer si le transport aérien veut garder sa crédibilité et continuer son développement sans être montré du doigt.

7.Posté par Francois F le 03/03/2021 12:24 | Alerter
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L’uncaf a ouvert une porte vilement pour nous permettre de de réfléchir au monde dans lequel nous souhaitons vivre demain , et l’intervention de mr Baroux enrichi le débat .

Bravo à tous .


Cette idée de trouver une règle est bonne pour calculer un seuil national , mais impossible par contre à mettre en œuvre car ne serait pas compatible juridiquement avec les possibilités européenne offertes et à notre disposition . .

L’état ne pourrait imposer qu’un seul prix minimum, identique à tous .

Un tarif de base est toutefois une évidence, le monde n’est pas Low Cost .. derrière le Low Cost se cache de la casse sociale et ne pas le dire est se voiler la face . Derrière le Low Cost se trouve des organisations de sous traitance à bas coût au bout du monde , derrière le Low Cost il y aura aussi le désert industriel car nous ne savons pas lutter.
Profitons de cet instant de réflexion pour réfléchir plutôt que de se raccrocher à nos acquis .

Donc oui votre analyse est juste mr Baroux, oui nous devons réformer nos habitudes et celles et ceux qui ne pensent qu’a leurs intérêts ou petits plaisirs , doivent ouvrir les yeux sur la réalité économique et environnementale .

Et oui , luncaf a eu raison d’ouvrir ce débat que l’état doit aussi prendre à sa charge , plutôt que comme toujours de baisser la tête en attendant ....

8.Posté par Christian Jean le 04/03/2021 08:19 | Alerter
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Bonjour,

Se baser sur le coût du SKO, ne risquerait il pas de provoquer encore plus de casse sociale, dans le seul but de le réduire au maximum.
Pourquoi ne pas tout simplement commencer à unifier ou légiférer précisément sur un minimum de respect des conditions salariales et sociales sur le plan européen ?

Cordialement.

9.Posté par Michel B. le 09/03/2021 14:22 | Alerter
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Je trouve tout à fait déplacé de vouloir imposer des prix à minima pour les vols suivant la destination. C'est contraire à la liberté que, pourtant, les membres de l'UNCAF réclament dans d'autres circonstances. Et non, M. BAROUX, aucun français dans la liste des compagnies qui ont investi le marché français. Pourquoi? Parce que les compagnies françaises ont un modèle économique obsolète, hormis sans doute le groupe Dubreuil. Quid de la démocratisation du transport aérien? Les gens veulent voyager. C'est même essentiel pour la connaissance des autres cultures. Alors, faut-il garder cet "entre soi", voyager entre de gens de bonne compagnie?

10.Posté par Daulaud le 09/03/2021 21:56 | Alerter
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Article fort intéressant mais qui fait pointer les incohérences de ce syndicat...
On mélange ici le yield poussé à l'extrême (Et donc ?) et le business modèle des low cost.
Mais qui ne partique pas un yield agressif aujourd'hui ?
Est ce vueling, Ryanair, volotea qui proposent des vols sur NYC à 400 € a/r?
Bangkok, Malé, Dakar, Cap Town, et j'en passe...
De qui se moque t on ?
L'argument de la vente du siège à perte un non sens.
Est ce que les vols Ryanair volent à perte ?
N'avez vous jamais analysés le pricing de ces compagnies en détail ?
J'y ai passé 5 ans de ma vie.
Je connais leur règles de yield et je peux constater que la pratique est largement rependue, chez toutes les compagnies ou presque.
Pour être parfaitement sincère, il faudrait analyser la rentabilité d'une ligne, pas d'un siège.
Pointer la rentabilité d'un siège au prix de 19€ c'est un argument de lobbyiste pour mettre à mal à la concurrence qui dérange.
Quant aux pratiques sociales, fiscales des low-cost c'est un autre sujet... Et c'est là que le débat devrait se concentrer...pour qu'il soit fondé et sincère.

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