Les défaillances en 2023 dans le secteur des agences et des voyagistes ont sensiblement augmenté pour retrouver les niveaux de 2020 - Depositphotos.com Auteur HJBC
TourMaG - Vous venez de dévoiler les chiffres des défaillances d’entreprises en France pour le 4e trimestre et l’ensemble de l’année 2023. Avec 57 729 procédures ouvertes en 2023, le nombre de défaillances est en augmentation de près de 36% par rapport à 2022. Un taux encore très élevé après la hausse historique (+49%) de 2022. Qu'en est-il du secteur des voyages ?
Thierry Millon : Pour le secteur des voyages, et plus particulièrement des opérateurs de voyages, l'année 2023 retrouve le niveau 2020 en terme de défaillances (sauvegardes, redressement judiciaire, liquidation, ndlr) d'entreprises.
2020 était une période très difficile pour ce secteur, marquée par le confinement et le contexte exceptionnel lié à la pandémie. Retrouver ce niveau-là en 2023, alors qu'il n'y a pas eu de confinement, évidemment, cela traduit des difficultés.
En revanche, le point positif c'est que le tourisme n'est pas le secteur qui affiche le plus de défaillances. Beaucoup de secteurs ont, non seulement, retrouvé les valeurs de 2020, mais ils les ont largement dépassées et ont atteint les niveaux de 2013-2014, ou pire.
Les agences immobilières enregistrent par exemple la pire tendance (910 défaillances ; +116,7%).
TourMaG - Faut-il, par conséquent, considérer que le voyage s'en tire mieux que la moyenne ?
Thierry Millon : Si nous regardons le 4e trimestre 2023, et peut-être même le début de l'année 2024, nous constatons que nous avons évidemment un nombre de défaillances (+31,8%) qui est assez sensiblement supérieur à celui que nous avions l'année dernière.
Et pourtant nous restons sur un niveau inférieur à celui que nous avions durant la phase Covid. Nous sommes sur un mouvement que nous pourrions traduire ainsi : "Cela aurait pu être pire, donc tant mieux".
Thierry Millon : Pour le secteur des voyages, et plus particulièrement des opérateurs de voyages, l'année 2023 retrouve le niveau 2020 en terme de défaillances (sauvegardes, redressement judiciaire, liquidation, ndlr) d'entreprises.
2020 était une période très difficile pour ce secteur, marquée par le confinement et le contexte exceptionnel lié à la pandémie. Retrouver ce niveau-là en 2023, alors qu'il n'y a pas eu de confinement, évidemment, cela traduit des difficultés.
En revanche, le point positif c'est que le tourisme n'est pas le secteur qui affiche le plus de défaillances. Beaucoup de secteurs ont, non seulement, retrouvé les valeurs de 2020, mais ils les ont largement dépassées et ont atteint les niveaux de 2013-2014, ou pire.
Les agences immobilières enregistrent par exemple la pire tendance (910 défaillances ; +116,7%).
TourMaG - Faut-il, par conséquent, considérer que le voyage s'en tire mieux que la moyenne ?
Thierry Millon : Si nous regardons le 4e trimestre 2023, et peut-être même le début de l'année 2024, nous constatons que nous avons évidemment un nombre de défaillances (+31,8%) qui est assez sensiblement supérieur à celui que nous avions l'année dernière.
Et pourtant nous restons sur un niveau inférieur à celui que nous avions durant la phase Covid. Nous sommes sur un mouvement que nous pourrions traduire ainsi : "Cela aurait pu être pire, donc tant mieux".
Défaillances agences : "Nous ne sommes pas sur une dynamique insupportable"
TourMaG - Comment expliquer cette situation ?
Thierry Millon : Comme vous le savez, le secteur est composé de nombreux petits acteurs qui sont à la peine. La situation Covid a été tout à fait catastrophique. Et la situation financière, notamment en terme de fonds propres, pèse.
L'endettement reste encore important et les marges ne sont pas à la hauteur des besoins des entreprises pour préparer l'avenir.
Nous sommes dans une situation où ces acteurs ont quand même, jusqu'à maintenant, tenu bon. Mais certains sont au bout de l'épuisement.
Avec le recouvrement forcé des URSSAF en cette fin d'année qui est revenu aux greffes des tribunaux de commerce, certaines entreprises se retrouvent assignées pour honorer leur remboursement. Elles ne seraient sans doute pas allées devant les tribunaux d'elles-mêmes.
Les moratoires sur les URSSAF, pour des acteurs de petites tailles, ont été engagés sur le 4e trimestre 2021 pour une période de 24 à 27 mois, ce qui correspond au 4e trimestre 2023, voire au début d'année 2024.
Malgré cela, nous sommes quand même sur un niveau de défaut qui ne s'est pas accéléré aussi vite que dans beaucoup d'autres secteurs, je pense au commerce ou à la construction.
Nous préfèrerions toujours qu'il y en ait moins, mais nous ne sommes pas sur une dynamique insupportable.
Thierry Millon : Comme vous le savez, le secteur est composé de nombreux petits acteurs qui sont à la peine. La situation Covid a été tout à fait catastrophique. Et la situation financière, notamment en terme de fonds propres, pèse.
L'endettement reste encore important et les marges ne sont pas à la hauteur des besoins des entreprises pour préparer l'avenir.
Nous sommes dans une situation où ces acteurs ont quand même, jusqu'à maintenant, tenu bon. Mais certains sont au bout de l'épuisement.
Avec le recouvrement forcé des URSSAF en cette fin d'année qui est revenu aux greffes des tribunaux de commerce, certaines entreprises se retrouvent assignées pour honorer leur remboursement. Elles ne seraient sans doute pas allées devant les tribunaux d'elles-mêmes.
Les moratoires sur les URSSAF, pour des acteurs de petites tailles, ont été engagés sur le 4e trimestre 2021 pour une période de 24 à 27 mois, ce qui correspond au 4e trimestre 2023, voire au début d'année 2024.
Malgré cela, nous sommes quand même sur un niveau de défaut qui ne s'est pas accéléré aussi vite que dans beaucoup d'autres secteurs, je pense au commerce ou à la construction.
Nous préfèrerions toujours qu'il y en ait moins, mais nous ne sommes pas sur une dynamique insupportable.
Inflation, conflits, élections...
TourMaG - Comment voyez-vous évoluer le contexte global, notamment l'inflation ?
Thierry Millon : Tout d'abord, nous avons des consommateurs qui, déjà, doivent faire beaucoup d'efforts et arbitrent très sévèrement leurs dépenses de loisirs d'une façon générale, et donc de voyages.
Cette tendance touche tous les métiers du tourisme d'une façon assez large. Cette situation n'a pas vocation à s'inverser tant que les signaux de retour à meilleure fortune seront visibles.
Parmi ces signaux positifs, il y aurait la baisse de l'inflation suffisamment sensible pour que nous soyons certains de la trajectoire.
Aujourd'hui, ce que nous savons, c'est que même si nous pouvons imaginer un retour à un taux d'inflation de 2%, ce ne sera pas avant 2025. Il faudra encore attendre jusque-là.
Et ensuite, il faut que ce signal s'accompagne évidemment pour le consommateur d'une lecture précise de la baisse des prix et ou, au pire, du maintien des prix sur les produits qui lui sont indispensables (notamment les produits alimentaires).
Si nous arrivons à cette situation - c'est attendu pour le printemps - nous aurons une capacité à retrouver de la confiance, de la motivation, de la dynamique qui peut permettre de désépargner à la faveur des activités de loisirs.
L'été est une période dont on a du mal à se passer. Globalement, les consommateurs ne vont pas accepter de ne pas s'accorder du temps de loisir, ce qui profite notamment aux activités de tourisme.
TourMaG - Il y a aussi le contexte international avec les conflits en Ukraine, en Israël, et des échéances électorales notamment aux Etats-Unis...
Thierry Millon : La question de l'international est en effet l'autre point handicapant, après celui du pouvoir d'achat.
Nous avons une situation qui est trop compliquée pour permettre de "se lâcher" sur des distances lointaines. Nous pouvons toujours souhaiter évidemment aller voir "le soleil" ailleurs, mais avec des conflits qui sont trop nombreux sur cette planète, avec des risques d'attentats qui sont toujours très importants, des élections un peu partout dont nous ne savons pas trop ce qu'elles nous permettront d'avoir en termes de signal local... il faut aussi être prudent.
Tout ceci pourrait porter davantage l'activité touristique domestique française. Nous pouvons nous demander si cela va profiter aux agences...
Aujourd'hui les relations business sont moins intermédiées. Le Covid a aussi accéléré la désintermédiation de certains acteurs. Ils ont accéléré sur leur digitalisation.
L'activité va redémarrer mais cela se fera-t-il au bénéfice des agences ? Ce n'est pas certain. C'est un point d'attention.
Il va falloir que ces acteurs - comme dans les autres métiers - soient particulièrement innovants sur l'offre et attractifs pour permettre de reconquérir les particuliers qui peuvent par ailleurs être déçus lorsqu'ils sont passés un temps direct...
Il y a aussi besoin de jouer la carte du tiers de confiance, garant de produits et de valeurs pour permettre de reconquérir le portefeuille des clients. Par ailleurs, nous devons aussi assez légitimement considérer que le secteur n'est pas encore au bout de sa concentration. Il y a des rapprochements qui sont nécessaires.
C'est vrai aussi dans d'autres métiers : dans la communication, par exemple. Ce n'est pas propre à ce secteur. Nous sommes sur des modèles économiques qui n'ont pas encore été tous suffisamment transformés.
Thierry Millon : Tout d'abord, nous avons des consommateurs qui, déjà, doivent faire beaucoup d'efforts et arbitrent très sévèrement leurs dépenses de loisirs d'une façon générale, et donc de voyages.
Cette tendance touche tous les métiers du tourisme d'une façon assez large. Cette situation n'a pas vocation à s'inverser tant que les signaux de retour à meilleure fortune seront visibles.
Parmi ces signaux positifs, il y aurait la baisse de l'inflation suffisamment sensible pour que nous soyons certains de la trajectoire.
Aujourd'hui, ce que nous savons, c'est que même si nous pouvons imaginer un retour à un taux d'inflation de 2%, ce ne sera pas avant 2025. Il faudra encore attendre jusque-là.
Et ensuite, il faut que ce signal s'accompagne évidemment pour le consommateur d'une lecture précise de la baisse des prix et ou, au pire, du maintien des prix sur les produits qui lui sont indispensables (notamment les produits alimentaires).
Si nous arrivons à cette situation - c'est attendu pour le printemps - nous aurons une capacité à retrouver de la confiance, de la motivation, de la dynamique qui peut permettre de désépargner à la faveur des activités de loisirs.
L'été est une période dont on a du mal à se passer. Globalement, les consommateurs ne vont pas accepter de ne pas s'accorder du temps de loisir, ce qui profite notamment aux activités de tourisme.
TourMaG - Il y a aussi le contexte international avec les conflits en Ukraine, en Israël, et des échéances électorales notamment aux Etats-Unis...
Thierry Millon : La question de l'international est en effet l'autre point handicapant, après celui du pouvoir d'achat.
Nous avons une situation qui est trop compliquée pour permettre de "se lâcher" sur des distances lointaines. Nous pouvons toujours souhaiter évidemment aller voir "le soleil" ailleurs, mais avec des conflits qui sont trop nombreux sur cette planète, avec des risques d'attentats qui sont toujours très importants, des élections un peu partout dont nous ne savons pas trop ce qu'elles nous permettront d'avoir en termes de signal local... il faut aussi être prudent.
Tout ceci pourrait porter davantage l'activité touristique domestique française. Nous pouvons nous demander si cela va profiter aux agences...
Aujourd'hui les relations business sont moins intermédiées. Le Covid a aussi accéléré la désintermédiation de certains acteurs. Ils ont accéléré sur leur digitalisation.
L'activité va redémarrer mais cela se fera-t-il au bénéfice des agences ? Ce n'est pas certain. C'est un point d'attention.
Il va falloir que ces acteurs - comme dans les autres métiers - soient particulièrement innovants sur l'offre et attractifs pour permettre de reconquérir les particuliers qui peuvent par ailleurs être déçus lorsqu'ils sont passés un temps direct...
Il y a aussi besoin de jouer la carte du tiers de confiance, garant de produits et de valeurs pour permettre de reconquérir le portefeuille des clients. Par ailleurs, nous devons aussi assez légitimement considérer que le secteur n'est pas encore au bout de sa concentration. Il y a des rapprochements qui sont nécessaires.
C'est vrai aussi dans d'autres métiers : dans la communication, par exemple. Ce n'est pas propre à ce secteur. Nous sommes sur des modèles économiques qui n'ont pas encore été tous suffisamment transformés.
"Le mois de janvier n'est pas bon pour le secteur des agences de voyages"
TourMaG - Bercy a annoncé de nouvelles mesures pour les Prêts garantis par l'Etat (PGE). Quel regard portez-vous sur ces annonces ?
Thierry Millon : Les annonces de Bruno Le Maire (Ministre de l'Économie ndlr) sont susceptibles d'aider et de rassurer, notamment sur les PGE de moins de 50 000 €.
Toutefois, qu'on le veuille ou non, cela va coûter de l'argent. En acceptant de restructurer un PGE, c'est votre dette bancaire que vous restructurez.
Pour que cette restructuration soit acceptée, il faut que les perspectives de redressement de votre entreprise soient acceptées et reconnues par le prêteur. Mais il faut aussi que vous acceptiez des conditions tarifaires qui ne vont pas du tout être celles de départ.
Thierry Millon : Les annonces de Bruno Le Maire (Ministre de l'Économie ndlr) sont susceptibles d'aider et de rassurer, notamment sur les PGE de moins de 50 000 €.
Toutefois, qu'on le veuille ou non, cela va coûter de l'argent. En acceptant de restructurer un PGE, c'est votre dette bancaire que vous restructurez.
Pour que cette restructuration soit acceptée, il faut que les perspectives de redressement de votre entreprise soient acceptées et reconnues par le prêteur. Mais il faut aussi que vous acceptiez des conditions tarifaires qui ne vont pas du tout être celles de départ.
Autres articles
TourMaG - Quelles sont les perspectives pour ce début d'année en termes de défaillances ?
Thierry Millon : Le mois de janvier n'est pas bon pour le secteur des agences de voyages. A priori, il y aura des chiffres supérieurs, en termes de défaillances, aux mois de janvier des années précédentes, et même de l'année Covid.
Il faut être prudent. La première semaine de janvier était une semaine encore de vacations judiciaires puisque beaucoup de tribunaux n'ont repris que le 8 janvier. Nous n'allons pas tirer une trajectoire à partir de ces 10 jours, toutefois les volumes sont assez significatifs. Mais encore une fois, c'était attendu.
Il n'y a pas de raison que les actions de recours forcées s'arrêtent en ce début d'année. C'est un passage qui va rester délicat pour les petits acteurs.
Et puis ensuite, nous pouvons espérer qu'un retour à un meilleur pouvoir d'achat au fil des mois joue en faveur des acteurs du tourisme... notamment sur le second semestre, avec la saison estivale.
Thierry Millon : Le mois de janvier n'est pas bon pour le secteur des agences de voyages. A priori, il y aura des chiffres supérieurs, en termes de défaillances, aux mois de janvier des années précédentes, et même de l'année Covid.
Il faut être prudent. La première semaine de janvier était une semaine encore de vacations judiciaires puisque beaucoup de tribunaux n'ont repris que le 8 janvier. Nous n'allons pas tirer une trajectoire à partir de ces 10 jours, toutefois les volumes sont assez significatifs. Mais encore une fois, c'était attendu.
Il n'y a pas de raison que les actions de recours forcées s'arrêtent en ce début d'année. C'est un passage qui va rester délicat pour les petits acteurs.
Et puis ensuite, nous pouvons espérer qu'un retour à un meilleur pouvoir d'achat au fil des mois joue en faveur des acteurs du tourisme... notamment sur le second semestre, avec la saison estivale.