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Agences : comment éviter les pièges du contrat de voyage ? 🔑

Les réponses de Khalid El Wardi, secrétaire général de la Médiation Tourisme et Voyage


La majorité des litiges dans le secteur du tourisme découlent d'un contrat de voyage mal rédigé ou mal interprété. Pour aider les professionnels à y voir plus clair et à ainsi éviter les pièges, Khalid El Wardi, le secrétaire général de la Médiation Tourisme et Voyage (MTV) est intervenu sur le sujet lors du Congrès des Entreprises du Voyage à Val d'Isère. TourMaG vous propose un résumé des principaux points à retenir de cet atelier.


Rédigé par le Mardi 23 Juillet 2024

Contrat de voyage : mauvaise interprétation des clients ou manque d'information de la part des pros représentent environ 80% des litiges reçus par la MTV - Photo MTV
Contrat de voyage : mauvaise interprétation des clients ou manque d'information de la part des pros représentent environ 80% des litiges reçus par la MTV - Photo MTV
Spécialiste en droit du tourisme et habitué à traiter de nombreux litiges, Khalid El Wardi, le secrétaire général de la Médiation Tourisme et Voyage (MTV), a répondu aux questions des professionnels présents lors du congrès annuel des Entreprises du Voyage (EDV) à Val d'Isère, fin juin 2024.

Familier de cet exercice, il avait même effectué une « compilation » des questions récurrentes que peuvent se poser les clients comme les professionnels quand un litige concerne le contrat de voyage.

Mauvaise interprétation des clients ou manque d'information de la part des professionnels constituent environ 80% des litiges reçus par la MTV chaque année.

Voici donc un petit éclairage sous forme de questions/réponses.


Vols secs, packages : doit-on dès le départ établir un contrat de vente ?

Khalid El Wardi : « Pour un voyage à forfait, il y a effectivement une obligation d'établir un contrat, qui est encadré par la loi.

En revanche, pour le vol sec, il n'y a pas forcément d'obligation, mais il faut savoir que le fait de ne pas signer de contrat implique que l'on ne peut pas prouver que l'on a correctement informé le client.

Cela peut éventuellement être dommageable pour le professionnel qui tomberait sur un client de mauvaise foi et qui n'aurait été informé qu'oralement, en agence physique ou par téléphone, sur les conditions de vente ou les formalités administratives par exemple.

On parle, d’ailleurs ici, d'information pré-contractuelle, que le client est censé trouver avant même de contractualiser avec son agent de voyages. Cela peut paraître fastidieux, mais je recommande tout de même aux professionnels qui vendent en B2C d'avoir à disposition une fiche informative, un contrat spécifique pour le vol sec, qui récapitulerait toutes les informations. C'est fondamental pour éviter/limiter les réclamations.

Bien entendu, ce document sera beaucoup moins lourd que le contrat voyage à forfait, qui contient une vingtaine de clauses obligatoires, mais il permettra à l'agent de voyages de prouver la délivrance d’une information pré-contractuelle et son acceptation par le client. »

Le contrat de voyage doit-il être signé pour être valide, dans le cas où le client a donné son accord pour le voyage d'une autre manière (paiement d'un acompte, accord par mail, signature de l'offre pré-contractuelle, etc.) ? L'agent de voyages peut-il exiger le solde du voyage si le contrat n'a pas été signé ?

Khalid El Wardi : « Généralement, on dit qu'il y a un contrat, à partir du moment où les deux parties se mettent d'accord sur la chose et le prix. Par exemple, on se met d'accord sur un voyage en Égypte et sur la somme de 3 000 euros.

A partir de là, le client peut commencer à payer pour son voyage. Mais que faire si 24 heures plus tard, le client décide d'annuler son voyage sans contrat signé ?, interroge Khalid El Wardi. Dans ce cas, on estime que le client s'est seulement engagé à payer, mais que sans contrat signé, il n'a pas accepté les conditions particulières de vente et notamment le barème d'annulation, qui ne lui sera donc pas opposable.

Aussi, si on considère que le contrat est valable et que le client sera redevable du paiement, le professionnel se retrouve tout de même en situation de danger financier (obligation de remboursement du client sans garantie de remboursement des prestataires) en cas de demande d’annulation. C'est fondamental de faire signer le contrat, dès que c'est possible. »

L'agence de voyages doit-elle informer systématiquement et obligatoirement les clients sur les formalités administratives, notamment les horaires de vol ? Faut-il obligatoirement les mettre dans le contrat ?

Khalid El Wardi : « Ici, il y a un distinguo intéressant à faire entre la loi et la pratique.

Que dit le texte de loi ? L'article R211-4 du Code du Tourisme, relatif aux informations précontractuelles obligatoires dit qu'il faut informer le client par écrit des caractéristiques principales des services de voyage, notamment « les moyens, caractéristiques et catégories de transport, les lieux, dates et heures de départ et de retour, la durée et le lieu des escales et des correspondances. Lorsque l'heure exacte n'est pas encore fixée, l'organisateur ou le détaillant informe le voyageur de l'heure approximative du départ et du retour ».

En théorie, le législateur demande à ce que le professionnel mette systématiquement les horaires, ou alors, quand ils ne sont pas connus, un horaire « approximatif ».

Mais comment faire en cas de vol régulier réservé plusieurs mois à l'avance ou de vol charter ?

La mention d’un horaire, qui ne correspondrait pas du tout à la réalité, pourrait engendrer des litiges relatifs à des pré/post acheminement achetés en fonction de l’heure de vol indiquée par le professionnel ; et qui deviendraient inutiles une fois l’horaire effectif connu.

Dans la pratique, il vaut mieux donc ne pas mentionner d’horaires au préalable et dire aux consommateurs que les horaires ne sont pas connus, mais qu'ils en seront informés dès que l'information sera connue. Il vaut mieux cela plutôt que de mettre un horaire approximatif pour remplir la case horaire automatique et que derrière, cela engendre un litige. »

Y'a-t-il une différence d'information à propos des formalités administratives, suivant si le client est de nationalité française ou étrangère ?

Khalid El Wardi : « L'article R211-4 du Code du Tourisme, qui prévoit cette obligation d’information, ne fait pas de distinction de nationalités. Le professionnel du tourisme est donc censé informer tous ses clients de la même manière.

Dans la pratique, cela se fait très peu, tout d'abord parce que l’information pour toutes les nationalités est difficilement accessible, et qu’en outre l'agent de voyages ne connaît pas forcément la nationalité de ses clients.

De ce fait, il existe une tolérance sur ce sujet, aussi bien de la part de la médiation que des juges, qui considèrent que :

- pour les ressortissants français, l'agent doit systématiquement fournir une information précise et adaptée ;

- pour les étrangers, le professionnel peut se contenter de les informer qu'il leur appartient de contacter les autorités compétentes (consulats, ambassades…) pour obtenir davantage d'informations sur les formalités administratives.

Mais je rappelle que ce n'est ici qu’une tolérance et personne n'est à l'abri de tomber sur un juge qui se basera sur ce que dit le droit. »


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Une fois que le contrat est formalisé et signé, le professionnel peut-il imposer une modification au client ?

Khalid El Wardi : « On considère qu'un certain nombre de choses peuvent être modifiées dans le contrat de voyage et imposées au client, mais sous certaines conditions.

Il faut notamment que la modification soit mineure et que la possibilité de modification soit prévue dans le contrat : par exemple, le contrat cite l'hôtel XXXX ou similaire, pour pouvoir modifier le nom de l'hôtel.

A contrario, les modifications « importantes », devront impérativement être validées par le client. Dans la pratique, cela correspondra aux modifications qui touchent substantiellement un élément essentiel du contrat.

Par élément essentiel, j'entends une prestation qui représente une part significative du prix total du séjour ou un intérêt essentiel pour le voyage. Par exemple, un prestataire a vendu un « week-end Harry Potter » avec la visite des studios : l'entrée a beau ne pas valoir plus de 25% du prix du voyage, le fait qu'on ne puisse pas y accéder est une modification d'un élément essentiel du contrat.

Autre exemple tout de suite identifiable : une agence vend un circuit en Égypte avec X stops, sans que la visite des pyramides ne soit mise en avant ; il ne sera pas contestable que la suppression de cette prestation remettrait en cause l’intérêt même du voyage.

Ainsi, en cas de modification importante du contrat de voyage, le client peut soit accepter de partir dans les nouvelles conditions et, si la nouvelle prestation proposée est un peu plus bas de gamme, il pourra percevoir la différence tarifaire.

S'il refuse, il sera remboursé des sommes versées et n'aura pas le droit aux pénalités miroir. En revanche, il aura éventuellement droit à un dédommagement s'il prouve qu'il y a un préjudice.

Je précise également que si l'agent modifie le contrat, il doit en informer le client, lui donner un délai - fixé librement - pour répondre, et l'informer de la conséquence de l'absence de réponse. C'est-à-dire que soit son silence vaut acceptation, soit il vaut refus. Puis l'agence devra faire signer un avenant au contrat à son client. »


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Le professionnel peut-il fixer librement son barème d'annulation ?

Khalid El Wardi : « Non la fixation du barème n'est pas libre. Le législateur laisse le choix au professionnel d'opter pour des frais réels ou pour un barème avec des pourcentages.

Choisir les frais réels, c'est appliquer au client véritablement ce que coûte l'annulation à l'euro près.

Alors que, dans le cas d'un barème, les pourcentages doivent à peu près correspondre à la réalité économique. On ne peut pas prendre de marge sur une annulation. D'ailleurs, le texte de loi prévoit que le consommateur puisse demander un justificatif en règle.

En revanche, l'agence peut facturer des frais administratifs aux clients si la procédure d'annulation implique, par exemple, de faire travailler du personnel le samedi ou le dimanche, mais tout doit être justifié. »

Y'a-t-il des situations où le client peut annuler son contrat de voyage sans payer aucun frais d'annulation ?

Khalid El Wardi : « L'article L211-14 du Code du Tourisme donne une liste de critères qui doivent être remplis pour justifier l'annulation du voyage.

Le critère le plus important restant l'exécution du contrat, si le contrat est exécutable, le client ne pourra pas annuler sans frais.

Néanmoins, depuis le Covid, il y a quand même une conception un peu plus large que la stricte exécution du contrat.

Là où avant, on avait tendance à être restrictif en disant : le professionnel peut fournir le vol, l'hôtel et les activités, tant pis pour le client, aujourd'hui, on considère que si le client ne peut pas sortir de l'hôtel et qu'aucune activité n'est accessible, cela suffira à justifier sa demande d'annulation sans frais. »

A l'inverse, que se passe-t-il quand c'est le client qui demande à annuler sans frais pour cause de maladie ou d'accident avant le départ ?

Khalid El Wardi : « Là nous ne sommes pas dans le cas d'une circonstance exceptionnelle et inévitable (CEI), c'est-à-dire une circonstance qui tient aux événements qui se passent à destination, mais dans un cas de force majeure, c'est-à-dire une cause personnelle imprévisible, extérieur et irrésistible.

En général, quand on invoque un cas de force majeure, le contrat est anéanti. Si c'est le professionnel qui l'annule, il devra prouver que l'événement qu'il invoque l'empêche d'exécuter son obligation contractuelle (fermeture des frontières par exemple) et de refournir des prestations. Il devra rembourser le client.

En revanche, si le client demande une annulation sans frais après s'être fait renverser par une voiture, et bien qu'il s'agisse là d'une situation de force majeure, pour que ce contrat soit anéanti, le client devra invoquer l'événement qui l'empêche d'exécuter son obligation contractuelle, c'est-à-dire qui l'empêche de... payer.

En effet, en signant un contrat de voyage, le client s'engage à payer et non pas à partir. Le fait de ne pas pouvoir partir n'est jamais une cause de résolution ou d'anéantissement du contrat. »


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