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Ulysse : comment la start-up apprend à vivre sans levée de fonds ? 🔑

l'interview d'Axel Guidicelli, cofondateur d'Ulysse


En 2022, Ulysse devait faire une levée de fonds record, entre 15 et 20 millions, pour devenir un acteur mondial de la réservation aérienne. Puis le marché s'est retourné. La guerre en Ukraine et l'arrêt de la planche à billets ont mis remis à plus tard les rêves de grandeur de la start-up. Dorénavant, Ulysse vise la rentabilité, avec une équipe resserrée, mais elle n'abandonne pas pour autant ses ambitions. Rencontre tout en transparence, avec Axel Guidicelli, un dirigeant apaisé et heureux de diriger une entreprise plus saine.


Rédigé par le Lundi 19 Février 2024

Rencontre toute en transparence, avec Axel Guidicelli, le confondateur d'Ulysse - Compte Linkedin Axel Guidicelli
Rencontre toute en transparence, avec Axel Guidicelli, le confondateur d'Ulysse - Compte Linkedin Axel Guidicelli
TourMaG.com - Nous avions longuement échangé à l'été 2022, suite à la levée de fonds qui n'a finalement pas eu lieu. Ulysse a dû apprendre à vivre sans les 15 ou 20 millions espérés. Comment se passe, cette nouvelle vie ?

Axel Guidicelli :
Nous avons restructuré toute la boite.

A partir de là, nous avons lancé l'opération rentabilité.

Même si je n'en parle publiquement que depuis le début de l'année 2024, nous avons enclenché cette vitesse, il y a presque 2 ans maintenant, à l'été 2022.


Quand vous avez construit une entreprise pour qu'elle soit au service des levées de fonds et assurer une croissance très rapide, vivre de ses revenus du jour au lendemain est un arrêt violent. Nous avons du tout revoir de A à Z.

Faire ce changement est difficile et beaucoup d'entreprises n'y arrivent pas et vont au tapis.

Finalement, les start-up comptaient pas mal sur les levées de fonds pour vivre quelques années. Puis la sortie du covid et la montée des taux ont fait que l'argent s'est raréfié et elles ont dû apprendre à devenir rentables, et vite.

Sauf que beaucoup de modèles ne sont pas faits pour dégager des bénéfices en seulement quelques mois.


Rentabilité : "Nous avons fait le plus gros, mais le plus dur est à venir"

TourMaG.com - Etait-ce votre cas ?

Axel Guidicelli : Lorsque le covid nous a frappés, nous faisions un faible volume d'affaires. Mais au moment où la levée de fonds a avorté, notre activité était très intéressante.

Finalement, cela est tombé sans doute au meilleur moment, pour Ulysse.

Le chemin pour atteindre la rentabilité n'était pas impossible, mais juste compliqué. Sauf que, pour d'autres, ce n'est pas du tout envisageable. Après des tours de table se font quand même, mais dans des conditions bien plus complexes que par le passé.


TourMaG.com - Maintenant, vous visez la rentabilité à la fin de l'année 2024, est-ce bien l'objectif ?

Axel Guidicelli :
Nous voulons l'être sur l'ensemble de l'exercice.

L'activité du secteur est fortement marquée par la saisonnalité des réservations, donc ce n'est pas une obligation de dégager des bénéfices. Nous aimerions être rentables en mars, puis potentiellement sur d'autres mois de l'année bien sûr.


TourMaG.com - Et d'après les informations que vous partagez, vous n'en êtes pas si loin, avec un volume d'affaires de 2 427 351 €, entre le 1er janvier et le 16 février 2024, pour un résultat net de seulement -12 612 €...

Axel Guidicelli :
Nous ne sommes pas si loin que ça, mais ce n'est pas si simple.

Les 20% qui restent sont souvent les plus durs. Et tant que nous ne sommes pas rentables, de l'argent sort tous les mois et donc ce n'est pas optimal. Nous avons fait le plus gros du travail, mais le plus dur est à venir.

"Une de nos erreurs a été de ne pas nous concentrer sur le marketing"

TourMaG.com - D'après vous, que vous manque-t-il pour atteindre la rentabilité ?

Axel Guidicelli :
L'année dernière, nous avions fait un gros travail sur nos coûts et la diversification de nos revenus.

Nous n'avions pas véritablement cherché à augmenter le nombre de ventes que nous générions, mais plutôt à faire en sorte de maximiser la rentabilité, avec ce volume.

Nous voulions assainir le modèle.


De l'été 2022 à celui de 2023, c'était le gros de notre boulot. Nous sommes arrivés au bout de l'optimisation des process et des coûts, depuis maintenant 6 mois, nous essayons d'augmenter nos ventes.

Nous sommes repartis sur une logique de croissance de clients, en actionnant de nouveaux leviers d'acquisition.


TourMaG.com - Quels pourraient être ces leviers ?

Axel Guidicelli :
Nous sommes plutôt orientés sur un développement en BtoC.

Jusqu'en 2022, nous faisions très peu de marketing, nous nous reposions sur le bouche-à-oreille et des partenariats en BtoB.

Nous nous sommes rendu compte que nous ne pouvions pas démultiplier nos clients et les billets d'avion vendus. Nous préférons nous concentrer sur des leviers pour nous permettre de dessiner une courbe de croissance exponentielle.


TourMaG.com - Mais cela passe par l'achat de mots clés ou avez-vous identifié d'autres leviers ?

Axel Guidicelli :
Ce n'est pas la seule manière d'atteindre une bonne croissance.

Les réseaux sociaux sont un des leviers que nous avons identifié. C'est un de nos focus à venir. Nous avons notre carte à jouer. Après il existe d'autres opportunités, comme le SEO.

Une de nos erreurs a été de trop nous concentrer sur le produit et pas assez sur le marketing.

Nous préparons le lancement d'une nouvelle marque, plus alignée sur ce que nous voulons être.

"C'est une nouvelle boite et je suis un peu un nouvel entrepreneur"

"Nous redescendons tous sur terre et ça fait du bien, je suis plus à l'aise avec ce quotidien. Je pense que c'est allé un peu trop loin," selon Axel Guidicelli - Ulysse
"Nous redescendons tous sur terre et ça fait du bien, je suis plus à l'aise avec ce quotidien. Je pense que c'est allé un peu trop loin," selon Axel Guidicelli - Ulysse
TourMaG.com - Le bouche-à-oreille 3.0 était un de vos axes de développement, ce n'était pas suffisant ?

Axel Guidicelli :
Vous savez avoir un super produit et service, si personne ne les connait, ça ne sert à rien.

Après nous avons réussi à grossir grâce au bouche-à-oreille, mais nous avons atteint certaines limites. Arriver à faire 1,5 million d'euros de volume par mois, c'est déjà très bien, mais nous sentons qu'il est compliqué de faire mieux.

A lire : Ulysse : la start-up qui se passe des GDS et se rêve en Trainline de l'aérien

Si nous avions fait du marketing, nous ne serions pas à ce volume et nous serions peut être déjà rentables. Les entrepreneurs qui montent leur 1er boite font souvent cette erreur : se focaliser sur le produit.

Ils oublient la distribution, de faire en sorte qu'il soit visible et que les gens l'achètent


Avant l'été dernier, le marketing était presque un gros mot. S'il y avait une chose à changer dans notre aventure, ce serait ça.


TourMaG.com - Depuis 2022, avez vous l'impression d'avoir changé de statut, en passant de ce lui de startupper à celui d'entrepreneur ?

Axel Guidicelli :
Vous avez totalement raison.

Mon ambition est intacte, en revanche, je suis plus sûr de mes forces et compétences. J'ai un peu l'impression d'avoir monté une deuxième entreprise, après avoir planté la première.

Finalement, je suis plutôt dans un deuxième cycle d'entrepreneur. Nous avons tout repris de 0, rendu plus sain le modèle, c'est une nouvelle boite et je suis un peu un nouvel entrepreneur.

La fin des levées de fonds sans limite : "Nous redescendons tous sur terre et ça fait du bien"

TourMaG.com - Après coup, vous auriez changé d'autres choses à votre parcours ?

Axel Guidicelli :
C'est toujours un peu facile de juger après coup.

J'ai appris à beaucoup mieux gérer une entreprise financièrement. Nous le faisions avant, mais à un autre niveau. Au-delà du marketing, je pense que si je devais changer quelque chose, alors dès le début je mettrais en place une véritable rigueur financière.


TourMaG.com - N'est ce pas le problème des levées de fonds ? Les dirigeants de start-up perdent un peu la tête avec cet argent qui arrivent finalement assez facilement et en grande quantité.

Axel Guidicelli :
Evidemment, quand tu as de telles sommes, tu ne réfléchis plus autant sur la façon de dépenser un euro.

Il est plus facile de tenter des choses, sans vraiment réfléchir, alors qu'en se posant un peu, certaines idées n'auraient pas été testées, car le risque de se planter était trop fort.

Les levées de fonds ouvrent des possibilités, mais bien souvent elles n'ont aucun intérêt à être lancées.

A la base, nous voulions une entreprise autofinancée, donc sans passer par la case levée de fonds.


TourMaG.com - Vous auriez aimé être plus suivi et conseillé au quotidien ? Avoir une personne qui vous rappelle à une certaine réalité.

Axel Guidicelli :
Je suis d'accord, avoir... un peu d'éducation financière.

Lancelot avait 20 ans, j'en avais 25 ans, nous étions très jeunes au moment de lancer Ulysse. Très vite, nous avons levé 1 million d'euros c'était énorme, puis 4 millions d'euros.

A lire : Billets d'avion : Ulysse veut "devenir une boîte mondiale"

Il aurait été plus intelligent de bloquer une partie de cette somme, pour faire mieux avec moins et de la débloquer qu'en cas de pépin. De plus, il y a quelques années, les bureaux des start-up, c'était vraiment n'importe quoi.

J'ai rencontré le patron d'une autre start-up qui ambitionnait de lever une somme autrement plus importante que la notre, pour cela, il imaginait que la crédibilité de son entreprise pour finaliser cette levée passait par posséder de beaux bureaux.

Le raisonnement n'est pas déconnant, mais finalement ce sont des postes de dépenses énormes. Nous redescendons tous sur terre et ça fait du bien. Je suis plus à l'aise avec ce quotidien. Je pense que c'est allé un peu trop loin.

De base, les levées de fonds ne sont pas une mauvaise chose.

Ulysse : "Nous sommes passés de 35 à 10 personnes..."

TourMaG.com - A quoi ressemble Ulysse maintenant ?

Axel Guidicelli :
Nous sommes passés de 35 à 10 personnes, à cela s'ajoutent quelques freelance.

Les bureaux ont grandement réduit aussi, passant de plus de 200 m² à 85 m² (rires, ndlr). Être l'assistant personnel du voyageur est dans notre ADN, de lui apporter des informations et l'aider dans ses préparatifs sur son voyage.

Nous allons de plus en plus sur cette vision, en intégrant notre communauté, d'où la nouvelle marque.


TourMaG.com - Que ressortez-vous comme expérience de votre série de posts "Road to 0 euro" sur Linkedin ?

Axel Guidicelli :
A la base ce n'est pas vraiment un exercice que j'aime, mais je me suis dit que c'était mon rôle de partager notre quotidien et d'être visible, pour exposer un peu plus médiatiquement Ulysse.

Sur cette plateforme, habituellement les témoignages sont assez faux et je n'ai pas de leçon à donner à personne, si ce n'est partager mon expérience au quotidien.

Je partage les vrais chiffres d'Ulysse, je suis totalement transparent. Finalement, ce discours de vérité correspond bien à mes valeurs et à celles de l'entreprise.

Le fait d'être aussi tranché plait, même si les chiffres ne sont pas toujours bons (rires, ndlr).

Je ne pensais pas du tout avoir autant de retours, en si peu de temps. Au-delà de la visibilité, j'ai aussi l'impression que les gens ont un peu envie de nous aider.

J'ai des contacts de personnes qui cherchaient des prestataires pour leurs billets d'avion, au lieu de se tourner vers une autre entreprise, ils nous ont auditionnés. Certains ont vraiment envie de nous donner un coup de pouce, pour atteindre la rentabilité.


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