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Jean-Pierre Mas (EDV): "Nous sommes très en retard sur l'automne-hiver !" 🔑

l'interview de Jean-Pierre Mas, Président des Entreprises du voyage


Après un été globalement satisfaisant malgré les difficultés opérationnelles que l'on connait, tous les yeux sont rivés sur l'automne - hiver. Jean-Pierre Mas constate un retard dans les réservations pour la saison à venir. Covid, géopolitique, inflation... le Président des Entreprises du Voyage reste serein mais vigilant sur les possibles évolutions. Interview.


Rédigé par le Mercredi 24 Août 2022

Jean-Pierre Mas Président des Entreprises du Voyage dresse le bilan de l'été : "Nous constatons une croissance assez forte du moyen-courrier au détriment du long-courrier. Pour résumer les Français ont dépensé un peu plus et sont allés moins loin" - Photo JDL
Jean-Pierre Mas Président des Entreprises du Voyage dresse le bilan de l'été : "Nous constatons une croissance assez forte du moyen-courrier au détriment du long-courrier. Pour résumer les Français ont dépensé un peu plus et sont allés moins loin" - Photo JDL
TourMaG : Quel bilan dressez-vous de l'été 2022 ?

Jean-Pierre Mas : Le bilan de l'été, sur juillet et août, est globalement positif. Nous retrouvons le même nombre de dossiers traités qu'en 2019 avec un volume d'affaires en hausse de 20%.

Cette augmentation sensible du volume d'affaires est liée au phénomène inflationniste d'une part, et d'autre part au budget plus élevé dédié aux voyages.

Ceux qui ont les moyens de partir en vacances n'ont pas de problème de pouvoir d'achat, et ont consacré une enveloppe plus importante à leurs voyages.

Nous assistons aussi à un rééquilibrage entre juillet et août, avec un mois de juillet plus dynamique. Nous arrivons à une sorte de lissage sur les deux mois d'été. Cela s'explique sans doute par la forte envie de voyage. Ceux qui voulaient voyager ont souhaité partir dès que cela a été possible.

Nous constatons une croissance assez forte du moyen-courrier au détriment du long-courrier. Pour résumer les Français ont dépensé un peu plus et sont allés moins loin.


TourMaG : Malgré cette reprise, l'été a été marqué par les annulations de nombreux vols par les compagnies aériennes...

Jean-Pierre Mas:
L'été a été un bordel sans nom pour les professionnels avec beaucoup de contraintes pour modifier et réorganiser les séjours. Il y a eu deux attitudes chez les compagnies : d'une part celles qui ont programmé les vols en sachant qu'elles ne les assureraient pas. Cela leur a permis d'engranger des réservations et de l'argent.

D'autre part, il y a eu celles qui voulaient assurer les vols et qui n'ont pas pu opérer en raison du manque de personnel ou des restrictions imposées par les aéroports. Cette situation a donné lieu à un nombre de litiges très importants.


TourMaG : Ces plans de vols non tenus et ces annulations de vols mettent-ils les opérateurs en grande difficulté ?

Jean-Pierre Mas:
Pour les opérateurs, ces annulations ont engendré un travail énorme, cela a été épouvantable. Cette pagaille a été plus importante en juillet qu'en août.

Je n'ai pas d'outil pour contraindre les compagnies. Il y a simplement les sanctions prévues par la loi.

Inflation : "si Ryanair ne fait plus de billet à 10€ c'est plutôt une bonne nouvelle"

TourMaG : Quelles sont les perspectives pour l'automne - hiver ?

Jean-Pierre Mas:
Nous sommes très en retard en termes de réservations sur la période automne - hiver. Nous constatons comme pour l'été, que les prises de décision sont très tardives. Il reste une crainte de ne pas pouvoir réaliser le voyage dans lequel on a investi.

MĂŞme les mois de septembre et octobre sont en retard par rapport Ă  2019.


TourMaG : Revenons sur le phénomène inflationniste que nous traversons. Est-ce une source d'inquiétude ?

Jean-Pierre Mas :
L'inflation que nous vivons aujourd'hui reste un phénomène supportable. Dans la hausse du volume d'affaires de 20% enregistrée cet été versus l'été 2019, il y a une part imputable à la hausse des tarifs aériens, mais pas uniquement. Il y a une autre part due aux budgets vacances plus élevés pour notre clientèle.

Je pense que tout ceci va se réguler. Et puis si Ryanair ne fait plus de billet à 10€ c'est plutôt une bonne nouvelle. Il faut que les choses de façon générale ait une valeur qui corresponde aux coûts de production.

"Le mix destination a déjà évolué. C'est déjà perceptible."

TourMaG : Cette inflation en France se double d'une parité euro/dollar défavorable...

Jean-Pierre Mas :
Il est certain que le dollar supérieur à l'euro ce n'est pas une bonne nouvelle pour les destinations en dollars. En revanche pour la France, c'est une bonne nouvelle en tant que destination touristique.

TourMaG : La hausse des tarifs pourrait-elle faire évoluer le mix destinations des voyageurs Français ?

Jean-Pierre Mas :
Le mix destination a déjà évolué. C'est déjà perceptible. Je ne sais pas si c'est lié aux tarifs ou à la crainte d'être pris en otage dans une destination lointaine.

La part du long-courrier en juillet et août 2022 a perdu 3 points (12%) par rapport aux mêmes mois en 2019 (15%).

La seule destination qui est passée à travers c'est la République Dominicaine. C'est le seul long-courrier avec l'Egypte - qui n'est pas véritablement un long-courrier- à être dans le TOP 10 de l'été.

TourMaG : Avec la crise, le secteur a été identifié par les pouvoirs publics. Toutefois depuis la nomination de la nouvelle Ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme Olivia Grégoire, nous avons l'impression que le secteur est moins visible... Avez-vous eu des contacts avec la nouvelle Ministre déléguée ?

Jean-Pierre Mas :
Nous avons eu des contacts avec son cabinet, mais n'avons pas encore rencontré Olivia Grégoire.

Elle devrait être présente à notre Assemblée générale qui se déroulera à l'IFTM Top Resa. La visibilité a été accrue pas la crise. L'objectif n'est pas nécessairement d'être visible, c'est d'avoir les bons interlocuteurs lorsqu'on en a besoin.

"Nous travaillons sur le sujet des recrutements"

TourMaG : Quels sont les dossiers sur lesquels vous travaillez avec les pouvoirs publics ?

Jean-Pierre Mas :
Nous travaillons sur le sujet des recrutements. Il y a une grande campagne de communication qui se prépare avec un un budget conséquent de 9 M€. Cette enveloppe concerne tous les métiers du tourisme.

Cette opération a pour but d'améliorer l'attractivité de notre secteur et de donner envie aux gens de travailler dans le tourisme. Les Entreprises du Voyage ont été associées à cette campagne qui devrait être lancée en septembre.

Elle renverra sur la plateforme MonEmploiTourisme.fr Le recrutement reste un sujet de préoccupation important. Nous sommes toujours dans une situation de sous-effectif, le marché reste tendu. Dans le business travel, les niveaux d'activité se rapprochent de plus en plus des niveaux de 2019 sans les atteindre. Nous y constatons également de fortes tensions au niveau de l'emploi.


TourMaG : Le salaire est un levier d'attractivité pour le secteur. Vous avez lancé des négociations avec les partenaires sociaux fin juin 2022, sur les salaires minimums de la branche, notamment pour rattraper le niveau du SMIC. Qu'en pensez-vous pouvoir aboutir ?

Jean-Pierre Mas :
Nous devrions aboutir mi-septembre.

PGE : "Il y a peu d'espoir qu'il y ait une modification des règles"

TourMaG : Quels sont les autres chantiers sur lesquels vous travaillez ?

Jean-Pierre Mas :
Les deux gros sujets sont l'attractivité et la formation. Nous sommes en train de collecter les besoins en matière de formation. Certains besoins ne sont pas satisfaits. Il y a un besoin important de remobilisation, de motivation des équipes.

TourMaG : Les PGE sont-ils toujours un sujet de préoccupation. Avez-vous toujours des discussions avec le gouvernement pour faire bouger les lignes sur la durée des remboursements ?

Jean-Pierre Mas :
Il y a peu d'espoir qu'il y ait une modification des règles concernant le remboursement des PGE (Prêt garanti par l'Etat). Nous avons beaucoup argumenté. Il y aura peut-être, au cas par cas, une étude pour ceux qui auront des difficultés à rembourser pour éviter que le PGE les mette en état de cessation de paiement.

Mais ce n'est pas gagné.


TourMaG : En avril dernier après avoir interrogé vos adhérents, vous indiquiez qu'1/3 d'entre eux n'étaient pas en mesure de rembourser les PGE dans un délai de 4 ans. Est-ce une source d'inquiétude ?

Jean-Pierre Mas :
C'est un sujet de préoccupation. Nous n'avons pas eu de retour de nos adhérents pendant l'été, mais nous allons le sentir quand la trésorerie va baisser un peu, au mois d'octobre.

L'activité est en progression cet été par rapport à 2019, et c'est encourageant pour la viabilité des entreprises. Maintenant la capacité de remboursement n'est pas acquise pour tous. Il y a des entreprises qui auront des difficultés à rembourser c'est évident.

Géopolitique, covid, économie : "ces sujets nécessitent de l'attention et de la vigilance..."

TourMaG : Après deux ans de pandémie et les difficultés que le secteur a connu, il y aura des faillites...

Jean-Pierre Mas :
Dans les faillites, il y a deux cas : ceux qui étaient malades avant la pandémie ne vont pas sortir miraculés de la crise.

Pour ces profils, des cessations de paiement pourraient intervenir pendant l'hiver. Ensuite il y a ceux, qui n'étaient pas malades et qui sont fragilisés par les remboursements du PGE. Ce sont surtout ces entreprises qu'il va falloir assister.

Dans les faillites que nous avons eu jusqu'ici, ce sont des faillites dont les origines datent d'avant la crise.


TourMaG : Certaines lignes vont bouger au niveau européen : la directive des voyages à forfait, le règlement européen des passagers aériens...

Jean-Pierre Mas :
Les dossiers européens sont suivis au niveau de l'ECTAA. Nous tenons à garder un discours commun. Sur la directive européenne des voyages à forfait nous en sommes aux prémices de la réflexion.

Sur le volet aérien, nous insistons sur la mise en place d'une garantie pour les billets émis et non volés.

TourMaG : Problèmes géopolitiques, vague éventuelle de covid-19 cet hiver, climat économique... les nuages sont nombreux en cette rentrée. Y a t-il une vigilance particulière sur l'un de ces sujets ?

Jean-Pierre Mas :
Aucun ne m'inquiète particulièrement, mais tous nécessitent de l'attention et de la vigilance. Ce contexte va inciter les entreprises à la prudence, à ne pas trop investir.

Le covid-19, je pense que nous allons nous habituer Ă  vivre avec. Mais il n'empĂŞche que certains pays pourraient remettre en place des restrictions.

Sur le plan économique, nous ne sommes pas en situation de crise. Nous sommes dans un phénomène d'augmentation des prix modérés en France par rapport à d'autres pays. La Grande-Bretagne est en situation de crise économique, mais pas nous. Toutefois, la contamination est toujours possible. Nous ne sommes pas à l'abri.

Quant à la géopolitique, c'est un peu comme le covid : nous nous sommes faits à l'idée d'un conflit armé en Europe. Si cette guerre venait à dégénérer cela pourrait avoir des conséquences grave. Mais dans l'Etat actuel, cela n'a pas d'incidence sur les déplacements, mis à part pour les pays concernés. Il y a toujours, bien sûr, un risque de dégradation...



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