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Que ferait (de plus) un (vrai) ministre du tourisme ? 🔑

L'humeur de Jean Pinard


Retrouvez chaque vendredi l'humeur de Jean Pinard. Cette semaine, le Président de la société de conseils Futourism pose la question de la pertinence de la nomination d'un ministre du « tourisme de plein exercice ».


Rédigé par le Vendredi 20 Septembre 2024

Est-il vraiment utile de nommer un Ministre du tourisme de plein exercice ? - Depositphotos.com Auteur SergeyNivens
Est-il vraiment utile de nommer un Ministre du tourisme de plein exercice ? - Depositphotos.com Auteur SergeyNivens
A chaque remaniement, la question de voir nommer un ministre du « tourisme de plein exercice » est posée. Comme si la reconnaissance du secteur du tourisme passait par cette nomination d’un « vrai » ministre, qui visiblement donnerait un sentiment de fierté à tous acteurs de la filière, enfin surtout à ceux qui espèrent poser sur la photo à côté du vrai ministre.

Et pour convaincre le Premier ministre de nommer enfin un vrai ministre du tourisme, l’argument massue c’est de faire valoir le poids de l’économie du tourisme, en exagérant comme toujours les données, notamment sur l’emploi, ou en confondant la part du tourisme dans le PIB et la consommation intérieure du tourisme.

C’est requête perpétuelle, est d’autant plus surprenante, car on ne peut pas dire que l’État ait une véritable compétence en matière de tourisme, quand bien même il s’agit de souligner son rôle primordial dans le soutien à la filière pendant la crise de la Covid.

L’enjeu d’une politique d’État en matière de tourisme c’est de rassembler le plus grand nombre d’acteurs au sein de son opérateur qu’est Atout France, et de lui donner les moyens d’agir sur tous les leviers possibles.


12 ministres délégués différents en 15 ans, difficile d’engager des politiques de fond

Le financement du tourisme en France c’est plutôt l’affaire des collectivités locales, décentralisation oblige et il suffit pour s’en convaincre de mettre en balance les 50 millions de subvention annuelle à Atout France, et les 750 millions de subventions versées par les collectivités à leurs Organisme de Gestion de Destination (OGD).

Bon en même temps avec 12 ministres délégués différents en 15 ans, difficile d’engager des politiques de fond, mais finalement quel doit être le rôle de l’État en matière de tourisme ?

De quelle missions régaliennes l’État doit il se prévaloir en 2024 ?

Pour répondre à cette question, il est clair que ce n’est pas le titre du ministre qui compte, mais plutôt ses idées et sa volonté de faire bouger les lignes d’un secteur qui a connu une croissance continue depuis 30 ans, mais qui a du mal à se réformer, à faire bouger son organisation, à créer des cadres de coopérations performants comme on peut en trouver en Suisse par exemple. Reconnaissons que nous n’avons pas vraiment la culture de la coopération, et que les acteurs sont plutôt éparpillés façon puzzle.

Pourquoi c’est l’impôt qui devrait financer la promotion touristique ?

La filière tourisme n’est pas confronté à des (vrais) problèmes de demandes, mais plutôt à des enjeux d’offre. A cet effet demander toujours plus de moyens aux pouvoirs publics pour soutenir l’attractivité de la France n’est pas vraiment une priorité. Quand bien même il est inconstatable que nous serons de plus en plus concurrencé, il faut valider que la demande n’a jamais été aussi soutenue et que la France n’a jamais été aussi attractive, les images des Jeux de Paris devraient d’ailleurs nous aider à tenir notre rang quelques années encore.

La question qu’un ministre du tourisme devrait se poser sur ce sujet, c’est de savoir pourquoi le financement des campagnes de promotion de la destination France, incomberait aux pouvoirs publics ? Pourquoi c’est l’impôt qui devrait financer la promotion touristique ? Ce n’est pas l’impôt qui finance le marketing du vin, des fromages ou des produits agro-alimentaires qui sont par définition très identitaire des territoires.

Pourquoi les principaux acteurs de l’économie touristique française ne financeraient-ils pas une partie de ces actions de marketing, et de citer les pétroliers et les concessionnaires autoroutiers qui sont de loin les plus gros bénéficiaires de l’économie touristique nationale ? Voilà une vraie question à laquelle un ministre du tourisme ou un secrétaire d’État au tourisme devrait répondre et proposer des améliorations.

La transition écologique du tourisme, une priorité

Pour revenir aux missions régaliennes qui incombe à l’État en matière de tourisme, il y a en priorité l’accompagnement à la transition écologique du tourisme : sur ce sujet, l’État est attendu depuis quelques années dans un rôle qu’il n’a jamais voulu assumer. Organiser la COP du tourisme et définir les objectifs de la filière pour réduire ses émissions de Gaz à effet de serre.

On pourra mettre le mot durable à toutes les sauces, dans tous les titres de colloques, dans tous les schémas, sans feuille de route, sans objectifs, sans indicateurs, et surtout sans moyens, on n’avancera pas sur ce sujet, et le tourisme restera, en France, une filière « qui pollue plus » qu’elle ne rapporte économiquement.

La situation à laquelle nous sommes confrontés, c’est d’un côté de plus en plus de chefs d’entreprises qui s’engagent concrètement dans des logiques de transition, et de l’autre, des collectivités qui subventionnent des lignes low cost. Le « en même temps » ne marche pas, et c’est bien à l’État de prendre ses responsabilités et de réglementer les enjeux de transition, et d’interdire purement et simplement ce type d’aides.

Pour ce qui est des moyens, l’ADEME a été un partenaire performant, à qui il faut donner les moyens de poursuivre et d’amplifier ce qui a été engagé avec le Fond de Tourisme Durable. C’est peut-être la principale mission d’un ministre du tourisme en 2024, soutenir les efforts engagés par l’ADEME.

Soutenir l'offre

Autre mission régalienne, accompagner l’offre. Plus personne n’attend l’État sur des grandes missions d’aménagement comme il en a mené il y a 50 ans sur les littoraux français, mais pour autant l’État doit innover pour soutenir l’évolution de l’offre au regard de la demande.

Initier quelques appels à manifestation d’intérêts pour accompagner la structuration d’une nouvelle offre en moyenne montagne serait une manière originale et performante pour encourager des partenariats publics privés, et concrétiser ce qui reste un vœux pieu : la montagne 4 saisons.

Dans cette veine, un ministre du tourisme pourrait s’inspirer de ce qui a été engagé en Irlande en allant dans le sens de ce que plusieurs Régions ont déjà initié : créer des foncières afin de soutenir la modernisation des petits hôtels et camping ruraux, et encourager les habitants à investir dans ces foncière avec à la clé de la défiscalisation.

Une mesure qui a fait ses preuves et qui aurait pour objectif d’enrayer la fermeture de ces hébergements ruraux historiques. Il faut changer de paradigme, la défiscalisation aux seuls bénéfices de la promotion immobilière c’est fini, le levier de la défiscalisation doit prioritairement concerné les enjeux de modernisation de l’offre rurale, et favoriser ainsi la transmission des biens.

Le droit aux vacances

Et puis on attend surtout l’État, dans sa capacité à faire en sorte que le droit aux vacances ne soit pas bafoué chaque été. 25 millions de français qui ne partent pas en vacances, ça ne peut plus durer.

L’ANCV date de 1982, un ministre du tourisme en 2024 se doit d’innover pour faire évoluer le taux de départ des Français. Au-delà d’un enjeu de justice sociale, il faut aussi comprendre que faire partir plus de familles en vacances, c’est un enjeu de croissance de l’économie touristique. Ne parlons pas de Grenelle du tourisme social, mais d’un RDV avec tous les acteurs concernés, CAF, CSE, CCAS, ANCV … pour faire bouger les lignes et proposer un nouveau cadre de soutien aux départs en vacances

Ministre de plein droit, ministre délégué, secrétaire d’État, voir même haut-commissaire, peu importe le rang dans le gouvernement ou le titre, ce sont les idées qui comptent. Les mots aussi, et pour avoir repris tous les premiers discours des ministres du tourisme de ces 15 dernières années, s’il y a un mot que le futur édile pourrait s’abstenir de prononcer c’est de faire référence au « potentiel du tourisme en France ».

Plus que de potentiel, parlons des progrès attendus, des moyens que nous voulons y consacrer et de la méthode collective qui nous permettra d’atteindre nos objectifs.

Et plutôt que d’attendre ce futur ministre tel un sauveur, commençons peut-être par créer les conditions de coopération entre acteurs, entre filières entre fédérations qui agissent trop souvent en contre-pouvoir. En prenant un peu de recul on ne peut pas dire que l’écosystème du tourisme français soit des plus rationnels si on se compare à nos voisins.

C’est peut-être par là qu’il faudrait commencer.

Jean Pinard - Mini Bio

Jean Pinard - DR
Jean Pinard - DR
Président de la société de conseils Futourism :

Forestier et géographe de formation, Jean Pinard a toujours travaillé dans le secteur des sports et du tourisme.
Moniteur de kayak, chauffeur de bus, guide, gestionnaire de sites touristiques, directeur de CDT et de CRT (Auvergne et Occitanie), Jean Pinard est redevenu consultant, son premier métier à la SCET, à la fin de ses études.

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Tags : jean pinard
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